Exigences de véracité d’une publicité
Exigences de véracité d’une publicité
Ce point juridique est utile ?

Une publicité qui présente les avantages procurés tant aux concessionnaires qu’à leurs clients en vantant pour les premiers i) la simplification administrative par l’existence d’un seul donneur d’ordre, l’enregistrement informatique du gravage antivol en 3 minutes et la fin de la gestion des stocks, ii) la libération de temps en atelier, iii) la sérénité par l’envoi de l’attestation de gravage par le prestataire, des avantages sur la franchise vol, l’identification de leur deux-roues au fichier Argos, ne présente aucun caractère trompeur dès lors que ces éléments sont vérifiables.  

Le modèle commercial promu par l’annonceur consiste en une offre faite aux concessionnaires d’externalisation du processus de gravage des véhicules, d’une part en le faisant réaliser avant livraison par la société, d’autre part en confiant à la société la collecte des données relatives au véhicule et à son propriétaire final, leur enregistrement auprès du fichier national d’identification et la délivrance de l’attestation de gravage.

Le service ainsi vendu tend à décharger les concessionnaires aussi bien de l’exécution matérielle que d’une partie de la gestion administrative du gravage, seule leur restant une tâche de transmission informatique des données relatives à l’identité du propriétaire final et à l’immatriculation du véhicule.

Dans ces conditions, les allégations de simplification administrative, de gain de temps et de « sérénité » ne peuvent être qualifiées de fausses ou de nature à induire en erreur. La présentation des avantages pour les clients ne comportent pas d’allégations mensongères ou de nature à induire en erreur, constitutives d’une publicité trompeuse.

Pour rappel, selon l’article L.121-2 du code de la consommation, est définie comme trompeuse une pratique commerciale qui :

— créé une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial, ou un autre signe distinctif d’un concurrent,

— repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur suivant la liste donnée par ces dispositions,

— entretient une incertitude quant à l’identité de la personne pour le compte de laquelle elle est mise en œuvre.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 20 MAI 2021

Appel d’un Jugement (N° RG 2016J368) rendu par le Tribunal de Commerce de ROMANS SUR ISERE en date du 26 septembre 2018 suivant déclaration d’appel du 25 Octobre 2018

APPELANTE :

SAS AUVRAY

Société à Responsabilité Limitée immatriculée au RCS de ROMANS SUR ISÈRE sous le numéro 488 087 719, représentée par son gérant en exercice, Monsieur X Y, domicilié en cette qualité audit siège,

[…]

[…]

représentée par Me Z A de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau d e G R E N O B L E , p o s t u l a n t e t p l a i d a n t p a r M e B E R T I N d e l a S C P B E R T I N & PETITJEAN-DOMEC, avocat au barreau de LYON

INTIMÉES :

Société AMV

SAS au capital de 280.200 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Bordeaux sous le numéro B 330 540 907, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Société VMA

SARL au capital de 8.000 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Bordeaux sous le numéro B 420 780 371, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

représentées par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me Caroll GOSSIN, avocat au barreau de PARIS

SAS D B C

SAS au capital de 300 000 €, immatriculée au registre du commerce et des sociétés sous le numéro 535 078 117 RCS ROMANS, prise en la personne de son Président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

représentée par Me Sandrine CUVIER de la SELARL AEGIS, avocat au barreau de VALENCE substituée et plaidant par Me MILLIAT, avocat au barreau de VALENCE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Patricia GONZALEZ, Présidente,

Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme Alice RICHET, Greffière.

DÉBATS :

A l’audience publique du 17 Mars 2021

Mme BLANCHARD, conseillère, a été entendue en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,

Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour, après prorogation du délibéré

EXPOSE DU LITIGE :

La Sas Auvray exploite une activité de fabrication et distribution de systèmes de sécurité antivol destinés aux véhicules deux roues.

Elle a conçu et développé un dispositif de gravage mécanique intégrant le traitement automatisé et simultané des données d’identification de ces véhicules, qui a fait l’objet du dépôt d’une demande de brevet le 8 décembre 2014.

La société VMA commercialise des systèmes de gravage antivol de véhicules deux roues, sous les marques AMV Sécurité et Yamaha Protect.

Depuis 1998, elle est agréée par l’association SRA en qualité de société de gravage.

La Sas D B C exploite une activité de logistique et assure pour le compte de constructeurs de motos, le transport de leurs véhicules en vue de leur distribution par le réseau de revendeurs.

Dans le courant de l’année 2014, les sociétés VMA et D B C se sont rapprochées pour élaborer une offre de service de gravage avant livraison aux concessionnaires de deux roues.

Se prévalant de la contrefaçon de son procédé de gravage, la société Auvray a obtenu du président du tribunal de commerce de Paris le 16 septembre 2016, une autorisation de procéder à une mesure de saisie-contrefaçon au sein de la société B C. Ces opérations ont été diligentées par ministère d’huissier du 12 au 20 octobre 2016.

Sur les assignations délivrées par la société Auvray et par jugement du 26 septembre 2018, le tribunal de commerce de Romans sur Isère a :

— débouté la société Auvray de ses demandes à l’encontre des sociétés VMA, AMV et D B C,

— condamné la société Auvray à payer aux sociétés VMA et AMV la somme de 7.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société Auvray à payer à la société D B C la somme de 7.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— mis les dépens à la charge de la société Auvray.

Suivant déclaration au greffe du 25 octobre 2018, la société Auvray a relevé appel de cette décision.

Au terme de ses conclusions n°4 notifiées le 22 décembre 2020, la société Auvray demande à la cour, au visa des articles 1382 et 1383, devenus 1240 et 1241, du code civil, L.121-1 du code de la consommation, devenu les articles L.121-2, L.121-3, L.121-4, L.121-5 et l’article L.121-1-1 devenu l’article L.121-4 du même code, de :

— annuler et en toute hypothèse réformer le jugement entrepris,

— condamner solidairement les sociétés D B C, AMV et VMA à payer à la société Auvray, la somme de 200.000 euros pour parasitisme et concurrence déloyale,

— à défaut et avant dire droit,

— ordonner aux sociétés MVA, AMV et D B C leurs bilans et comptes de résultat détaillés, avec leurs annexes pour les exercices comptables 2017 et 2019, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l’arrêt à intervenir et se réserver le pouvoir de liquider l’astreinte,

— surseoir à statuer sur la liquidation du préjudice dans l’attente de la communication des comptes,

— ordonner la publication du jugement à intervenir sur le site Internet des sociétés D B C, AMV et MVA pendant une durée de 6 mois à compter de la signification du jugement à intervenir et dans deux journaux au choix de la société Auvray,

— condamner solidairement les sociétés AMV, MVA et D B C à payer à la société Auvray, la somme de 15.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens d’appel distraits au profit de Maître Z A, et ceux de première instance, en ce compris les frais de saisie contrefaçon sur le jugement exécutoire en toutes ses dispositions, distraits au profit de Maître Laurent Bertin, avocat associé de la Scp Bertin & Petitjean-Domec, avocat sur son affirmation de droit.

La société Auvray expose que les parties à l’instance se trouvent en situation de concurrence directe dès lors qu’elles proposent à des concessionnaires revendeurs, un service de gravage de véhicules deux roues, agréé par l’association SRA, ce qu’aucune d’entre elles ne conteste.

Elle reproche aux sociétés D B C, AMV et VMA de s’être placées dans son sillage pour fabriquer et commercialiser leur propre système de gravage de véhicules deux roues, en contournant son brevet d’invention, d’avoir fait usage de publicité trompeuse pour vanter les mérites de leur système et d’avoir procédé à un démarchage déloyal.

Elle relève que l’offre commerciale est mensongère en ce qu’elle n’identifie pas clairement son auteur alors qu’elle émane en réalité de la société AMV, courtier en assurances, sous couvert d’une marque lui appartenant : « AMV Sécurité » et au travers d’une société écran VMA, dont elle est le seul associé, qui bénéficie ainsi de la notoriété de la société d’assurance.

Elle ajoute que la publicité est également trompeuse notamment en ce que :

— le gravage promu ne respecte pas le cahier des charges de l’association SRA,

— elle vante un gain de temps fallacieux puisque le gravage réalisé par la société B C ne permet pas l’enregistrement simultané sur le fichier national Argos de l’ensemble des données d’identification du véhicule et de son propriétaire,

— elle prétend faussement mettre un terme à la gestion des stocks de dossiers de gravage, alors que le système impose au concessionnaire de disposer d’un stock de codes d’activation permettant l’accès au fichier Argos,

— elle promet un gain financier illusoire, alors que tous les consommateurs ne font pas enregistrer leur véhicule dans le fichier Argos,

— elle met en avant une qualité Premium du système qui ne correspond à rien, seul l’agrément SRA du gravage antivol ayant une valeur, et alors que les opérations de saisie contrefaçon ont permis de constater que le système AMV Sécurité / B C, qui dissocie la collecte des données personnelles de la vente et la souscription au gravage, est techniquement moins évolué que celui développé par la société Auvray.

Elle relève la confusion d’intérêts entre les sociétés AMV et VMA, la première communiquant au

travers de sa marque AMV Sécurité sur une activité qu’elle n’a pas le droit d’exercer et recueillant ainsi des données utiles à la commercialisation de produits d’assurance et la seconde bénéficiant de la notoriété de la société AMV.

Elle soutient que les sociétés AMV et B C ont démarché ses clients et prospects en abusant de leur position dominante dans le domaine de la logistique, menaçant les distributeurs concernés de représailles.

La société Auvray estime que ces agissements déloyaux et fautifs lui causent nécessairement un préjudice et qu’en l’absence de dépôt de leurs comptes par les sociétés AMV, VMA et B C, elle n’est pas en mesure d’évaluer les produits réalisés grâce à ce service de marquage.

Selon ses conclusions notifiées le 29 décembre 2020, la société D B C (B C) entend voir :

— confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

— y ajoutant :

— condamner la société Auvray à verser à la concluante, une indemnité de 15.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Auvray aux entiers dépens de l’instance.

La société B C conteste tout comportement de parasitisme en faisant valoir que :

— acteur de la distribution de véhicules deux roues, elle n’est pas en situation de concurrence directe avec la société Auvray dont l’activité est la fabrication et la commercialisation de systèmes anti-vol et procédés de marquage,

— les faits mis en avant par la société Auvray sont imputés aux seules sociétés VMA et AMV,

— il n’y a pas d’imitation du système de gravage développé par la société Auvray et protégé par sa demande de brevet,

— le système commercialisé par la société Auvray a pour cible les concessionnaires qui réalisent eux-mêmes le marquage à l’aide du matériel qu’elle a mis au point et permet de procéder simultanément au gravage et à l’enregistrement des données sur le fichier national Argos, alors qu’elle se contente de proposer un service de gravage avant livraison, utilisant un matériel fourni par une société Mecagrav, mais ne procède pas au traitement informatique des données,

— compte tenu de ces différences, il ne peut y avoir de confusion dans l’esprit de la clientèle entre les deux systèmes,

— la société Auvray ne peut lui reprocher d’avoir développé une idée similaire à la sienne alors qu’elle ne s’est pas appropriée aucun savoir faire, ni réalisé aucune économie, ayant acquis le matériel auprès de la société Mecagrav et rémunérant la prestation de traitement des données réalisée par la société VMA.

Elle relève qu’elle n’est pas concernée par le grief de confusion allégué à l’encontre de la société VMA pour l’utilisation de la marque AMV Securité et conteste l’interprétation faite par la société Auvray des termes de la publicité qu’elle qualifie de trompeuse, soulignant que le cahier des charges de l’association SRA n’impose pas que le gravage soit réalisé par un concessionnaire et qu’elle est agréée par la société VMA, elle-même agréée SRA.

Elle soutient que le gain de temps et l’absence de stock à gérer vantés sont réels puisque son offre décharge le concessionnaire de l’opération matérielle de gravage et ne lui laisse que la transmission des données personnelles du propriétaire à la société VMA qui se charge d’établir le dossier de gravage auprès du Gie Argos, ce qui dispense le concessionnaire de se fournir en stock de codes d’enregistrement.

Elle conteste tout abus de position dominante et tout démarchage de la clientèle de la société Auvray.

Enfin, elle considère que si lorsque la concurrence déloyale est démontrée, le préjudice est nécessairement constitué, la société Auvray n’est pas dispensée d’en établir l’étendue.

Suivant leurs dernières écritures notifiées le 16 décembre 2020, les sociétés VMA et AMV sollicitent de la cour :

— la confirmation en tous points du jugement

— y ajoutant :

— la mise hors de cause de la société AMV,

— la publication de l’arrêt à intervenir sur le site internet de la société Auvray et celui de VMA pendant une durée de six mois à compter de la signification de l’arrêt et dans le journal L’Officiel du Cycle et de la Moto dans deux publications mensuelles, au frais de la société Auvray dans la limite de 20.000 € par insertion,

— la condamnation de la société Auvray à verser à chacune des sociétés AMV et VMA la somme de 20.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— la condamnation de la société Auvray aux entiers dépens.

Elles exposent qu’en dehors de leurs liens capitalistiques, elles constituent deux entités juridiquement autonomes exerçant des activités distinctes :

— la société VMA exploite la marque AMV Sécurité appartenant à la société AMV qui l’y autorise, sans que cela puisse révéler une confusion entre les deux,

— la société AMV est un courtier en assurances qui ne réalise pas d’opération de gravage et n’est pas impliquée dans les actes de concurrence déloyale allégués.

Elles font valoir que :

— la solution de gravage proposée par la société VMA est bien distincte de celle de la société Auvray,

— la société VMA n’a pas profité des travaux de développement de la société Auvray, le dispositif par pistolet à micro-percussion lui ayant été proposé par la société Mecagrav qui disposait de cet outil depuis longtemps et l’a perfectionné à la demande des utilisateurs que sont les concessionnaires,

— le procédé n’est pas aussi perfectionné que celui mis au point par la société Auvray,

— s’agissant d’une offre commerciale distincte, la société Auvray ne prouve pas avoir subi un préjudice.

La société VMA conteste le caractère mensonger de sa publicité et tout démarchage de la clientèle de la société Auvray aux motifs que :

— il n’y a aucune confusion possible entre elle et la société AMV, dont elle ne fait qu’utiliser la marque avec le consentement de son titulaire,

— la société AMV ne profite pas de ses fichiers de données qui sont déclarés distinctement auprès de la Cnil,

— le cahier des charges de l’association SRA n’impose ni que le graveur soit un concessionnaire, ni que l’opération doit réalisée dans les locaux du concessionnaire,

— ce dernier, dans l’offre de service proposée, procède uniquement à l’enregistrement informatique des données personnelles de son client en quelques minutes sur un serveur sécurisé mis à sa disposition, et se trouve bien déchargé de la gestion des codes d’enregistrement.

Elle considère que la société Auvray ne fait pas la démonstration du préjudice qu’elle allègue et soutient qu’elle n’a bénéficié d’aucun avantage économique indû, son propre volume d’affaires étant demeuré constant depuis 2012.

La clôture de la procédure est intervenue le 7 janvier 2021.

MOTIFS DE LA DECISION :

Le principe des libertés fondamentales du commerce et de l’industrie autorise le commerçant à gérer à sa convenance son entreprise sur un marché concurrentiel et lui confère la liberté d’attirer la clientèle, y compris de ses concurrents, sans engager sa responsabilité.

A l’aune de ces principes, ne peut être constitutif de concurrence déloyale, que l’exercice fautif de ces libertés, conduisant à détourner la clientèle d’un concurrent, à nuire à ses intérêts par des moyens contraires à la loi, aux usages loyaux du commerce ou à l’honnêteté professionnelle.

Fondée sur la responsabilité civile délictuelle, la sanction d’actes de concurrence déloyale suppose établie l’existence d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité.

1°) sur le parasitisme:

L’acte fautif de parasitisme consiste, pour un acteur économique, à se placer dans le sillage d’un concurrent et de profiter, sans contrepartie, du fruit de ses investissements, de son travail, de sa renommée, réalisant ainsi des économies et acquérant de ce fait un avantage concurrentiel indû.

Ainsi que l’a rappelé avec justesse le tribunal, la seule commercialisation d’un procédé identique à celui, antérieur, d’un concurrent ne constitue pas une faute.

Des explications fournies par la société Auvray dans ses écritures, comme de la comparaison des constatations réalisées par l’huissier de justice dans le cadre de la saisie-contrefaçon et du descriptif du procédé de marquage de la demande de brevet déposée par la société Auvray, il ressort clairement que si le système de gravage proposé par cette dernière et celui mis en ‘uvre par la société B C utilisent une technique de gravage par percussion identique, ils se distinguent par le couplage du premier système à un dispositif de lecture optique et de gestion des données de marquage par connexion à la base de données du fichier national d’identification des véhicules géré par le Gie Argos.

Ce dispositif permet l’acquisition directe des données à graver, sans saisie manuelle par l’opérateur et leur verrouillage à l’issue, contrairement au système utilisé par la société B C, qui requiert, lui, cette opération de saisie manuelle.

Il est par ailleurs établi que le matériel de marquage électroportatif présenté à l’huissier de justice par la société B C est un modèle standard fabriqué par la société Pryor et commercialisé par la société Mécagrav.

Les deux dispositifs n’offrent donc pas les mêmes fonctionnalités et celui utilisé par la société B C ne bénéficie nullement des améliorations techniques apportées par la société Auvray.

Cette dernière commercialise auprès des concessionnaires et distributeurs de véhicules deux roues un matériel et système de gravage leur permettant de procéder eux-mêmes au gravage et à l’enregistrement sécurisé des données dans le fichier national d’identification au moment de la vente des véhicules, quand les sociétés VMA et B C leur proposent un service d’une part de gravage avant livraison, d’autre part d’enregistrement des données après vente.

Il ne ressort pas des éléments soumis à la cour que les sociétés B C et VMA ont tiré profit des développements techniques apportés par la société Auvray au système de gravage, ni qu’elles se sont placées dans son sillage, son offre commerciale étant manifestement différente et visant, non pas tant à faciliter le gravage, qu’à en soulager les concessionnaires.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a écarté l’existence d’actes de concurrence parasitaire.

2°) sur la publicité trompeuse :

La société Auvray se plaint d’un seul et unique encart publicitaire tiré de la revue L’Officiel du Cycle et de la Moto du mois de juin 2016, dont le message est le suivant :

«  Vendez plus de gravages’sans graver ! AMV Sécurité et B C révolutionnent le gravage antivol” ;

« AMV Sécurité et B C ont uni leurs forces pour vous proposer de graver les motos neuves avant livraison, comme dans l’automobile. Résultat : en incluant cette prestation dans les frais de mise à la route, vous allez gagner beaucoup de temps ‘ et d’argent tout en garantissant à vos clients un gravage Premium agréé SRA ».

La cour observera que par son libellé, cette annonce est destinée aux professionnels que sont les distributeurs de véhicules deux roues.

Selon l’article L.121-2 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au mois de juin 2016, est définie comme trompeuse une pratique commerciale qui :

— créé une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial, ou un autre signe distinctif d’un concurrent,

— repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur suivant la liste donnée par ces dispositions,

— entretient une incertitude quant à l’identité de la personne pour le compte de laquelle elle est mise en œuvre.

La publicité en cause présente les avantages procurés tant aux concessionnaires qu’à leurs clients en vantant pour les premiers :

— la simplification administrative par l’existence d’un seul donneur d’ordre, l’enregistrement informatique du gravage en 3 minutes et la fin de la gestion des stocks,

— la libération de temps en atelier,

— la sérénité par l’envoi de l’attestation de gravage par AMV Sécurité, et pour les seconds :

— un gravage Premium agréé SRA,

— des avantages sur la franchise vol,

— identification de leur deux-roues au fichier Argos.

a) sur la présentation des avantages pour les concessionnaires :

Le modèle commercial promu par les sociétés VMA et B C consiste en une offre faite aux concessionnaires d’externalisation du processus de gravage des véhicules, d’une part en le faisant réaliser avant livraison par la société B C, d’autre part en confiant à la société VMA la collecte des données relatives au véhicule et à son propriétaire final, leur enregistrement auprès du fichier national d’identification et la délivrance de l’attestation de gravage.

Le service ainsi vendu tend à décharger les concessionnaires aussi bien de l’exécution matérielle que d’une partie de la gestion administrative du gravage, seule leur restant une tâche de transmission informatique des données relatives à l’identité du propriétaire final et à l’immatriculation du véhicule.

Dans ces conditions, les allégations de simplification administrative, de gain de temps et de « sérénité » ne peuvent être qualifiées de fausses ou de nature à induire en erreur.

b) sur la présentation des avantages pour les clients :

La société VMA justifie bénéficier de l’agrément de l’association SRA, en qualité de société de gravage.

C’est donc sur elle que pèsent les obligations de recollement des données et de contrôle de leur intégrité et vraisemblance, la société B C n’intervenant que sur sa délégation pour procéder à l’opération technique de gravage, au même titre qu’un concessionnaire qui ne serait pas lui même directement agréé par l’association SRA et qui concluerait avec la société Auvray une convention de centre graveur et de mise à disposition de matériel.

Si la proposition commerciale de la société VMA décompose le processus de gravage entre ses phases technique et administrative, elle demeure seule responsable de sa cohérence et de sa sécurité à l’égard de l’association SRA et du client final.

En outre, il est manifeste que l’utilisation du terme Premium constitue une référence à un standard de qualité et non à une notion d’antériorité, ainsi qu’envisagé par la société Auvray.

En conséquence, la présentation des avantages pour les clients ne comportent pas non plus d’allégations mensongères ou de nature à induire en erreur, constitutives d’une publicité tompeuse.

c) sur l’identification de l’annonceur :

Il est établi que AMV Sécurité est une marque enregistrée en 1999 auprès de l’INPI par la société AMV et que la société VMA, au sein de laquelle la société AMV est associée majoritaire, est une Sarl immatriculée depuis le 12 novembre 1998 dont l’objet social principal est la création d’un réseau national d’identification en vue d’assurer la traçabilité, dans l’objectif d’assurer la mise en sécurité et la protection de tous objets, notamment tous véhicules terrestres, maritimes, aériens, objets d’art, de décoration et de collection.

Ainsi, la société VMA est-elle bien une personne morale régulièrement immatriculée et autonome quand bien même s’agirait-il d’une filiale de la société de courtage en assurance AMV.

Dans le corps de son message, l’annonce publicitaire incriminée ne désigne ses auteurs que sous les appellations de B C et AMV Sécurité et les adresses mail de contact ” @amv.fr « et » @distribike.fr « ne font pas référence à la société VMA. Cette dernière apparaît cependant au travers de la mention portée en bas de page à gauche de l’encart: » VMA-EURL au capital de 8000 €- SIRET 420 780 371 00019- APE 7242 “.

Cette mention, par l’énonciation de son numéro d’identification, permet d’identifier clairement la personne morale pour le compte de laquelle la publicité est mise en œuvre.

La société Auvray ne démontre donc pas le caractère trompeur de cette publicité et le jugement sera confirmé en ce qu’il ne l’a pas retenu.

3°) sur le démarchage abusif :

Le témoignage d’un des agents commerciaux de la société Auvray et l’unique courrier de résiliation d’un contrat, sans motifs invoqués, produits aux débats sont insuffisants à caractériser un démarchage abusif de clientèle par les sociétés VMA et B C.

Le jugement devra également être confirmé en ce qu’il a écarté ce grief.

— - – - – - – -

En conséquence, la société Auvray ne rapporte pas la preuve qui lui incombe des actes de concurrence déloyale qu’elle impute aux sociétés B C, VMA, AMV, et la cour confirmera le jugement en ce qu’il l’a déboutée de l’ensemble de ses prétentions, sans que la diffusion de sa décision par voie de publication n’apparaisse justifiée, à défaut de démonstration d’un préjudice commercial ou d’image résultant de l’instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Romans sur Isère en date du 26 septembre 2018,

Y ajoutant,

REJETTE la demande de publication judiciaire de cette décision,

CONDAMNE la Sas Auvray à verser la somme complémentaire en cause d’appel de 1000 euros d’une part à la Sas D B C, d’autre part aux Sarl VMA et Sas AMV indivisément, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la Sas Auvray aux dépens de son appel.

SIGNE par Mme GONZALEZ, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


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