La société Technoconstructions a assigné la société Cendeco pour obtenir le paiement de 18 000 euros pour des honoraires non réglés, 5 000 euros pour dommages et intérêts pour résistance abusive, 3 000 euros pour frais irrépétibles, et 13 euros pour le droit de plaidoirie. Technoconstructions affirme avoir réalisé des missions de maîtrise d’œuvre, notamment une étude parasismique, sans recevoir de paiement malgré ses réclamations. Elle soutient que l’absence de contrat signé est due à la société [Z] [H], qui n’a pas transmis l’acte d’engagement.
De son côté, Cendeco conteste la validité de la demande de Technoconstructions, arguant qu’il n’existe pas de preuve d’un engagement contractuel conforme aux exigences légales. Cendeco affirme n’avoir jamais donné son accord pour l’intervention de Technoconstructions et remet en question l’utilité de l’étude sismique réalisée. Elle demande à être déboutée de l’ensemble des prétentions de Technoconstructions et réclame 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’ordonnance de clôture a été prononcée le 23 octobre 2023. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
AFFAIRE :
S.A.S. TECHNOCONSTRUCTIONS
C/
S.C.I. CENDECO
N° RG 22/02037 – N° Portalis DBY2-W-B7G-G6QQ
Assignation :04 Octobre 2022
Ordonnance de Clôture : 23 Octobre 2023
Demande en paiement du prix formée par le sous-traitant contre l’entrepreneur principal
TRIBUNAL JUDICIAIRE D’ANGERS
1ère Chambre
JUGEMENT
JUGEMENT DU VINGT QUATRE SEPTEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE
DEMANDERESSE :
S.A.S. TECHNOCONSTRUCTIONS
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentant : Maître Vanina LAURIEN de la SELARL DELAGE BEDON LAURIEN HAMON, avocats au barreau d’ANGERS
DÉFENDERESSE :
S.C.I. CENDECO
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentant : Maître Jean BROUIN de la SCP AVOCATS DEFENSE ET CONSEIL, avocats au barreau d’ANGERS
EVOCATION :
L’affaire a été évoquée à l’audience du 06 Novembre 2023,
Composition du Tribunal :
Président : Yannick BRISQUET, Premier Vice-Président, statuant comme JUGE UNIQUE
Greffier, lors des débats : Valérie PELLEREAU
Greffier, lors du prononcé : Séverine MOIRÉ.
A l’issue de l’audience, le Président a fait savoir aux parties que le jugement serait rendu le 22 Janvier 2024. La décision a été prorogée au 05 Mars 2024, 21 Mai 2024, 28 Juin 2024 et 24 Septembre 2024
JUGEMENT du 24 Septembre 2024
rendu à cette audience par mise à disposition au Greffe (en application
de l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile)
par Yannick BRISQUET, Premier Vice-Président,
contradictoire
signé par Yannick BRISQUET, Premier Vice-Président, et par Séverine MOIRÉ, Greffier.
Par acte de commissaire de justice en date du 4 octobre 2022, la société Technoconstructions, a fait assigner la société Cendeco devant le présent tribunal aux fins de la voir condamner au paiement des sommes de :
– 18 000 euros au titre de la note d’honoraires n°1/2238 non réglée dans sa totalité, outre les intérêts à compter de la mise en demeure du 28 juin 2021, avec anatocisme jusqu’au complet paiement ;
– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
– 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
– 13 euros au titre du droit de plaidoirie, outre les entiers dépens de l’instance.
Dans ses dernières conclusions récapitulatives communiquées par voie électronique le 23 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions, moyens et arguments, la société Technoconstructions maintient ses prétentions en demandant au tribunal de débouter la société Cendeco de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions et en portant sa demande au titre des frais irrépétibles à la somme de 4 000 euros.
Au soutien de ses demandes, la société Technoconstructions expose en substance que :
– la société Cendeco a décidé en 2020 de confier à la société [Z] [H] la réalisation de la surélévation du bâtiment de consultation situé sur le site de la clinique [5], [Adresse 2] à [Localité 1] ;
– la société [Z] [H] a été désignée comme architecte mandataire du groupement de maîtrise d’œuvre qui comportait trois autres co-traitants, dont elle-même, pour la mission de base de maîtrise d’oeuvre ;
– les mission complémentaires de maîtrise d’oeuvre impliquaient, outre la société [Z] [H], deux autres co-traitants, dont elle-même qui était chargée de la mission complémentaire parasismique, avec des honoraires fixés pour cette mission à la somme de 15 000 euros HT ;
– elle a réalisé l’étude générale au séisme le 14 janvier 2021 et cette étude a été annexée à la demande de permis de construire estampillée du cachet de la société [Z] [H] ;
– elle n’a perçu aucuns honoraires en dépit de ses multiples réclamations.
La société Technoconstructions fait valoir que si elle n’est pas en mesure de produire un contrat signé, c’est en raison du fait que la société [Z] [H] ne lui a jamais retransmis l’acte d’engagement dûment complété et signé. Elle observe cependant que la société [Z] [H] a indiqué qu’elle était le seul membre de l’équipe d’ingénierie à n’avoir pas signé le contrat de maîtrise d’oeuvre, ce qui confirme qu’elle faisait bien partie du groupement de maîtrise d’oeuvre mandaté par la société Cendeco. Elle considère qu’il ne peut être valablement contesté par la défenderesse qu’elle a réalisé un certain nombre des missions qui lui ont été attribuées dans cet acte d’engagement, ce qui est illustré par le fait qu’elle était quasi systématiquement mise en copie des différents échanges et des correspondances qu’entretenaient les membres du groupement entre eux.
La demanderesse conteste que la qualité de son travail ait pu jouer un rôle négatif dans la décision de rejet de la première demande de permis de construire et souligne que la modélisation parasismique qu’elle a réalisée a reçu l’aval du bureau de contrôle avec le permis de construire qui a été accepté.
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Dans ses dernières conclusions récapitulatives communiquées par voie électronique le 16 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions, moyens et arguments, la société Cendeco demande que la société Technoconstructions soit déboutée de l’ensemble de ses prétentions et qu’elle soit condamnée à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La défenderesse soutient que la société Technoconstructions ne rapporte pas la preuve d’un engagement de sa part répondant aux exigences des articles 1353, 1359, 1361 et 1362 du code civil. Elle considère que la demanderesse ne peut s’appuyer sur un marché de maîtrise d’oeuvre non signé, de sorte qu’elle ne peut invoquer ni un écrit ni un commencement de preuve par écrit qui émanerait de sa part. Elle estime que la société Technoconstructions déforme les termes de certains courriers de la société [Z] [H] pour soutenir qu’un contrat de maîtrise d’oeuvre prévoyant son intervention aurait été signé par elle ou aurait reçu son agrément.
La société Cendeco considère que la circonstance que l’un de ses gérants a été mis en copie de quelques mails très techniques échangés entre la société [Z] [H] et M. [G], représentant de la société Technoconstructions, ne suffit pas à rapporter la preuve du consentement du maître d’ouvrage à l’intervention du bureau d’étude structure et elle soutient qu’elle n’a jamais donné son accord pour l’intervention de la société Technoconstructions.
Elle souligne qu’il ressort des indications de la société [Z] [H] que l’étude sismique n’a eu aucune utilité.
La société Cendeco estime en définitive que la société Technoconstructions ne rapporte la preuve ni du contrat de louage d’ouvrage qu’elle invoque, ni de l’exécution d’une prestation réelle, utile et conforme aux règles de l’art, de sorte qu’elle doit être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 18 000 euros.
Elle conteste toute mauvaise foi ou intention de nuire de sa part qui pourrait justifier une demande indemnitaire pour procédure abusive.
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L’ordonnance de clôture a été prononcée le 23 octobre 2023.
Selon l’article 1353 alinéa premier du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Selon l’article 1359 du même code, l’acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant un montant fixé par décret doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique. Selon le décret n° 80-533 du 15 juillet 1980, la somme ou la valeur visée à l’article 1359 du code civil est fixée à 1 500 euros. En application des articles 1360 et suivants du code civil, il peut toutefois être fait exception à la règle exigeant un écrit, notamment lorsqu’il existe un commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve. Selon l’article 1362, constitue un commencement de preuve par écrit tout écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte ou de celui qu’il représente, rend vraisemblable ce qui est allégué.
Il ressort de l’examen des pièces produites par la société Technoconstructions que :
– le marché de maîtrise d’oeuvre pour la réalisation des travaux (pièce n° 1) ne comporte ni date ni signature, même si un emplacement est prévu en dernière page pour la signature de la société Technoconstructions ;
– la note relative à l’étude générale au séisme éditée par la demanderesse le 14 janvier 2021 à 11h58 (pièce n° 2), qui mentionne comme maître d’ouvrage la clinique [5], comporte un cachet de la société [Z] [H] mais aucune signature de la société Cendeco qui permettrait d’établir que ce document lui a été remis ;
– le récépissé de dépôt d’une demande de permis de construire du 1er février 2021 (pièce n° 3) mentionne le nom de l’architecte, M. [Z] [H], mais ne comporte aucune référence à la société Technoconstructions ;
– la notice de présentation de la surélévation du bâtiment de consultation de la clinique [5] (pièce n° 4) comporte le cachet de la société [Z] [H] mais aucune indication concernant la société Technoconstructions ;
– le permis de construire délivré par le maire de [Localité 1] ne comporte aucune mention concernant la société Technoconstructions (pièce n° 5) ;
– les demandes adressées par la société Technoconstructions à la société Cendeco pour obtenir le règlement de sa facture (pièces n° 6 à 9) n’ont donné lieu qu’à une réponse négative de la défenderesse indiquant qu’il n’avait été retrouvé aucune trace d’un accord, d’une convention ou d’un contrat passé avec la société Technoconstructions en vue d’une mission d’étude (pièce n° 10) ;
– de nombreux échanges de courriels sont intervenus entre la société Technoconstructions en la personne de M. [D] [G] et la société [Z] [H], impliquant parfois M. [F] [I] de l’APAVE (pièces n° 12 à 24). Certains de ces échanges ont pu être transmis en copie à la société Cendeco à l’initiative de la société [Z] [H] mais sans qu’il en ressorte l’existence de relations directes entre la société Technoconstructions et la société Cendeco.
Dans la mesure où le coût des travaux dont la société Technoconstructions demande le paiement excède la somme de 1 500 euros, la preuve de l’engagement de la société Cendeco nécessite un écrit, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, ou à tout le moins un commencement de preuve par écrit qui serait susceptible d’être corroboré par un autre moyen de preuve. Or aucune des pièces communiquées ne peut s’analyser en un commencement de preuve par écrit émanant de la société Cendeco.
Par ailleurs, la demanderesse n’invoque aucune des circonstances envisagées par l’article 1360 du code civil qui permettraient de la dispenser de la présentation d’un écrit.
En outre, la société Technoconstructions n’a pas jugé utile d’appeler à la cause la société [Z] [H], en sa qualité d’architecte mandataire du groupement de maîtrise d’œuvre, afin de solliciter ses explications à propos du contexte dans lequel un mandat lui aurait été conféré en vue de la réalisation d’une étude sismique.
En l’absence de reconnaissance par la société Cendeco d’un engagement de sa part envers la société Technoconstructions ou d’un accord explicite pour que celle-ci intervienne pour son compte, la demande en paiement ne peut prospérer.
La société Technoconstructions doit par conséquent être déboutée de l’ensemble de ses demandes, y compris celle en dommages et intérêts pour résistance abusive, qui est sans objet en raison du rejet de la demande principale, et celle au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Technoconstructions, partie perdante, supportera la charge des entiers dépens de l’instance qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Il est justifié de faire partiellement droit à la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile présentée par la société Cendeco et de condamner la société Technoconstructions au paiement de la somme de 3 000 euros sur ce fondement.
Le TRIBUNAL,
Statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,
DÉBOUTE la société Technoconstructions de l’ensemble de ses demandes ;
CONDAMNE la société Technoconstructions aux entiers dépens de l’instance qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Technoconstructions à payer à la société Cendeco la somme de 3 000 € (trois mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Jugement rendu par mise à disposition au Greffe le VINGT QUATRE SEPTEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE, par Yannick BRISQUET, Premier Vice-Président, assisté de Séverine MOIRÉ, Greffier, lesquelles ont signé la minute du présent Jugement.
LE GREFFIER LE PRESIDENT