RESUME DE L’AFFAIRE
Dans cette affaire, M. [M] a demandé l’arrêt de l’exécution provisoire d’une décision du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer du 18 octobre 2022. La demande a été jugée irrecevable car M. [M] n’avait pas formulé d’observations sur l’exécution provisoire en première instance. De plus, les éléments invoqués par M. [M] postérieurement à la décision n’étaient pas considérés comme des circonstances manifestement excessives.
MOTIFS DE LA DECISION
La demande d’arrêt de l’exécution provisoire a été jugée irrecevable car M. [M] n’avait pas formulé d’observations sur ce point en première instance. De plus, les éléments invoqués postérieurement à la décision n’étaient pas considérés comme des circonstances manifestement excessives. Par conséquent, la demande a été rejetée et M. [M] a été condamné aux dépens et à verser des indemnités aux parties adverses.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
République Française
Au nom du Peuple Français
C O U R D ‘ A P P E L D E D O U A I
RÉFÉRÉ DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 26 JANVIER 2023
N° de Minute : 15/23
N° RG 22/00137 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UUBH
DEMANDEUR :
Monsieur [E] [M]
né le 10 décembre 1968 à [Localité 8]
demeurant [Adresse 6]
[Localité 5]
comparant en personne, assisté de Me Alex DEWATTINE, avocat au barreau de Boulogne sur Mer
DÉFENDEURS :
Monsieur [C] [L]
demeurant [Adresse 1]
[Localité 3]
non comparant ni représenté
S.A.R.L. ETOILE DES CAPS
dont le siège social est [Adresse 2]
[Localité 4]
ayant pour avocat Me Frédéric BRUN, avocat au barreau de Boulogne sur Mer
S.A.R.L. LES MARGATS DE RAOUL
dont le siège social est [Adresse 7]
[Localité 5]
représentée par Me Benoît CALLIEU, avocat au barreau de Boulogne sur Mer substitué par Me Claire LASUEN
PRÉSIDENTE : Hélène CHATEAU, première présidente de chambre désignée par ordonnance du 21 décembre 2022 du premier président de la cour d’appel de Douai
GREFFIER : Christian BERQUET
DÉBATS : à l’audience publique du 16 janvier 2023
Les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’ordonnance serait prononcée par sa mise à disposition au greffe
ORDONNANCE : réputée contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe le vingt- six janvier deux mille vingttrois, date indiquée à l’issue des débats, par Hélène CHATEAU, Présidente, ayant signé la minute avec Christian BERQUET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
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Exposé de la cause
Par acte authentique du 23 novembre 2001, Mme [H] [Z] a donné à bail à la SARL Hôtel restaurant du Gris Nez des locaux situés à [Adresse 7].
Ce bail a été renouvelé par acte authentique du 24 juin 2009, puis par acte authentique du 29 mars 2018, au profit de la SARL Etoile des caps, qui a acquis le fonds à la suite de la liquidation judiciaire de la société Hôtel restaurant du Gris Nez.
Par acte du 30 mars 2018, la SARL Les Margats de Raoul a acquis le fonds qui appartenait à la société Etoile des caps.
En novembre 2018, Mme [H] [Z] a donné son accord à la SARL les Margats de Raoul pour la réalisation de travaux sous la surveillance d’un architecte.
Indiquant que, lors du démarrage des travaux, de graves problèmes structuraux affectant la solidité du bâtiment ont été constatés, la SARL les Margats de Raoul a fait assigner Mme [Z] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer pour solliciter la désignation d’un expert.
Mme [Z] a appelé en la cause la société Etoile des caps. Elle est décédée en cours d’instance et son fils, [C] [L], a été assigné devant le juge des référés en sa qualité d’ayant-droit.
Par ordonnance du 7 septembre 2020, le juge des référés a fait droit à la demande d’expertise. Le rapport a été déposé le 19 avril 2021.
Par actes des 2 et 15 juin 2021, la société Les Margats de Raoul a fait assigner M. [L] et la société Etoile des caps devant le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer afin notamment de voir M. [L] condamné sous astreinte à réaliser des travaux et au paiement des sommes versées au titre des travaux réalisés et des pertes d’exploitation.
Par acte du 18 juin 2021, elle a fait assigner M. [M], qui a acquis l’immeuble objet du bail par acte authentique du 4 juin 2021, aux mêmes fins. La jonction des instances a été ordonnée.
Par jugement qualifié de contradictoire en date du 18 octobre 2022, le tribunal judiciaire a’notamment:
– condamné M. [M] à la réalisation des travaux suivants, dans un délai de trois mois à compter de la signification du jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé ce délai, astreinte courant pendant un délai de trois mois’:
·’reprise de l’angle de l’immeuble qui s’affaisse’ selon les préconisations contenues dans le rapport du 19 avril 2021′;
· réalisation de l’étanchéité locale de la toiture pour l’infiltration dans la cuisine et reprise de la peinture de la cuisine au niveau de la fuite’;
· remplacement des 6 chiens assis en façade avant et 5 chiens assis en façade arrière et remplacement des 11 menuiseries’;
· remplacement complet des gouttières’;
· réalisation de l’isolation de la toiture’;
· reprise du second ‘uvre à l’étage’;
· pose de contre-cloisons ou panneaux en rez-de-chaussée dans les sanitaires et reprise des peintures’;
– condamné M. [M] à payer à la SARL Les Margats de Raoul les sommes de 5’418 euros au titre des travaux de reprise du vide sous chape et de 4’000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;
– débouté M. [M] de sa demande tendant à voir condamner les sociétés Les Margats de Raoul et Etoile des caps à effectuer les travaux’;
– débouté M. [M] de sa demande de garantie à l’encontre de M. [L]’;
– condamné M. [M] aux dépens de l’instance en ce compris les frais de l’expertise judiciaire.
Par déclaration du 22 novembre 2022, M. [M] a interjeté appel de ce jugement.
Par actes des 24 et 29 novembre 2022, M. [M] a fait assigner les SARL Etoile des caps, les Margats de Raoul et M. [L] devant le premier président de la cour d’appel de Douai au visa des articles 514-3 et 700 du code de procédure civile, de’:
– arrêter l’exécution provisoire du jugement du 18 octobre 2022′;
– condamner les sociétés Les Margats de Raoul et Etoile des caps aux entiers dépens.
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L’affaire appelée à l’audience du 12 décembre 2022 a été renvoyée à la demande de Maître Brun avocat de la SARL Etoile des Caps, les avocats de M. [M] et de la SARL les Margats de Raoul ne s’opposant pas à cette demande.
Prétentions et moyens des parties à l’audience du 16 janvier 2023 :
M. [M] a maintenu ses demandes, exposant que :
1. il existe un moyen sérieux de réformation du jugement car’:
– il résulte du bail conclu entre Mme [Z] et la société Etoile des caps que le preneur est responsable des dommages résultant des travaux qu’il entreprend, qu’en l’espèce, le parking a été mis en place par la société preneuse’; elle aurait donc dû être tenue responsable des désordres relatifs à l’affaissement de l’immeuble’;
– en vertu de l’acte de cession de fonds de commerce du 30 mars 2018, la société Les Margats de Raoul a repris à sa charge la responsabilité des désordres relatifs à l’affaissement de l’immeuble’;
– le tribunal a mal interprété la clause de répartition des travaux insérée dans le contrat de bail de 2009, auquel fait référence celui de 2018, prévoyant que toutes les réparations, à l’exception des travaux relatifs à la toiture et aux gros murs, incombent au preneur’;
2. l’exécution provisoire du jugement risque d’entrainer des conséquences manifestement excessives car’:
– en cas d’infirmation du jugement, aucun retour en arrière ne sera possible puisqu’il a été condamné à la réalisation de travaux’;
– quand bien même la suppression de ces travaux serait possible, il serait contraint d’agir en indemnisation’;
– les entreprises qu’il a contactées l’ont alerté sur les délais pour le commencement des travaux, rendant impossible l’exécution du jugement dans les délais impartis’;
– il a appris, après le jugement, qu’il sera nécessaire de recourir à un maitre d »uvre pour la réalisation des travaux, ce qui implique des coûts supplémentaires’;
– la réalisation des travaux risque de pénaliser l’activité du restaurant.
La SARL Etoile des Caps demande au premier président, au visa de l’article 514-3 du code de procédure civile, de’:
– dire et juger irrecevable la demande de M. [M]’;
– le débouter de l’ensemble de ses demandes’;
– le condamner au paiement de la somme de 4’000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers frais et dépens.
Elle expose que’:
– M. [M] n’a pas formulé d’observations relatives à l’exécution provisoire du jugement et doit, en conséquence, démontrer qu’elle risque d’entrainer des conséquences manifestement excessives qui se sont révélés postérieurement à la décision ;
– l’impossibilité de suppression des travaux, les délais d’intervention, la nécessité d’un maitre d »uvre ne sont pas des conséquences manifestement excessives et ne sont pas apparus postérieurement au jugement’;
– il ressort des pièces versées que M. [M] n’a contacté que deux entreprises et une seule mentionne des délais d’intervention longs’;
– ces prises de contact n’ont été faites que pour les besoins de la cause’;
– la nécessité d’un maitre d »uvre n’est pas établie’;
– le risque de fermeture du restaurant pendant la réalisation des travaux n’est pas apparue postérieurement au jugement.
La société Les Margats de Raoul demande au premier président, au visa de l’article 514-3 du code de procédure civile, de’:
– débouter M. [M] de l’ensemble de ses demandes’;
– le condamner à lui verser la somme de 5’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
– le condamner aux entiers dépens de l’instance.
Elle expose que’:
– M. [M] n’a pas formulé d’observations relatives à l’exécution provisoire du jugement et doit, en conséquence, démontrer qu’elle risque d’entrainer des conséquences manifestement excessives qui se sont révélés postérieurement à la décision ;
– la nécessité d’un maître d »uvre ressortait du rapport d’expertise du 19 avril 2021, et ne constitue en outre pas une conséquence manifestement excessive car sa rémunération pourrait, en cas d’infirmation, être mise à la charge du preneur’;
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– M. [M] ne présente pas de moyen sérieux d’annulation ou de réformation car’:
·’lors du renouvellement de bail du 29 mars 2018, les travaux réalisés au cours du bail précédent sont devenus la propriété du bailleur, qui est ainsi responsable des désordres subis par le preneur’;
· en l’absence de stipulation contraire, le bailleur a gardé la charge des dépenses relatives à la vétusté’;
‘- la réalisation des travaux n’entrainera pas de conséquence manifestement excessive car en cas de réformation, M. [M] pourra réclamer le remboursement de leur coût’;
– la réalisation des travaux est urgente, l’état de l’immeuble se dégrade progressivement’;
– elle a beaucoup investi dans l’immeuble mais est bloquée dans la réalisation de ses projets, dans le recrutement et subit ainsi une perte financière’;
– les travaux n’impliqueraient pas nécessairement la fermeture du restaurant, et au surplus, il aurait été possible de prévoir leur réalisation pendant les périodes de congés annuels du restaurant.
M. [L], bien que régulièrement cité par acte du 29 novembre 2022 pour l’audience du 12 décembre 2022 n’était ni présent, ni représenté.
MOTIFS DE LA DECISION
Il ressort des dispositions de l’article 514-3 alinéa 1er du code de procédure civile, applicable aux instances introduites après le 1er janvier 2020, ce qui est le cas de l’espèce, qu’en cas d’appel, le premier président peut arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsque celle-ci risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives et lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision de première instance.
L’alinéa 2 du même article dispose que :
‘La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.’
En l’espèce, il résulte de la lecture du jugement du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer du 18 otobre 2022, qui reprend les moyens des parties et en particulier ceux avancés par M. [M], que celui-ci n’a formé aucune observation relative à l’exécution provisoire.
M. [M] ne justifie nullement par la production de ses dernières conclusions en première instance, que le premier juge aurait négligé de rappeler ces observations sur ce point, alors même que le moyen d’irrecevabilité de ses demandes a été soulevé devant la présente juridiction par la SARL Etoile des Caps.
Alors même qu’il était demandé en première instance sa condamnation à réaliser, sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé le délai d’un mois suivant la signification du jugement, les travaux tels que repris par la décision du 18 octobre 2022 qui lui accordé un délai de trois mois, M. [M] n’a donc fait aucune observation sur l’exécution provisoire.
N’est pas une circonstance nouvelle qui s’est révélée postérieurement à la décision de première instance le fait que les travaux que M. [M] qu’il fera réaliser ne pourront être supprimés, mais seulement indemnisés, ce fait étant connu antérieurement à la première décision.
M. [M] justifie bien que les deux entreprises qu’il a contactées postérieurement à la décision lui ont précisé que les délais indiqués par le jugement étaient impossibles à respecter, l’une d’entre elles ajoutant que la présence d’un maître d »uvre apparaissait en outre nécessaire, alors même que le premier juge a rejeté la demande tendant à dire que les travaux seront surveillés par un architecte aux frais du bailleur.
Si ces éléments se sont en effet révélés à M. [M] postérieurement à la décision du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer, ils ne sont pas à l’origine de circonstances manifestement excessives, dès lors que le non-respect des délais accordés n’a d’impact que sur la liquidation de l’astreinte.
Or, M. [M] ne justifie pas que le délai ait commencé à courir, ne versant pas aux débats la signification du jugement et en outre il pourra toujours devant le juge de l’exécution qui pourrait être saisi du contentieux de la liquidation de l’astreinte faire valoir les difficultés qu’il a rencontrées pour exécuter, le juge tenant compte également de son comportement, en application de l’article L 131-4 du code des procédures civiles d’exécution.
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Il sera noté que c’est au contraire l’arrêt de l’exécution provisoire de cette décision qui entraînerait des conséquences manifestement excessives, compte tenu de l’urgence à opérer les travaux, et notamment la reprise de l’angle qui s’affaisse.
Au vu de ces éléments, la demande de M. [M] d’arrêt de l’exécution provisoire de la décision du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer du 18 octobre 2022 est irrecevable.
M. [M], partie perdante, sera condamné aux dépens de la présente instance en application de l’article 696 du code de procédure civile et sera en outre condamné à payer à la SARL Etoile des caps d’une part et à la SARL Les Margats de Raoul une indemnité d’article 700 du code de procédure civile de mille deux cents euros à chacune.
PAR CES MOTIFS
Déclare irrecevable la demande de M. [E] [M] d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer en date du 18 octobre 2022,
Condamne M. [E] [M] aux dépens de la présente instance,
Condamne M. [E] [M] à payer à la SARL Etoile des caps une indemnité d’article 700 du code de procédure civile de mille deux cents euros,
Condamne M. [E] [M] à payer à la SARL Les Margats de Raoul une indemnité d’article 700 du code de procédure civile de mille deux cents euros.
Le greffier La présidente
C. BERQUET H. CHÂTEAU