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8 novembre 2022
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/07044
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 52A
1re chambre 2e section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 08 NOVEMBRE 2022
N° RG 21/07044 – N° Portalis DBV3-V-B7F-U3NO
AFFAIRE :
S.A. IMMOBILIERE 3F
C/
Mme [J] [N]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Septembre 2021 par le Juge des contentieux de la protection de [Localité 8]
N° RG : 11-20-0748
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 08/11/22
à :
Me Christophe DEBRAY
Me Guillaume PERCHERON
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A. IMMOBILIERE 3F
Ayant son siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 – N° du dossier 21481 Représentant : Maître Elisabeth WEILLER de la SCP MENARD – WEILLER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0128
APPELANTE
****************
Madame [J] [N]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Maître Guillaume PERCHERON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 248 –
Représentant : Maître Wenceslas FERENCE, Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 276A
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 Septembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle BROGLY, Magistrat honoraire chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Madame Isabelle BROGLY, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous-seing privé du 1er août 1999 ayant pris effet le même jour, la société immobilière 3F a donné à bail à Mme [J] [N] un local à usage d’habitation situé [Adresse 2] (78).
Par acte d’huissier du 4 août 2020, la société immobilière 3F a fait délivrer assignation à Mme [N] à comparaître devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Versailles aux fins d’obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
– la résiliation judiciaire du bail en date du 1er août 1999 pour troubles de voisinage et défaut de jouissance paisible,
– à défaut de départ volontaire, l’expulsion de la défenderesse des lieux loués ainsi que celle de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique,
– la condamnation de la défenderesse à lui payer, jusqu’à son départ effectif des lieux, une indemnité d’occupation égale au montant du loyer qui aurait été dû, en cas de poursuite du bail, sans préjudice des charges courantes,
– l’autorisation de séquestrer les biens et objets mobiliers se trouvant éventuellement dans les lieux lors de l’expulsion dans un garde-meuble au choix de la société requérante aux frais, risques et périls de la citée,
– la condamnation de la défenderesse à lui payer la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamnation de la défenderesse aux entiers dépens,
– l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Par jugement contradictoire rendu le 24 septembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Versailles a :
– rejeté la demande de résiliation du bail,
– condamné la société immobilière 3F à payer à Mme [N] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société immobilière 3F aux dépens,
– dit qu’il n’y avait pas lieu d’écarter l’exécution provisoire.
Par déclaration reçue au greffe le 25 novembre 2021, la société immobilière 3F a relevé appel de ce jugement, Aux termes de ses conclusions signifiées le 20 juillet 2022, elle demande à la cour :
– d’infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau :
– de prononcer la résiliation judiciaire du bail à effet du 1er août 1999 aux torts de Mme [N] pour troubles de jouissance et défaut de jouissance paisible et la débouter de l’ensemble de ses demandes,
– d’ordonner l’expulsion de Mme [N] du logement sis [Adresse 2]), ainsi que celle de tout occupant de son chef, notamment M. [B] [F], avec dispense du délai de deux mois, prévu à l’article L 412-1 du code de procédure civile d’exécution et même avec l’assistance de la force publique si besoin,
– de condamner Mme [N] à lui payer une indemnité
d’occupation égale au moment du loyer qui aurait été dû, en cas de poursuite du bail, sans préjudice des charges courantes et ce, jusqu’à complète reprise des lieux,
– d’autoriser la séquestration des biens et objets mobiliers se trouvant éventuellement dans les lieux lors de l’expulsion, dans tel garde-meuble ou local au choix de la société requérante aux frais, risques et périls de la citée,
– de condamner Mme [N] à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner Mme [N] aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 5 mai 2022, Mme [N] demande à la cour de :
– débouter la société immobilière 3F de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– confirmer le jugement entrepris en l’ensemble de ses dispositions,
– y ajoutant, condamner la société immobilière 3F à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel,
– condamner la société immobilière 3F aux entiers dépens.
La clôture de l’instruction sera prononcée le 8 septembre 2022.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION.
Sur l’appel de la société Immobilière 3F.
Au soutien de son appel, la société Immobilière 3F reproche au premier juge de l’avoir déboutée de l’ensemble de ses demandes, faisant essentiellement valoir, au visa des dispositions des articles 1728 et 1729 du code civil, de l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989 et de l’article 8 des dispositions du bail, ainsi qu’au regard de la jurisprudence que, contrairement à ce qui a été retenu en première instance, elle n’est pas tenue de caractériser un trouble anormal de voisinage mais un manquement grave du preneur ou des occupants de son chef à leur obligation de jouissance paisible des lieux, qu’en l’espèce, M. [B] [F], fils de la locataire, a été condamné à de nombreuses reprises pour infractions à la législation sur les stupéfiants, que la réitération de ces faits délictueux, malgré les condamnations prononcées, traduit bien un comportement répréhensible en complète infraction à l’obligation de jouir paisiblement des lieux, inscrite dans les stipulations du bail.
Mme [N] rappelle qu’en vertu d’une jurisprudence constante, un trouble grave à la jouissance paisible des lieux loués est exigé pour justifier la résiliation du bail. Elle expose que les faits relatés dans les décisions produites par la société bailleresse ne sont en rien identiques, similaires ou comparables à ceux soumis à la cour, qu’en effet dans l’une des affaires, le fils du locataire avait participé activement pendant plusieurs années à un trafic de stupéfiants ayant pour cadre les parties communes de l’immeuble, que dans la seconde, les organisateurs et membres du trafic faisaient régner un lourd climat de peur dans la cité, une insécurité et des nuisances intolérables pour les habitants qui les supportaient quotidiennement et ce d’autant, qu’elle se déroulaient dans les parties communes de l’immeuble, des sommes d’argent avaient été découvertes au domicile ayant un lien certain avec cette activité de trafic de stupéfiants, qu’il en est de même dans les autres arrêts produits. Mme [N] souligne que son fils a été condamné pour usage illicite et détention non autorisée de stupéfiants, et non pour offre ou cession, ni même pour transport illicite de produits stupéfiants, qu’il a été condamné à 15 jours précisément pour détention, et deux mois et quatorze jours pour les seuls faits d’usage, qu’il n’est absolument pas démontré que l’immeuble où elle réside est un lieu de trafic de stupéfiants et pour cause puisqu’il n’en est rien, que d’ailleurs, M. [N] n’habite plus chez elle mais chez son frère à [Localité 5], qu’il sont tous les deux salariés, travaillant dans la même entreprise.
Sur ce,
Conformément aux dispositions de l’article 1728 du Code Civil applicable au contrat de location liant les parties, le preneur est tenu, outre le paiement du prix aux termes convenus, d’une obligation essentielle consistant à user de la chose louée en bon père de famille et suivant la destination donnée par le bail.
Aux termes de l’article 7 b de la loi du 6 juillet 1989, le locataire a l’obligation d’user paisiblement des locaux suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location et aux termes des conditions générales du contrat de bail, le locataire est tenu des obligations principales suivantes : user des locaux et éléments d’équipement loués suivant la destination prévue au contrat.
Le bailleur est fondé en application combinée des articles 1728,1729 et de l’article 17 b) de la loi du 6 juillet 1989, à obtenir la résiliation du bail, à charge pour lui de démontrer que le preneur a manqué à son obligation d’user de la chose en bon père de famille et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, peu important que le manquement ait ou non cessé. Il est par ailleurs constamment admis que l’obligation de jouissance paisible pèse aussi bien sur les locataires que sur les occupants, tels leurs enfants vivant avec eux qu’ils soient mineurs ou majeurs.
En l’espèce, la société Immobilière 3 F verse aux débats l’arrêt rendu le 20 mars 2019 par la 8ème chambre des appels correctionnels de la cour d’appel de Versailles qui a confirmé le jugement rendu le 19 novembre 2018 par le tribunal correctionnel de Versailles ayant condamné M. [F], fils de Mme [N], à la peine de 18 mois d’emprisonnement et au paiement d’une amende de 1 500 euros, et ayant ordonné en outre son maintien détention et la confiscation des scellés, pour des faits de récidive de détention non autorisée de stupéfiants commis à Trappes du 1er septembre au 14 novembre 2018, de récidive de détention non autorisée de stupéfiants commis le 28 mars 2018 à Trappes, de récidive d’usage illicite de stupéfiants commis du 1er septembre au 14 novembre 2018 à Trappes.
Il ressort plus précisément de la décision précitée que :
* le 28 mars 2018, les policiers d'[Localité 6] ont découvert un sachet contenant 8,7g de résine de cannabis dans un véhicule de marque Peugeot sur le parking de la résidence [Adresse 7] (adresse de Mme [N], mère de M. [F]), et que trois des cinq traces papillaires trouvées sur des sachets découverts dans le coffre ont été identifilées comme étant celles d'[B] [F],
* le 14 novembre 2018, une perquisition effectuée par les policiers d'[Localité 6] dans l’appartement de Mme [N], en présence de M. [F], a permis la découverte de multiples résidus de cannabis, de plaquettes de cannabis pour une masse totale de 167,20g, d’un couteau supportant de multiples traces de résine de cannabis, d’un sac zippé contenant 11,7 grammes de cette substance, une petite boulette de 0,7g de résine dans la poche d’un pantalon,
* M. [F] a reconnu consommer du cannabis et être propriétaire du morceau de 0,7g découvert dans son pantalon, il a expliqué garder les 167,20g de résine de cannabis conditionnés sous forme de plaquettes sous cellophanes, ainsi que les 11,7 g découverts dans un sac zippé pour le compte d’un ‘grand’ qui en échange, lui fournissait sa consommation, affirmant ne pas vendre de stupéfiants et fumer 6 à 9 cigarettes artisanales par jour, contestant tout lien avec les stupéfiants retrouvés dans le véhicule Peugeot.
* les faits reprochés à M. [F] ont été commis en état de récidive légale, le prévenu ayant déjà été condamné pour des faits similaires par le tribunal correctionnel de Versailles le 17 novembre 2016.
* le casier judiciaire de M. [F] comporte onze mentions dont huit pour infractions à la législation sur les stupéfiants.
Même si M. [F] s’est toujours défendu de s’être livré à un trafic de stupéfiants au sein de l’immeuble, il n’en demeure pas moins que l’appartement de sa mère où il était domicilié à l’époque des faits était utilisé a minima, de son propre aveu, comme un espace de stockage et ce, dans la mesure où il a admis, dans le cadre de la procédure pénale, garder les produits stupéfiants pour le compte d’un ‘grand’.
La société Immobilière 3 F établit ainsi, que M. [F], en sa qualité d’occupant du chef de sa mère, locataire en titre, a manqué gravement à son obligation de jouissance paisible et porté atteinte à la destination des lieux, étant souligné à cet égard qu’il n’appartient pas à la bailleresse de caractériser un trouble anormal de voisinage, le manquement à une obligation contractuelle suffit à lui seul à justifier la résiliation du bail, les juridictions disposant d’un pouvoir d’appréciation sur la gravité du manquement.
En l’espèce, les faits dont s’est rendu coupable M. [F] sont suffisamment graves pour justifier la résiliation du bail aux torts exclusifs de Mme [N] qui ne pouvait ignorer les actes dont son fils s’est rendu coupable. Il y a lieu d’observer à cet égard que, quelle que soit sa situation personnelle et familiale, la responsabilité du locataire ne peut être effacée, ni minorée par le fait que la personne qui occupe le logement de son chef, comme tel est le cas en l’espèce, n’aurait pas ‘récidivé’ depuis la date de survenance des faits, car exiger la persistance du manquement à une obligation contractuelle au moment où le juge statue serait ajouter à la loi.
Le jugement rendu le 24 septembre 2021 par le tribunal de proximité de Versailles doit être infirmé en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, il y a lieu de faire droit aux demandes de la société immobilière 3F selon les modalités précisées au dispositif du présent arrêt.
Sur les mesures accessoires.
Mme [N] doit être condamnée aux dépens de la procédure d’appel, les dispositions du jugement contesté relatives aux dépens de première instance étant, par ailleurs, infirmées.
Il y a lieu de faire droit à la demande de la société Immobilière 3 F au titre des frais de procédure par elle exposés en première instance et en cause d’appel en condamnant Mme [N] à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS.
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement rendu le 24 septembre 2021 par le tribunal de proximité de Versailles en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Prononce la résiliation du bail conclu le 1er août 1999 entre la société immobilière 3 F et Mme [N], aux droits exclusifs de la locataire,
A défaut de départ volontaire, ordonne l’expulsion de Mme [N], ainsi que celle de tous occupants de son chef et notamment M. [B] [F], des lieux sis à [Adresse 2], avec le cas échéant, le concours de la force publique,
Rappelle que, par application de l’article 412-1 du code des procédures civiles d’exécution, cette expulsion ne pourra être poursuivie qu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux,
Dit que le sort des meubles sera réglé selon les dispositions des articles 65 et 66 de la loi du 9 juillet 1991 et des articles 200 à 209 de son décret d’application du 31 juillet 1992,
Condamne Mme [N] à verser à la société immobilière 3 F, une indemnité mensuelle d’occupation égale au montant du loyer révisable qui aurait été dû si le bail s’était poursuivi, augmenté des charges, et ce jusqu’à la libération des lieux se matérialisant soit par l’expulsion, soit par la remise des clés,
Condamne Mme [N] à verser à la société Immobilière 3 F, la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne Mme [N] aux dépens de première instance et d’appel.
– prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,