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8 décembre 2010
Cour d’appel de Paris
RG n°
08/19604
Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRÊT DU 08 DÉCEMBRE 2010
(n° , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 08/19604
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Septembre 2006 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 04036726
APPELANTES
La société CHARLY ACQUISITIONS LIMITED
Société de droit de Nevis
agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 14],
[Localité 7]
La société CHARLY LICENSING APS
Société de droit Danois
agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 13]
[Localité 1] (DANEMARK)
La société LENNOX HOLDINGS LIMITED
Société de droit des îles Turks & Caicos
agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 4],
[Localité 11]
dont les domiciles sont élus en l’étude de Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour
assistées de Me Corinne LE FLOCH, avocat au barreau de Paris, toque : B 1167
INTIMÉS
Monsieur [K] [R]
ès qualités de liquidateur amiable de la Société TIM THE INTERNATIONAL MUSIC COMPANY AG
demeurant [Adresse 9]
[Localité 8] (ALLEMAGNE)
Monsieur [U] [Z]
ancien Président de la Société TIM THE INTERNATIONAL MUSIC COMPANY AG
demeurant [Adresse 10] demeurant
[Localité 2] (ALLEMAGNE)
La société TIM THE INTERNATIONAL MUSIC COMPANY AG
société de droit Allemand
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 12]
[Localité 3] (ALLEMAGNE)
représentés par Me François TEYTAUD, avoué à la Cour
assistés de Me André BERTRAND, avocat au barreau de Paris, toque : L0207
MAITRE [B] [C]
Intervenant forcé
pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Société TOP LINK
demeurant [Adresse 5]
[Localité 6]
représenté par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour
dépôt de dossier par Me [B] [C]
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Octobre 2010, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Didier PIMOULLE, Président, et Madame Brigitte CHOKRON, conseillère, chargés d’instruire l’affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Didier PIMOULLE, Président
Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère
Madame Anne-Marie GABER, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Chaadia GUICHARD
ARRÊT :- Contradictoire
– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président et par Mademoiselle Aurélie GESLIN, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
***
LA COUR,
Vu l’appel relevé par la société de droit des îles Turcks et Caicos Lennox Holding, la société de droit danois Charly Licensing et la société de droit de l’île Nevis Charly Acquisitions du jugement réputé contradictoire du tribunal de commerce de Paris (3ème chambre, n° de RG : 2004036726), rendu le 20 septembre 2006 ;
Vu le précédent arrêt du 14 mai 2008 ;
Vu les dernières conclusions des appelantes (28 juin 2010) ;
Vu les dernières conclusions (25 janvier 2010) de M. [B] [I], ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation de la société Top Link, intimée ;
Vu les dernières conclusions de la société de droit allemand Tim the international music company (ci-après : tim) de MM. [U] [Z] et [K] [R], ce dernier ès qualités de liquidateur amiable de la société tim, intimés ;
* *
SUR QUOI,
Considérant que la société Lennox Holdings et la société Charly Acquisitions, qui exploitent des enregistrements phonographiques de jazz et de variétés, et la société Charly Licensing, présentée comme l’agent des deux premières, ayant constaté, en février 2003, que des enregistrements sur lesquels elles revendiquaient les droits exclusifs avaient été reproduits sans leur autorisation et commercialisés dans un coffret de vingt et un CD intitulé « Rock’n Roll for ever » fabriqué par la société tim et distribué en France par la société Top Link, a assigné notamment la société tim, son président M. [Z] et la société Top Link en réparation de l’atteinte alléguée à leurs droits patrimoniaux ; que le tribunal, par le jugement dont appel, estimant que les demanderesses n’apportaient pas la preuve des droits qu’elles revendiquaient, les a déboutées de toutes leurs prétentions et a rejeté la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive présentée par la société Top Link ;
1. Sur la mise hors de cause de M. [U] [Z] :
Considérant que les appelantes dirigent la totalité de leurs demandes contre la société tim prise en la personne de son liquidateur amiable M. [R] et la société Top Link prise en la personne de M. [I], mandataire à la liquidation judiciaire de cette dernière société ; qu’elles ne forment aucune prétention contre l’ex président de la société tim, M. [Z], lequel, ayant ainsi été intimé sans objet, sera mis d’office hors de cause ;
2. Sur la capacité à agir des appelantes :
Considérant, aux termes de l’article 117, alinéa 1er, du code de procédure civile, que « constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte : le défaut de capacité d’ester en justice » ; que l’article 119 du même code dispose que « les exceptions de nullité fondées sur l’inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d’un grief et alors même que la nullité ne résulterait d’aucune disposition expresse » ;
Considérant que les intimés contestent l’existence juridique et la capacité à agir des appelantes ;
Considérant que la société Charly Acquisitions produit au débat, avec sa traduction, un « certificate of good standing » (certificat d’existence) à l’entête de « Island of Nevis, Office of the registrar of companies » (Ile de Nevis, registre des sociétés), daté du 26 octobre 2001, certifiant que ladite société a été dûment immatriculée et que son existence a commencé, conformément aux dispositions de l’ordonnance sur les sociétés de 1984 de Nevis, à partir du 30 décembre 1999, qu’elle poursuit son activité et maintient une personnalité juridique ; qu’est également versé au débat, avec sa traduction, un document à l’en-tête « Nevis Island Administration, Ministry of Finance and Development, Regulation and supervision Department » présenté dans sa traduction comme l’équivalent du « Kbis de la société Charly Acquisitions sise sur l’Île de Nevis »; que, selon ce document, ladite société est représentée par « Trust Services » dont l’adresse est à [Localité 7] ;
Considérant que la société Lennox Holdings verse au débat, avec sa traduction, un « certificate of good standing » (certificat d’existence) à l’entête de « Turks and Caicos Islands » daté du 24 décembre 2007 et signé par la conservatrice ajointe du registre des sociétés, d’où il résulte que cette société, créée le 7 février 1977 et immatriculée sous le n° E.20151, a été « constituée selon les prescriptions et principes de la Réglementation des Iles Turques et Caïques portant sur les sociétés et qu’elle existe de manière valide et qu’elle est pleinement en règle avec les prescriptions légales qui régissent son inscription au Registre des Société à la date de délivrance de la présente attestation » ;
Considérant que les intimés observent que, selon les documents produits, la société Charly Acquisitions dispose d’un capital nul (Registred shares, ou actions enregistrées : 100,000 ; Par Value, ou valeur faciale de l’action : $ 0.00), que la forme sociale n’est pas précisée, qu’aucun représentant légal n’est identifié, que ni les statuts ni aucun bilan ne sont produits ; qu’ils exposent que, lors de procédures similaires antérieures, la société Charly Acquisitions a été déboutée et condamnée à payer des indemnités par application de l’article 700 du code de procédure civile qu’il a été impossible de recouvrer ;
Mais considérant que les appelantes font à juste titre valoir que la capacité d’ester en justice résulte seulement de l’existence de la personnalité juridique, laquelle, s’agissant d’une société, dépend de la loi du pays dont elle tire cette existence, non de la consistance ou de la répartition de son capital, de l’identité de ses représentants, de la bonne tenue de sa comptabilité ou des impôts qu’elle paye ou non ;
Considérant, à cet égard, que les pièces versées au débat émanent, selon toute apparence, des autorités officielles de l’Île de Nevis ou des Îles Turck et Caicos et suffisent à attester l’existence des sociétés Charly Acquisitions et Lennox holdings ;
Considérant que M. [R], ès qualités, s’abstient de toute précision quant au fondement juridique de sa demande tendant à « ce qu’à tout le moins la recevabilité des procédures engagées par ces deux sociétés soient garanties par un cautionnement ”convenable” (sic) destiné à garantir au moins le paiement de la somme que le tribunal (sic) de céans est susceptible d’allouer aux défendeurs dans l’hypothèse où l’action et les demandes des demandeurs seraient jugées infondées » ; que cette demande sera rejetée ;
Considérant que le fait que la société de droit Danois Charly Licensing présente une adresse de domiciliation ne suffit pas à justifier le moyen de contestation de la personnalité juridique de cette société ;
3. Sur la recevabilité des appelantes à agir contre la société tim et M. [R], ès qualités de liquidateur amiable :
Considérant que M. [R], ès qualités, expose que la société tim a fait l’objet d’une décision de liquidation amiable le 30 août 2005 et que la liquidation a été clôturée le 3 novembre 2006 et en tire la conséquence que « l’action et les demandes dirigées à l’encontre de la société tim [‘] tout comme celles dirigées contre M. [K] [R] ès qualités de liquidateur amiable de la société allemande tim dont la liquidation a été clôturée sont totalement dépourvues de fondement et donc irrecevables » ;
Mais considérant, outre que l’irrecevabilité d’une demande ne peut résulter de son absence de fondement puisque, pour être jugée mal fondée, par suite rejetée, une demande doit avoir été préalablement déclarée recevable, que les indications de l’intimé sur la liquidation de la société tim résultent de ses pièces 8 et 9 en langue allemande versées au débat sans traduction en français et ne peuvent être retenues comme moyens de preuves ;
Considérant, en toute hypothèse, que la déclaration d’appel, du 27 octobre 2006, est antérieure à la prétendue clôture des opérations de liquidation de la société tim ; que la procédure mettant en cause cette société prise en la personne de M. [R], son liquidateur amiable, est donc régulière et l’action des appelantes recevable ;
4. Sur la recevabilité des demandes des appelantes contre M. [I], ès qualités :
Considérant, au contraire de ce que soutient M. [I], ès qualités, que les appelantes ne forment aucune demande tendant à la condamnation de la société Top Link à leur payer une somme quelconque, mais réclament la fixation de leurs créances au passif de la liquidation judiciaire de cette société ;
Considérant que la recevabilité d’une demande n’est pas subordonnée à la possibilité d’exécuter la condamnation à laquelle elle tend ;
Considérant que la circonstance, alléguée par M. [I], ès qualités, selon laquelle il ne disposerait ni des informations lui permettant d’identifier les cocontractants de son administrée, ni de fonds pour régler les créanciers chirographaires, si elle est susceptible de priver de toute utilité les demandes des appelantes, n’est pas de nature à les rendre irrecevables ;
Considérant, en revanche, que M. [I], ès qualités, fait valoir à juste titre que les appelantes sont irrecevables à prétendre à une inscription de leurs créances au passif de la société Top Link pour des sommes supérieures à celles figurant dans leurs déclarations de créance ;
5. Sur la présomption de titularité des droits invoqués par les appelantes :
Considérant que les appelantes, qui affirment avoir exploité les enregistrements litigieux de manière paisible, depuis plusieurs années, sans la moindre revendication des artistes et des producteurs avec lesquels elles ont contracté, et déclarent se trouver en possession du matériel d’exploitation qui leur aurait été remis par ces producteurs, prétendent, pour ces raisons, bénéficier de la présomption tirée des dispositions de l’article L. 113-5 du code de la propriété intellectuelle suivant lesquelles : « l’ ‘uvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée. Cette personne est investie des droits de l’auteur » ;
Mais considérant que le litige porte, non sur des droits d’auteur attachés à la création d’une ‘uvre de l’esprit, mais sur les droits que le producteur de phonogramme tient de l’article L.213-1 du code de la propriété intellectuelle pour avoir pris l’initiative et la responsabilité de la première fixation d’une séquence de sons ;
Considérant que c’est donc à juste titre que le tribunal a écarté la présomption revendiquée en retenant que celle-ci ne concernait pas les droits voisins des producteurs de phonogrammes ;
6. Sur les chaînes des droits revendiquées par les appelantes:
Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il incombe aux sociétés appelantes de prouver, par la production des contrats successifs démontrant l’existence de la chaîne des droits qu’elles revendiquent, qu’elles sont recevables à agir sur le fondement de la contrefaçon ;
6.1. Sur les droits revendiqués par la société Charly Acquisitions sur les enregistrements de Little Richard :
Considérant que la société Charly Acquisitions se prétend titulaire, à titre exclusif, de 16 enregistrements reproduits dans l’album du coffret litigieux « Rock’n’roll forever Little Richard », en vertu d’un contrat conclu le 23 janvier 2002, par lequel elle aurait acquis de la société Vee-Jay le droit de fabriquer, distribuer et vendre des disques reproduisant les enregistrements originaux du catalogue Vee-Jay, et ce à titre exclusif pour le territoire de l’Europe ;
Considérant que le contrat invoqué a été communiqué aux parties par les appelantes, non pas en original, mais en photocopie, le 7 décembre 2007 (pièce n° 50) dans un exemplaire non signé par la société Charly Acquisitions, ce qui permet à la société tim de conclure à sa nullité, puis le 16 décembre 2009 (pièce n° 77 renumérotée 76) dans une version apparemment signée par les représentants des deux parties ; que ce désordre dans la communication des pièces, au demeurant tardive, s’agissant d’un document de nature à justifier de la recevabilité de l’action qui n’est communiqué qu’en cause d’appel et plus de trois ans après la déclaration d’appel, ne peut que jeter le discrédit sur sa force probante ;
Considérant que ce contrat est communiqué avec une annexe de 40 pages numérotées 20 à 62 dans un format illisible et inexploitable, dont un agrandissement est communiqué en pièce n° 50 sous forme d’un tableau fait apparaître, en page 64, en face du nom de Little Richard, la liste des titres des ‘uvres revendiquées ;
Considérant, alors que les parties s’accordent à admettre que les artistes dont il est question dans le présent litige ont généralement enregistré plusieurs versions d’un même titre, que ces données ne permettent pas, d’une part, d’identifier les enregistrements des ‘uvres en cause, désignés par le seul titre de la chanson, sur lesquels porteraient les droits d’exploitation cédés, d’autre part d’établir l’origine de ces droits et comment ils seraient échus à la société concédante ;
Considérant, à cet égard, que la lettre du 1er septembre 2005 (pièce n° 30) présentée par l’appelante comme une confirmation, par la société Vee jay, qu’elle est propriétaire des enregistrements de Little Richard dont la liste est donnée, n’apporte aucune précision supplémentaire sur les versions, les circonstances des enregistrements, les producteurs d’origine et la chaîne des droits ;
Considérant qu’il en résulte que la société Charly Acquisitions ne rapporte pas la preuve qu’elle serait titulaire des droits sur les enregistrements des ‘uvres de Little Richard précédemment visées ;
6.2. Sur les droits revendiqués par la société Charly Acquisitions sur les enregistrements interprétés par [P] [V], [N] [D], [G] [L] et [E] [Y] :
Considérant que la société Charly Acquisitions se prétend également titulaire des droits sur 16 enregistrements interprétés par [P] [V], 19 enregistrements interprétés par [G] [L], 17 enregistrements interprétés par [E] [Y], 16 enregistrements interprétés par [N] [D] ;
Qu’elle invoque, pour justifier de ces droits sur les titres en cause, un accord verbal conclu en 1996 et confirmé par un contrat conclu le 1er août 2001 avec la société Sun Entertainment lui concédant une licence d’exploitation exclusive pour l’Europe de l’ensemble de son catalogue ;
Considérant que l’objet de l’accord verbal allégué n’est pas établi ; que le contrat du 1er août 2001 (traduction de la pièce 48) supposé confirmer ledit accord indique seulement « le licencié, avec le consentement du concédant de licence, exploite les bandes originales concernées par les présentes depuis plusieurs années et les parties aux présentes sont désireuses d’enregistrer cet arrangement »; que ce contrat ne comporte par ailleurs aucune précision sur les enregistrements qui pourraient figurer sur ces bandes originales ; qu’il ne renvoie à aucune annexe susceptible de comporter les renseignements utiles à ce sujet ;
Considérant que l’appelante ne comble pas cette lacune en produisant au débat (pièce n° 49) une pièce présentée comme le catalogue de la totalité des enregistrements exploités par la société Sun Entertainment en 1987 ; que, de même, la lettre de la société Sun Entertainment datée du 2 septembre 2005, donc postérieure à l’introduction de la procédure, selon laquelle cette société a accordé une licence à la société Charly Acquisitions sur la liste d’enregistrements revendiqués, n’a jamais concédé de sous-licence à la société tim ou à la société saar, et a autorisé la société Charly Acquisitions à agir en justice pour la protection de ses droits n’identifie nullement les enregistrements, les producteurs, l’origine et la chaîne complète des droits, et ne suffit donc pas à démontrer la recevabilité à agir de la société Charly Acquisitions au regard des enregistrements visés ;
6.3. Sur les droits revendiqués par la société Charly Acquisitions sur les enregistrements interprétés par [M] [W] & The Picks :
Considérant que la société Charly Acquisitions se présente encore comme titulaire, à titre exclusif, de 16 enregistrements reproduits dans l’album « Rock’n roll forever [M] [W] & the Picks » ; qu’elle invoque un contrat conclu avec la société Pick records du 15 avril 1996 avec ses avenants des 3 octobre 1997 et 1er octobre 2002 ainsi qu’un contrat du 1er janvier 2004 ;
Mais considérant que les ‘uvres visées à l’annexe du contrat et aux avenants ne sont désignées que par des titres qui ne permettent pas de s’assurer de la référence précise des enregistrements et des conditions de leur production, ni de la chaîne des droits au terme de laquelle les droits afférents à ces ‘uvres seraient entrés dans le patrimoine de la société concédante ;
Considérant, au demeurant, que le contrat ne prévoit pas que le licencié soit autorisé à agir en justice pour défendre les droits du producteur de phonogramme à la place de ce dernier et que la société Charly Acquisitions n’est pas fondée, sur ce point, à se prévaloir des dispositions de l’article L.331-1, alinéa 3, du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction issue de la loi du 29 octobre 2007, selon lesquelles « le bénéficiaire valablement investi à titre exclusif […] d’un droit exclusif d’exploitation appartenant à un producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes, peut, sauf stipulations contraires du contrat de licence, exercer l’action en justice au titre de ce droit » ; que la recevabilité d’une action s’apprécie en effet à la date où cette action est engagée ; que l’action a été introduite, en l’espèce, avant l’entrée en vigueur des dispositions susvisées ;
6.4. Sur les droits revendiqués par la société Charly Acquisitions sur les enregistrements interprétés par Fats Domino :
Considérant que la société Charly Acquisitions revendique 16 enregistrements reproduits dans l’album du coffret litigieux « Rock’n roll forever Fats Domino » et invoque à ce titre un contrat du 1er octobre 1997 (pièce n° 33) conclu avec la société Tomato Company ;
Considérant que ce contrat comporte en annexe une liste d”uvres enregistrées par Fats Domino désignées simplement par le titre de la chanson et qui ne permet pas donc d’identifier précisément l’enregistrement visé parmi plusieurs versions possibles ;
Que le contrat ne comporte en outre aucune clause permettant à la société Charly Acquisitions, licenciée, d’agir en justice pour la défense des droits du producteur de phonogramme et à la place de ce dernier ;
6.5. Sur les droits revendiqués par la société Charly Acquisitions sur les enregistrements interprétés par The Platters :
Considérant que la société Charly Acquisitions revendique 22 enregistrements interprétés par The Platters reproduits dans l’album du coffret litigieux « Rock n’ roll forever The Platters » ; qu’elle invoque à ce titre la présomption simple dont il a déjà été dit qu’elle n’était pas fondée à se prévaloir, ainsi qu’une lettre de la société Barry Collings entertainment, du 3 octobre 2005 (pièce n° 39), versée en copie au débat en langue anglaise, sans traduction, laquelle, au demeurant, ne concorde pas avec la mention figurant sur le coffret et se référant, non à la société Barry Collings, mais à la société Sun Entertainment ;
6.6. Sur les droits revendiqués par la société Lennox Holdings :
Considérant que la société Lennox Holdings revendique 13 enregistrements interprétés par [H] [X], 12 enregistrements interprétés par [F] [O], 13 enregistrements interprétés par [A] [J], 8 enregistrements interprétés par [S] [T], 11 enregistrements interprétés par The Coasters, 16 enregistrements interprétés par Johnny and The Hurricanes et 2 enregistrements interprétés par [G] [L] ; qu’elle expose qu’elle tient les droits revendiqués au terme de la chaîne de contrats suivants :
– le 1er mai 1988, la société Sansu Entreprises a concédé à la société Charly Holdings, à titre exclusif pour l’Europe, l’ensemble des droits d’exploitation se rapportant aux enregistrements appartenant à son catalogue,
– le 10 juin 1992, la société Sansu Entreprises a cédé à la société Excell Music l’ensemble des droits, titres et intérêts attachés aux enregistrements de son catalogue,
– le 29 avril 1994, le contrat du 1er mai 1988 visé ci-dessus a été confirmé et étendu par la société Excell Music venant aux droits de la société Sansu Entreprises,
– le 1er juin 1995, la société Charly Holdings a cédé à la société Korda Investments l’ensemble des droits et obligations attachés se rapportant au catalogue ‘Sansu’,
– le 7 février 1997, la société Korda Investements a cédé à la société Lennox Holdings l’ensemble des droits et obligations attachés se rapportant au catalogue ‘Sansu’,
– le 21 novembre 1997, le tribunal fédéral des faillites des États-Unis du district oriental de l’état de Louisiane a rendu une ordonnance confirmant un plan de restructuration en vertu duquel la société Excel Music a fait apport à la société Gulf Coast Music de ses droits sur les enregistrements qu’elles détenaient et les contrats d’exploitation qui y étaient attachés; dans le cadre de cette procédure, la liste définitive des enregistrements ainsi cédés à la société Gulf Coast Music a été établie, dans laquelle, selon l’appelante, figurent les enregistrements revendiqués ;
Mais considérant que le contrat du 1er mai 1988 ne mentionne aucun titre de chanson ou d’album et ne comporte aucun renvoi à une annexe quelconque ; que, dès lors, rien ne permet de rattacher à ce contrat la pièce présentée par les appelantes comme une annexe de celui-ci et qui serait supposée donner la liste des enregistrements objet du contrat, étant observé, comme le souligne justement Me [I], ès qualités, que ce document, n’est pas paraphé par le représentant de la société Charly Holdings, à la différence des autres pages du contrat, ce qui permet de douter de sa valeur à titre de pièce contractuelle et lui retire toute force probante ;
Qu’il n’est, par ailleurs, nullement justifié des conditions dans lesquelles la société Sansu Entreprises aurait elle-même acquis, au terme d’une chaîne de droits régulière, les droits des artistes et des producteurs concernés par les enregistrements litigieux ; que les appelantes s’abstiennent de toute contestation quant à la pertinence de ce moyen ;
Considérant, dès lors que la chaîne telle que présentée par la société Lennox Holdings pour justifier de ses droits ne permet pas de déterminer avec certitude les enregistrements sur lesquels portent le premier contrat visé, qu’il est sans intérêt d’examiner la pertinence des justifications laborieuses des appelantes quant aux nombreuses invraisemblances et contradictions qui ressortent de l’examen de cette chaîne de droits particulièrement confuse et embrouillée ;
Considérant, en synthèse, que les sociétés appelantes n’apportent pas la preuve qu’elles seraient titulaires des droits d’exploitation relatifs aux oeuvres prétendument contrefaites ; que, dès lors, elles échouent à démontrer qu’elles seraient recevable à agir en contrefaçon de ces mêmes oeuvres ;
7. Sur les demandes des appelantes fondées sur l’article 1382 du code civil :
Considérant que les appelantes demandent subsidiairement à la cour de constater que la société Top Link et la société Tim ont commis une faute, au sens de l’article 1382 du code civil, en licenciant, reproduisant, exploitant et commercialisant les compilations litigieuses au mépris du monopole d’exploitation dont elles bénéficiaient, en poursuivant l’exploitation du dit coffret, et en ne versant aucune rémunération aux appelantes ;
Mais considérant que la faute ainsi alléguée, qui ne consiste en rien d’autre que la violation du monopole d’exploitation revendiqué, suppose la démonstration préalable de l’existence de ce prétendu monopole ; qu’il résulte des motifs qui précèdent que les appelantes échouent à rapporter cette preuve nécessaire ; que, dès lors, leurs demandes fondées sur la responsabilité délictuelle des sociétés intimées ne peuvent qu’être rejetées ;
Considérant, en définitive, que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté les sociétés Charly Licensing, Lennox Holdings et Charly Acquisitions de toutes leurs demandes ;
* *
PAR CES MOTIFS :
MET d’office hors de cause M. [U] [Z],
CONFIRME le jugement entrepris,
DÉBOUTE les sociétés Charly Licensing, Lennox Holdings et Charly Acquisitions de toutes leurs prétentions,
CONDAMNE les sociétés Charly Licensing, Lennox Holdings et Charly Acquisitions aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile et à payer, par application de l’article 700 du code de procédure civile :
– 8.000 euros à M. [K] [R], ès qualités de liquidateur amiable de la société TIM,
– 8.000 euros à M. [U] [Z].
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,