Exclusivité : 7 septembre 2017 Cour d’appel de Douai RG n° 16/04581

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Exclusivité : 7 septembre 2017 Cour d’appel de Douai RG n° 16/04581
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7 septembre 2017
Cour d’appel de Douai
RG n°
16/04581

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 07/09/2017

***

N° de MINUTE : 486/2017

N° RG : 16/04581

Jugement (N° 15/00381)

rendu le 16 juin 2016 par le tribunal de grande instance d’Arras

APPELANTE

EARL SCEA [J]

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 1]

représentée et assistée de Me Bruno Khayat, membre de la SELARL Dhorne Carlier Khayat, avocat au barreau de Dunkerque, substitué à l’audience par Me Alexandre Corrotte, avocat au barreau de Dunkerque

INTIMÉES

Comité Nord des Plants de Pommes de Terre

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 2]

Syndicat des Producteurs des Plants de Pommes de Terre [Localité 3]

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 4]

GIE Station de Recherche du Comité Nord

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 2]

SA Desmazières

ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 5]

représentées par Me Nadine Debarbieux, avocat au barreau d’Arras

assistées de Me Bruno Néouze, avocat au barreau de Paris, substitué à l’audience par Me Olivier-Denis Delattre, avocat au barreau de Paris

DÉBATS à l’audience publique du 12 juin 2017 tenue par Maurice Zavaro magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Maurice Zavaro, président de chambre

Bruno Poupet, conseiller

Emmanuelle Boutié, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 07 septembre 2017 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Maurice Zavaro, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 26 avril 2017

***

EXPOSE

La SCEA [J], productrice – reproductrice de pommes de terre, est affiliée au syndicat des producteurs de plants de pommes de terre [Localité 3] (ci-après le syndicat). Elle était en relations commerciales avec la SA Desmazières, détentrice des droits exclusifs sur certaines variétés, notamment celle dénommée Agata.

Le 18 mars 2008, le syndicat convoquait la SCEA [J] devant son conseil d’administration pour que celle-ci s’explique sur une affaire de contrefaçon de plants de la variété Agata. A l’issue de la réunion du 18 avril 2008, le conseil prenait à l’unanimité la décision d’exclure la SCEA [J] pour une saison.

Sollicitant réparation du préjudice que lui a causé cette décision, la SCEA [J] a appelé devant le tribunal de grande instance d’Arras, le syndicat, le Comité Nord des plants de pommes de terre (ci-après le comité), le GIE Station de recherche du Comité Nord (ci-après le GIE) et la SA Desmazières. Par jugement du 16 juin 2016, la juridiction a déclaré irrecevable l’action engagée contre le GIE, l’a mis hors de cause et a débouté la SCEA [J] de ses demandes, la condamnant à payer au syndicat, 2 000 euros, au comité, au GIE et à la SA Desmazières, (ensemble), la même somme au titre des frais non compris dans les dépens.

*

La SCEA [J] conclut à la recevabilité de l’action engagée contre le GIE et soutient que la décision d’exclusion prise le 18 avril 2008 est abusive et irrégulière. Elle sollicite la condamnation in solidum du syndicat, du comité, du GIE et la SA Desmazières, à lui payer 470 835 euros en réparation de son préjudice plus 100 000 euros en réparation du préjudice moral et 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que les griefs qui ont motivé cette décision n’étaient pas avérés ainsi qu’en attestent le jugement du tribunal de grande instance de Lille du 17 décembre 2009 qui a annulé les procès-verbaux de saisie contrefaçon du 23 avril 2008, l’arrêt du 22 février 2012, qui a confirmé cette décision et l’arrêt du 6 juin 2013 qui par lequel la Cour de cassation a rejeté un pourvoi ; elle invoque par ailleurs un manquement aux droits de la défense.

Le syndicat, le comité, le GIE et la SA Desmazières soulèvent l’irrecevabilité des prétentions de la SCEA [J] à l’encontre de chacun des intimés et, subsidiairement, à la confirmation du jugement. Ils sollicitent, le GIE, le comité, et la société Desmazières, 5000 euros ainsi que le syndicat 10 000 euros, par application de l’article 700 du code de procédure civile.

DISCUSSION

Sur la recevabilité :

L’article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Les intimés soulignent que le défaut de qualité s’apprécie tant pour le demandeur que pour le défendeur. Ils considèrent que le préjudice allégué résulterait exclusivement de la décision du syndicat qui ne peut être imputée aux trois autres entités assignées et en déduisent le défaut de qualité de ces trois dernières justifiant l’irrecevabilité de l’action à leur encontre.

L’appelant soutient au contraire que la société Desmazières, le comité et le GIE ont chacun contribué à la décision critiquée même si cette dernière a été juridiquement prise par le seul syndicat ; la société Desmazières pas sa mise en cause injustifiée de la société [J], le comité, qui siège au conseil d’administration du syndicat, en adressant à la société [J] un rappel de réglementation et en étant associée étroitement à l’action du syndicat, le GIE en sollicitant des saisies contrefaçons et en participant à la suspicion contre la société [J].

Nul n’est besoin de procéder à l’examen au fond de l’affaire pour constater que la décision d’exclusion qui a frappé la société [J] est intervenue le 18 avril 2008 alors que les diligences accomplies par l’huissier instrumentaire sont du 23, que le GIE est titulaire d’une protection des obtentions végétales relatives à une variété de pommes de terre baptisée Franceline et que le procès-verbal mentionne qu’il est diligenté à la demande d’une société Agrico Hollande BV et non du GIE qui n’apparaît en cette qualité que dans le cadre de l’instance engagée devant le tribunal de grande instance de Lille.

Il en résulte que c’est à juste titre que le jugement a retenu que le défaut de qualité du GIE apparaissait en dehors de tout examen au fond et en a déduit l’irrecevabilité de l’action engagée contre lui.

En ce qui concerne la société Desmazières et le comité, les éléments avancés par la société [J] tendent à établir que leur intervention a pu avoir une incidence dans la décision critiquée et on ne peut exclure cette occurrence sans examen au fond du dossier. C’est donc à juste titre que l’action a été déclarée recevable à leur encontre.

Sur la décision d’exclusion :

Le compte-rendu du conseil d’administration du syndicat du 18 avril 2008 expose :

Que la SCEA [J] est apparue comme fournisseur des plants de la variété protégée Agata trouvés chez un producteur mis en cause pour non-respect de la propriété intellectuelle ;

Que la société [J] ne disposait d’aucune autorisation d’utilisation des semences émanent du titulaire des droits ;

Que l’on a trouvé des caisses de pommes de terre Agata, lors d’une visite de l’inspecteur de culture agréé le 14 mars 2008.

Ce compte rendu se conclut par une décision unanime de l’exclusion temporaire de la SCEA [J], pour la campagne 2008/2009.

Méconnaissance des droits de la défense

Les parties conviennent de ce que, même en l’absence de toute disposition statuaire relative à la procédure à suivre lorsque le conseil d’administration du syndicat prend une sanction envers l’un de ses membres, les droits de la défense doivent être respectés et en particulier le principe de la contradiction.

L’appelant soutient n’avoir pas été mis en mesure de se justifier et n’avoir pas bénéficié de la communication préalable des griefs ainsi que des pièces du dossier.

M. et Mme [J], en qualité de représentants de la SCEA [J] ont été convoqués au conseil d’administration du syndicat du 20 mars 20008 par courrier du 18 mars. L’ordre du jour est ainsi précisé :

Mise en cause du producteur de plants adhérent à notre syndicat, la SCEA [J], dans un procès en contrefaçon ;

Présentation des faits ;

Entendre le producteur convoqué à notre conseil mis en cause dans cette affaire ;

Discussion et prise de décision le cas échéant.

A ce courrier, M. et Mme [J] ont fait répondre par leur conseil le 19 mars. Me Carlier expose avoir été consulté par M. et Mme [J] et ajoute : «Pour assurer le respect du contradictoire, je vous prie de me fournir les pièces du dossier (…) Je souhaite également que vous me justifiez des statuts du syndicat afin que je vérifie les modalités de la procédure. Compte tenu de la brièveté du délai de votre convocation, il me semble qu’un report serait envisageable.»

Par courrier du 20 mars 2008, le comité a adressé à la SCEA [J] un courrier contenant des « rappels réglementaires » concernant l’organisation de la culture des pommes de terre et un rappel de la législation concernant la propriété intellectuelle.

Le 27 mars 2008 le comité adressait par fax à la SCEA [J], son bulletin de liaison 109 dont le point III est intitulé « contrefaçon » qui expose notamment : «Votre conseil d’administration a décidé, après un large débat, que tout adhérent d’un syndicat, au sein du Comité Nord, qui serait reconnu par la SICASOV [un mot semble manquer] de contrefaçon (…) devrait être exclu de nos organisations professionnelles».

Le 4 avril 2008, le comité indiquait à la SCEA [J] qu’elle allait être convoquée, à sa demande, au prochain conseil d’administration du syndicat pour l’examen de sa situation «au regard de faits de contrefaçon qui auraient été relevés à votre encontre».

Enfin, le 14 avril 2008, la SCEA [J] était convoquée au conseil d’administration du 18 avec le même ordre du jour que précédemment et la précision suivante : «vous avez la possibilité de vous présenter à cette réunion assisté de votre avocat.» Ce courrier était transmis à Me Carlier avec la mention suivante : «Pourriez-vous nous représenter, je ne compte pas y aller.»

Dans un dernier échange de correspondances, Me Carlier sollicitait à nouveau les documents déjà visés dans son courrier du 19 mars ainsi que l’autorisation de représenter ces clients. Il lui était répondu que ceux-ci devaient être entendus par le conseil et que, s’ils pouvaient être assistés, ils ne pouvaient être représentés.

Il ressort de ce rappel que le conseil d’administration se situait dans le cadre d’une procédure orale au cours de laquelle devait, tout à la fois, être exposés les éléments recueillis par la SICASOV et les explications du mis en cause entendues. Le compte-rendu expose que «Au cours d’une réunion organisée par les établissements Desmazières dans ses locaux, ces informations ont été communiquées verbalement à Mme [J] afin qu’elle puisse apporter des explications». La SCEA [J] ne mentionne pas cet événement.

Quoi qu’il en soit de ce point, en l’absence de toute procédure formalisée dans les statuts de l’organisme en cause, on ne peut faire reproche au syndicat d’avoir conçu l’instance disciplinaire comme une procédure orale dès lors que le mis en cause était en mesure de s’expliquer une fois présenté le rapport concernant les faits qui lui étaient reprochés. L’appelant ne peut se prévaloir du défaut de communication du «dossier» dès lors qu’il a pris la décision de refuser de comparaître et que, dans ces conditions, c’est de son seul fait qu’il n’a pas été à même de présenter ses explications sur les faits susceptibles de le mettre en cause. L’absence de communication préalable à la réunion du conseil, du rapport ne constitue pas en soi un manquement au principe de la contradiction puisque ce rapport devait être présenté oralement à l’intéressée, rien ne lui interdisant de solliciter un délai pour discuter les informations ainsi révélées si cela lui apparaissait nécessaire, à charge pour lui de contester un éventuel refus.

Sur les faits

La contestation de l’appelant relativement aux faits repose sur l’incompétence du tribunal de grande instance d’Arras pour juger de faits de contrefaçons, celui de Lille étant seul compétent pour connaître de tels faits dans le ressort des cours d’appel d’Amiens et de Douai ainsi que sur l’absence de toute suite judiciaire aux procès-verbaux de saisie contrefaçon.

C’est à juste titre que le jugement critiqué retient que, s’il est exact que le procès-verbal de saisie contrefaçon du 23 avril 2008 a été annulé par le tribunal de grande instance de Lille le 17 décembre 2009, confirmé en cela par la cour d’appel de Douai le 22 février 2010, avec cette circonstance que le pourvoi frappant cet arrêt a été rejeté le 6 juin 2013, la décision d’exclusion critiquée est antérieure à ce procès-verbal. En revanche celui du 30 janvier 2008 mentionne la vente de plants Agata ainsi que divers achats de plants de la même variété pour l’année 2005, dont les factures sont établies au nom de Mme [J] ou de la SCEA [J].

Ces faits ne sont d’ailleurs pas discutés dans leur matérialité, l’appelante invoquant seulement l’article L623-27-1 du code de la propriété intellectuelle qui prévoit l’annulation de la saisie à la demande du saisi à défaut pour le demandeur de s’être pourvu au fond.

Toutefois, sur ce argument et sur la question de la compétence du tribunal de grande instance d’Arras, il sera observé que la sanction n’a pas été prise dans le cadre d’une instance judiciaire en contrefaçon mais dans le cadre d’une procédure disciplinaire d’un syndicat professionnel que cette juridiction avait compétence pour apprécier et au vu de faits constaté par un procès-verbal qui, au jour de l’audience, n’avait pas fait l’objet par le saisi, d’une demande d’annulation.

Il en résulte que c’est à juste titre que le jugement a retenu que les faits étaient établis et que le syndicat pouvait prendre la sanction qu’il a prise.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement du 16 juin 2016 en toutes ses dispositions ;

Condamne la SCEA [J] à payer, au syndicat des producteurs de plants de pommes de terre [Localité 3] 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par lui en appel et, du même chef, 3 000 euros au GIE Station de recherche du Comité Nord, à la SA Desmazières et au Comité Nord des plants de pommes de terre (ensemble pour ce qui est de cette dernière somme) ;

La condamne aux dépens d’appel.

Le greffier,Le président,

Delphine Verhaeghe.Maurice Zavaro.

 


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