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7 mars 2017
Cour de cassation
Pourvoi n°
15-18.865
SOC.
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 mars 2017
Cassation partielle
M. FROUIN, président
Arrêt n° 350 FS-D
Pourvoi n° R 15-18.865
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par la société CL CG, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], représentée par M. [M] [C], agissant en qualité de liquidateur amiable, domicilié [Adresse 3],
contre l’arrêt rendu le 27 mars 2015 par la cour d’appel de Paris (pôle 2, chambre 2), dans le litige l’opposant à l’institution AG2R Réunica prévoyance, anciennement dénommée AG2R prévoyance, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 17 janvier 2017, où étaient présents : M. Frouin, président, Mme Sabotier, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, Mmes Geerssen, Lambremon, MM. Chauvet, Maron, Déglise, Mme Farthouat-Danon, M. Betoulle, Mmes Slove, Basset, conseillers, Mmes Salomon, Depelley, Duvallet, Barbé, M. Le Corre, Mmes Prache, Chamley-Coulet, conseillers référendaires, Mme Berriat, avocat général, Mme Hotte, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Sabotier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société CL CG, de Me Le Prado, avocat de l’institution AG2R prévoyance devenue AG2R Réunica prévoyance, l’avis de Mme Berriat, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, soulevé d’office après avis donné aux parties conformément aux dispositions de l’article 1015 du code de procédure civile :
Vu l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
Attendu que pour condamner la société CL CG à régulariser son adhésion et ordonner le règlement des cotisations dues à l’institution AG2R prévoyance pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2011, l’arrêt retient que c’est en vain que la société CL CG soutient que le choix d’AG2R prévoyance n’a pas été précédé d’une procédure de mise en concurrence, alors que d’autres organismes étaient susceptibles d’offrir les mêmes garanties et qu’il existait déjà des liens entre l’institution de prévoyance et certains acteurs de la branche, le Conseil d’Etat ayant rappelé, dans sa décision du 30 décembre 2013, que les stipulations des articles 102 et 106 du traité n’imposaient pas de modalité particulière d’attribution de droits exclusifs, que la Cour de cassation a également retenu, dans ses arrêts du 11 février 2015, que la validité de la clause de désignation du gestionnaire d’un régime de prévoyance obligatoire n’était pas subordonnée à une mise en concurrence préalable par les partenaires sociaux de plusieurs opérateurs économiques, que dès lors, il y a lieu de rejeter la demande de la société CL CG visant à voir dire que la clause de désignation contenue dans l’avenant n° 83 et désignant l’institution AG2R serait contraire aux dispositions des articles 9, 102 et 106 du TFUE et que le choix de cette institution, sans mise en concurrence et sans respect de l’obligation de transparence imposée par le droit de l’Union européenne, serait illégal, sans qu’il soit besoin de procéder au renvoi préjudiciel devant la CJUE sollicité par la société CL CG sur la question de la nécessité de l’ouverture à concurrence ;
Attendu cependant, que la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt du 17 décembre 2015 (C-25/14 et C-26/14) a dit pour droit que c’est l’arrêté d’extension de l’accord collectif confiant à un unique opérateur, choisi par les partenaires sociaux, la gestion d’un régime de prévoyance complémentaire obligatoire au profit des salariés, qui a un effet d’exclusion à l’égard des opérateurs établis dans d’autres États membres et qui seraient potentiellement intéressés par l’exercice de cette activité de gestion ; qu’il apparaît que dans un mécanisme tel que celui en cause, c’est l’intervention de l’autorité publique qui est à l’origine de la création d’un droit exclusif et qui doit ainsi avoir lieu dans le respect de l’obligation de transparence découlant de l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ; que s’agissant du droit de l’Union européenne, dont le respect constitue une obligation, tant en vertu du Traité sur l’Union européenne et du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qu’en application de l’article 88-1 de la Constitution, il résulte du principe d’effectivité issu des dispositions de ces Traités, telles qu’elles ont été interprétées par la Cour de justice de l’Union européenne, que le juge national chargé d’appliquer les dispositions du droit de l’Union a l’obligation d’en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire ; qu’à cet effet, il doit pouvoir, en cas de difficulté d’interprétation de ces normes, en saisir lui-même la Cour de justice à titre préjudiciel ou, lorsqu’il s’estime en état de le faire, appliquer le droit de l’Union, sans être tenu de saisir au préalable la juridiction administrative d’une question préjudicielle, dans le cas où serait en cause devant lui, à titre incident, la conformité d’un acte administratif au droit de l’Union européenne ; qu’il en résulte que l’arrêté du 16 octobre 2006 simplement précédé de la publicité prévue à l’article L. 133-14 du code du travail, alors applicable, qui ne peut être regardée comme ayant permis aux opérateurs intéressés de manifester leur intérêt pour la gestion des régimes de prévoyance concernés avant l’adoption de la décision d’extension, incompatible avec les règles issues du droit de l’Union tel qu’interprété par la Cour de justice de l’Union européenne, doit voir son application écartée en l’espèce ;
Qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne la société CL CG à régulariser son adhésion auprès de l’institution AG2R prévoyance, devenue AG2R Réunica prévoyance, ainsi qu’à régler les cotisations lui étant dues en exécution de l’avenant n° 83 du 24 avril 2006 au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2011, l’arrêt rendu le 27 mars 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;
Condamne l’institution AG2R Réunica prévoyance aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne l’institution AG2R Réunica prévoyance à payer à la société CL CG la somme de 1 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille dix-sept.