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7 mars 2017
Cour de cassation
Pourvoi n°
15-13.701
SOC.
JT
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 mars 2017
Cassation
M. FROUIN, président
Arrêt n° 342 FS-D
Pourvoi n° C 15-13.701
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par l’institution AG2R Réunica prévoyance, anciennement AG2R prévoyance, dont le siège est [Adresse 1],
contre l’arrêt rendu le 18 décembre 2014 par la cour d’appel de Pau (1re chambre), dans le litige l’opposant à la société Mivielle, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 17 janvier 2017, où étaient présents : M. Frouin, président, M. Déglise, conseiller rapporteur, M. Huglo, Mmes Geerssen, Lambremon, MM. Chauvet, Maron, Mme Farthouat-Danon, M. Betoulle, Mmes Slove, Basset, conseillers, Mmes Sabotier, Salomon, Depelley, Duvallet, Barbé, M. Le Corre, Mmes Prache, Chamley-Coulet, conseillers référendaires, Mme Berriat, avocat général, Mme Hotte, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Déglise, conseiller, les observations de Me Le Prado, avocat de l’institution AG2R prévoyance devenue AG2R Réunica prévoyance, de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Mivielle, l’avis de Mme Berriat, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, après avis donné aux parties en application de l’article 1015 du code de procédure civile :
Vu les articles 56, 101, 102 et 106 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et les avenants n° 83 du 24 avril 2006 et n° 100 du 27 mai 2011 à la convention collective nationale de la boulangerie-pâtisserie du 19 mars 1976 ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que les représentants des employeurs et des organisations syndicales représentatives des salariés du secteur de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie, soumis à la convention collective nationale étendue des entreprises artisanales relevant de ce secteur, ont conclu, le 24 avril 2006, un avenant n° 83 à cette convention collective par lequel ils ont décidé de mettre en oeuvre un régime de remboursement complémentaire obligatoire des frais de santé pour les salariés entrant dans le champ d’application de ce secteur ; qu’AG2R prévoyance a été désignée aux termes de l’article 13 de cet avenant pour gérer ce régime et l’article 14 a imposé à toutes les entreprises entrant dans le champ d’application de l’avenant n° 83 de souscrire les garanties qu’il prévoit à compter du 1er janvier 2007 ; que l’accord a été étendu au plan national, par arrêté ministériel du 16 octobre 2006, à toute la branche de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie ; qu’AG2R prévoyance a été désignée par les partenaires sociaux, pour une nouvelle durée de cinq ans, comme unique gestionnaire du régime aux termes d’un avenant n° 100 du 27 mai 2011 étendu par arrêté du 23 décembre 2011 ; que la société Mivielle, adhérente d’une organisation d’employeurs signataire des avenants, ayant refusé d’adhérer au régime géré par AG2R prévoyance, cette dernière a, par acte du 1er février 2012, saisi le tribunal de grande instance pour obtenir la régularisation de l’adhésion de la société et le paiement des cotisations dues pour l’ensemble de ses salariés depuis le 1er janvier 2007 ;
que l’institution AG2R prévoyance est devenue AG2R Réunica prévoyance ;
Attendu que pour rejeter ces demandes, l’arrêt énonce que hormis le fait qu’AG2R prévoyance ait été désignée par les partenaires sociaux signataires de l’avenant nº 83, il n’est produit aucune pièce permettant de déterminer quels ont été les critères qui ont pu guider ces partenaires dans le choix de cet organisme et notamment les éléments économiques, la marge de négociation dont a pu disposer AG2R, les risques qu’elle pouvait encourir si elle était mise en concurrence avec d’autres institutions de prévoyance, mutuelles et entreprises d’assurance et ce alors que l’article L. 911-1 du code de la sécurité sociale prévoit la possibilité de confier la gestion d’un régime complémentaire des soins de santé à des institutions de prévoyance et de mutualisation, mais également à des entreprises d’assurance ; que dès lors, la seule allégation d’AG2R prévoyance qu’en l’absence de désignation exclusive et d’obligation d’affiliation à son profit des entreprises sans possibilité de dispense, il serait fait échec à l’accomplissement de la mission particulière d’intérêt général qui lui est impartie, n’est pas de nature à permettre à la cour de vérifier que les critères posés par la Cour de justice de l’Union européenne pour échapper à toute concurrence sont remplis en l’espèce ; qu’en l’absence d’éléments permettant à la cour de vérifier le respect du droit communautaire au regard des critères relatifs au jeu de libre concurrence, AG2R n’est donc pas fondée à demander l’adhésion forcée des sociétés ni leur condamnation à paiement d’arriérés de cotisations ;
Attendu, cependant, que la Cour de justice de l’Union européenne a jugé, par un arrêt du 3 mars 2011 (C437/09 ), d’une part, que l’affiliation obligatoire à un régime de remboursement complémentaire de frais de soins pour l’ensemble des entreprises du secteur concerné à un seul opérateur, sans possibilité de dispense, était conforme à l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), et d’autre part, que les articles 102 et 106 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ne s’opposaient pas à ce que les pouvoirs publics investissent, dans des circonstances telles que celles de l’affaire, un organisme de prévoyance du droit exclusif de gérer ce régime, sans aucune possibilité pour les entreprises du secteur d’activité concerné d’être dispensées de s’affilier audit régime ; qu’il résulte également de l’arrêt du 17 décembre 2015 de la Cour de justice de l’Union européenne (C-25/14 et C-26/14) que c’est l’intervention de l’autorité publique – par le biais de l’arrêté d’extension – qui est à l’origine de la création d’un droit exclusif et qui doit ainsi, en principe, avoir lieu dans le respect de l’obligation de transparence découlant de l’article 56 du TFUE ; que les accords collectifs de branche instituant un régime de protection sociale complémentaire ne relèvent donc pas du champ d’application de l’article 56 du TFUE qui n’impose aucune obligation de transparence aux partenaires sociaux lesquels ne sont pas un pouvoir adjudicateur soumis aux règles régissant les marchés publics ou la commande publique ;
Qu’en statuant comme elle a fait, alors qu’il n’était pas contesté que la société Mivielle était adhérente d’une organisation d’employeurs signataire des avenants n° 83 du 24 avril 2006 et n° 100 du 27 mai 2011 à la convention collective nationale de la boulangerie-pâtisserie, en sorte qu’elle était tenue d’adhérer au régime géré par l’organisme désigné par les partenaires sociaux, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;