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4 septembre 2009
Cour d’appel de Paris
RG n°
08/05348
Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRÊT DU 04 SEPTEMBRE 2009
(n° 204, 06 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 08/05348
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Janvier 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 06/06320
APPELANTES
Madame [V] [C] veuve [B] [MP]
demeurant [Adresse 8]
[Localité 12]
représentée par la SCP BERNABE – CHARDIN – CHEVILLER, avoués à la Cour
assistée de Me Antoine WEIL, avocat au barreau de PARIS, toque : A 364
Monsieur [X] [MP]
demeurant [Adresse 17]
[Localité 15]
représenté par la SCP BERNABE – CHARDIN – CHEVILLER, avoués à la Cour
assisté de Me Antoine WEIL, avocat au barreau de PARIS, toque : A 364
Madame [N] [G] divorcée [MP]
Chez Monsieur [X] [MP]
[Adresse 17]
[Localité 15]
représentée par la SCP BERNABE – CHARDIN – CHEVILLER, avoués à la Cour
assistée de Me Antoine WEIL, avocat au barreau de PARIS, toque : A 364
Association FOND’ACTION [B] [MP]
régie par la loi du 1er juillet 1901
prise en la personne de son président Monsieur [D] [S]
ayant son siège [Adresse 16]
[Localité 9]
représentée par la SCP BERNABE – CHARDIN – CHEVILLER, avoués à la Cour
assistée de Me Antoine WEIL, avocat au barreau de PARIS, toque : A 364
S.A.S OPENING
agissant en la personne de son président
ayant son siège [Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour
assistée de Me Benjamin SARFATI, avocat au barreau de PARIS, toque E 1227
plaidant pour la société d’avocats INTERVISTA
INTIMÉES
S.A.R.L. VEGA PRODUCTION DIFFUSION COMMUNICATION
pris en la personne de son représentant légal
ayant son siège [Adresse 1]
[Localité 10]
défaillante
Madame [M] [W]
en sa qualité d’ayant droit de Monsieur [U] [W]
demeurant [Adresse 3]
[Localité 11]
défaillante
INTERVENANTS
Maître [NJ] [Y]
es qualité d’administrateur judiciaire de la Société OPENING
demeurant [Adresse 6]
[Localité 13]
représenté par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour
assistée de Me Benjamin SARFATI, avocat au barreau de PARIS, toque E 1227
plaidant pour la société d’avocats INTERVISTA
Maître [P] [O]
es qualité de mandataire judiciaire de la Société OPENING
demeurant [Adresse 7]
[Localité 14]
représenté par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour
assistée de Me Benjamin SARFATI, avocat au barreau de PARIS, toque E 1227
plaidant pour la société d’avocats INTERVISTA
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 15 Mai 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Alain GIRARDET, Président
Madame Geneviève REGNIEZ, Conseiller
Madame Dominique SAINT SCHROEDER, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Christelle BLAQUIERES
ARRÊT :- contradictoire
– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Alain GIRARDET, président et par Mademoiselle Christelle BLAQUIÈRES, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
***
[B] [I] est l’auteur du roman intitulé J’irai cracher sur vos tombes dont il a rédigé une adaptation pour le théâtre. Par contrat du 17 octobre 1957, il céda à la Société Nouvelle Océan Films, le droit de procéder à une adaptation cinématographique de la pièce théâtre, étant observé que les parties convenaient que le travail d’adaptation cinématographique devait être confié à lui-même avec la collaboration d’une autre personne.
En 1954, [B] [I] écrivit en compagnie de [U] [W] un scénario tiré de l’ouvrage et de la pièce de théâtre .
Le 7 février 1958, la Société Nouvelle Océan Films céda ses droits à [Z] [J], dit [Z] [H], lequel les rétrocéda à la société CTI par courrier du 28 octobre 1958 .
Le 6 mars 1959, [B] [I] et [U] [W] conclurent alors avec la société de production CTI, une convention aux termes de laquelle ils lui cédaient pour une durée de 7 ans le droit exclusif de réaliser et de produire un film d’après leur scénario intitulé J’irai cracher sur vos tombes.
Le film, produit par la société CTI, fut réalisé par [Z] [H] à partir d’un scénario modifié par ce dernier avec le concours de [A] [T] et d'[E] [K] dite [R], et tiré du scénario de [B] [I] et de [U] [W] .
C’est au cours d’une présentation privée du film, intitulé également J’irai cracher sur vos tombes que [B] [I] devait décéder le [Date décès 4] 1959.
Le film fut exploité par la société AUDIFILMS – venant aux droits de la société CTI -,- laquelle fit cession à la société VEGA PRODUCTIONS représentée par [Z] [H],de ‘l’ensemble des droits corporels et incorporels du film et du film d’annonce’. La société Vega Production céda le 7 octobre 2004, à la société Opening SAS, les droits d’édition et de distribution du film sous forme vidéographique .
Les ayants droit de [B] [I], à savoir sa veuve, [V] [C], [X] [I] et [N] [G] divorcée [I], ainsi que l’association ‘Fond’Action [B] [I]’ faisant grief aux sociétés Vega Production de poursuivre l’exploitation du film, notamment sous forme de DVD, alors que les contrats de cession des droits d’adaptation et d’exploitation cinématographique sur sa pièce, comme le contrat de cession du scénario adapté de la pièce, n’avaient pas été renouvelés et étaient donc expirés, ont fait assigner ces deux sociétés en contrefaçon, leur reprochant en outre une omission de reddition des comptes d’exploitation et une présentation des vidéogrammes accompagnée d’un livret de présentation qui contreferait d’autres oeuvres de [B] [I] .
Par jugement du 25 janvier 2008, le tribunal de grande instance de Paris a partiellement fait droit aux prétentions de la cohérie [I], en retenant le caractère contrefaisant du DVD J’irai cracher sur vos tombes, a condamné solidairement les sociétés Vega Productions et Opening SAS à payer à la cohérie la somme de 50 000 euros en réparation de l’atteinte portée aux droits patrimoniaux sur le scénario J’irai cracher sur vos tombes, oeuvre de [B] [I] et de [U] [W], et a rejeté les demandes d’interdiction d’exploitation ainsi que celles fondées sur le caractère prétendument contrefaisant du livret d’accompagnement des DVD ;
Les ayants droit de [B] [I] et l’association Fond’Action [B] [I] font grief à la décision entreprise d’une part, d’avoir déclaré l’association irrecevable en son action, d’autre part, d’avoir rejeté leur demande d’interdiction dirigée contre la société Vega Production d’exploiter le film, sous quelque forme que ce soit. Ils sollicitent de la cour le prononcé d’une telle mesure accompagnée d’une astreinte de 100 000 euros par jour de retard, et la condamnation de la société Vega Peoduction à leur verser une somme provisionnelle de 50 000 euros à valoir sur l’évaluation de leur préjudice à fixer à dires d’expert. Subsidiairement, ils concluent à la résiliation des conventions pour violation des dispositions relatives notamment aux redditions de compte et au paiement de la redevance contractuelle, et au versement d’une provision de 50 000 euros à valoir sur la réparation de leur préjudice ;
La société Opening, Maître [Y], son administrateur judiciaire et Maître [O] son mandataire judiciaire, concluent à l’infirmation de la décision entreprise en ce qu’elle a jugé l’action de l’association et celle de la cohérie recevables alors que les co-auteurs du film n’ont pas été attraits dans la cause, et subsidiairement font valoir que les appelants doivent être déboutés de leurs demandes d’interdiction d’exploitation du film sous forme de DVD ainsi que de leurs demandes de dommages et intérêts.
La société Vega Productions et la société Vega Production n’ont pas constitué avoué .
Sur la qualité à agir de l’association Fond’Action [B] [I]
Considérant que l’association a pour objet la promotion et la diffusion de la pensée et de l’oeuvre de [B] [I] ; qu’il est en outre justifié en cause d’appel que [L] [I] lui céda la nue propriété de 3/4 des droits indivis qu’elle détenait sur l’oeuvre de son père ; que cette cession fait de l’association l’ayant droit de [L] [I] et lui confère qualité à agir en défense des droits dont elle est désormais investie ;
Sur la recevabilité des appelants à agir en contrefaçon
Considérant que la société Opening expose en substance que les premiers juges se sont mépris en postulant que le film litigieux co-écrit par Messieurs [H] et [T] et Madame [R], constituait une oeuvre dérivée du scénario co-écrit par [B] [I] et [U] [W] et que ce premier scénario se distinguant nettement de la contribution des co-auteurs du film, la recevabilité de l’action en contrefaçon engagée par la cohérie et par l’association n’était pas subordonnée à l’appel en la cause des coauteurs du film ;
Considérant que les appelants leur opposent que cette cour dans un arrêt du 17 mai 1991, puis la Cour de Cassation dans son arrêt du 9 février1994 se sont déjà prononcées à l’occasion d’un litige relatif à l’exploitation du film, en retenant que le scénario définitif est une oeuvre composite qui incorpore le scénario initial de [B] [I] et de [U] [W] ; qu’ils ajoutent que la qualification d’oeuvre de de collaboration est d’autant moins pertinent que ni [I] ni [W] n’ont participé à la rédaction du second scénario dont il est constant qu’il est fortement inspiré du premier ;
Considérant ceci rappelé, que les premiers juges relèvent à raison que les conditions d’élaboration du film ont fait l’objet d’un rapport d’expertise dont les conclusions ont été reprises par le tribunal de grande instance de la Seine dans un jugement du 6 février 1963 ; que le rapport, cité par la décision dont appel, releva que le scénario de Messieurs [I] et [W] comportait des indications de réalisation qui ne pouvaient pas être mises en oeuvre et qui le rendaient impropre à son utilisation comme traitement cinématographique ; que c’est dans ces conditions que la société de production CTI fit appel à [Z] [H], [A] [T] et Madame [R] lesquels remirent ‘un traitement complet (découpage et dialogues) utilisant la donnée générale du scénario [HX], mais lui donnant le caractère technique nécessaire à la réalisation cinématographique’, et les experts de préciser que ‘c’est le travail en question qui fut alors intégralement utilisé pour produire le film’ ; que ces données ne sont pas contestées par les appelants ;
Considérant qu’il suit que B. [I] J. [W] n’ont pas pris part à l’élaboration du scénario définitif accompagné des dialogues ;
Que le scénario définitif s’analyse donc comme un oeuvre composite qui a incorporé le scénario initial ;
Considérant que l’article L113-7 in fine du code de la propriété intellectuelle, précise que lorsque l’oeuvre audiovisuelle est tirée d’une oeuvre ou d’un scénario préexistants encore protégés,’les auteurs de l’oeuvre originaire sont assimilés à l’oeuvre nouvelle’ ;
Considérant en l’espèce, que par l’ incorporation du scénario initial au scénario définitif, Messieurs [I] et [W] ont concouru à la création du film réalisé à partir du scénario définitif, et qu’ils ont dès lors la qualité de coauteurs de l’oeuvre cinématographique ; que cette qualité est corroborée par le contrat du 6 mars 1959, par lequel Messieurs [I] et [W] ont cédé à la société CTI les droits de production et de réalisation du film ‘d’après leur scénario’ ;
Qu’il sera rappelé enfin que la Cour de cassation, dans son arrêt du 24 novembre 1993 rendu à l’occasion d’un différend entre coauteurs sur l’exploitation dudit film, avait relevé que messieurs [I] et [W] avaient eux aussi concouru à la création du film réalisé à partir du scénario définitif ;
Considérant que les demandes dont les appelants ont saisi la cour tendent à voir interdire aux intimées toute exploitation de l’oeuvre cinématographique ;
Considérant que la recevabilité de telles demandes supposent, par application de l’article L113-3 du code de la propriété intellectuelle qui dispose que les coauteurs doivent exercer leurs droits d’un commun accord, que les autres coauteurs du film aient été appelés dans la cause, peu important à cet égard que le scénario puisse être qualifié d’oeuvre composite ;
Que le jugement sera infirmé en ce qu’ils a déclaré les appelants recevables en leurs prétentions ;
Sur les demandes subsidiaires
Considérant que les appelants, tout en soutenant que le contrat du 6 mars 1959 est caduc car il n’avait pas été prorogé au delà du 27 juin 1981, concluent à sa résiliation aux motifs que la société Vega n’a pas adressé de comptes, n’a pas plus réglé les sommes qu’elle avait encaissées et a disposé des droits d’exploitation qu’elle n’ avait pas ;
Considérant cependant que les premiers juges ont justement souligné que la cession consentie par messieurs [I] et [W] à la société de production était limitée dans le temps ; que le contrat du 6 mars 1959 limitait à ‘une durée de sept années à compter de la première sortie en exclusivité,les droits exclusifs de faire réaliser et d’exploiter un film …’, durée qui avait été prorogée par les ayants droit de [B] [I] jusqu’au 26 juin 1981, au bénéfice de la société AUDIFILMS venant aux droits de la société CTI ;
Considérant qu’il n’est pas démontré ni même allégué que d’autres prorogations seraient intervenues,- les appelants soulignant au contraire qu’un jugement définitif du tribunal de grande instance de Paris en date du 13 mars 1986 avait déjà fixé au 26 juin 1981 le terme des cessions successives consenties -, de sorte que la société Vega Production à laquelle la société AUDIFILMS avait cédé ‘ses droits’ le 3 juillet 1987, n’était investie d’aucun droit pour poursuivre l’exploitation du scénario ; que la demande de résiliation de la convention de 1959 dont la société Vega Productions ne peut dès lors revendiquer le bénéfice, est en conséquence manifestement dénuée de fondement et sera rejetée ;
Sur le DVD édité par la société OPENING
Considérant que pour les motifs sus exposés les appelants ne sont pas recevables à agir en contrefaçon pour solliciter une interdiction d’exploitation de l’oeuvre cinématographique, même limitée au seul DVD litigieux, faute pour eux d’avoir appelé en la cause les coauteurs de celle-ci ;
Considérant que le livret de présentation accompagnant le DVD comporte,selon les appelants, de nombreuses erreurs ou des approximations qui, à bien les comprendre, porteraient atteinte à leur droit moral ; qu’il reproduit un extrait du poème écrit par [U] [F] peu après la mort de [B] [I] et adressé par le poète à sa veuve ; qu’il reproduit également la couverture d’ouvrages sur lesquels figure la photographie de [I] sans que l’autorisation des ayants doit de celui-ci ait été sollicitée.
Mais considérant que les approximations ou erreurs, à les supposer établies, ne peuvent caractériser une atteinte à un droit moral de l’auteur ; que pas davantage, la reproduction d’un extrait du poème de [F] qui fut publié aux éditions Gallimard avec l’accord de l’ayant droit de [U] [F] et de madame [I] [C], ne peut -elle caractériser une atteinte à un droit moral sur ce poème dont les appelants ne sont pas investis et qu’ils n’ont dès lors pas qualité à exciper ; qu’il en est de même de la reproduction de la maquette de couverture d’ouvrages dont les appelants ne prétendent pas être titulaires des droits et dont la photographie de couverture n’a jamais été considérée comme portant atteinte à l’image de l’auteur ; qu’enfin s’agissant des citations, pas plus que devant les premiers juges, les appelants ne justifient -ils que leur usage aurait été contraire aux prescriptions de l’article L122-5 du code de la propriété intellectuelle ;
Sur l’article 700 du code de procédure civile
Considérant que l’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du cpc
PAR CES MOTIFS
Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne celles relatives à la plaquette de présentation du DVD litigieux,
Statuant à nouveau,
Déboute les appelants de l’ensemble de leurs prétentions,
Dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile
Condamne les appelants aux entiers dépens qui seront recouvrés dans les formes de l’article 699 du code de procédure civile par Maître Huygue, avoué.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT