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3 janvier 2023
Cour d’appel de Dijon
RG n°
21/00792
LC/IC
COMMUNE DE [Localité 10]
C/
[P] [X]
[E] [J] [H] veuve [X]
[V] [X]
[T] [R] épouse [R]
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D’APPEL DE DIJON
1ère chambre civile
ARRÊT DU 03 JANVIER 2023
N° RG 21/00792 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FXCB
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : jugement du 04 mai 2021,
rendu par le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône – RG : 19/00998
APPELANTE :
COMMUNE DE [Localité 10] prise en la personne de son Maire en exercice Madame [Y] [M] domiciliée en cette qualité :
[Adresse 9]
[Adresse 2]
[Localité 10]
assistée de Me Ludovic BUISSON, avocat au barreau de CHALON SUR SAONE, plaidant, et représentée par Me Jean-Vianney GUIGUE,avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE, tous deux membres de la SELAS ADIDA ET ASSOCIES, vestiaire : 38
INTIMÉS :
Monsieur [P] [X]
né le 27 Septembre 1986 à [Localité 8] (71)
[Adresse 3]
[Localité 10]
Madame [E] [J] [H] veuve [X]
née le 09 Février 1954 au PORTUGAL
[Adresse 3]
[Localité 10]
Madame [V] [X]
née le 29 Juillet 1982 à [Localité 8] (71)
[Adresse 1]
[Localité 4]
Madame [T] [X] épouse [R]
née le 15 Septembre 1978 à [Localité 8] (71)
[Adresse 5]
[Localité 10]
représentés par Me Fatiou OUSMAN, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 88
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 25 octobre 2022 en audience publique devant la cour composée de :
Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, Président,
Sophie BAILLY, Conseiller,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller, qui a fait le rapport sur désignation du Président,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier
DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 03 Janvier 2023,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Selon acte du 5 août 1989 dressé par maître [C], Mme [E] [X] et M. [F] [X] ont acquis de Mme [W] [S] épouse [D] une maison d’habitation cadastrée section [Cadastre 7] et sise [Adresse 3], outre un droit à la cour commune dépendant de la propriété voisine cadastrée section [Cadastre 6] pour cinq ares quatre centiares, l’acte précisant qu’il s’agissait de droits indivis dans ladite cour.
Maître [C] a tenté de publier cet acte aux services de la publicité foncière le 6 octobre 1989 et suite à une notification de rejet de la formalité en date du 22 novembre 1989, il a dressé une attestation rectificative le 24 novembre 1989, ajoutant à l’acte de vente dans le paragraphe «’Origine de propriété’» : «la parcelle [Cadastre 6] appartient à Mme [D] indivisément avec d’autres par suite d’actes antérieurs à 1956, qui n’ont pu être présentés au notaire soussigné’».
Suivant acte notarié dressé par maître [B] le 27 janvier 2010, la SCI Saint Laurent de [Localité 10] a vendu à la commune de [Localité 10] un ancien bâtiment à rénover complètement figurant au plan cadastral sous la désignation section [Cadastre 6], l’acte mentionnant également «Droits indivis avec d’autres dans la cour commune cadastrée sous les mêmes références’»
Faute d’avoir pu faire publier en l’état l’acte du 27 janvier 2010, maître [B] a établi une attestation rectificative le 22 février 2010, aux fins de supprimer la mention «’droits indivis avec d’autres dans la cour commune cadastrée sous les mêmes références».
Selon courrier recommandé avec demande d’avis de réception du 7 novembre 2017, la commune de [Localité 10] a demandé la libération de la cour cadastrée [Cadastre 6] en considérant qu’elle en était la seule propriétaire.
A défaut de rapprochement entre les parties, la commune de [Localité 10] a, selon acte du 13 juin 2019, assigné Mme [E] [H] et les ayants droits de M. [F] [X], décédé, Mme [T] [X] épouse [R], Mme [V] [X] et M. [P] [X] devant le tribunal de grande instance de Chalon sur Saône sur le fondement des articles 544 et 545 du code civil afin notamment qu’il dise que l’acte authentique de vente du 5 août 1989 dressé par maître [C] est mensonger et qu’il ordonne la rectification de l’acte authentique reçu le 5 août 1989 par maître [C].
Par jugement en date du 4 mai 2021, le tribunal a :
déclaré les conclusions et pièces de Me [Z] notifiées le 11 janvier 2021 irrecevables,
déclaré recevable l’action de la commune de [Localité 10],
débouté la commune de [Localité 10] de l’ensemble de ses demandes,
condamné la commune de [Localité 10] à payer à Mme [E] [J] [H], Mme [T] [X] épouse [R], Mme [V] [X] et M. [P] [X] la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné la commune de [Localité 10] aux entiers dépens de l’instance,
dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
La commune de [Localité 10] a relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe le 10 juin 2021, appel limité aux dispositions l’ayant débouté de ses demandes, condamné au paiement d’une indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Au terme de ses conclusions d’appelante n°2 notifiées le 17 février 2022, la commune de [Localité 10] demande à la cour, au visa des articles 544 et 545 du code civil, de’:
juger recevable et bien fondé l’appel interjeté le 10 juin 2021 à l’encontre du jugement rendu le 04 mai 2021 par la 1ère chambre civile du tribunal judiciaire de Chalon sur Saône.
réformer en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 04 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône,
Statuant à nouveau,
juger qu’elle est seule propriétaire de la parcelle cadastrée Section [Cadastre 6] et qu’elle n’est débitrice d’aucun droit envers des tiers,
enjoindre à Mme [E] [J] [H] veuve [X], Mme [T] [X] épouse [R], Mme [V] [X] et M. [P] [X] de libérer la cour située sur la parcelle cadastrée sur la commune de [Localité 10] Section [Cadastre 6] sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,
faire défense à Mme [E] [J] [H] veuve [X], Mme [T] [X] épouse [R], Mme [V] [X] et M. [P] [X] d’occuper la cour située sur la parcelle cadastrée sur la commune de [Localité 10] Section [Cadastre 6] sous astreinte de 500 euros par infraction constatée à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,
condamner in solidum Mme [E] [J] [H] veuve [X], Mme [T] [X] épouse [R], Mme [V] [X] et M. [P] [X] à lui payer une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et préjudice de jouissance,
débouter Mme [E] [J] [H] veuve [X], Mme [T] [X] épouse [R], Mme [V] [X] et M. [P] [X] de leurs demandes et appel incident,
condamner in solidum Mme [E] [J] [H] veuve [X], Mme [T] [X] épouse [R], Mme [V] [X] et M. [P] [X] à lui payer une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner in solidum Mme [E] [J] [H] veuve [X], Mme [T] [X] épouse [R], Mme [V] [X] et M. [P] [X] en tous les dépens, comprenant le coût du procès-verbal de constat de maître [L] et le coût du procès-verbal de constat de maître [G] et voir autoriser la SELAS Adida & Associés, société d’avocats aux offres de droit, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens dont elle a fait l’avance dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile.
Au terme de leurs conclusions d’intimés notifiées le 29 novembre 2021, les consorts [X] demandent à la cour, au visa des articles 544 et 545 du code civil, de :
dire et juger qu’ils sont titulaires de droits indivis sur la parcelle en cause,
dire et juger que les actes notariés successifs établissent sans contestation l’existence d’une jouissance commune et indivise sur cette cour à leur profit,
débouter la commune de [Localité 10] de toutes ses demandes en principal et accessoire, s’agissant d’une astreinte,
déclarer que la cour commune appartient tant à la commune de [Localité 10] qu’à eux-mêmes,
confirmer le jugement du 4 mai 2021,
Y ajoutant,
condamner la commune de [Localité 10] à leur verser 10 000 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis et pour procédure abusive,
condamner la même commune à leur verser la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner la commune de [Localité 10] aux entiers dépens,
débouter la commune de [Localité 10] de toutes ses demandes.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures des parties pour un exposé complet de leurs moyens.
La clôture de la procédure a été prononcée le 8 septembre 2022.
La cour,
Il convient de relever, à titre liminaire, que la cour n’est pas saisie de la question de la recevabilité des demandes de la commune de [Localité 10] au regard des dispositions du décret n°55-22 du 4 janvier 1955, le jugement déféré n’étant pas remis en cause sur ce point.
Selon l’article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.
La nature du droit à cour commune est celle d’un droit de propriété collective, et donc celle d’un droit perpétuel, imprescriptible par le non-usage. C’est un régime de propriété qui découle de l’utilité partagée d’un immeuble et de la situation des lieux.
La cour commune est présumée appartenir indivisément à tous les propriétaires riverains de façon perpétuelle et ce régime ne peut être modifié que de l’accord unanime des indivisaires.
Les modes de preuve de la propriété immobilière sont libres et la détention d’un titre constitue une présomption simple de propriété.
Les titres translatifs ou déclaratifs de propriété peuvent être invoqués par celui qui soutient être propriétaire d’un fonds à titre de présomptions, les stipulations des actes communs aux parties à la revendication immobilière ou à leurs auteurs devant prévaloir sur les actes postérieurs modifiant d’une manière unilatérale le régime juridique instauré précédemment.
En l’espèce, la commune de [Localité 10] revendique la propriété exclusive de la parcelle [Cadastre 6] y compris de la cour attenante expliquant que la mention «’droit indivis avec d’autres dans la cour commune» a été supprimée par attestation notariée rectificative publiée au service de la publicité foncière qui lui reconnaît la toute propriété de la parcelle litigieuse. Elle estime que l’acte de vente du 5 août 1989 ne lui est pas opposable précisant que les actes antérieurs à ce dernier ne mentionnent pas de droit à la cour commune dépendant de la parcelle section [Cadastre 6].
Il n’est pas contredit que la SCI Saint Laurent de [Localité 10] était propriétaire des parcelles sises sur la commune de [Localité 10] actuellement cadastrées section [Cadastre 6] et [Cadastre 7] depuis 1934.
Par acte du 8 octobre 1957 reçu par maître [A], la SCI Saint Laurent de [Localité 10] a vendu aux époux [S]-[N] la parcelle section [Cadastre 7] sans qu’aucune mention relative à des droits à la cour commune relevant de la parcelle section [Cadastre 6] n’apparaisse dans l’acte.
Suite au décès de Mme [K] [N], maître [I] a établi le 2 avril 1977 une attestation immobilière au terme de laquelle la défunte laisse pour lui succéder sa seule et unique héritière Mme [S] [W]. Celle-ci deviendra attributaire de la parcelle section [Cadastre 7] par acte de liquidation partage entre elle et M. [U] [S], son père, tel que cela résulte des mentions portées au registre tenu par le service de la publicité foncière.
Par suite, l’acte de vente, reçu par maître [C], entre Mme [W] [S] épouse [D] et les consorts [X] en date du 5 août 1989 porte sur la vente d’une maison d’habitation sise à [Adresse 3] section [Cadastre 7] et sur un droit à la cour commune dépendant de ladite propriété cadastrée «rue goujon» section [Cadastre 6], «’étant précisé qu’il s’agit de droits indivis dans ladite cour’».
L’attestation rectificative établie par maître [C] en date du 24 novembre 1989 ne fait que rajouter à l’acte sans le modifier une mention dans le paragraphe «’Origine de propriété’» selon laquelle «’la parcelle [Cadastre 6] appartient à Mme [D] indivisément avec d’autres par suite d’actes antérieurs à 1956, qui n’ont pu être présentés au notaire soussigné’».
Aussi, c’est sans contradiction que selon acte produit à hauteur de cour, en date du 27 janvier 2010 reçu par maître [B], la SCI Saint Laurent de [Localité 10] a vendu à la commune de [Localité 10] un ancien bâtiment sis à [Localité 10], cadastré section [Cadastre 6] avec mention de droits indivis avec d’autres dans la cour commune cadastrée sous les mêmes références.
L’origine de la propriété de Mme [D] sur la cour commune cadastrée section [Cadastre 6] n’a pu pas été vérifiée par maître [C] et elle ne peut pas davantage l’être par la cour. Toutefois, son droit de propriété partagé sur la cour litigieuse ‘a été admis par la SCI [Localité 10], propriétaire originaire des deux parcelles, qui, sans équivoque, n’a cédé à la commune de [Localité 10], par l’acte du 27 janvier 2010, que «des droits indivis avec d’autres dans la cour commune»’cadastrée ‘section [Cadastre 6], en sus du bâtiment édifié sur cette parcelle. Les titres de propriété des deux parties sont donc concordants.
L’attestation «’rectificative’» de maître [B] du 22 février 2010 ne peut pas avoir eu pour effet de modifier ‘la volonté des parties à l’acte du 27 janvier 2010. ‘La publication de cette attestation au service de la publicité foncière le 24 février 2010 est également sans effet sur le contenu de cet acte, la publicité foncière, qui a pour finalité la fiscalité et l’opposabilité aux tiers, ne constituant pas un mode de preuve de la propriété immobilière supérieur aux titres de propriété eux-mêmes.
En conséquence, alors que les actes de vente en la forme authentique précités suffisent à rapporter la preuve des droits des consorts [X] dans la cour commune, la commune de [Localité 10] échoue à établir des droits exclusifs sur la cour dépendant de la parcelle section [Cadastre 6].
Le jugement déféré doit être confirmé dans la limite de la saisine de la cour.
La demande indemnitaire des consorts [X] étant l’accessoire et le complément de la défense opposée à la demande principale, elle est recevable à hauteur de cour en application des dispositions de l’article 566 du code de procédure civile.
Mais, les consorts [X] ne démontrent pas le caractère abusif de l’action engagée par la commune à leur endroit, dès lors que celle-ci a pu légitimement penser, au regard de l’attestation notariée rectificative, être en droit d’agir.
Ils doivent en conséquence être déboutés de leur demande.
La commune de [Localité 10], partie succombante, est condamnée aux dépens d’appel, en application de l’article 696 du code de procédure civile.
Elle est également condamnée au paiement d’une indemnité de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs
La cour,
Confirme le jugement déféré dans la limite de sa saisine,
Y ajoutant,
Déboute les consorts [X] de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
Condamne la commune de [Localité 10] aux dépens d’appel,
Condamne la commune de [Localité 10] à payer aux consorts [X] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.
Le Greffier, Le Président,