Exclusivité : 24 novembre 2017 Cour d’appel de Versailles RG n° 15/06718

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Exclusivité : 24 novembre 2017 Cour d’appel de Versailles RG n° 15/06718
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24 novembre 2017
Cour d’appel de Versailles
RG n°
15/06718

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 79A

1ère chambre

1ère section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 24 NOVEMBRE 2017

R.G. N° 15/06718

AFFAIRE :

SAS UNIVERSAL MUSIC FRANCE

C/

SASU MONDADORI MAGAZINES FRANCE

SAS ELLE AIME L’AIR

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Septembre 2015 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

POLE CIVIL

N° Chambre : 1

N° RG : 13/11461

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS

SELARL MINAULT PATRICIA

Me Christophe DEBRAY

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT QUATRE NOVEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant après prorogation le 17 novembre 2017 les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :

SAS UNIVERSAL MUSIC FRANCE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Bertrand ROL de l’AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 – Représentant : Me Nicolas BOESPFLUG, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

SASU MONDADORI MAGAZINES FRANCE

N° SIRET : 452 79 1 2 622

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 – N° du dossier 20150387 – Représentant : Me Benoît GOULESQUE MONAUX de la SELAS VALSAMIDIS AMSALLEM JONATH FLAICHER et ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

SAS ELLE AIME L’AIR

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 – N° du dossier 16065 – Représentant : Me Didier FELIX substitué par Me Julien KRIEF, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 02 Octobre 2017 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Alain PALAU, président, et Madame Nathalie LAUER, conseiller, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain PALAU, président,

Madame Anne LELIEVRE, conseiller,

Madame Nathalie LAUER, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,

Vu le jugement rendu le 2 septembre 2015 par le tribunal de grande instance de Nanterre qui a statué comme suit’:

– déclare la société Universal Music France irrecevable à agir sur le fondement de la publicité trompeuse,

– rejette les demandes plus amples ou contraires,

– condamne la société Universal Music France à payer à la société Mondadori Magazines France et à la société LMR une indemnité de 10 000 euros chacune au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamne la société Universal Music France aux dépens et autorise la Selas Valsamidis Amsallem Jonath Flaicher associés, avocat de la société Mondadori Magazines France, à recouvrer ceux dont il aura fait l’avance sans en avoir reçu provision,

Vu l’appel de ce jugement relevé par la société Universal Music France le 24 septembre 2015 et ses dernières conclusions notifiées le 13 avril 2016 par lesquelles elle prie la cour de’:

– infirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il a admis la recevabilité de l’action en contrefaçon de la société Universal Music France et

– débouter les sociétés Mondadori Magazines France et Elle Aime l’Air de leur appel incident à cet égard,

– dire et juger qu’en commercialisant sous leurs pochettes d’origine des rééditions sous forme de disques compacts d’albums de [I] [T] avec les numéros 1918 à 1922 datés du 1er au 29 juillet 2013 du magazine Télé Star dans le cadre d’une opération intitulée « La collection CD « effet vinyle » », les sociétés Mondadori Magazines France et Elle Aime l’Air ont commis des actes de contrefaçon d”uvres ou à tout le moins de concurrence déloyale et parasitaire aux dépens de la société Universal Music France,

– dire et juger qu’en modifiant les photographies des pochettes d’origine des albums en cause de [I] [T] et en supprimant les marques et les mentions relatives au titulaire des droits de propriété intellectuelle y figurant, les sociétés Mondadori Magazines France et Elle Aime l’Air ont commis des actes de concurrence déloyale aux dépens de la société Universal Music France,

– dire et juger qu’en annonçant que les disques compacts litigieux reproduisent à l’identique les pochettes de l’époque, les sociétés Mondadori Magazines France et Elle Aime l’Air se sont rendues coupables de publicité trompeuse constitutive de concurrence déloyale aux dépens de la société Universal Music France,

– interdire aux sociétés Mondadori Magazines France et Elle Aime l’Air d’exploiter les pochettes litigieuses sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir,

– condamner les sociétés Mondadori Magazines France et Elle Aime l’Air à payer à la société Universal Music France une somme de 100 000 euros à titre de dommages intérêts,

– ordonner à la société Mondadori Magazines France de publier le dispositif de la décision à intervenir sur un quart de la couverture de cinq numéros successifs du magazine Télé Star dans un délai d’un mois à compter de la signification de la décision à intervenir sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard,

– condamner les sociétés Mondadori Magazines France et Elle Aime l’Air à payer à la société Universal Music France une indemnité de 20 000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner les sociétés Mondadori Magazines France et Elle Aime l’Air aux dépens, dont distraction pour ceux le concernant au profit de Maître Bertrand Rol, Aarpi – JRF Avocats, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 24 février 2016 par la société Mondadori Magazines France par lesquelles elle demande à la cour de’:

A titre liminaire :

Sur la contrefaçon :

– constater que la société Universal Music France ne justifie pas être titulaire de droits d’auteurs sur les pochettes prétendument contrefaites et en particulier sur leurs éléments graphiques et typographiques,

– constater qu’elle ne démontre pas l’originalité des éléments prétendument contrefaits,

– infirmer le jugement en ce qu’il a considéré que l’action de la société Universal Music France était recevable,

Sur la publicité trompeuse :

– confirmer le jugement en ce qu’il a jugé irrecevable les demandes formées à ce titre,

A titre principal :

– constater que l’impression d’ensemble produite par les deux séries de pochettes de CD est distincte et n’engendre pas de risque de confusion dans l’esprit du public,

– constater que la société Universal ne démontre pas qu’il y ait appropriation de ses efforts ou investissements pour en tirer bénéfice,

– juger par conséquent qu’il n’y a pas contrefaçon, ni concurrence déloyale, ni parasitisme, ni publicité trompeuse,

– constater par ailleurs que la société Universal Music France ne démontre pas la réalité et l’étendue des préjudices qu’elle allègue,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Universal Music France de l’ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire :

Si, par impossible, la cour devait infirmer le jugement en ce qu’il a exclu toute responsabilité de la société Mondadori Magazines France et entrer en voie de condamnation à l’encontre de cette dernière,

– dire que la garantie de la société LMLR lui est due, sans plafond ni limitation,

– débouter la société LMLR de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

En tout état de cause :

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Universal Music France de ses demandes de réparation complémentaires et l’a condamnée à verser une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Universal Music France ou tout succombant à verser à la société Mondadori Magazines France la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

– condamner la société Universal Music France aux entiers dépens de première instance et d’appel, avec distraction pour ceux la concernant au profit de la Selarl Patricia Minault avocat conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 18 février 2016 par la société LMLR par lesquelles elle sollicite’de :

– constater que la société Universal Music France ne justifie pas être titulaire des droits d’auteur sur les pochettes prétendument contrefaites et en particulier sur leurs éléments graphiques et typographiques,

– dire et juger LMLR recevable et bien fondée en son intervention volontaire,

En conséquence, y faisant droit :

– dire et juger irrecevable l’action formée par Universal Music France au titre de la contrefaçon et,

– infirmer le jugement en ce qu’il a considéré que l’action de la société Universal Music France était recevable,

– confirmer le jugement en ce qu’il a jugé irrecevables les demandes de la société Universal Music France formées au titre de la publicité trompeuse,

– débouter Universal Music France de toutes ses autres demandes et, en toutes hypothèses,

– dire que LMLR sera hors de cause en ce qui concerne la garantie apportée à Mondadori,

A titre subsidiaire si la cour devait juger recevables les demandes formées au titre de la contrefaçon et de la publicité mensongère :

– débouter l’appelante de toutes ses demandes de ces chefs et,

– dire que LMLR sera hors de cause en ce qui concerne la garantie apportée à Mondadori,

A titre très subsidiaire si la cour devait accepter le principe du versement de dommages-intérêts au profit d’Universal Music France :

– fixer ceux-ci à une somme qui ne saurait excéder le montant des bénéfices réalisés par Mondadori à l’occasion de la vente des disques compacts litigieux et,

– dire que la garantie de LMLR sera limitée audit montant,

En tout état de cause :

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Universal Music France de ses demandes de réparation complémentaires et l’a condamnée à verser à LMLR une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Universal Music France à verser à LMLR la somme de 10 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

– condamner la société Universal Music France aux entiers dépens de première instance et d’appel, avec distraction pour ceux la concernant au profit de maître Christophe Debray conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Universal Music France a été le producteur des enregistrements phonographiques du chanteur connu sous le nom de [I] [T] de 1961 à 2006.

En 2000, 2003 et 2009, elle a réédité dans leurs pochettes d’origine deux albums de [I] [T] qu’elle avait publiés en 1961 et trois albums publiés en 1962.

La société Mondadori Magazines France a pour activité l’édition et la vente de périodiques en tous genres, parmi lesquels le magazine hebdomadaire Téléstar.

La société Elle Aime l’Air (ci-après LMLR) est spécialisée dans la réédition de fonds de programmes musicaux et audiovisuels qui ne sont plus exploités par leur producteur d’origine, et notamment entrés dans le domaine public.

Les 14 septembre 2012 et 3 mai 2013, la société Mondadori Magazines France et la société LMLR ont conclu un ‘contrat de licence produits finis kiosques’ et un ‘contrat de licence kiosques’ portant sur la commercialisation, par la société Mondadori Magazines France, avec le magazine Téléstar et au prix de 5,90 euros, d’une collection intitulée ‘effet vinyle’ conçue et fabriquée par la société LMLR, comprenant notamment la réédition de cinq albums d’origine ‘Salut les Copains’, ‘A l’Olympia’ ‘[I] sings America’ ‘Madison Twist’ et ‘Retiens la nuit’ reproduisant les enregistrements interprétés par le chanteur [I] [T] et commercialisés au cours des années 1961 et 1962, la société LMLR concédant à la société Mondadori Magazines France les droits exclusifs d’exploitation sur phonogrammes des ‘programmes’ concernés.

Entre le 1er juillet et le 29 juillet 2013, un nombre total de 27.385 rééditions, sous forme de disques compacts, des albums de [I] [T] précités a été encarté avec les numéros de magazines 1918 à 1922 du magazine Téléstar.

La société Universal Music France, considérant que lesdits disques compacts avaient été commercialisés dans leurs pochettes d’origine protégeables par le droit d’auteur, à ceci près que les photographies du chanteur ont été modifiées, que les marques (Universal, Mercury et Philips) et les mentions relatives au titulaire des droits de propriété intellectuelle (P. Mercury France, un label Universal Music-C Mercury France) ont été supprimées, a fait assigner la société Mondadori Magazines France devant le tribunal de grande instance de Nanterre par acte du 30 septembre 2013 sur le fondement de la contrefaçon de droit d’auteur ou, subsidiairement, de la concurrence déloyale et parasitaire.

La société LMLR est intervenue volontairement à l’instance.

SUR CE, LA COUR

Sur la titularité des droits

Considérant que la société Universal Music France fait valoir que les ‘uvres sont exploitées sous son nom de sorte qu’elle est présumée titulaire des droits d’auteur revendiqués’;

Considérant que la société Mondadori Magazines France lui oppose qu’elle ne démontre pas être titulaire de ces droits d’auteur ayant en particulier des droits sur les éléments graphiques et typographique prétendument contrefaits, se contentant d’affirmer que l’exploitation des pochettes sous son nom la ferait bénéficier d’une présomption de titularité’; que si le tribunal a relevé que les pochettes comportaient la mention (P) Mercury France, Un label Universal Music et « C (Date) Mercury France » ce qui indique que la société Universal Music France est le producteur des enregistrements commercialisés dans ces pochettes, il est incompréhensible qu’il en ait déduit que la société Universal Music France détenait les droits d’auteur sur les pochettes elle-même’; qu’au contraire, la société Universal Music France ne rapporte pas la preuve, en tant que demandeur à l’action à qui il appartient de le faire, ce qui lui serait aisé si vraiment elle disposait de ces droits’;

Considérant que s’appuyant sur les articles 122 du code de procédure civile et L331-1 du code de la propriété intellectuelle, la société LMLR s’associe aux observations de la société Mondadori Magazines France’; qu’elle observe en particulier que l’appelante ne verse au débat aucun contrat de cession de droits à son profit relatif aux éléments graphiques incriminés et ne mentionne même pas le ou les noms des prétendus auteurs de ces éléments’; qu’or, si pour les besoins du raisonnement l’on devait admettre le principe d’une présomption, celle-ci ne pourrait porter que sur la simple autorisation de reproduire les éléments graphiques en question et en aucune manière sur la titularité même des droits d’auteur’; qu’en outre, l’éventuelle présomption de possession de l”uvre au profit des personnes morales ne doit être reconnue qu’à la condition qu’elles justifient avoir participé financièrement et techniquement à l’élaboration d’un processus créatif qui leur a permis d’exploiter et de commercialiser le produit sans qu’aucune contestation n’émane des auteurs’;

Mais considérant qu’en vertu de article L 113-2 du code de la propriété intellectuelle est dite collective l”uvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie ou la divulgue sous sa direction et sous son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé’;

Considérant que le tribunal a exactement retenu que la personne morale qui exploite sous son nom une ‘uvre à l’élaboration de laquelle ont contribué plusieurs participants est, jusqu’à preuve du contraire, présumée titulaire du droit de propriété incorporelle sur l”uvre’;

Considérant sur ce, que les enregistrements concernés par l’apposition des différents logos sont contenus dans les pochettes présentant les éléments graphiques sur lesquels la société Universal Music France revendique un droit d’auteur’; que le contenu et le contenant sont indissociables l’un de l’autre dès lors qu’il est inimaginable que les enregistrements soient commercialisés sans emballage’; que le nom de la société Universal Music France figure expressément à la suite des labels’; qu’il ne fait dès lors pas débat que celle-ci a procédé à la divulgation et à la commercialisation des produits de sorte qu’elle est bien fondée à invoquer la présomption de titularité des droits contre laquelle aucune des parties intimées ne rapporte de preuve contraire’; qu’il n’est en particulier justifié d’aucune revendication de droits émanant de tiers’; que le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point’;

Sur la protection du droit d’auteur

Considérant que la société Universal Music France reproche au tribunal d’avoir considéré qu’elle ne rapportait pas la preuve de l’originalité des éléments graphiques dont la protection au titre du droit d’auteur est revendiquée alors que c’est au contraire à la juridiction qu’il incombe de dire si les éléments invoqués sont ou non originaux’; que, de son côté, elle a parfaitement décrit les combinaisons qui donnent aux pochettes en cause un aspect propre indépendamment des photographies qui y sont reproduites’; qu’une combinaison nouvelle d’éléments connus qui témoigne d’un parti pris esthétique même minime se trouve protégeable par le droit d’auteur’; qu’elle soutient que la composition des pochettes est le fruit d’un effort de création indépendamment des photos qui les illustrent’;

Considérant que la société Mondadori Magazines France réplique que pas plus devant la cour que devant le tribunal la société Universal Music France ne parvient à établir l’originalité des pochettes’; que la jurisprudence citée par l’appelante est sans emport’; que le choix d’une police dépourvue de toute originalité ne caractérise pas un acte créatif’; qu’il n’est justifié d’aucun choix reflétant l’empreinte de la personnalité d’un auteur’; que l’originalité des éléments graphiques et typographiques s’apprécie aussi en fonction du contexte et du but recherché’; Qu’en l’espèce l’objectif recherché était de reproduire le style des albums des années 60 – période « yéyé »’; que les éléments typographiques sont de deux sortes sur chaque pochette’: la liste des chansons incluses dans le CD, ce qui n’est pas original, et le titre de l’album, ce qui n’est pas non plus original’; que les conditions de l’action en contrefaçon ne sont donc pas réunies alors que de plus il existe des différences non négligeables entre les éléments graphiques des pochettes éditées par Universal et ceux des pochettes éditées par LMLR’;

Considérant sur ce, que s’il appartient certes à la juridiction saisie de déterminer si l”uvre présente l’originalité de nature à lui assurer la protection au titre du droit d’auteur, il n’en appartient pas moins à celui qui revendique un tel droit privatif de préciser les caractéristiques qui, selon lui, sont de nature à témoigner que l’oeuvre est empreinte de la personnalité d’un auteur’; que la société Universal Music France pourtant, se contentant de généralités sur la protection du droit d’auteur, n’identifie pas ces caractéristiques’; qu’il n’est même pas précisé en quoi la combinaison des éléments serait nouvelle à supposer que la nouveauté soit suffisante à la protection’;

Considérant qu’il convient néanmoins d’analyser les différents éléments graphiques invoqués étant rappelé qu’aucune revendication n’est formulée sur les photographies en elle-même’;

Considérant que chaque pochette mentionne le titre des chansons contenues dans l’album et le nom de l’interprète’; que si la société Universal Music France fait valoir que les polices de caractères n’existaient pas dans les années 60, il n’en demeure pas moins que la typographie utilisée, de type bâton, est banale même si une fantaisie lui est apportée, s’agissant du nom de l’artiste illustré sur la pochette communiquée en pièce numéro 2 de la société Universal Music France’; que toutefois l’indication du nom de l’artiste en lettres capitales jaune primaire italiques et légèrement arrondies ne témoigne d’aucune singularité artistique’;

Considérant que toutes les pochettes utilisent un type de caractères identique’; que la typographie joue sur l’alternance des couleurs plus ou moins vives et variées, voire sur le décalage de certaines lettres’; qu’il en découle une impression de gaieté propre à la période « yéyé » sans qu’aucun de ces éléments ne soit de nature à témoigner de l’empreinte de la personnalité d’un auteur’;

Considérant qu’en ce qui concerne l’emplacement des éléments typographiques par rapport à la photographie de l’artiste, les titres sont placés dans un bandeau horizontal, ce qui est une caractéristique des disques des années 60 sans qu’une fois encore cet élément ne soit de nature à signer une singularité artistique quelconque’;

Considérant enfin que cette absence d’originalité est confirmée par les spécimens d’autres pochettes de disques des années 60 versées aux débats par la société LMLR’; que l’on y retrouve couleurs vives, bandeaux et aussi décalage horizontal de certaines lettres’; qu’il est ainsi acquis au débat que les éléments graphiques revendiqués par la société Universal Music France sont caractéristiques des disques produits dans les années 60′; qu’ils sont donc banals et par conséquent non susceptibles d’une protection au titre du droit d’auteur’comme l’a justement jugé le jugement déféré qui sera donc confirmé sur ce point ;

Sur la concurrence déloyale

Considérant que la société Universal Music France fait valoir en premier lieu qu’en annonçant que « cette collection de CD collector reproduit à l’identique les pochettes et les vinyles de l’époque », la société Mondadori Magazines France s’est rendue coupable de publicité trompeuse puisque les photographies reproduites sur les pochettes litigieuses ne sont pas celles des pochettes d’origine’; qu’elle reproche au tribunal de l’avoir déboutée sur le fondement de l’article L121-1 du code de la consommation alors que la publicité trompeuse fausse le jeu normal de la concurrence’; qu’en outre, la suppression des marques et des crédits sur les pochettes litigieuses l’a privée du droit d’apparaître à l’égard du public comme le producteur des album en cause de [I] [T] et l’éditeur de leurs pochettes’; qu’à titre subsidiaire, elle invoque le comportement parasitaire de la société Mondadori Magazines France’; que si les premiers juges ont refusé d’admettre l’existence d’un risque de confusion entre les pochettes de la société Universal Music France et les pochettes litigieuses au motif qu’elles ne reproduisent pas les mêmes photographies de [I] [T], ce faisant, ils ont perdu de vue ce qui donne son identité à une pochette, à savoir sa composition’; qu’ainsi, en voyant les pochettes litigieuses, les consommateurs qui connaissent les pochettes correspondantes de la société Universal Music France depuis longtemps, penseront naturellement que cette dernière les a rééditées avec de nouvelles photographies de l’artiste’; que les albums conditionnés dans les pochettes en cause, contrairement à ce que soutiennent les intimées, sont toujours en vente sous forme de support physique’; que deux d’entre eux ont même été vendus en kiosque en 2011 et 2012 puis avec le magazine Télé sept jours à partir de 2013, c’est-à-dire exactement dans les mêmes conditions et à la même époque que les disques litigieux’; qu’en outre, ils sont proposés au téléchargement identifiés par les pochettes en cause’;

Considérant que la société Mondadori Magazines France réplique en premier lieu que la publicité trompeuse vise à protéger les consommateurs et non les concurrents’; qu’elle est régie par les dispositions de l’article L121-1 du code de la consommation’; que la société Universal Music France n’a donc aucune qualité à agir sur ce fondement comme l’a jugé le tribunal’; qu’en outre, la société Universal Music France interprète de façon très littérale la phrase «’cette collection de CD collector reproduit à l’identique les pochettes et les vinyles de l’époque’»’; qu’en effet Télé Star ne prétend pas reproduire à l’identique les pochettes des disques de [I] [T] de l’époque mais reproduire à l’identique le style des pochettes de l’époque, c’est-à-dire le style des vinyles des années soixante’; qu’en tout état de cause, il ressort d’une jurisprudence constante que la présentation fausse d’un produit ne constitue une publicité déloyale que si elle est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, ce qui est loin d’être établi en l’espèce’; qu’enfin, la publicité trompeuse ne pourrait servir à fonder une action en concurrence déloyale que si les conditions de la concurrence déloyale sont également vérifiées, c’est-à-dire lorsque la publicité trompeuse est de nature à entretenir une confusion dans l’esprit du consommateur avec les produits d’un concurrent’; qu’elle souligne que la concurrence déloyale suppose la preuve d’actes positifs pouvant consister dans l’imitation des produits ou services d’un concurrent’; que toutefois, il n’existe nul risque de confusion en l’espèce car les pochettes litigieuses se différencient des pochettes éditées par la société Universal Music France’notamment car les photographies de [I] [T] sont distinctes ; que ces photographies sont en effet l’élément visuel dominant contrairement à ce que soutient la société Universal Music France ; qu’en l’absence de risque de confusion, il est indifférent que la société Universal Music France commercialise encore les albums concernés’; qu’en tout état de cause, il ne saurait y avoir de risque de confusion dans la mesure où la société Mondadori Magazines France elle-même ne commercialise plus les albums contenus dans les pochettes litigieuses étant rappelé d’ailleurs qu’elles n’ont été commercialisées que durant un mois et qu’elles ne le sont plus’; que, par ailleurs, elle considère incompréhensible le grief de suppression des marques et crédits, la société Universal Music France n’ayant pas à être mentionnée sur les pochettes litigieuses dès lors qu’elles sont différentes des pochettes éditées par la société Universal Music France en 2003 et 2009′; qu’enfin, en l’absence de risque de confusion, la société Mondadori Magazines France ne s’est pas immiscée dans le sillage de la société Universal Music France afin d’en tirer profit alors que de plus, la société Universal Music France ne prouve pas qu’elle a effectué d’importants investissements pour produire les dites pochettes’;

Considérant que la société LMLR ajoute quant à elle qu’il n’est pas possible que le public ait pu confondre en l’absence de preuve par la société Universal Music France qu’elle ait commercialisé de manière concomittante à la commercialisation par la société Mondadori Magazines France des pochettes litigieuses’;

Considérant sur la publicité trompeuse de nature à constituer une concurrence déloyale, que l’existence d’un délit de nature à protéger le consommateur n’est pas de nature à exclure que des faits de publicité trompeuse soient constitutifs d’une faute au sens de l’article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable au présent litige’; que c’est donc à tort que le premier juge a jugé la société Universal Music France dépourvue de qualité à agir’; que le jugement sera donc infirmé sur ce point’;

Considérant en l’espèce que, en présentation précisément des compacts disques de [I] [T] fournis avec le magazine, Télé star indique que «’cette collection de CD collector reproduit à l’identique les pochettes et les vinyles de l’époque’»’; que la société Mondadori Magazines France et la société LMLR ne peuvent donc sérieusement soutenir qu’il est fait une référence générique aux vinyles de l’époque’; que, toutefois que, cette indication en elle-même qui reste, malgré tout, très vague n’est pas de nature à susciter un risque de confusion précisément avec les vinyles édités par la société Universal Music France, le public, moyennement attentif, n’étant pas nécessairement au fait que la société Universal Music France a produit les vinyles originaux de [I] [T]’; que par conséquent, cette indication vague n’est pas de nature à elle seule à constituer une faute au sens de l’article 1382 du code civil’;

Considérant en revanche que le seul changement de la photographie de [I] [T] par rapport à celles présentes sur les pochettes d’origine n’est pas de nature à exclure tout risque de confusion’; qu’en effet la composition graphique des pochettes litigieuses est, en tous points similaire, à celle des pochettes originales’; qu’ainsi, à titres d’exemples dans le magazine du 6 au 12, juillet, la pochette du disque «’Salut les copains’» présente un fond de couleur sombre, le titre « salut les copains » en italique, en haut à gauche et avec un’point d’exclamation, les titres des chansons dans le coin supérieur gauche surmontés de’deux points horizontaux et la signature de [I] [T] dans le quart inférieur droit’; que tous ces éléments sont repris du disque original dont l’image est reproduite sur le verso de l’album numéro 2′; qu’il en est de même, particulièrement, du compact disque présent dans le numéro du 20 au 26 juillet qui ne se distingue de la pochette originale que par la photographie, la bande de spirales et l’indication « hi-fi standard » présente en haut de la pochette litigieuse au lieu du haut sur la pochette originale, la mention « Hi-fi Standard » de la pochette originale étant remplacée sur la pochette litigieuse par la mention « Standard stéréo »’;

Considérant que ces éléments présentaient donc un risque de confusion potentiel avec les pochettes originales’;

Considérant enfin qu’il n’est pas contesté que les compacts disques contenus dans les pochettes litigieuses n’ont été commercialisés qu’ avec les hebdomadaires du 6 juillet au 9 août 2014, soit cinq magazines en tout alors que depuis le 7 janvier 2013, la société Mondadori Magazines France a commercialisé 30 CD de [I] [T] avec le magazine Télé star (pièce numéro 12 de la société Mondadori Magazines France)’; qu’il ne découle donc pas de cette commercialisation extrêmement limitée de quelques pochettes litigieuses que la société Mondadori Magazines France se soit immiscée dans le sillage de la société Universal Music France’; que, de plus, la société Mondadori Magazines France est un éditeur de magazines et non pas un producteur de disques comme la société Universal Music France’; que la commercialisation des compacts disques de [I] [T] s’inscrit dans le cadre d’une campagne de promotion ponctuelle du magazine Télé Star’; que l’ensemble de ces circonstances ne sauraient dès lors caractériser de sa part un comportement parasitaire de nature à justifier une demande indemnitaire fondée sur une quelconque concurrence déloyale’;

Considérant qu’il reste à déterminer si le potentiel risque de confusion entre les pochettes originales et les pochettes litigieuses a engendré un préjudice’;

Sur le préjudice

Considérant que la société Universal Music France soutient que les agissements des sociétés intimées lui ont causé un préjudice qui est d’autant plus important que le magazine Télé star est diffusé à plus d’un million d’exemplaires’; qu’en se dispensant de son autorisation, elles l’ont privée de sa rémunération’; qu’elles ont affaibli le pouvoir distinctif des pochettes d’origine’et porté atteinte à son image en effaçant sa qualité de producteurs des albums en cause ;

Considérant que la société Mondadori Magazines France réplique que la société Universal Music France ne verse au débat aucun élément concret susceptible de justifier de son préjudice’; que sa demande indemnitaire est exorbitante et sans commune mesure avec la réalité de la collection litigieuse dont les ventes se sont montées à un total de 27 385 exemplaires ;

Considérant que la société LMLR réplique que la société Universal Music France ne justifie d’aucun préjudice’; qu’elle ne prouve pas en particulier que la commercialisation de la collection «’effet vinyle’» par la société Mondadori Magazines France aurait eu pour effet d’amputer ses ventes’; qu’elle ne verse pas davantage aux débats d’attestations de client qui se seraient mépris’; qu’en outre, le montant de dommages et intérêts revendiqués, en rien, n’est justifié’; qu’en tout état de cause, il est sans commune mesure avec la réalité de l’exploitation de la collection litigieuse dont les ventes totales sur la période du 1er juillet 2013 au 29 juillet 2013 n’ont été que de 27 385 exemplaires’;

Considérant sur ce, qu’il résulte des pièces communiquées au débat que, contrairement à ce que soutiennent les intimées, la société Universal Music France commercialise toujours les albums de [I] [T] concernés par les pochettes litigieuses’;

Considérant toutefois que la société Universal Music France ne communique aucune donnée chiffrée permettant de déterminer le volume usuel de ses ventes des dits albums’; qu’elle ne communique pas davantage de données statistiques qui permettraient à la cour de vérifier que le volume de ses ventes aurait diminué durant la période du 6 juillet au 9 août 2013′; qu’en d’autres termes elle ne justifie d’aucune manière que la commercialisation des pochettes litigieuses lui ait causé un quelconque préjudice’; que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il l’a déboutée de ses demande indemnitaires’;

Sur les demandes accessoires

Considérant dès lors que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a exactement statué sur l’article 700 du code de procédure civile ainsi que sur les dépens’; que succombant en son appel et comme telle tenue aux dépens, la société Universal Music France sera déboutée de sa propre demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et versera à la société Mondadori Magazines France et à la société LMLR sur ce même fondement une indemnité complémentaire de 5 000 euros à chacune au titre de leurs frais irrépétibles d’appel’;

Considérant que les dépens pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile’;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

Infirme partiellement le jugement rendu le 2 septembre 2015 par le tribunal de grande instance de Nanterre,

Et, statuant à nouveau de ces seuls chefs,

Dit la société Universal Music France recevable à agir pour invoquer des faits de publicité trompeuse sur le fondement de l’article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable au présent litige,

La déboute toutefois de sa demande sur ce fondement,

Confirme pour le surplus le jugement rendu le 2 septembre 2015 par le tribunal de grande instance de Nanterre,

Et, ajoutant,

Déboute la société Universal Music France de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

La condamne à payer à ce titre à la société Mondadori Magazines France et à la société LMLR une indemnité complémentaire de 5 000 euros à chacune,

Condamne la société Universal Music France aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

– signé par Monsieur Alain PALAU, président, et par Madame Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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