Your cart is currently empty!
22 janvier 2015
Cour d’appel de Paris
RG n°
11/11369
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 12
ARRÊT DU 22 Janvier 2015
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S 11/11369
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Juin 2011 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 09-00624
APPELANTE
URSSAF [Localité 1]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représentée par Mme [W] en vertu d’un pouvoir spécial
INTIMÉES
SAS EMI MUSIC FRANCE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Eric LAUVAUX, avocat au barreau de PARIS, toque : L0237 substitué par Me Muriel DE LAMBERTERIE, avocat au barreau de PARIS, toque : L237
AGESSA
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Mme [U] en vertu d’un pouvoir général
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 2]
[Adresse 2]
avisé – non comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Novembre 2014, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Marion MÉLISSON, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Marion MÉLISSON, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Cour statue sur l’appel régulièrement interjeté par l’URSSAF de [Localité 1], devenue l’URSSAF d'[Localité 1], d’un jugement rendu le 7 juin 2011 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l’opposant à la société Emi Music France, aux droits de laquelle vient la société Warner Music France, en présence de l’Agessa ;
Les faits, la procédure, les prétentions des parties :
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;
Il suffit de rappeler qu’à la suite d’un contrôle de l’application de la législation de la sécurité sociale, l’URSSAF a réintégré dans l’assiette des cotisations dues par la société Emi Music France les sommes versées par cette société, sous la forme de droits d’auteur, à certaines personnes ayant participé à son activité de production musicale ; qu’il en est résulté un supplément de cotisations d’un montant de 50 593 €, y compris 4 autres chefs de redressement, au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2006 ; qu’une mise en demeure a été adressée à la société, le 7 octobre 2008, pour avoir paiement de la somme de 21 275, 29 €, représentant les cotisations dues après diverses déductions, et de celle de 7 323 € au titre des majorations de retard ; que la société a contesté devant la commission de recours amiable les chefs de redressement relatifs aux droits d’auteur et aux redevances ou royalties ; qu’elle a ensuite saisi la juridiction des affaires de sécurité sociale avant d’être avisée du rejet de son recours amiable par décision du 25 novembre 2010 ;
Par jugement du 7 juin 2011, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris a annulé la décision de la commission de recours amiable du 25 novembre 2010 et condamné l’URSSAF à payer à la société EMI Music France la somme de 21 275,29 € ;
L’URSSAF d'[Localité 1] fait déposer et soutenir oralement par sa représentante des conclusions tendant à infirmer le jugement en ce qu’il annule l’intégralité des opérations de contrôle pour non-respect du principe contradictoire, confirmer le chef de redressement concernant les rémunérations qualifiées à tort de droits d’auteur ainsi que la décision de la commission de recours amiable du 25 novembre 2010 et condamner la société Warner Music France au paiement de la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Elle indique à la Cour qu’elle se désiste de son appel concernant le chef de redressement relatif aux redevances et royalties.
Au soutien de son appel, elle dit avoir observé toutes les dispositions de l’article R 243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, et conteste l’irrégularité alléguée par la société du fait de l’absence de communication des lettres de l’Agessa pendant les opérations de contrôle. Elle relève que les inspecteurs du recouvrement ont eux-même indiqué avoir recueilli l’avis consultatif de l’Agessa mais nie toute obligation de communiquer au cotisant l’intégralité des correspondances échangées avec l’Agessa. Elle estime que le tribunal a ajouté au texte de l’article R 243-59 en exigeant une information de l’entreprise plus étendue que celle lui permettant de connaître les erreurs et omissions reprochées ainsi que les bases du redressement.
Sur le fond, elle estime que les sommes versées à certains collaborateurs de la société sous la forme de droits d’auteurs sont en réalité des rémunérations salariales. Elle prétend en effet que les différents travaux accomplis en contrepartie du versement de ces sommes ne relèvent pas du régime de sécurité sociale des auteurs puisqu’il s’agit de recherche documentaire, de la rédaction d’une lettre d’information interne, de prestations d’effets de lumières, d’arrangements musicaux ou de maquillage. Elle précise que la participation de ces personnes à l’activité de la société présentait bien un caractère subordonné dès lors que l’entreprise déterminait unilatéralement les conditions d’exécution des différends travaux accomplis sous la direction de la société, sans aucune liberté.
L’Agessa s’associe aux conclusions développées par l’URSSAF en faisant valoir que les sommes en question ne peuvent être assujetties aux cotisations et contributions du régime de sécurité sociale des auteurs. Elle précise en effet que ce régime ne s’applique qu’aux personnes ayant créé en toute indépendance une oeuvre originale de l’esprit et que tel n’est pas le cas des intéressés qui ont été rémunérés pour des travaux de recherche et de consultation, la rédaction de documents promotionnels et d’une lettre d’information, la conception d’éclairage et les arrangements musicaux relevant d’un simple travail technique. Elle indique qu’aucune de ces personnes n’a conclu avec la société un contrat de cession de droits conforme aux dispositions du code de la propriété intellectuelle et que leur rémunération a été fixée de manière forfaitaire, sans tenir compte des droits d’exploitation.
La société Warner Music France fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions de confirmation du jugement attaqué. A titre subsidiaire, à défaut de renvoi devant les premiers juges pour statuer sur le fond du litige, elle conclut à l’annulation de la décision de la commission de recours amiable, à l’annulation du redressement opéré au titre des droits d’auteur versés à MM. [H], [O], [Y], [N] et [R], et demande l’annulation des observations pour l’avenir concernant MM. [C], [S]. Enfin, elle demande à la Cour de constater le désistement de l’appelante relativement au chef du redressement opéré au titre des avances sur redevances.
Elle reproche en effet à l’URSSAF de s’être fondée sur deux lettres de l’Agessa en date du 23 octobre 2007 et du 18 mars 2008 pour exiger un supplément de cotisations alors que ces documents ne lui avaient pas été communiqués pendant les opérations de contrôle. Elle estime que le caractère contradictoire de la procédure de contrôle n’a pas été respecté et que c’est donc à juste titre que les premiers juges l’ont annulée. Elle fait observer que l’URSSAF ne lui a révélée l’existence de ces deux documents qu’après le contrôle alors qu’il appartient à cet organisme d’indiquer les documents servant de fondement à sa décision.
A titre subsidiaire, elle soutient que les personnes rémunérées sous la forme de droits d’auteurs sont de véritables créateurs d’oeuvres originales de l’esprit, quels que soient le mérite ou la destination de l’oeuvre, et relèvent à ce titre du régime de sécurité sociale des auteurs. Elle ajoute qu’aucun lien de subordination n’existe entre elle et ces personnes.
Enfin, elle fait observer que la nécessité d’un écrit n’est requise, pour la cession des droits d’auteur, qu’à titre de preuve et que la rémunération peut être évaluée forfaitairement.
Enfin, la société détaille, pour chacun des intéressés, la nature et les conditions de leur intervention.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d’autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;
Motifs :
Considérant qu’il convient d’abord de donner acte à l’URSSAF d'[Localité 1] de son désistement d’appel relatif au redressement opéré au titre des avances sur redevances ; qu’elle sera donc tenue de rembourser la somme de 2 452,52€ déjà versée à ce titre ;
Sur la régularité de la procédure de contrôle :
Considérant qu’en vertu de l’article R 243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction en applicable au litige, à l’issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l’employeur un document mentionnant l’objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle ; que ce document mentionne, s’il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l’indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés ; que l’employeur dispose d’un délai de 30 jours pour faire part à l’organisme de recouvrement de sa réponse à ces observations et la mise en recouvrement ne peut intervenir avant l’expiration du délai de 30 jours et avant qu’il ait été répondu aux observations de l’employeur ;
Considérant qu’en l’espèce, la lettre d’observations de l’URSSAF en date du 18 janvier 2008 contenait toutes les informations permettant à la société Emi Music de connaître avec précision les points susceptibles de donner lieu à un redressement et les raisons le justifiant; que la société était informée du redressement envisagé concernant les droits d’auteurs versés à un certain nombre de personnes clairement identifiés et a eu connaissance des bases du redressement ainsi que des textes de référence ;
Considérant qu’elle a d’ailleurs formulé, le 20 février 2008, une réponse argumentée aux observations de l’URSSAF qui y a ensuite répondu, par lettre du 25 avril 2008, avant de procéder au recouvrement des cotisations ;
Considérant qu’il a donc été satisfait aux exigences de l’article R 243-59 du code de la sécurité sociale destinées à assurer le caractère contradictoire de la procédure ;
Considérant qu’étant seule à l’origine du contrôle, l’organisme de recouvrement n’était pas tenu de communiquer aussi à la société les différentes lettres échangées avec l’Agessa l’ayant conduit à faire des observations au sujet d’une partie des rémunérations versées sous la forme de droits d’auteurs ;
Considérant qu’en tout état de cause, la société Warner Music France ne peut reprocher à l’URSSAF de ne pas l’avoir informée à cette époque de la teneur d’une lettre de l’Agessa adressée, le 18 mars 2008, postérieurement à la lettre d’observations ;
Considérant qu’enfin, les renseignements recueillis auprès de l’Agessa ne font pas partie des documents consultés dont il est obligatoirement fait mention dans la lettre d’observations;
Considérant que, dans ces conditions, c’est à tort que les premiers juges se sont fondés sur l’absence de communication des lettres du 23 octobre 2007 et du 18 mars 2008 pour décider que, malgré les informations précises contenues dans la lettre d’observations, la procédure de contrôle n’avait pas été régulière et annuler le redressement opéré par la suite ;
Que leur jugement sera infirmé ;
Considérant que, contrairement au souhait de la société, il n’est pas possible de renvoyer l’affaire devant le premier juge qui n’est plus saisi du litige, dont la connaissance est entièrement dévolue à la juridiction de second degré par l’effet de l’appel, et il convient maintenant d’examiner le bien-fondé du redressement ;
Sur le bien-fondé du redressement :
Considérant qu’il ressort de la lettre d’observations du 18 janvier 2008 que la société a versé à différentes personnes ayant participé à son activité de production et de distribution d’enregistrements phonographiques ou vidéographiques des rémunérations déclarées sous la forme de droits d’auteurs ;
Considérant que ces personnes ne sont pas les auteurs des oeuvres musicales enregistrées et leur rôle se limite à des fonctions de support accomplies sous l’autorité de la société de production détentrice des droits exclusifs d’exploitation des oeuvres phonographiques ou vidéographiques ;
Considérant qu’en effet, ces personnes n’apportent pas leur concours à la création de l’oeuvre proprement dite mais sont chargées par la société de différentes tâches nécessaires à sa diffusion, tels que la recherche iconographique et documentaire, la rédaction d’une lettre d’information et de notices biographiques pour la promotion, la conception de lumières et d’arrangements pour la vidéo ;
Considérant que l’ensemble de ces tâches est coordonné par la société de production qui détermine unilatéralement les conditions d’intervention de chacun ; que, dans le cadre de ce service organisé, l’activité de ces personnes ne peut s’exercer librement et leur concours obéit aux impératifs de la production ;
Considérant que, dans ces conditions, leur contribution ne peut relever du régime de sécurité sociale des auteurs qui ne s’applique qu’aux personnes qui ont une activité de création indépendante ;
Considérant qu’ainsi, les inspecteurs du recouvrement ont relevé que M. [H] était rémunéré pour des travaux de recherche iconographiques et documentaires; que l’Agessa indique à juste titre qu’il ne s’agit pas de créations d’oeuvre de l’esprit au sens du code de propriété intellectuelle ;
Considérant que MM [C] et [S] sont eux rémunérés pour la rédaction de notices biographiques en vue de l’exploitation commerciale et promotionnelle d’albums photographiques et de la lettre d’information mensuelle de la société EMI ; que ces travaux relèvent de la communication et des relations publiques de la société de production et ne sont donc pas réalisés de manière indépendante ;
Considérant que MM. [O], [Y] et [N] ont perçu des droits d’auteur pour s’être occupé de la lumière lors d’un concert enregistré mais il n’est pas justifié, que pour la réalisation de cette activité accessoire à la production d’un musicien sur scène, les intéressés ont crée une oeuvre originale et indépendante justifiant à elle seule l’application du régime des auteurs ; qu’il n’est d’ailleurs pas démenti que M. [N] n’a joué qu’un rôle d’assistant technique ;
Considérant que M. [R] a également perçu des droits d’auteur en qualité d’arrangeur alors que seuls les travaux d’adaptation musicale mettant en évidence une part de création peuvent recevoir la qualification d’oeuvre musicale à l’exclusion de l’assistance technique ; que l’Agessa relève que la participation de cette personne à la création d’une oeuvre originale n’est pas caractérisée et qu’il n’est pas associé à la répartition des droits en provenance de la Sacem ;
Considérant que l’URSSAF a également constaté que, contrairement aux règles habituelles en matière de droits d’auteurs, l’ensemble de ces personnes recevaient des sommes forfaitaires sans aucun lien avec les recettes procurées par l’exploitation commerciale des oeuvres ;
Considérant qu’elle a également noté l’absence de véritables contrats de cession définissant les droits et obligations de chacun selon les règles prévues par le code de la propriété intellectuelle ;
Considérant que compte tenu de l’ensemble de ces observations, l’organisme de recouvrement a considéré à juste titre que l’activité de ces personnes ne relevait pas du régime de sécurité sociale des auteurs ;
Que la réintégration des sommes allouées aux intéressés dans l’assiette du régime général est donc justifiée et le recours de la société Warner Music France doit être rejeté ;
Considérant qu’au regard de la situation respective des parties, il convient de condamner la société Warner Music France à payer à l’URSSAF d'[Localité 1] la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Constate le désistement de l’URSSAF d'[Localité 1] concernant le redressement opéré au titre des avances sur redevances d’un montant de 2452,42 € déjà versé qui devra faire l’objet d’un remboursement en faveur de la société Warner Music France ;
Déclare l’URSSAF d'[Localité 1] recevable et bien fondée en son appel concernant le redressement opéré au titre des droits d’auteur ;
Infirme le jugement et dit n’y avoir lieu à renvoi devant les premiers juges ;
Statuant à nouveau,
Rejette le recours de la société Warner Music France à l’encontre de la décision de la commission de recours amiable ayant maintenu le redressement opéré au titre des droits d’auteur ;
Condamne la société Warner Music France à payer à l’URSSAF d'[Localité 1] la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,