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21 juin 2022
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
19/04519
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
————————–
ARRÊT DU : 21 JUIN 2022
RP
N° RG 19/04519 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LF5D
SA COLINE DIFFUSION
c/
SARL AVM IMPORT
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 04 juillet 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 1, RG : 14/09204) suivant déclaration d’appel du 06 août 2019
APPELANTE :
SA COLINE DIFFUSION, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]
représentée par Maître Marc FRIBOURG de la SELARL FRIBOURG & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
SARL AVM IMPORT, prise en le personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]
représentée par Maître FRAGO substituant Maître Philippe OLHAGARAY de la SELARL DUCOS-ADER / OLHAGARAY & ASSOCIES, avocats postulants au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Maxime GAYOT de la société GAYOT, avocat plaidant au barreau du LOT
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 17 mai 2022 en audience publique, devant la cour composée de :
Roland POTEE, président,
Vincent BRAUD, conseiller,
Bérengère VALLEE, conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Véronique SAIGE
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
La société Coline Diffusion a pour activité la vente d’articles de textile auprès de grossistes et de détaillants.
Le 26 septembre 2013, elle a déposé à l’INPI un modèle d’imprimé représentant des rosaces superposées de tailles et de couleurs différentes sous le numéro d’enregistrement 20134134, modèle destiné à être repris dans certains vêtements qu’elle commercialise.
Alertée par un de ses revendeurs en ce que la société AVM Import commercialiserait des articles de prêt-à-porter reprenant un imprimé similaire, la société Coline Diffusion a fait dresser par huissier de justice un procès verbal de constat sur internet le 12 juin 2014.
Sur autorisation du président du tribunal de grande instance de Bordeaux, la société Coline Diffusion a fait dresser un procès-verbal de saisie des produits argués do contrefaçon sousles références DR 142, DR 143, DR 146, DR 147 et DR 148, étant précisé que les références DR 142, DR 143 et DR 147 n’étaient a priori plus disponibles dans les locaux de la société faisant l’objet de cette saisie.
Par exploit d’huissier du 28 août 2014, la société Coline Diffusion a assigné la société AVM Import devant le tribunal de grande instance de Bordeaux.
Par jugement du 4 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :
– dit ne pas y avoir lieu de rejeter les pièces n°2 et 7 versées au débat par la S.A. Coline Diffusion,
– rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SARL AVM Import,
– prononcé la nullité du dessin et modèle ‘imprimé DF 2727’ enregistré à l’I.N.P.I. le 26 septembre 2013 parla S.A. Coline Diffusion sous le n°20134134,
– dit que dans le mois suivant le caractère définitif du jugement, la S.A. Coline Diffusion devra en communiquer une copie à l’I.N.P.I.,
– dit que, passé ce délai, la SARL AVM Import sera autorisée à adresser elle-même à l’I.N.P.I. copie du jugement,
– rejeté toutes autres demandes,
– condamné la S.A. Coline Diffusion à verser à la SARL AVM Import une somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté la S.A. Coline Diffusion de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la S.A. Coline Diffusion aux dépens,
– dit ne pas y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire.
La société Coline Diffusion a relevé appel de ce jugement par déclaration du 6 août 2019 et par conclusions déposées le 12 mai 2020, elle demande à la cour de :
– la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
En conséquence,
– infirmer le jugement rendu en ce qu’il a prononcé la nullité du dessin et modèle « imprimé DF 2727 » enregistré à l’INPI le 26 septembre 2013 par la société Coline Diffusion sous le numéro 20134134, dit que dans le mois suivant le caractère définitif du présent jugement, la SA Coline Diffusion devra en communiquer une copie à l’INPI, dit que, passé ce délai, la SARL AVM Import sera autorisée à adresser elle-même à l’INPI copie du présent jugement, rejeté toutes autres demandes, condamné la SA Coline Diffusion à verser à la SARL AVM Import une somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, condamné la SA Coline Diffusion aux dépens,
Statuant à nouveau,
– condamner la société AVM Import pour les actes de contrefaçons du dessin et modèle déposé par la société Coline Diffusion à l’INPI sous le numéro 20134134 référence modèle 20134134-005 en conséquence au paiement d’une somme de 40.000 € au titre de dommages et intérêts,
– lui faire interdiction de présenter, commercialiser, sous quelque forme que ce soit, les modèles contrefaisants sous peine d’une astreinte de 500 € par infraction constatée.
– ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois journaux spécialisés au choix de la société Coline Diffusion dans une limite de 5.000 € par publication à la charge de la société AVM Import.
– la condamner au paiement d’une somme de 5.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
– la condamner aux entiers dépens de l’instance, mais également au coût du procès-verbal de constat dressé le 12 juin 2014 ainsi qu’aux frais des procès-verbaux de saisie contrefaçon.
Par conclusions déposées le 23 janvier 2020, la société AVM Import prie la cour de :
1/ Constater que la société Coline Diffusion n’a pas qualité pour agir et déclarer ses demandes irrecevables,
– infirmer le jugement déféré du 4 juillet 2019 en ce qu’il a rejeté cette demande,
2/ Constater que les conditions d’obtention et de protection des dessins et modèles ne sont pas réunies et,
– prononcer la nullité du dessin et modèle ‘imprimé DF2727′ enregistre’ à I’INPI le 26/09/2013 par la SA Coline Diffusion sous le numéro 20134134,
– confirmer ce faisant le jugement déféré du 4 juillet 2019,
– condamner la société Coline Diffusion à communiquer une copie de l’arrêt à intervenir à l’INPI dans le mois de sa date.
– dire qu’à défaut et passé ce délai, la société AVM Import sera autorisée à adresser elle-même à l’INPI copie dudit arrêt.
3/ Débouter la société Coline Diffusion de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
– confirmer ce faisant, le jugement déféré du 4 juillet 2019.
4/ Y additant et si besoin :
– constater l’absence de preuve de contrefaçon et de tout préjudice et l’impossibilité de procéder à une évaluation forfaitaire,
– débouter, en conséquence, la société Coline Diffusion de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
5/ Sur les frais irrépétibles et les dépens
– confirmer le jugement déféré du 4juilIet 2019 en ce qu’il a condamné la société Coline Diffusion à verser à la société AVM Import une somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
– au titre de la procédure d’appel, condamner la société Coline Diffusion à payer à la société AVM Import une somme de 5.000 € au même titre ainsi qu’aux entiers dépens.
L’affaire a été fixée à l’audience collégiale du 17 mai 2022 et l’instruction clôturée par ordonnance du 3 mai 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l’action en contrefaçon
La société AVM Import soulève, au visa des dispositions du livre V du code de la propriété intellectuelle relatif à la protection des dessins et modèles, l’irrecevabilité de l’action en contrefaçon engagée par la société Coline Diffusion aux motifs que :
– l’action est réservée au seul propriétaire du dessin ou modèle,
– l’appelante n’est pas l’auteur du dessin ou modèle litigieux créé par la société italienne Via Volta à qui l’action appartenait en sa qualité de créateur étranger établi dans un pays membre de la communauté européenne,
– la cession de droits par la société Via Volta sur le dessin et modèle DF 2727 qui serait intervenue le 23 septembre 2013 au profit de la société Coline Diffusion est douteuse au regard de l’attestation irrégulière de la société Via Volta établie le 19 août 2018, tardivement produite par l’appelante et, en tout état de cause, la cession n’est pas opposable aux tiers faute d’avoir été publiée au registre national des dessins et modèles (RNDM).
La société Coline Diffusion réplique que le fait qu’elle n’a pas créé l’imprimé en cause est sans incidence sur la protection dont elle bénéficie dès lors que l’action engagée est fondée non pas sur le droit d’auteur et les dispositions du livre I du code de la propriété intellectuelle, mais sur le droit des dessins et modèles tel que prévu par le livre V du même code qui n’exige pas que le demandeur à l’action en contrefaçon justifie d’une activité créatrice pour bénéficier de la protection conférée par le seul dépôt du modèle à l’INPI.
L’appelante fait valoir que dans la mesure où la société Via Volta lui a vendu les droits exclusifs sur le modèle avant toute divulgation, ne l’a pas déposé à l’INPI et ne revendique aucun droit sur lui, la société Coline Diffusion qui a seule déposé le modèle en son nom le 26 septembre 2013 en est devenue propriétaire au regard du droit français et qu’elle bénéficie ainsi de la protection prévue par le Livre V du code de la propriété intellectuelle.
Aux termes de l’alinéa premier de l’article L521-2 du code de la propriété intellectuelle, l’action civile en contrefaçon est exercée par le propriétaire du dessin ou modèle.
Ainsi, seul l’auteur ou le cessionnaire des droits, c’est à dire le propriétaire des droits patrimoniaux d’un modèle, bénéficie de la protection accordée par la loi et peut agir en contrefaçon de ce modèle ( Com.12 juillet 1993 n° 91-16.915).
Par ailleurs, l’article L513-3 du même code dispose: ‘ Tout acte modifiant ou transmettant les droits attachés à un dessin ou modèle déposé n’est opposable aux tiers que s’il a été inscrit au registre national des dessins et modèles’.
En conséquence un cessionnaire ne peut agir en contrefaçon que si le transfert de propriété a été publié à ce registre ( Paris 25 janvier 2013 Splash- Toys SAS c/ Smoby Toys n°2011/02279).
En l’espèce, la cour constate d’abord que l’attestation de cession du dessin litigieux à la SA Coline Diffusion du 19 août 2018 que la société Via Volta aurait établie et qui était produite en pièce 11 devant le premier juge, n’est pas produite en appel, seule la facture de cette société datée du 23 septembre 2013 étant soumise à la cour en pièce 9 de l’appelante.
En tout état de cause, il n’est pas contesté que la cession de droits sur le modèle litigieux revendiquée par la société Coline Diffusion n’a pas été publiée au RNDM de sorte que, contrairement à ce qu’a décidé le premier juge, le simple enregistrement du dessin ou modèle par le cessionnaire ne suffit pas à lui conférer le droit d’agir en contrefaçon.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SARL AVM Import et l’action en contrefaçon sera déclarée irrecevable, ce qui rend sans objet l’examen des demandes incidentes opposées à cette action par la société intimée.
Sur les demandes annexes
L’appelante supportera les entiers dépens et versera à l’intimée une indemnité globale de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais non compris dans les dépens engagés en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme le jugement entrepris;
Statuant à nouveau;
Déclare la SA Coline Diffusion irrecevable en son action en contrefaçon;
Dit sans objet les demandes incidentes opposées à cette action par la société intimée;
Condamne la SA Coline Diffusion à payer à la SARL AVM Import la somme de
5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
Condamne la SA Coline Diffusion aux entiers dépens.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier,Le Président,