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20 novembre 2007
Cour de cassation
Pourvoi n°
06-20.262
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :
Donne acte au Syndicat des eaux de l’Ile-de-France de ses désistements partiels à l’encontre de la société Lyonnaise des eaux France, de la Communauté du Val d’Orge, venant aux droits de la commune de Saint-Michel-sur-Orge et de l’association UFC-Que choisir ;
Attendu, selon l’arrêt confirmatif attaqué (Paris, 26 septembre 2006), que, saisi de la situation de la concurrence dans le secteur de l’eau potable en Ile-de-France, le Conseil de la concurrence (le Conseil) a, par décision n° 05-D-58 du 3 novembre 2005, retenu que le Syndicat des eaux de l’Ile-de-France (le SEDIF), qui bénéficiait d’un monopole de fait sur le marché de la fourniture d’eau aux consommateurs situés sur le territoire des communes adhérentes à ce syndicat et comptait parmi ses principaux clients la Société d’économie mixte d’aménagement et de gestion du marché d’intérêt national de région parisienne (la Semmaris) en raison de la localisation du marché (MIN) et de ses annexes sur le territoire de quatre communes adhérentes du SEDIF, avait abusé de sa position dominante en intervenant auprès de son concurrent, la société anonyme de gestion des eaux de Paris (la Sagep), et du principal actionnaire de cette dernière, la ville de Paris, dont l’autorisation est nécessaire à la Sagep pour fournir de l’eau à des consommateurs non parisiens, afin d’empêcher la finalisation d’un contrat de fourniture d’eau demandé par la Semmaris à la Sagep dont les installations de transport d’eau longent le MIN, et lui a infligé une sanction pécuniaire ; que le SEDIF a formé un recours contre cette décision ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le SEDIF fait grief à l’arrêt d’avoir rejeté son recours contre la décision du Conseil lui infligeant une sanction de 100 000 euros pour abus de position dominante, alors, selon le moyen :
1 / qu’en vertu de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III, si dans la mesure où elles effectuent des activités de production, de distribution ou de services, les personnes publiques ou les personnes privées exerçant une mission de service public peuvent être sanctionnées par le Conseil de la concurrence agissant sous le contrôle de l’autorité judiciaire, les décisions par lesquelles ces personnes assurent la mission de service public qui leur incombe au moyen de prérogatives de puissance publique, relèvent de la compétence de la juridiction administrative pour en apprécier la légalité et, le cas échéant, pour statuer sur la mise en jeu de la responsabilité encourue par ces personnes publiques ; qu’en décidant néanmoins que les actes du SEDIF ressortait de la compétence du Conseil de la concurrence au motif que le SEDIF ne prouvait pas avoir un monopole de droit, sans rechercher si en protégeant son délégataire, auquel il avait délégué les droits exclusifs de souscrire les abonnements avec les usagers, le SEDIF n’exerçait pas des prérogatives de puissance publique, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
2 / que le SEDIF faisait valoir dans son mémoire devant la cour d’appel que la validité de l’exclusivité conférée au délégataire par la convention de régie intéressée n’avait pas été contestée devant le juge administratif ; que dès lors, le SEDIF était fondé à faire respecter cette convention dont la nullité n’avait nullement été demandée et à protéger son délégataire contre une méconnaissance de ses droits exclusifs ;
qu’en décidant toutefois le contraire, au motif que le SEDIF n’établissait pas avoir un monopole de droit, ce dont il résulterait qu’il n’aurait pu valablement conférer des droits exclusifs à son délégataire, alors que la validité de la convention de régie ontéressée ressortait de la compétence administrative, la cour d’appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III ;
3 / qu’en vertu d’une règle coutumière, les communes sont chargées d’alimenter en eau potable la population, et ont à cette fin l’exclusivité de la distribution de l’eau sur leur territoire ; qu’ainsi, à supposer qu’il faille avoir un monopole de droit pour être en droit de protéger son délégataire de service public contre les atteintes à son exclusivité, la cour d’appel ne pouvait pas décider que les communes (et donc les syndicats de communes) n’avaient pas un monopole de droit pour assurer l’approvisionnement en eau de la population de leur territoire, et que les lettres envoyées par le SEDIF ne pouvaient donc avoir été envoyées pour assurer sa mission de service public et protéger son délégataire, sans violer la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III ;
Mais attendu que l’arrêt relève que les courriers adressés par le président du SEDIF au maire de Paris et au président de la Sagep résultent d’une initiative autonome prise par le SEDIF en tant qu’agent économique et retient que le SEDIF ne justifie pas de l’existence du monopole de droit dont il se prétend titulaire pour l’approvisionnement en eau sur le territoire des communes adhérentes à ce syndicat ; qu’en l’état de ces énonciations, dont il résulte, sans qu’il y ait lieu d’apprécier la validité de la convention de régie intéressée liant le SEDIF à la Compagnie générale des eaux, que ces courriers ne pouvaient tendre à la protection d’un tel monopole, c’est à juste titre que la cour d’appel a admis la compétence du Conseil de la concurrence pour connaître des faits reprochés au SEDIF ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que le SEDIF fait le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen :
1 / que le SEDIF ayant un monopole de droit, pouvait légitimement s’opposer à toute atteinte à ce monopole ; qu’en décidant néanmoins que des lettres de protestation à l’encontre d’actes effectués au mépris du monopole, constituait un abus de position dominante, la cour d’appel a violé l’article L. 420-2 du code de commerce ;
2 / que le titulaire de droits exclusifs chargé d’une mission de service public, qui suppose qu’il supporte des charges que ne supporterait pas un opérateur quelconque, est protégé contre la concurrence d’un opérateur qui veut, au mépris de ladite exclusivité, pratiquer des prix plus bas, parce qu’il ne supporte pas les mêmes charges ; qu’en l’espèce, l’exposant avait ainsi relevé que les droits exclusifs qu’il avait délégués à la CGE , et dont la validité n’était pas contestée, ne pouvaient être méconnus par la Semmaris et la Sagep ;
qu’en décidant néanmoins que les lettres de protestation du SEDIF constituaient un abus de position dominante, la cour d’appel a violé l’article L. 420-2 du code de commerce ;