Exclusivité : 2 septembre 2015 Cour d’appel de Paris RG n° 13/07018

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Exclusivité : 2 septembre 2015 Cour d’appel de Paris RG n° 13/07018
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2 septembre 2015
Cour d’appel de Paris
RG n°
13/07018

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRET DU 02 SEPTEMBRE 2015

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 13/07018

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Février 2013 – Tribunal de Commerce de PARIS – Affaires contentieuses 19ème chambre – RG n° 2010075053

APPELANTE :

SAS AVA INTERNATIONAL

immatriculée au RCS sous le n° 503.124.133

ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 1]

prise en la personne de Me [T] [O], ès qualités de liquidateur judiciaire de ladite société, demeurant [Adresse 5]

Représentée par Me Henri LEBEN, avocat au barreau de PARIS, toque : K184

ayant pour avocat plaidant : Me Albane LAFANECHERE de la SELARL COLBERT LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 669

INTIMEES :

1/ SA TECHNICOLOR

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 333.773.174

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 2]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

2/ SELARL FHB,

ès-qualités de Commissaire à l’exécution du plan de la SA TECHNICOLOR

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 3]

prise en la personne de Me [B] [P], y docmiciliée

Représentées par Me Gérard-Gabriel LAMOUREUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C0645

PARTIE INTERVENANTE :

Maître [T] [O]

ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société AVA INTERNATIONAL

demeurant [Adresse 3]

[Adresse 5]

Représenté par Me Henri LEBEN, avocat au barreau de PARIS, toque : K184

ayant pour avocat plaidant : Me Albane LAFANECHERE de la SELARL COLBERT LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 669

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Juin 2015, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente, chargée du rapport et Madame Irène LUC, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de chambre, rédacteur

Madame Irène LUC, Conseillère

Madame [Z] [D],

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente et par Madame Violaine PERRET, Greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire

Faits et procédure :

La société Thomson, aujourd’hui dénommée Technicolor, est spécialisée dans la conception et la fabrication de matériels électroniques et audiovisuels grand public.

Le 27 mars 2008, elle a signé avec la société [K] International ([K]) , créée à cette fin et présidée par Monsieur [H], un contrat de licence exclusive de marque. La société [K] pouvait ainsi fabriquer et commercialiser les produits électroniques (télévision, audiovisuel et vidéo) dans dix-neuf pays situés au Moyen Orient et en Afrique du Nord, désignés sous l’acronyme anglais MENA, moyennant des redevances et un minimum de chiffre d’affaires. La société [K] a signé divers contrats avec des entreprises notamment avec la société italienne Hirux International spécialisée dans la production de produits électroménagers.

Le 2 septembre 2009, un avenant au contrat a été signé limitant l’intervention de la société [K] aux territoires de l’Afrique du Nord et d’Israël et abaissant le montant des redevances et des engagements de ventes annuelles minimum. Cet avenant avait effet au premier août 2009. Le territoire du Moyen-orient était concédé à la société Hirux International.

Par jugement du 30 novembre 2009, la société Thomson a fait l’objet d’une procédure de sauvegarde. La société [K] International déclarait sa créance le 5 février 2010 pour la somme de 3.030.000 Euros.

Par courrier en date du 30 décembre 2009, Thomson a notifié à la société [K] la fin du contrat avec effet au premier mars 2010, invoquant l’absence de règlement des redevances de 2008 et 2009 par [K].

Par jugement en date du 17 février 2010, le tribunal de commerce de Nanterre a arrêté un plan de sauvegarde de Thomson pour une durée de sept années et nommé la Société FHB prise en la personne de Maître [B] [P], en qualité de commissaire à l’exécution du plan.

Estimant avoir subi des troubles de jouissance en raison des agissements de la société Thomson et contestant la résiliation du contrat, la société [K] a assigné la société Thomson devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de la voir condamner à lui payer des dommages et intérêts à hauteur de 2 917 662 euros.

Par jugement rendu le 13 février 2013, le Tribunal de commerce de Paris a :

– prononcé la résolution du contrat de licence signé le 27 mars 2008 aux torts exclusifs de la Société [K] à compter du 30 décembre 2009,

– débouté la Société [K] de l’ensemble de ses demandes,

– condamné le Société [K] à payer à la Société Technicolor la somme de 318.356, 18euros au titre des redevances annuelles minimum contractuelles pour 2008 et 2009,

– débouté la Société Technicolor de sa demande de dommages et intérêts,

– condamné la Société [K] à payer à la Société Technicolor la somme de 10 000euros au titre de l’article 700 Code de procédure civile, déboutant pour le surplus,

– ordonné l’exécution provisoire du présent jugement,

– condamné la Société [K] International aux dépens.

Le 9 avril 2013, la société [K] International a interjeté appel de cette décision.

La société [K] a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 23 septembre 2014 qui a fixé au 23 mars 2013 la date de cessation des paiements. Maître [O] a été désigné mandataire liquidateur. La société Technicolor a déclaré sa créance pour un montant de 482.121,91 Euros.

Vu les dernières conclusions signifiées le 11 mai 2015 par Maître [O], ès-qualités, dans lesquelles il est demandé à la cour de :

A titre principal :

– prendre acte de la reprise de l’instance suite à l’intervention volontaire de Maître [T] [O], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [K],

– réformer le jugement, sauf en ce qu’il a débouté la société Technicolor de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau :

– dire que la société Technicolor a manqué à la garantie de jouissance paisible qu’elle doit à la société [K] ;

– dire que la société Technicolor a manqué à son obligation de bonne foi dans l’exécution du contrat ;

– dire que la résiliation du contrat notifiée par la société Technicolor le 23 décembre 2009 est dépourvue de motifs et abusive ;

En conséquence,

– condamner la société Technicolor à payer à Maître [T] [O] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [K], la somme de 2.967.862€ (deux millions neuf cent soixante sept mille huit cent soixante deux euros) au titre des dommages et intérêts toutes causes de préjudice confondues,

– débouter la société Technicolor de ses demandes en paiement des redevances minimum annuelles pour les années 2008 et 2009 ;

– débouter la société Technicolor de toutes autres demandes et prétentions ;

– ordonner la publication de la décision à intervenir dans trois périodiques au choix de Maître [T] [O], ès-qualités, aux frais de la société Technicolor sans que le coût total de ces publications dépasse 9.000€ HT ;

– condamner la société Technicolor à payer à Maître [T] [O], ès-qualités, la somme de 30.000€ au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, pour les procédures de première instance et d’appel ;

– condamner la société Technicolor aux entiers dépens de l’instance, qui seront recouvrés par la SELARL Colbert Paris conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

A titre subsidiaire :

– fixer la créance de la société Technicolor au passif de la liquidation judiciaire de la société [K] International.

L’appelante soutient que la société Technicolor a une obligation de garantir la jouissance paisible de la marque et une obligation de bonne foi dans l’exécution de leur contrat.

Elle prétend que, selon les termes du contrat, le licencié peut se substituer au concédant dans la seule hypothèse où ce dernier dé’cide de ne pas faire valoir ses marques contre un contrefacteur et que seul un acte positif de la part de la société Technicolor peut lui permettre d’agir. En l’espèce, elle a constaté de nombreux troubles en Algérie, au Maroc, en Egypte, à Dubaï, en Jordanie, au Liban et en Israel. La société Technicolor est restée inactive, malgré ses demandes et plaintes. Elle n’a pu ainsi elle-même agir. Elle ajoute que la société intimée fait preuve d’extrême mauvaise foi, qu’elle n’a pas respecté le territoire qui lui était concédé, permettant à ses autres licenciés de ne pas respecter son territoire. Elle estime enfin avoir subi un préjudice du fait de la concurrence illicite qu’elle a supportée, des investissements réalisés et perdus, du gain manqué, d’une perde de chance, ainsi que d’un préjudice d’image.

Elle estime la résiliation du contrat de licence irrégulière et dépourvue de motifs : en signant l’avenant, la société Thomson avait entendu renoncer à se prévaloir de ce que la société [K] n’avait pas atteint les minima de ventes et n’avait pas payé ses redevances pour 2008 ; pour certains manquements sur les années 2008 et 2009, Thomson devait respecter les termes du contrat, soit les invoquer dès leur survenance, soit lui accorder un délai pour y remédier. Le paiement du solde du minimum de redevances annuelles pour 2008 et 2009 n’est pas dû.

Vu les dernières conclusions signifiée le 23 avril 2015 par les sociétés Technicolor et FHB, ès-qualités, dans lesquelles il est demandé à la cour de :

– Confirmer le Jugement du Tribunal de Commerce de Paris en ce qu’il a :

° prononcé la résolution du contrat signé le 27 mars 2008 aux torts exclusifs de la société [K] à compter du 30 décembre 2009,

° débouté la société [K] de l’ensemble de ses demandes,

° jugé que la Société [K] était tenue de payer, à la société Technicolor, la somme de 318.356,18 € au titre des redevances annuelles minimum contractuelles dues pour les années 2008 et 2009 en application de l’article 6 du Contrat de Licence exclusive du 27 mars 2008 mais fixer la créance de la société Technicolor y correspondant au passif de la liquidation judiciaire de la société [K] comme sollicité ci-après dans le présent dispositif,

° jugé que la Société [K] était tenue de payer, à la société Technicolor, la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile mais fixer la créance de la société Technicolor y correspondant au passif de la liquidation judiciaire de la société [K] comme sollicité ci-après dans le présent dispositif,

° jugé que la Société [K] était tenue au paiement des dépens de première instance mais fixer la créance y correspondant au passif de la liquidation judiciaire de la société [K] comme sollicité ci-après dans le présent dispositif.

– Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a :

°débouté la société Technicolor de sa demande de dommages et intérêts

Statuant à nouveau :

– fixer la créance de la société Technicolor au passif de la liquidation judiciaire de la société [K] représentée par Maître [T] [O] ès-qualités, à la somme de 318.356,18 €, augmentée des intérêts légaux simples et majorés, au titre du paiement des redevances dues pour les années 2008 et 2009 en application de l’article 6 du contrat de licence exclusive du 27 mars 2008,

– fixer la créance de la société Technicolor au passif de la liquidation judiciaire de la société [K] représentée par Maître [T] [O] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [K], à la somme de 100.000 €, à titre de dommages et intérêts, sur le fondement des articles 1134 et suivants du Code civil, en réparation des préjudices subis du fait de l’absence d’exécution de bonne foi par la société [K] du contrat de licence exclusive du 27 mars 2008,

– fixer la créance de la société Technicolor au passif de la liquidation judiciaire de la société [K] représentée par Maître [T] [O] ès-qualités, à la somme de 10.000 €, augmentée des intérêts légaux simples et majorés, au titre des frais irrépétibles de première instance sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamner Maître [T] [O] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [K] au paiement de la somme de 30.000 €, au titre des frais irrépétibles d’appel sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

– fixer les dépens de première instance au passif de la liquidation judiciaire de la société [K] représentée par Maître [T] [O] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [K],

– condamner Maître [T] [O] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [K] au paiement des entiers dépens d’appel dont distraction au profit de Maître Gérard-Gabriel Lamoureux, Avocat, conformément à l’article 699 du Code de procédure civile,

En tout état de cause,

– déclarer Maître [T] [O], ès-qualités, irrecevable en ses demandes de condamnations de la société Technicolor,

– débouter Maître [T] [O] ès-qualités, de l’ensemble de ses demandes.

L’intimée conteste les fautes que lui reproche la société [K].

Elle soutient que les règles relatives à la garantie d’éviction du fait des tiers invoquées par la société [K] ne sont pas impératives et laissent la place à ‘ des aménagements conventionnels, et que, selon le contrat, elle n’avait aucune obligation d’agir à l’encontre de tiers prétendument contrefacteurs. Elle affirme n’avoir aucune obligation d’informer la société [K] de son intention de ne pas agir, que la société [K] pouvait donc agir elle-même, ce qu’elle a fait pour l’Algérie notamment. Elle expose être intervenue elle-même quand [K] lui donnait des éléments suffisants.

Elle soutient que les quelques difficultés invoquées par la société [K] limitées dans l’espace (6 pays sur 19), dans le temps, et quantitativement, n’empêchent pas l’exploitation commerciale et ne constituent pas un trouble de jouissance justifiant qu’elle n’exécute pas ses obligations contractuelles. La société [K] fait preuve de mauvaise foi.

Elle estime qu’aucun lien n’est établi entre les troubles de jouissance et le préjudice allégué par la société [K].

Elle fait état des fautes de la société [K], qui justifiait la rupture du contrat ;

Elle soutient que la société [K] n’a pas su s’implanter et exploiter sérieusement, ce qui est à l’origine de l’absence de succès de son entreprise, qu’elle n’a jamais honoré ses engagements financiers, n’a jamais payé ses redevances.

Elle s’estime enfin bien fondée à demander le paiement des redevances des années 2008 et 2009 dues au titre du contrat. Elle réclame de plus la somme de 100 000€ en re’paration des pre’judices subis du fait de l’absence d’exe’cution de bonne foi par la socie’te’ [K] du contrat de licence.

SUR CE,

considérant que le contrat signé était rédigé en langue anglaise ; que selon la pièce n° 6 bis versée aux débats par la société [K], il est indiqué :

* au titre du paiement des redevances (article 5), que celles-ci sont calculées par pourcentage sur les ventes nettes des produits sous licence, que ce pourcentage augmente tous les ans, qu’il y a un montant de redevance annuelle minimum qui progresse chaque année et que si les redevances totales sont inférieures à la redevance annuelle minimum fixée, le licencié doit payer le montant de la différence avant le 31 janvier de l’année suivante, que le licencié doit adresser des relevés écrits les 15 janvier, 15 avril, 15 juillet et 15 octobre de chaque année à la réception desquels le concédant établit les factures de redevances, que le licencié doit payer les redevances trimestriellement dans les quinze jours de la réception de la facture correspondante,

* au titre de la protection de la marque (article 4) :

« 4.1 : le licencié fera des efforts raisonnables pour aider le concédant à protéger les droits du concédant sur les marques. Dans le cas où le licencié aurait connaissance d’un usage non autorisé ou de l’imitation de la marque, le licencié en informera rapidement le concédant . Le concédant sera le seul juge de l’opportunité de prendre des mesures en réponse à cette utilisation non autorisée ou de cette imitation, et de la nature des mesures à prendre. Sans préjudice du droit du licencié prévu à l’article 4.4 ci-dessous, aucune disposition du présent accord ne pourra être interprétée comme imposant au concédant l’obligation d’intenter des poursuites ou une action en contrefaçon des marques, ou de se défendre contre toute poursuite ou action intentée par un tiers remettant en cause ou relative à la validité des marques.

(‘)

« 4.3 (…) dans le cas où il serait nécessaire de faire valoir ou de défendre les marques, le licencié fournira sur demande au concédant (…) la preuve d’un tel usage et toute autre assistance raisonnablement nécessaire au concédant… pour faire valoir ou défendre ses marques.

« 4.4 Le concédant décidera seul, à son choix, de prendre les mesures commercialement raisonnables, y compris l’introduction ou non de procédures contentieuses, afin de faire valoir les marques contre un contrefacteur en relation avec les produits sous licence et tous les frais induits seront supportés par le concédant. Le concédant aura le droit à tous recouvrements effectués dans le cadre des procédures intentées par le concédant. Si le concédant décide de ne pas faire valoir ses marques contre un contrefacteur, le licencié pourra se substituer au concédant aux fins de faire valoir les marques contre un contrefacteur en relation avec les produits sous licence dans le territoire. Dans ce cas, tous les coûts seront supportés par le licencié, qui aura droit à tous les recouvrements effectués dans le cadre de procédures intentée par le licencié.»,

* au titre de la résiliation : article 9 :

« 9.2 : le présent accord ainsi que les droits et licences (….) peuvent être résiliés sans préavis en cas de survenance d’un des événements suivants : (‘.) (i) non paiement par le licencié de la redevance minimum chaque 31 janvier pendant la durée du présent accord ou (ii) manquement du licencié à son obligation d’atteindre les ventes nettes annuelles minimum telles que définies à la section 6 ou (v) cession, transfert ou tentative de transfert ou de cession, soit par acte du licencié (…) du présent accord ou de l’un des droits ou obligations du licencié qui en découlent sans le consentement préalable du concédant (…)

« 9.3 : Dans le cas où le concédant estime que le licencié a commis un manquement grave à une disposition du présent accord (autre que le paragraphe 9.2, auquel cas la résiliation devra obéir aux règles de ce paragraphe et non au présent paragraphe 9.3), le concédant devra adresser une première notification contenant toutes les informations pertinentes connues du concédant concernant la nature du manquement et le licencié disposera d’un certain délai déterminé par le concédant mais qui, dans tous les cas ne sera pas inférieur à quarante-cinq jours, à compter de la réception de la première notification pour remédier au manquement allégué. Si le manquement n’est pas remédié durant ce délai, le concédant pourra adresser une seconde notification au licencié mettant immédiatement fin à cette licence.

Pour éviter toute ambiguïté et nonobstant les dispositions de l’article 8.1, dans le cas où il est mis fin à ce contrat par le concédant, le concédant ne pourra réclamer (que ce soit sous forme de dommages-intérêts pour manquement contractuel ou autrement) le paiement de la redevance annuelle minimum pour l’année durant laquelle la résiliation a eu lieu ou pour toute année suivante au regard de laquelle, si l’accord s’était poursuivi, cette redevance annuelle minimum aurait été due, et la redevance payable par le licencié au concédant lors de la résiliation sera calculée sur la base des ventes nettes effectivement générées au cours de la période précédant la résiliation.

Etant entendu toutefois que, si le concédant met fin à cet accord sur les fondements exposés à l’article 9.2(i), la redevance minimum due au 31 janvier et impayée demeurera payable par le licencié. Si l’accord est résilié sur les fondements exposés à l’article 9.2(ii), la redevance minimum correspondant audit montant des ventes nettes garanti à la section 6 qui n’aura pas été atteint cette année donnée restera payable par le licencié. (…) »  

considérant que l’avenant en vigueur à partir du premier août 2009 précisait le nouveau territoire, le montant des redevances et ventes ; qu’il indiquait in fine : «Les dispositions de l’accord non affectées par ce qui précède resteront en vigueur et de plein effet.»,

considérant que le 23 décembre 2009 la société Thomson adressait à [K] le courrier dans lequel elle rappelait les termes du contrat relatifs au paiement des redevances, rappelait les dispositions de l’article 9.2, indiquait que les redevances 2008 n’étaient pas réglées, que les deux premiers termes trimestriels de la redevance 2009 n’avaient pas été réglés, que les ventes annuelles minimales 2008 n’étaient pas atteintes (946.321, 61 Euros au lieu de 5.264.093 Euros), qu’elle exposait dans ce courrier : « (‘) A moins que Thomson ne reçoive sous huit jours à compter de la présente notification de résiliation et au plus tard le 30 décembre 2009 le paiement des redevances restant dues comme indiqué au point 1 de la présente lettre de résiliation, Thomson notifie par la présente à [K] la résiliation immédiate du contrat Thomson pour manquement à son obligation d’atteindre les ventes annuelles nettes minimum 2008»,

considérant qu’il apparaît que la société Thomson n’a jamais renoncé, comme tente de le soutenir [K], au paiement des sommes qu’elle devait pour l’année 2008 ; que certes les redevances et chiffres de ventes minimum ont été réduits par avenant en raison de la réduction du territoire sur lequel la licence de marque était concédée exclusivement mais ce, à compter du premier août 2009 ; qu’au regard des dispositions contractuelles prévoyant le paiement, par le licencié, de la différence entre la redevance annuelle minimale fixée et le montant effectif de la redevance annuelle, une renonciation expresse de la part de la société Thomson était nécessaire, dont il n’est nullement justifié, notamment par les termes de l’avenant ; que d’ailleurs, les mails échangés à diverses reprises entre les parties au cours de l’année 2009 ne permettent nullement de soutenir une telle allégation ; que la société [K] savait qu’elle était débitrice (mail du 15 mai 2009), proposait d’ailleurs le paiement des sommes dues par mail du 27 octobre 2009, sans d’ailleurs en contester l’imprécision qu’elle allèguera vainement maintenant  ; que la société [K] ne peut invoquer le bénéfice du premier alinéa du paragraphe 4 de l’article 9 du contrat et faire abstraction des dispositions parfaitement claires du paragraphe 2 du quatrième alinéa de ce même texte qui sont applicables ; qu’elle ne justifie pas avoir réglé les sommes demandées ; que la créance de la société Thomson d’un montant de 330.356, 18 Euros sera inscrite au passif de la procédure collective de la société [K],

considérant que la société [K] invoque son droit de jouissance paisible que la société Thomson doit lui garantir tant de son fait que du fait des tiers ; que la société Thomson est à l’origine, par son comportement et sa mauvaise foi des difficultés qu’elle a pu rencontrer, qui ne lui ont pas permis de jouir paisiblement de sa licence sur les territoires «concédés» à titre exclusif ;

mais considérant que s’il est vrai que des troubles ont existé pour la distribution des produits Thomson principalement sur le territoire de cinq pays, l’ampleur exacte de ceux-ci n’est pas déterminée, tant dans leur intensité (s’agissait-il de tout le territoire d’un pays donné, de certains zones) que dans leur durée (les éléments versés aux débats établissent les faits sur de courtes périodes) ; que lorsque la société Thomson en a été informée, elle a demandé à [K], comme le précisait le contrat, de lui fournir des éléments, et que rien ne justifie que ceux-ci aient été fournis, qu’à cet égard, il peut être remarqué que les documents actuellement produits sont non pertinents et vagues (photographies non datées de magasins, catalogues non datés, éléments de 2012 postérieurs à la période concernée, constat d’huissier relatif au site de la société Bya Electronics qui ne présente pas d’offre de vente de produits sur le sol algérien), et que la société Thomson est intervenue en fonction des éléments dont elle disposait ; qu’enfin, si lors du salon IFA de Berlin tenu le premier septembre 2009, la société Thomson a présenté la société Hirux comme son distributeur sur le Moyen-orient et omis de mentionner qu'[K] était son distributeur sur Israël, il apparaît que la période sur laquelle les répercussions d’une telle annonce ont pu avoir lieu a été très courte (quatre mois),

qu’il apparaît également que l’article 4 du contrat, contrairement à l’interprétation que tente de lui donner la société [K], n’interdisait pas à la société [K] d’agir et que, par ailleurs, la société Thomson ne l’a pas empêchée d’agir ; qu’ainsi, la société [K] a engagé son avocat à prendre des mesures en Algérie en mai 2008, qu’elle a adressé, avec l’assistance de son conseil, des courriers au représentant en Israel de la société SG Electronics ; que si la société Thomson lui a fait savoir qu’elle voulait suivre directement les différends que la société [K] disait exister avec les représentants de la société TCL sur les territoires jordanien et de Dubai, elle ne lui interdisait pas d’intervenir, contrairement à ce qu'[K] soutient,

qu’il apparaît que la société [K] avait élaboré un business plan  particulièrement optimiste pour l’entreprise qu’elle entendait réaliser sur la zone MENA alors qu’elle en connaissait les différents éléments ; que très rapidement, elle s’est aperçue, et l’a reconnue à plusieurs reprises, que la zone qu’elle couvrait était trop vaste, que  sa «zone de prédilection» était le grand Maghreb et qu’elle entendait concentrer son développement sur les pays du Maghreb, proposant à la société Thomson de transférer à la société Hirux la distribution des produits sur plusieurs pays, la Jordanie, la Syrie, le Liban, l’Iran, l’Irak, le Yemen, l’Arabie Saoudite et le Koweit, que cette proposition a été traduite par la signature de l’avenant, que ces éléments ne rendent pas crédible l’allégation d’avoir rencontré de grosses difficultés sur la zone du Maghreb qui n’ont pu être résolues en raison de l’attitude de la société Thomson,

que la mauvaise foi de la société Thomson dans l’exécution de ses obligations n’est pas établie : que si la société Thomson a effectivement omis de préciser au salon IFA que la société [K] était son distributeur pour Israël, la société [K] ne peut sérieusement soutenir que Thomson a, par cette seule omission, «délibérément permis» à la société Hirux d’intervenir sur le territoire concédé à [K] ; que par un courriel du 23 juillet 2009, la société Hama qui détenait des produits Thomson de sa société mère, demandait l’autorisation à [K] de les commercialiser à Dubaï et de lui rétrocéder un pourcentage sur les ventes Thomson qu’elle réaliserait, qu’il ne peut être déduit de ce mail que la société Thomson avait donné son agrément à Hama pour distribuer ses produits sur ce territoire ; qu’enfin, comme il a été dit ci-dessus, lorsque la société Thomson a été avisée des difficultés que disait rencontrer la société [K], elle a réagi soit en lui demandant des éléments d’information, soit en s’adressant directement aux sociétés fautives, soit en la laissant tout simplement agir à sa guise ; qu’il doit être rappelé que la société Thomson était en droit de distribuer en 2007 ses produits sur les territoires avant la signature du contrat avec la société [K] ; que la société [K] ne peut conclure que «Thomson n’a jamais cessé de distribuer ses produits en zone MENA par le biais de son réseau de distribution existant, faisant fi des droits exclusifs de la société [K]»,

considérant que le défaut de paiement des redevances et le défaut de respect du chiffre minimum annuel de ventes ne peut être imputé à des fautes contractuelles de la société Thomson lesquelles ne sont pas établies,

considérant que la société Thomson était fondée à adresser un courrier à [K] pour l’informer de la résiliation du contrat, qu'[K] ne peut invoquer aucune irrégularité dans cette résiliation sinon par une interprétation dénuée de sérieux de l’article 9, dont les termes de l’alinéa 2 (i) et (ii) ne prêtent pourtant pas à discussion, qu’elle ne peut faire état de ce qu’elle n’a pas été mise en demeure d’exécuter dans le délai de quarante-cinq jours minimum de l’article 9.3 son obligation de payer les redevances, étant relevé que la société Thomson lui avait déjà demandé de s’en acquitter, ce qui excluait toute renonciation de sa part, même si elle avait compris les problèmes de «pollution» rencontrés par [K],

considérant que la société Thomson soutient que la société [K] n’a pas exécuté de bonne foi le contrat et a trompé sa confiance sur ses capacités à développer le réseau, en accordant à Hirux une sous-licence interdite, en lui faisant croire qu’elle allait la payer, et en ne lui présentant aucune preuve de ce qu’elle exploitait effectivement la marque dans les dix-neuf pays concédés ; que toutefois, la société [K] justifie avoir signé des contrats avec des entreprises locales, avoir fait des démarches auprès du gouvernement algérien et avoir recherché et levé des capitaux, avoir fait des investissements en communication ; qu’il est vrai qu’elle n’a pas payé les redevances des derniers trimestres 2008 et pour 2009 mais on ne peut pour autant lui imputer une quelconque mauvaise foi ; qu’enfin, le fait qu’elle ait accordé à la société Hirux des droits qu’elle ne pouvait lui donner sans l’autorisation de la société Thomson ne révèle pas non plus sa mauvaise foi, étant observé que la société Thomson ne s’en est pas plainte et a par la suite consenti à la société Hirux les droits que la société [K] lui avait consentis de manière irrégulière ; que la demande de dommages-intérêts de la société Thomson sera rejetée,

considérant ainsi qu’il résulte de ces motifs :

-que l’exception d’inexécution ne peut être invoquée a posteriori pour justifier la défaillance dans les paiements,

-que les sommes réclamées par la société Thomson au titre des redevances pour les années 2008 et 2009 sont effectivement dues,

-que la résiliation du contrat par la société Thomson était régulière et justifiée,

-que la société [K] n’est pas fondée à demander des dommages-intérêts à la société Thomson,

-que la société Thomson n’est pas fondée à solliciter des dommages-intérêts en raison du comportement de la société [K],

considérant que la décision déférée était justifiée, qu’elle sera toutefois infirmée en raison de l’existence de la procédure collective de la société [K], que la créance de la société Technicolor (anciennement Thomson) (principal, indemnité pour frais irrépétibles et dépens de première instance) sera inscrite au passif de cette société,

PAR CES MOTIFS

la cour,

infirme le jugement déféré,

fixe au passif de la procédure collective de la société [K] la créance de la société Technicolor à la somme de 330.356, 18 Euros en principal, à 10.000 Euros au titre de l’indemnité pour frais irrépétibles de première instance ainsi que les dépens de première instance,

condamne la société [K] à payer à la société Technicolor la somme de 10.000 Euros au titre de l’indemnité pour frais irrépétibles en cause d’appel,

condamne la société [K] aux entiers dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice de l’article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

V. PERRET F. COCCHIELLO

 


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