Exclusivité : 19 mai 1998 Cour de cassation Pourvoi n° 95-15.482

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Exclusivité : 19 mai 1998 Cour de cassation Pourvoi n° 95-15.482
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19 mai 1998
Cour de cassation
Pourvoi n°
95-15.482

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Facto communication, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est …, en cassation d’un arrêt rendu le 16 mars 1995 par la cour d’appel de Paris (5e chambre, section B), au profit :

1°/ de la société X… France, dont le siège est …,

2°/ de la société Fandango, dont le siège est …, défenderesses à la cassation ;

La société X… France, défenderesse au pourvoi principal, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

Les demanderesses aux pourvois principal et incident invoquent chacune, à l’appui de leur recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 24 mars 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Leclercq, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Leclercq, conseiller, les observations de la SCP Le Griel, avocat de la société Facto communication, de la SCP Rouvière et Boutet, avocat de la société X… France, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 16 mars 1995), que l’EURL Facto communication, éditrice de phonogrammes, a confié à la société X… France l’exclusivité de la fabrication et de la commercialisation de ses productions;

qu’elle lui a judiciairement reproché l’insuffisance de ses diligences et une tentative de débauchage du groupe d’artistes OIO ;

que la cour d’appel a retenu des fautes de la société X… pour cette tentative de débauchage du groupe OIO, et pour ne pas avoir notifié par écrit, comme elle y était contractuellement tenue, son refus de poursuivre la commercialisation des enregistrements d’un autre groupe d’artistes, mais a rejeté les autres prétentions de l’entreprise Facto communication;

qu’elle a ordonné une expertise pour pouvoir, ultérieurement, fixer l’indemnité afférente à la “perte de chance” résultant du comportement de la société X… vis-à-vis du groupe OIO, et “juger de la relation entre la faute et ce dommage” ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses cinq branches :

Attendu que l’entreprise Facto communication fait grief à l’arrêt du rejet partiel de ses demandes, alors, selon le pourvoi, d’une part, qu’en l’état des conclusions qui contestaient formellement la réalité des investissements publicitaires soi-disant réalisés par X… France sur ses productions, la cour d’appel ne pouvait s’en tenir aux seules déclarations de la licenciée pour décider que celle-ci avait rempli ses obligations en matière de promotion et qu’elle n’a pas ainsi donné de base légale à sa décision au regard des articles 1147 et 1315 du Code civil;

alors, d’autre part, que l’obligation de moyens incombant à la licenciée en matière de promotion des productions de Facto communication lui imposait au moins les mêmes diligences que pour ses propres productions et qu’en refusant de l’admettre, la cour d’appel a violé l’article 1147 du Code civil;

alors, en outre, que la cour d’appel ne pouvait opposer à l’entreprise Facto communication la tardiveté de ses griefs, les trois contrats de licence étant toujours en cours à l’époque du constat de M. Y… en date du 16 octobre 1992 et l’obligation de promotion à la charge de la licenciée devant se prolonger pendant toute la durée desdits contrats, et que l’arrêt attaqué apparaît ainsi privé de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil;

alors, au surplus, qu’en énonçant que la société Facto communication avait dénoncé, pour la première fois en 1993, l’insuffisance de promotion et de commercialisation de ses productions par X… France, la cour d’appel a dénaturé les courriers en date des 24 septembre, 27 novembre, 2, 3 et 15 décembre 1992 ainsi que l’exploit de signification du constat de M. Y… en date du 27 novembre 1992, dont il résulte que, dès 1992, la société Facto communication avait fait part de ses griefs à X… France, et que la cour d’appel a, par là-même, violé l’article 1134 du Code civil;

et alors, enfin, que la cour d’appel n’a pu sans se contredire d’abord énoncer que l’insuffisance de promotion et de commercialisation avait été dénoncée à X… France par Facto communication pour la première fois en 1993, après refus de renouvellement du contrat de représentation en discothèque dont cette dernière bénéficiait, et relever ensuite que ce même refus de renouvellement avait suivi (et non précédé) la signification du constat de M. Y…, en date du 16 octobre 1992, révélant l’absence des enregistrements produits par Facto communication chez les plus gros distributeurs et qu’elle a, par là-même, violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d’appel n’a pas fondé sa décision sur les seules déclarations de la société X…, ne les examinant qu’après avoir analysé les éléments de preuve produits par l’entreprise Facto communication et les avoir estimés insuffisants ;

Attendu, en deuxième lieu, que c’est après avoir analysé les contrats conclus entre les sociétés Facto communication et
X…
et avoir relevé qu’ils ne précisaient pas à quelles diligences était tenue cette dernière que la cour d’appel a estimé qu’elle les avait exécutés sans avoir commis les manquements à la bonne foi reprochés par son adversaire ;

qu’elle n’était pas tenue de considérer comme caractérisant la mauvaise foi de la société X… le fait, relevé par les premiers juges, que pour ses propres productions, dans un cadre contractuel différent, elle était intervenue parfois avec de meilleures diligences ;

Attendu, en troisième lieu, que la cour d’appel a pu relever, par un motif complémentaire et non déterminant, que les griefs de l’entreprise Facto communication avaient été tardivement exprimés, indépendamment de toute considération sur les dates exactes des écrits y afférents, dès lors que selon cette société elle-même, ils sont tous postérieurs à septembre 1992 ;

D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses quatre branches :

Attendu que la société X… fait grief à l’arrêt de retenir comme fautive sa proposition de nouveau contrat au groupe OIO, alors, selon le pourvoi, d’une part, que l’exécution de bonne foi du contrat oblige réciproquement les cocontractants;

qu’ayant constaté que le contrat de licence du 12 novembre 1990 portait sur la distribution de cinq albums du groupe OIO espacés au plus de 18 à 24 mois et que les deux coproducteurs du groupe étaient désargentés, la cour d’appel qui a retenu que la proposition de la société X… du 17 décembre 1991 de financer l’enregistrement des quatre albums suivants en contrepartie des droits exclusifs de production constituait une exécution de mauvaise foi du contrat de licence, sans rechercher si cette proposition n’avait pas pour but de suppléer le manque de moyens financiers des deux coproducteurs et le refus de la société Facto communication de contribuer à la production des enregistrements suivants, ce qui constituait de leur part une inexécution de leurs propres obligations à l’égard de la société X…, et si dès lors cette proposition ne se trouvait pas exempte de mauvaise foi et de caractère fautif, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil;

alors, d’autre part, qu’en retenant que la diffusion du projet de contrat, bien qu’il n’eût pas été signé, avait contribué à l’éclatement du groupe OIO et privé la société Facto communication de la chance qu’elle avait de tirer parti de son succès, tout en donnant pour mission à l’expert qu’elle désignait de l’éclairer sur les raisons et circonstances de la diffusion de ce projet, les perspectives de survie du groupe lors de cette diffusion et les conséquences de ce projet, ainsi que de lui fournir les éléments lui permettant de juger de la relation directe existant entre la faute et le dommage, ce dont il résultait qu’elle s’estimait insuffisamment informée sur les éléments sur lesquels elle fondait cependant l’existence du préjudice subi par la société Facto communication et le lien de causalité entre ce préjudice et la violation retenue à l’encontre de la société X… de ses obligations contractuelles, la cour d’appel a violé l’article 1147 du Code civil;

alors, en outre, qu’en énonçant que la société Facto communication n’avait perdu qu’une chance de gain sans doute compromise par les déchirements latents sinon même préexistants du groupe, ce qui excluait que la diffusion du projet de contrat de production de la société X… eût été la cause déterminante de l’éclatement du groupe, la cour d’appel a, de ce chef, violé l’article 1147 du Code civil;

et alors, enfin, qu’en énonçant que le projet de contrat avait été adressé à Martin Garat, coproducteur et membre du groupe, mais qu’il était inimaginable que les deux autres artistes du groupe n’en aient pas eu connaissance, sans constater qu’ils en auraient eu une connaissance effective avant l’éclatement du groupe, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du Code civil ;

 


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