Exclusivité : 17 mars 2016 Cour d’appel de Douai RG n° 14/07555

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Exclusivité : 17 mars 2016 Cour d’appel de Douai RG n° 14/07555
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17 mars 2016
Cour d’appel de Douai
RG n°
14/07555

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 17/03/2016

***

N° MINUTE :

N° RG : 14/07555

Jugement (N° 14/04332) rendu le 06 Novembre 2014

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : CPL/AMD

APPELANTE

SAS SIREGE

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Maître Virginie LEVASSEUR, membre de la SCP Dominique LEVASSEUR Virginie LEVASSEUR, constitué aux lieu et place de Maître Dominique LEVASSEUR, membre de la SCP Dominique LEVASSEUR Virginie LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Maître Sophie VIARIS DE LESEGNO, avocat au Barreau de PARIS

INTIMÉE

SOFIA – SOCIÉTÉ FRANÇAISE DES INTÉRÊTS DES AUTEURS DE L’ECRIT prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Maître Bernard FRANCHI, membre de la SCP DELEFORGE FRANCHI, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Maître Christophe CARON, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Jean-Loup CARRIERE, Président de chambre

Christian PAUL-LOUBIERE, Président

Myriam CHAPEAUX, Conseiller

———————

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Cathy LEFEBVRE

DÉBATS à l’audience publique du 18 Janvier 2016

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 Mars 2016 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Jean-Loup CARRIERE, Président, et Claudine POPEK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 04 décembre 2015

***

FAITS ET PROCÉDURE

La Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Ecrit (SOFIA), créée en 1999 à l’initiative de la Société des gens de Lettre, est une Société de perception et de répartition des droits (SPRD) agréée pour la gestion du droit de prêt depuis 2005.

Elle a été agréée par le Ministère de la culture afin de percevoir et répartir, en vertu d’un dispositif de licence légale, une rémunération compensant le préjudice subi par les auteurs et les éditeurs du fait du prêt de leurs ouvrages par les bibliothèques accueillant du public.

Elle reverse ensuite ces sommes directement aux auteurs et éditeurs et à leur régime de retraite.

La Société SIREGE, anciennement dénommée SAP HOLDING, exerçant sous l’enseigne SIREGE – les Comptoirs du Continois – constituée en 2006, a repris, à compter du 26 août 2011, à la suite d’une transmission universelle du patrimoine, l’activité de la Société Internationale de Recouvrement d’Edition et de Courtage : S.I.R.E.G.E.

Elle a pour objet la diffusion, la vente et la distribution d’ouvrages à destination de collectivités telles que des bibliothèques, des écoles, des administrations, des comités d’entreprise ou des associations.

Par courriers des 04 février 2009, 18 novembre 2010 et 19 mai 2011, la SOFIA a informé la Société SIREGE de son obligation de lui déclarer l’ensemble de ses ventes et de s’acquitter du règlement de la rémunération au titre du droit de prêt aux bibliothèques.

La Société SIREGE a répondu ne pas vendre des produits culturels entrant dans le champ de la compétence de la SOFIA.

C’est dans ce contexte que la Société SOFIA a introduit une instance le 23 novembre 2011 devant le tribunal de grande instance de Lille, dont le jugement du 6 novembre 2014 :

-Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir de la Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Ecrit (SOFIA),

-Déclare la Société SOFIA recevable à agir contre la Société SIREGE,

Dit que les demandes formulées par la Société SOFIA ne sont pas prescrites,

Dit que la Société SIREGE est redevable du droit de prêt sur le livre,

Dit qu’en ne réglant pas ce droit de prêt sur le livre, la Société SIREGE s’est rendue coupable d’actes de contrefaçons de droits d’auteur,

Condamne en conséquence la Société SIREGE à verser à la Société SOFIA une somme de 328 092 € en rémunération du droit de prêt des ouvrages qu’elle a vendu aux bibliothèques du 1er août 2003 à fin octobre 2013, à titre provisionnel,

Déboute la Société SOFIA de sa demande tendant à voire ordonner à la Société SIREGE sous astreinte de 2 000 €par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir de déclarer toutes ses ventes effectuées auprès des bibliothèques de prêt pour la période comprise entre 2003 et 2009,

Ordonne à la Société SIREGE sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification du présent jugement à intervenir de déclarer toutes ses ventes effectuées auprès des bibliothèques de prêt à partir du 1erjanvier 2010 jusqu’au 06 novembre 2014,

Déboute, en l’état, la Société SOFIA de sa demande tendant à voir condamner la Société SIREGE à payer ‘l’intégralité desdites sommes’ dues suite à la communication de pièces,

Déboute la Société SOFIA de sa demande tendant à voire ordonner à la Société SIREGE sous astreinte de 2 000 € par jour de retard, à compter de la signification du jugement à intervenir, de déclarer et de payer à l’avenir les sommes qu’elle devra à la Société SOFIA dans le strict respect des articles L133-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle,

Condamne la Société SIREGE à verser à la Société SOFIA la somme de 3 000€ en réparation du préjudice résultant de l’atteinte portée à l’intérêt collectif de la profession,

Condamne la Société SIREGE à verser à la Société SOFIA la somme de 6 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de Procédure Civile ;

Condamne la Société SIREGE au paiement des frais et dépens de l’instance dont distraction au profit de Maître Sandrine MINNE ;

Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement.

La Société SIREGE a interjeté appel de cette décision, selon déclaration reçue, par voie électronique, au greffe de la cour et enregistrée le 16 décembre 2014.

Dans le dernier état de ses écritures, déposées par voie électronique le 12 novembre 2015, la Société SIREGE demande à la cour de :

– DÉCLARER recevable et bien fondée la Société SIREGE en son appel ;

Vu l’article 9 du code de Procédure Civile ;

– CONSTATER, DIRE ET JUGER que la Société SOFIA n’apporte pas la preuve matérielle à l’appui de ses prétentions dès lors qu’elle n’identifie pas précisément les ventes d’ouvrages sur lesquelles elle sollicite le versement d’un droit de prêt ;

– CONSTATER, DIRE ET JUGER que la pièce adverse 18 est nulle, dès lors que l’agent assermenté ne se contente pas de constater mais analyse des pièces et données internes à la Société SOFIA ou qui proviendraient de tiers et dont aucune copie n’est versée aux débats ;

– CONSTATER, DIRE ET JUGER que les pièces adverses 19 et 19 bis sont dépourvues de force probante dans la mesure où elle a été unilatéralement constituée par la Société SOFIA ;

– CONSTATER, DIRE ET JUGER que la pièce adverse 22 est dénuée de force probante dans la mesure où la vente en cause n’est pas une vente faite à une bibliothèque, mais à une entreprise inexistante domiciliée auprès d’un grossiste ;

En conséquence,

– PRONONCER la nullité de la pièce adverse 18 ;

– ECARTER les pièces adverses 19 et 22 ;

Vu l’article 564 du code de procédure civile,

– CONSTATER DIRE ET JUGER que la Société SOFIA est irrecevable en ses demandes nouvelles ;

En conséquence,

– DÉCLARER la Société SOFIA mal fondée en son appel incident ;

Vu l’article L. 122-1 du code de la Propriété Intellectuelle,

Vu les articles L.133-1, L. 133-3, L 133-4 du code de la Propriété Intellectuelle,

– CONSTATER, DIRE ET JUGER que les articles L.133-1, L. 133-3, L 133-4 du code précité sont d’interprétation stricte ;

– CONSTATER, DIRE ET JUGER que les livres autoédités ou publiés à compte d’auteur ne relèvent pas du champ de la licence légale visée aux articles L.133-1, L. 133-3, L 133-4 du code précité ;

– CONSTATER, DIRE ET JUGER que les livres-CD et les Livres-DVD ne relèvent pas du champ de la licence légale visée aux articles L.133-1, L. 133-3, L 133-4 du code précité ;

– CONSTATER, DIRE ET JUGER que les livres dont la commercialisation a été arrêtée, dont les éditeurs ont été liquidés ou dont les exemplaires ont été soldés ne relèvent pas du champ de la licence légale visée aux articles L.133-1, L. 133-3, L 133-4 du code précité ;

– CONSTATER, DIRE ET JUGER que les livres anciens et d’occasion ne relèvent pas du champ de la licence légale visée aux articles L.133-1, L. 133-3, L 133-4 du code précité ;

– CONSTATER, DIRE ET JUGER que la documentation éditée par la Société SOFIA confirme que les ventes de ces ouvrages ne relèvent pas de son champ de compétence ;

– CONSTATER, DIRE ET JUGER que les établissements scolaires de l’enseignement maternelle, de l’enseignement primaire et secondaire sont exclus du champ de la licence légale visée aux articles L.133-1, L. 133-3, L 133-4 et R.133-1 du code précité ;

– CONSTATER, DIRE ET JUGER que les déclarations des acquisitions faites par les établissements de prêt à la Société SOFIA doivent identifier précisément les ouvrages destinés au prêt ;

– CONSTATER, DIRE ET JUGER que la Société SIREGE ne peut présumer de la destination des ouvrages qu’elle commercialise à sa clientèle ;

– CONSTATER, DIRE ET JUGER que les demandes formées par la Société SOFIA au titre du droit de prêt ne peuvent être faites que sur le prix de vente du public, et non sur une assiette artificiellement reconstituée et majorée de 44 % ;

– CONSTATER, DIRE ET JUGER que la Société SOFIA est mal fondée à solliciter la communication et le versement de sommes relatives à des ventes qui ne relèvent pas du champ des articles L.133-1, L. 133-3, L 133-4 du code précité ;

– CONSTATER, DIRE ET JUGER qu’il n’est pas établi que la Société SIREGE ait porté atteinte aux intérêts des auteurs et des éditeurs ;

Vu l’article 2224 du code Civil, et l’ancien article 2277 du code Civil,

– CONSTATER, DIRE ET JUGER que les demandes de la Société SOFIA en paiement formées dans l’assignation du 23 novembre 2011, sont prescrites pour la période du 1er août 2003 au 23 novembre 2006 ;

– CONSTATER, DIRE ET JUGER que les demandes additionnelles de la Société SOFIA présentées dans les conclusions du 19 juin 2013 sont prescrites pour la période du 1er août 2003 au 19 juin 2008 ;

– CONSTATER, DIRE ET JUGER que les demandes additionnelles présentées dans les conclusions du 14 novembre 2013 sont prescrites pour la période du 1er août 2003 au 14 novembre 2008 ;

– CONSTATER, DIRE ET JUGER que les demandes nouvelles, à les supposer recevables, formulées dans les conclusions du 13 mai 2015 sont prescrites pour la période du 1er août 2003 au 13 mai 2010 ;

– CONSTATER, DIRE ET JUGER que les demandes nouvelles, à les supposer recevables, formulées dans les conclusions du 28 octobre 2015 sont prescrites pour la période du 1er août 2003 au 28 octobre 2010 ;

– CONSTATER, DIRE ET JUGER que selon les évaluations faites par la Société SOFIA dans sa demande initiale et ses demandes additionnelles sont prescrites pour un montant global de 160 447,71 € ;

En conséquence,

– INFIRMER le jugement du 6 novembre 2014 en ce qu’il a condamné la Société SIREGE à verser à la Société SOFIA la somme de 328 092 € en rémunération du droit de prêt sur la période du 1er août 2003 à fin octobre 2013 ;

– INFIRMER le jugement du 6 novembre 2014 en ce qu’il a ordonné sous astreinte à la Société SIREGE de déclarer toutes ses ventes effectuées auprès des bibliothèques de prêt du 1er janvier 2010 jusqu’au 6 novembre 2014 ;

– INFIRMER le jugement du 6 novembre 2014 en ce qu’il a condamné la Société SIREGE à verser à la Société SOFIA une somme de 3 000 € en réparation du préjudice résultant de l’atteinte collectif de la profession ;

– INFIRMER le jugement du 6 novembre 2014 en ce qu’il a condamné la Société SIREGE au versement d’une somme de 6 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– REJETER l’ensemble des demandes de la Société SOFIA lesquelles sont irrecevables et mal fondées ;

– CONDAMNER la Société SOFIA à verser à la Société SIREGE la somme de 15 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– CONDAMNER la Société SOFIA aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP LEVASSEUR conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Aux termes de ses conclusions récapitulatives, déposées par voie électronique le 26 novembre 2015, la Société SOFIA demande à la cour de confirmer le jugement rendu le 6 novembre 2014 par le tribunal de grande instance de Lille en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a :

– débouté la Société SOFIA de sa demande tendant à voire ordonner à la Société SIREGE sous astreinte de 2 000 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir de déclarer toutes ses ventes effectuées auprès des bibliothèques de prêt pour la période comprise entre 2003 et 2009,

– débouté, en l’état, la Société SOFIA de sa demande tendant à voir condamner la Société SIREGE à payer ‘l’intégralité desdites sommes’ dues suite à la communication de pièces,

– débouté la Société SOFIA de sa demande tendant à voire ordonner à la Société SIREGE sous astreinte de 2 000 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir de déclarer et de payer à l’avenir les sommes qu’elle devra à la Société SOFIA dans le strict respect des articles L133-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle.

Et statuant de nouveau :

– DIRE ET JUGER que la Société SIREGE refuse de payer les sommes dues au titre du droit de prêt et que, en tant que fournisseur de livres aux bibliothèques qui ne respecte pas les termes de l’article L. 133-3 du code de la propriété intellectuelle, elle doit être qualifiée de contrefacteur et encourt les mêmes sanctions.

En conséquence,

– DIRE ET JUGER que la Société SIREGE est donc à l’origine de multiples actes de contrefaçon en raison de l’atteinte qu’elle porte aux droits des auteurs, pour chaque ouvrage qu’elle vend aux bibliothèques, sans verser à la Société SOFIA la part des rémunérations qu’elle doit et la CONDAMNER de ce chef.

ET

– DIRE ET JUGER qu’il n’est aucunement prouvé que la Société SIREGE serait mandatée par les éditeurs afin de commercialiser en leur nom et pour leur compte des stocks d’ouvrages présentant des défauts et en tout état de cause, DIRE ET JUGER qu’un tel mandat ne lui permet pas de s’exonérer du paiement des sommes dues au titre du droit de prêt.

– DIRE ET JUGER que la Société SIREGE dénature totalement les termes des articles L. 133-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle qui font peser le versement de la rémunération due au titre du droit de prêt sur les fournisseurs de livres et non sur les bibliothèques de prêt, quel que soit le prix effectif de vente encaissé.

ET

– DIRE ET JUGER que des livres défraîchis ne peuvent pas être assimilés à des livres d’occasion car ils ne répondent pas aux mêmes définitions.

– DIRE ET JUGER que le droit français applicable au droit de prêt, éclairé par le droit de l’Union européenne, ne distingue pas parmi les ouvrages édités qui doivent être soumis au droit de prêt et DIRE ET JUGER que l’esprit même des textes relatifs au droit de prêt commande de n’exclure aucun livre édité de ce mécanisme.

– DIRE ET JUGER que la rémunération du droit de prêt est due, quel que soit le livre vendu aux bibliothèques, sous la seule condition qu’il soit édité, sans distinction parmi les livres défraîchis, ceux ayant plus de deux ans d’ancienneté, ou ceux provenant d’un arrêt total de commercialisation ou de la liquidation d’un éditeur.

– DIRE ET JUGER que la Société SIREGE ne saurait invoquer utilement les dispositions de la loi du 10 août 1981 sur le prix unique du livre, et notamment le fait qu’elle pratique des prix effectifs de vente moins élevés que le prix de vente au public, pour se soustraire à ses obligations de déclarations et de paiement des rémunérations dues au titre du droit de prêt.

– DIRE ET JUGER que la Société SIREGE ne démontre pas vendre des ouvrages soldés en totalité par les éditeurs, ou encore autoédités ou publiés à compte d’auteur, qui seraient exonérés de la rémunération au titre du droit de prêt en bibliothèque.

– DIRE ET JUGER qu’il revient à la Société SIREGE qui affirme être libérée de son obligation de paiement de la rémunération due au titre du droit de prêt, de prouver que ses ventes de livres aux bibliothèques ne sont pas assujetties au droit de prêt, preuve qu’elle ne rapporte pas.

En conséquence,

– DIRE ET JUGER que tous les livres vendus par la Société SIREGE sont assujettis à la rémunération due au titre du droit de prêt et DIRE ET JUGER que la Société SIREGE, comme tout fournisseur de livres aux bibliothèques, est tenue de verser la rémunération due au titre du droit de prêt.

– CONDAMNER la Société SIREGE au paiement des rémunérations au titre du droit de prêt qu’elle doit à la Société SOFIA.

ET

– DIRE ET JUGER que tant les bibliothèques de prêt que les fournisseurs de livres, comme la Société SIREGE, doivent déclarer les informations nécessaires au calcul du droit de prêt.

– DIRE ET JUGER que les demandes de la Société SOFIA ne sont pas prescrites.

– DIRE ET JUGER que lors d’une transmission universelle de patrimoine, il y a substitution de la Société absorbante dans l’ensemble des biens, droits et obligations de la Société absorbée, ce qui implique pour la première l’obligation de conserver la facturation de la seconde et d’assurer le paiement des dettes et DIRE ET JUGER que la Société SIREGE est tenue du paiement des dettes de la Société Internationale de Recouvrement d’Edition et de Courtage S.I.R.E.G.E.

– DIRE ET JUGER que les demandes ne s’appuient pas sur des calculs erronés pour les exercices 2003-2004.

– DIRE ET JUGER que la Société SIREGE ne saurait être exonérée du paiement des sommes dues au titre du droit de prêt au seul motif qu’elle n’aurait pas assez provisionné auparavant pour payer cette rémunération légale qu’elle doit depuis des années.

En conséquence,

– DIRE ET JUGER que les arguments développés par la Société SIREGE pour diminuer le montant des sommes dues au titre du droit de prêt sont inopérants.

– CONDAMNER la Société SIREGE à payer, à titre de provision, la somme de 379 380 € à la Société SOFIA en rémunération du droit de prêt des ouvrages qu’elle a vendu aux bibliothèques depuis le 1er août 2003.

– ORDONNER à la Société SIREGE, sous astreinte de 2 000 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, de déclarer toutes ses ventes effectuées auprès des bibliothèques de prêt à partir du 1er janvier 2006 jusqu’au prononcé de l’arrêt d’appel afin de permettre à la Société SOFIA de calculer la totalité des sommes dues par la Société SIREGE au titre du droit de prêt et CONDAMNER la Société SIREGE à payer l’intégralité desdites sommes.

– ORDONNER à la Société SIREGE, sous astreinte de 2 000 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, de déclarer et de payer à l’avenir les sommes qu’elle devra à la Société SOFIA, dans le strict respect des articles L. 133-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle.

ET

– DÉCLARER la Société SOFIA recevable à agir pour défendre l’intérêt collectif de la profession d’auteur et d’éditeur percevant la rémunération due au titre du droit de prêt et DIRE ET JUGER que la Société SIREGE met en péril l’intérêt collectif de la profession, en refusant de payer les rémunérations dues au titre du droit de prêt.

En conséquence,

– CONDAMNER la Société SIREGE à verser à la Société SOFIA la somme de 30 000 € en réparation du préjudice résultant de l’atteinte portée à l’intérêt collectif de la profession.

En tout état de cause,

– DÉBOUTER la Société SIREGE de l’intégralité de ses réclamations.

– CONDAMNER la Société SIREGE à verser à la Société SOFIA la somme de 20 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’au paiement des entiers dépens qui pourront être recouvrés directement par Maître Bernard FRANCHI dans les conditions prévues à l’article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 4 décembre 2015.

SUR CE,

Sur le contexte en fait et en droit :

Attendu que les auteurs, en majorité non-salariés, et les éditeurs perçoivent une rémunération en fonction de la vente des livres et des performances de ces ventes ;

Que le prêt d’ouvrages se substitue à l’achat de livres : un exemplaire vendu à une personne morale gérant une bibliothèque puis prêté par elle équivalant potentiellement à plusieurs exemplaires qui ne seront pas achetés en librairie ;

Qu’une solution de compromis devait, dès lors, être trouvée afin de compenser le manque à gagner pour les auteurs et éditeurs dont les ouvrages étaient prêtés, tout en favorisant, par ailleurs, l’accès à la lecture publique ;

Qu’ainsi sont intervenues la Directive n° 92/100 du 19 novembre 1992 puis la Directive 2006/115/CE du 12 décembre 2006, transposée en droit français par la loi du 18 juin 2003, relative « à la rémunération au titre du prêt en bibliothèque et renforçant la protection sociale des auteurs » ;

Que ce dernier texte prévoit qu’il est dérogé au droit exclusif de l’auteur – les livres étant prêtés sans son autorisation ‘ afin de favoriser la lecture publique, mais avec une contrepartie financière versée à l’auteur et à son éditeur ;

Ce dispositif a été codifié à l’article L. 133-1 du code de la propriété intellectuelle qui dispose : «lorsqu’une ‘uvre a fait l’objet d’un contrat d’édition en vue de sa publication et de sa diffusion sous forme de livre, l’auteur ne peut s’opposer au prêt d’exemplaires de cette édition par une bibliothèque accueillant du public. Ce prêt ouvre droit à rémunération au profit de l’auteur».

Attendu que la rémunération attendue émane de deux autres acteurs majeurs de la chaîne du livre qui ont été désignés par la loi pour opérer le versement du droit de prêt : l’Etat, redevable d’une somme forfaitaire, et les fournisseurs de livres aux établissements assurant les prêts qui réalisent des bénéfices sur la vente de ces livres ;

Que c’est précisément cette seconde part de la rémunération due par les fournisseurs de livres, au titre du droit de prêt, qui est l’objet du présent litige opposant la Société SIREGE, fournisseur des bibliothèques de prêts d’ouvrages, à la Société SOFIA créée en 1999 ;

Attendu que la Société SOFIA est la seule Société de gestion collective à avoir reçu, l’agrément par arrêté en date du 7 mars 2005 du Ministre chargé de la Culture et sur le fondement des exigences de l’article L. 133-2 du code de la propriété intellectuelle, pour assurer la gestion du droit de prêt ;

Que Société de perception et de répartition des droits d’auteurs habilitée, la Société SOFIA est ainsi recevable à agir en défense des droits dont elle a statutairement la charge ;

Attendu que la Société SIREGE, exerçant désormais sous la forme d’une Société par actions simplifiée, a pour objet la vente des ouvrages à destination des collectivités : bibliothèques, écoles, comités d’entreprise, administrations et associations, lesquels procèdent régulièrement à des prêts d’ouvrages ;

Qu’anciennement dénommée : SAP HOLDING, elle a repris, depuis le 26 août 2011, à la suite d’une transmission universelle de patrimoine, l’activité de la Société Internationale de recouvrement d’Edition et de Courtage S.I.R.E.G.E., recevant dès lors l’actif et le passif de la Société absorbée et étant tenue, à ce titre, au paiement des factures dues par la Société Internationale de recouvrement d’Edition et de Courtage S.I.R.E.G.E. ;

Qu’ainsi, comme l’a retenu le tribunal de grande instance de Lille, la Société SOFIA est recevable à agir à l’encontre de la Société SIREGE ;

Sur le droit de prêt invoqué par la Société SOFIA à l’encontre de la Société SIREGE :

– Les textes applicables :

Attendu que l’article L. 133-1 du code de la propriété intellectuelle dispose :

« Lorsqu’une ‘uvre a fait l’objet d’un contrat d’édition en vue de sa publication et de sa diffusion sous forme de livre, l’auteur ne peut s’opposer au prêt d’exemplaires de cette édition par une bibliothèque accueillant du public.

Ce prêt ouvre droit à rémunération au profit de l’auteur selon les modalités prévues à l’article L.133-4. » ;

Que l’article L. 133-3 prévoit :

« La rémunération prévue au second alinéa de l’article L. 133-1 comprend deux parts.

La première part, à la charge de l’État, est assise sur une contribution forfaitaire par usager inscrit dans les bibliothèques accueillant du public pour le prêt, à l’exception des bibliothèques scolaires. Un décret fixe le montant de cette contribution, qui peut être différent pour les bibliothèques des établissements d’enseignement supérieur, ainsi que les modalités de détermination du nombre d’usagers inscrits à prendre en compte pour le calcul de cette part.

La seconde part est assise sur le prix public de vente hors taxes des livres achetés. pour leurs bibliothèques accueillant du public pour le prêt, par les personnes morales mentionnées au troisième alinéa (2°) de l’article 3 de la loi no 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre; elle est versée par les fournisseurs qui réalisent ces ventes. Le taux de cette rémunération est de 6 % du prix public de vente. » ;

Que l’article L. 133-4 précise :

« La rémunération au titre du prêt en bibliothèque est répartie dans les conditions suivantes :

1° Une première part est répartie à parts égales entre les auteurs et leurs éditeurs à raison du nombre d’exemplaires des livres achetés chaque année, pour leurs bibliothèques accueillant du public pour le prêt, par les personnes morales mentionnées au troisième alinéa (2°) de l’article 3 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 précitée, déterminé sur la base des informations que ces personnes et leurs fournisseurs communiquent à la ou aux Sociétés mentionnées à l’article L. 33-2 ;

2° Une seconde part, qui ne peut excéder la moitié du total, est affectée à la prise en charge d’une fraction des cotisations dues au titre de la retraite complémentaire par les personnes visées aux troisième et quatrième alinéas de l’article L. 382-12 du code de la sécurité sociale. » ;

Qu’enfin la loi n° 81-766 du 10 août 1981, relative au prix du livre dispose, en son article 3 : « Par dérogation aux dispositions du quatrième alinéa de l’article 1er [selon lequel les détaillants doivent pratiquer un prix effectif de vente au public compris entre 95 % et 100 % du prix fixé par l’éditeur ou l’importateur.] et sous réserve des dispositions du dernier alinéa, le prix effectif de vente des livres peut être compris entre 91 % et 100 % du prix de vente au public lorsque l’achat est réalisé:

– 1° Pour leurs besoins propres, excluant la revente, par l’État, les collectivités territoriales, les établissements d’enseignement, de formation professionnelle ou de recherche, les syndicats représentatifs ou les comités d’entreprise ;

– 2° Pour l’enrichissement des collections des bibliothèques accueillant du public, par les personnes morales gérant ces bibliothèques. Le prix effectif inclut le montant de la rémunération au titre du prêt en bibliothèque assise sur le prix public de vente des livres prévu à l’article L. 133-3 du code de la propriété intellectuelle. (‘ » ;

Attendu, par ailleurs et selon l’article R. 133-1 du code de la propriété intellectuelle, que « Les bibliothèques accueillant du public pour le prêt mentionnées aux articles L 133-3 et L 133-4 sont :

1° Les bibliothèques des collectivités territoriales désignées aux articles L 310-1 à L 310-6 et L 320-1 à L 320-4 du code du patrimoine;

2° Les bibliothèques des établissements publics à caractère scientifique; culturel et professionnel et des autres établissements publics d’enseignement supérieur relevant du ministre chargé de l’enseignement supérieur ;

3° Les bibliothèques des comités d’entreprise ;

4° Toute autre bibliothèque ou organisme mettant un fonds documentaire à la disposition d’un public, dont plus de la moitié des exemplaires de livres acquis dans l’année est destinée à une activité organisée de prêt au bénéfice d’usagers inscrits individuels ou collectifs. ».

– Sur le redevable du droit de prêt et de la déclaration :

Attendu qu’il émane clairement des dispositions législatives applicables à l’espèce, que la seconde part de la rémunération est due par les fournisseurs de livres (libraires,
grossistes ou autres entreprises commerciales) qui réalisent les ventes au profit de personnes morales gérant des bibliothèques accueillant du public pour le prêt ;

Qu’ils doivent reverser à une Société de perception et de répartition de droits d’auteurs agréée, en l’occurrence la Société SOFIA, non pas une somme forfaitaire ou déconnectée de leurs ventes, mais 6% du prix public HT de tous les livres vendus ;

Attendu qu’arguant de ce que le dispositif s’appuie sur un système de licence légale, la Société SIREGE soutient que le débiteur du droit de prêt ne serait pas le fournisseur, mais la personne qui gère la bibliothèque, détermine ainsi la destination des ouvrages vers le prêteur et l’impute sur son budget ”bibliothèque”, sans impacter la marge du fournisseur ;

Qu’ainsi la Société SIREGE ne serait obligée de verser les sommes dues au titre du droit de prêt que lorsqu’elle les aurait encaissées de ses clients ;

Qu’elle oppose, par ailleurs, que les [Localité 3] de Documentation et d’Information (CDI) des lycées et collèges qui, comme les bibliothèques des écoles maternelles et primaires, ne relèvent pas du ministère de l’enseignement supérieur, ne sont pas assujettis au droit de prêt ;

Qu’elle fait valoir enfin que l’obligation à déclaration repose sur les seules personnes morales en charge de la gestion des prêts en bibliothèques et établissements assimilés ;

Mais attendu qu’une part, que l’article 3 – 2° de la loi du 10 août 1981 précité précise, sans équivoque possible, que le prix effectif d’achat payé par les bibliothèques inclut la rémunération due au titre du droit de prêt en bibliothèque, assise sur le prix public de vente des livres, prévu à l’article L.133-3 du code de la propriété intellectuelle, ce dont il se déduit que, quel que soit le prix de vente de l’ouvrage, le montant de la rémunération au titre du droit de prêt y est inclus ;

Qu’il lui appartient ainsi d’appliquer cette rémunération de 6 % dans ses propres tarifs, comme la loi le prescrit ;

Attendu, d’autre part, que c’est pas une exacte interprétation des dispositions sus énoncées de l’article R. 133-1 du code de la propriété intellectuelle que le tribunal a retenu que les CDI des lycées et collèges, qui correspondent aux quatre conditions cumulatives posées par l’alinéa 4° et se déclarent, dès lors que leur activité répond à ces conditions, à la Société SOFIA, les rendent assujettis au droit de prêts pour les ouvrages prêtés ;

Attendu enfin, qu’il résulte des dispositions de l’article L. 133-4 du CPI que « La rémunération au titre du prêt en bibliothèque est répartie dans les conditions suivantes : (‘) Une première part est répartie à parts égales entre les auteurs et leurs éditeurs à raison du nombre d’exemplaires des livres achetés chaque année, pour leurs bibliothèques accueillant du public pour le prêt, par les personnes morales (‘), déterminé sur la base des informations que ces personnes et leurs fournisseurs communiquent (‘) »

Qu’il s’évince de la lecture de ces dispositions, qu’il appartient à la fois aux

personnes morale gérant les bibliothèques accueillant du public pour le prêt et à leurs fournisseurs de procéder aux déclarations des exemplaires des livres achetés chaque année dans ce cadre ;

Qu’ainsi la Société SIREGE apparaît mal fondée, à soutenir que seules les personnes morales gérant les bibliothèques connaissent la destination des livres concernés aux fins de prêts, alors les ouvrages présents dans ces bibliothèques sont, par fonction, affectés au prêt et qu’en tout état de cause, cette condition n’a pas été prévue par la loi dont elle-même invoque l’application restrictive, s’agissant d’un régime dérogatoire au droit de l’auteur ;

Qu’en conséquence, la Société SIREGE est mal fondée à soutenir n’être tenue à aucune obligation dans ce cadre.

Que ces moyens, soulevés par la Société SIREGE, seront tout autant rejetés en cause d’appel ;

– Sur l’assiette du droit de prêt :

Attendu, au sens de l’article L. 133-1 du code de la propriété intellectuelle, que le droit de prêt est dû « lorsqu’une oeuvre ayant fait l’objet d’un contrat d’édition en vue de sa publication et de sa diffusion sous forme de livre », est vendu par le fournisseur ;

Attendu que, pour la Société SIREGE, si l’une des trois conditions fait défaut, l’ouvrage, vendu à une personne morale gérant une bibliothèque, est alors exempté d’une quelconque obligation déclarative ou financière de sa part et de son fournisseur ;

Qu’elle oppose donc le non-assujettissement des ouvrages anciens, défraîchis, de seconde main, ayant plus de deux ans d’ancienneté ou relevant de soldes en totalité par les éditeurs qui en ont interrompu la commercialisation ;

Mais attendu d’une part, qu’il sera rappelé que la redevance légale, instituée ici sous forme de droit de prêt, a pour finalité d’assurer à l’auteur et à l’éditeur, une rémunération qui, sur un fondement dérogatoire au droit exclusif de l’auteur de disposer de son oeuvre, sera compensatoire de son manque à gagner sur la vente à l’occasion d’un prêt ;

Et que selon l’article L. 133-1 du CPI, la rémunération est due quand des livres faisant l’objet d’un contrat d’édition sont achetés pour être prêtés ;

Attendu, d’autre part, qu’en application des dispositions des articles 9 code de procédure civile et 1315 du code civil, « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. », et que si « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation » ;

Qu’ainsi, il appartient à la Société SIREGE, comme débitrice du droit de prêt, d’établir que certains des livres qu’elle commercialise seraient exclus du champ d’application de la redevance légale, d’autant qu’elle n’a procédé à aucune déclaration de ses ventes auprès de la Société SOFIA ;

Et attendu, en l’espèce, que la loi ne fait pas référence à l’état du livre objet du prêt et du droit y afférent, ne visant que l”uvre faisant « l’objet d’un contrat d’édition en vue de sa publication et de sa diffusion sous forme de livre » ;

Que la Société SIREGE ne saurait ajouter aux termes de la loi qui n’opère ici nulle distinction entre livres à la vente et livres résultant d’invendus déstockés par les éditeurs, d’autant que ces derniers, qui n’ont pas été vendus, ne constituent pas des livres d’occasion ayant déjà apporté rémunération à leurs auteurs ;

Qu’il en est tout autant des livres dont la Société SIREGE prétend qu’ils proviennent d’opération de “solde totale”, l’éditeur ayant cessé la commercialisation et l’auteur ayant repris ces droits, alors qu’elle ne produit aucun élément de preuve sur ce point et qu’en tout état de cause, le contrat d’édition subsisterait et l’auteur serait toujours, dans de telles circonstances, légitimé à percevoir une part du droit de prêt pour avoir été privé de tout rémunération en l’absence de vente de ses ouvrages ;

Attendu, toujours selon la Société SIREGE, que certains produits culturels ne seraient pas intrinsèquement soumis au droit de prêt, tels des Livres-CD et livres-DVD commercialisés par elle ;

Mais attendu que ces ouvrages sont composés d’un livre dont il n’est pas démontré qu’il ne serait pas assujetti à la TVA à taux plein, ce qui les rend précisément éligibles à la redevance légale ;

Attendu encore, selon l’appelante, que des livres, dont les auteurs étant décédés depuis plus de 70 ans, sont tombés dans le domaine public, des ‘uvres anciennes antérieures à l’an 1 800 ou des livres relevant de l’exception prévue par l’article 5 de la loi du 10 août 1981, sur les livres vendus à un prix inférieur au prix public, seraient exclus du droit de prêt ;

Mais attendu qu’il n’est pas établi que la Société SOFIA, qui les exclut formellement du droit de prêt dans sa documentation explicative à l’adresse des fournisseurs de livres, ait soumis de tels ouvrages à perception de droit de prêt ;

Que par ailleurs, il n’est pas établi que les conditions cumulatives prévues par l’article 5 de la loi du 10 août 1981 : livres édités ou importés depuis plus de deux ans et n’ayant pas fait l’objet d’un nouvel approvisionnement depuis plus de six mois, ont été remplies et qu’en tout état de cause, la rémunération due au titre du droit de prêt demeure exigible sur de telles ventes puisque le contrat d’édition subsiste, la rémunération étant prélevée sur le prix public HT du livre ;

Attendu enfin, que la Société SIREGE invoque les dispositions de la loi du 10 août 1981 relative au prix unique du livre afin d’en conclure que seuls les livres vendus au prix d’exemplaires neufs seraient assujettis au droit de prêt ;

Mais attendu que le droit de prêt est calculé sur le prix de vente au public HT,
quel que soit le montant du prix effectif de vente ;

Qu’en effet, les dispositions de l’article L. 133-3 du code de la propriété intellectuelle affirme que la rémunération due par les fournisseurs de livres au titre du droit de prêt est « assise sur le prix public de vente hors taxes des livres achetés » et que « le taux de cette rémunération est de 6% du prix public de vente », le seul prix public de vente servant d’assiette de calcul de la rémunération due au titre du droit de prêt ;

Que l’article 3, alinéa 3 (2°) de la loi du 10 août 1981 sur le prix unique du livre qui précise, au sujet du prix effectif d’achat payé par les bibliothèques : « Le prix effectif inclut le montant de la rémunération au titre du droit de prêt en bibliothèque assise sur le prix public de vente des livres prévue à l’article L. 133-3 du code de la propriété intellectuelle », distingue ainsi entre le « prix effectif » de vente et le « prix public » du livre, lequel constitue l’assiette de la rémunération due au titre du droit de prêt ;

Attendu qu’il se déduit de ces motifs que les premiers juges ont à bon droit rejeté les moyens soulevés par la Société SIREGE et retenu que la Société SIREGE qui devait déclarer ses ventes et payer le droit de prêt 6%, prévu par la loi au bénéfice de l’auteur pour compenser son manque à gagner sur ses droits d’auteur, commet des actes de contrefaçon en portant atteinte aux droits exclusifs de l’auteur ;

Sur le montant des droits dus à la Société SOFIA :

– Sur la prescription d’une partie des demandes, opposée par la Société SIREGE :

Attendu que la Société SIREGE prétend que les demandes de la SOFIA seraient prescrites pour les ventes effectuées au-delà des cinq années précédant l’introduction de la présente procédure, à savoir celles afférentes à la période du 1er août 2003 au 23 novembre 2006 ;

Mais attendu, en l’espèce, et en qu’application de l’article L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle, modifié par la loi du 11 mars 2014, s’agissant de la relation entre une Société de perception et de répartition des droits d’auteur constituée sous forme de Société civile et une Société commerciale, l’action en paiement des droits est soumise aux règles de la prescription civile et se prescrit par cinq ans à compter de la date de leur perception, ce délai étant suspendu jusqu’à la date de leur mise en répartition ;

Que, si selon la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile, les actions en paiement sont soumises aux dispositions de l’article 2224 du Code civil disposant que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer », l’article 2222 du Code civil prévoit, pour l’application de la loi du 17 juin 2008, qu’ : «en cas de réduction du délai de prescription (…), ce nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure » ;

Qu’en conséquence, les actions en paiement des sommes dues par la Société SIREGE, à compter du 1er août 2003, et soumises alors à l’ancien délai de 10 ans de L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle alors applicable, ne sont pas prescrites, le délai de prescription, pour une durée de cinq ans, ne courant qu’à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi nouvelle, le 19 juin 2008 ;

Qu’ainsi, les plus anciennes demandes en paiement formée par la Société SOFIA n’auraient été prescrites au plus tôt que le 1er août 2013 et l’assignation délivrée par elle le 23 novembre 2011 ayant interrompu la prescription avant cette date, toutes les demandes de la Société SOFIA apparaissent recevables ;

– Sur les contestations de la Société SIREGE relatives aux pièces produites par la Société SOFIA :

Attendu que la Société SIREGE conteste la valeur probante de la pièce 22 versée par la Société SOFIA s’agissant d’un procès-verbal de constat réalisé, sur le fondement de fausses informations, par un huissier de justice le 1er octobre 2013, en présence de Mme [W], agent assermenté et sous-directrice préposée de la SOFIA ;

Qu’elle fait valoir tout autant que l’attestation délivrée par Mme [W], en pièce 18.1, et les relevés des pièces 19, et 19 bis sont sujettes à critiques et doivent être annulées ou écartées des débats puisque s’agissant de déclarations unilatérales par lesquelles la Société SOFIA se constitue des preuves à elle-même ;

Mais attendu que les opérations du 1re octobre 2013 ont été réalisées par un huissier de justice, et que le fait que Mme [W] n’ait pas déclaré sa qualité ne retire aucune valeur au constat en cause, la preuve d’une quelconque manipulation ou man’uvre déloyale n’étant rapportée ;

Et attendu que Mme [W], agent assermenté par arrêté du 8 novembre 2011 pris en application de l’article L.331-2 du code de la propriété intellectuelle, a fait procéder à la numérisation et au traitement de l’intégralité des factures papier communiquées tardivement, sur incident devant le magistrat de la mise en état, par la Société SIREGE, ce, afin de permettre, tant au premier juge qu’à la cour, de constater que les déclarations des bibliothèques correspondaient aux ventes réelles de la Société SIREGE ;

Que ce moyen a permis de pallier les carences de la Société SIREGE dans ses déclarations pourtant prescrites par la loi ;

Que l’agent assermenté a ainsi pu apporter les éléments essentiels au présent litige, selon lesquels il s’avère que sur les 2 633 factures numérisées, 83 % des factures correspondent aux déclarations des bibliothèques, confirmant ainsi leur fiabilité ;

Et attendu que, selon termes de l’article L. 331-2 du code de la propriété intellectuelle, « Outre les procès-verbaux des officiers ou agents de police judiciaire, la preuve de la matérialité de toute infraction aux dispositions des livres Ier, II et III du présent code peut résulter des constatations d’agents assermentés’ » ;

Que Mme [W] agent assermenté, par arrêté du 8 novembre 2011 pris en application de ce texte, était compétente pour apporter la preuve de la matérialité des infractions au code de la propriété intellectuelle, son procès-verbal de constat faisant foi jusqu’à preuve contraire ;

Que ces éléments ont été soumis à la contradiction des parties puis à l’appréciation des juges ;

Qu’il conviendra en conséquence de maintenir ces pièces n° 18, 19 et 19 bis dans les débats ;

– Sur les principes du calcul :

Attendu que, quel que soit « le prix d’achat » pouvant différer du « prix public», et peu important que le livre soit vendu ou non au prix public, le droit de 6%, que doit
reverser le fournisseur, s’applique sur le prix public HT du livre vendu à la personne morale gérant la bibliothèque ;

Que la Société SIREGE doit payer à la SOFIA un droit de prêt à hauteur de 6% du prix public hors taxe des livres (prix mentionné au dos de chaque ouvrage), qu’elle a vendus aux personnes morale gérant les bibliothèques pour la période comprise entre le 1er août 2003 et le 31 octobre 2013 et non sur le seul prix de vente qu’elle leur a concédé ;

Que la loi indique en effet, sur ce point, que le droit de prêt est de 6% du prix public de vente hors taxes des livres achetés ;

Attendu que l’obligation de déclaration des livres assujettis pèse de façon cumulative sur les personnes morales gérant les bibliothèques de prêt et leurs fournisseurs de livres ;

Qu’en l’absence de toute déclaration de la Société SIREGE, la Société SOFIA a reconstitué le montant des droits dus en se basant sur les déclarations faites par les personnes morales gérant les bibliothèques selon des modalités de calcul qui ne sont pas réellement contestées par la Société SIREGE, étant rappelé que les personnes morales gérant les bibliothèques ne déclarent pas la liste des livres achetés, mais le montant global de la facture émise par le fournisseur de livres ;

Que ces modalités ne nuisent pas à la Société SIREGE puisque, dans les faits, les personnes morales gérant les bibliothèques n’ont pas transmis l’intégralité des ventes qu’elle a pu opérer, tel que cela ressort des comparaisons effectuées avec les seules déclarations communiquées en justice par la Société SIREGE ;

Attendu, enfin, que la Société SIREGE n’ayant pas fait de déclaration, la Société SOFIA s’est servie des déclarations des bibliothèques, comme mode de calcul de la rémunération due par la Société SIREGE au titre du droit de prêt, après avoir constaté que, sur les 2633 factures numérisées et traitées, 83% correspondaient à celles déclarées par les bibliothèques, et étaient donc fiables ;

– Sur l’évaluation du préjudice subi par la Société SOFIA :

Attendu que selon les dispositions de l’article L. 331-1-3 du CPI, « Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :

1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;

2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;

3° Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits.

Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. » ;

Que le juge saisi peut donc attribuer, à titre de dommages et intérêts, une somme forfaitaire qui ne saurait être inférieure à la rémunération qui aurait été versée si le contrefacteur avait respecté le droit auquel il a porté atteinte ;

Que la Société SIREGE sera donc condamnée au versement des rémunérations dues à hauteur, selon la période concernée, de 3% puis 6% du prix public de vente hors taxes de tous les livres vendus par elle aux bibliothèques, s’agissant des livres effectivement vendus et déclarés par les bibliothèques et de ceux qui n’ont fait l’objet d’aucune déclaration, ni du fournisseur ni de la bibliothèque ;

Attendu que si la Société SOFIA a pris acte de l’impossibilité de la Société SIREGE de déclarer ses ventes antérieures à 2006, depuis le 1er août 2003, il sera constaté que, pour ce qui concerne la période 2006-2009, la seule communication des factures de la Société SIREGE n’équivaut pas aux déclarations de ses ventes, telles que prévues par la loi ;

Que la cour confirmera donc le jugement déféré en ce qu’il a ordonné à la Société SIREGE, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification du jugement, de déclarer toutes ses ventes effectuées auprès des bibliothèques de prêt à partir du 1er janvier 2010 jusqu’au 06 novembre 2014

Qu’y ajoutant, les déclarations porteront aussi, sous la même astreinte à compter de la signification du présente arrêt, sur les ventes effectuées à partir du 1er janvier 2006 et celles effectuées à compter du 6 novembre 2014, jusqu’au prononcé de l’arrêt d’appel ;

Attendu que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a rejeté les autres demandes présentées par la Société SOFIA, alors qu’il ne peut être fait injonction à la Société SIREGE de déclarer et payer pour l’avenir les sommes dues à la SOFIA, et a considéré qu’il ne pouvait être fait droit à sa demande de condamnation suite à la communication des nouvelles factures, s’agissant d’une demande indéterminée et in futurum ;

Attendu en conséquence que le préjudice subi par la Société SOFIA sera calculé selon les modalités proposées par elle, sur un montant total TTC de vente de livre à hauteur de 4 974 507 € jusqu’en 2015:

– le montant HT des factures déclarées par les bibliothèques, multiplié par la remise maximale qui leur est consentie, afin d’obtenir le prix public HT provisoire,

– sur cette base, application du pourcentage du droit de prêt, qui a varié de 3% du 1er août 2003 au 31 juillet 2004, à 6%, au-delà,

– dans la mesure où la Société SIREGE reconnaît appliquer des remises de l’ordre de 44% par rapport au prix public, réintégration de ce pourcentage pour obtenir le droit de prêt réellement dû, sur le prix public de vente réel, conformément aux prescriptions de la loi du 10 août 1981 ;

Qu’il convient, sur ces éléments, de condamner la Société SIREGE à verser à la Société SOFIA une somme de 379 380 €, montant actualisé à décembre 2015 qui se substituera à celui retenu par les premiers juges, à titre provisionnel,  pour 328 092 €, en rémunération du droit de prêt des ouvrages vendus aux bibliothèques du 1er août 2003 au 31 octobre 2013 ;

Attendu enfin que, si dans ses ultimes écritures d’appel du 28 octobre 2015, la SOFIA réclame la somme de 379 380 €, cette demande ne constitue pas pour autant une demande nouvelle au sens des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile, alors que s’agissant d’une simple actualisation du montant réclamé sur le même fondement, elle est l’accessoire, la conséquence ou le complément de la demande initiale présentée devant les premiers juges ;

Que cette demande sera donc déclarée recevable ;

Sur la demande de réparation du préjudice collectif formée par la Société SOFIA:

Attendu que la Société SOFIA sollicite la confirmation de principe de son droit à réparation du préjudice collectif subi par les auteurs et éditeurs mais réclame, en appel, un montant de 30 000 € de dommages-intérêts ;

Qu’adoptant les motifs pertinents des premiers juges, la cour confirmera la recevabilité de la Société SOFIA et le bien-fondé de sa demande à hauteur de la somme de 3 000 € justement appréciée à titre de réparation du préjudice collectif ;

Sur les frais irrépétibles de procédure et les dépens :

Attendu qu’il résulte des dispositions cumulées des articles 696 et 700 du code de procédure civile que, sauf dispositions contraires motivées sur l’équité, la partie perdante est condamnée aux dépens de la procédure et doit en outre supporter les frais irrépétibles, tels que les frais d’avocat, avancés par son adversaire pour les besoins de sa défense en justice ;

Que compte tenu tant de l’importance du litige, de sa durée, des diligences accomplies et de l’équité que du sens de l’arrêt, il apparaît justifié de :

– confirmer le jugement sur les dépens et l’application qui y a été équitablement faite des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la Société SIREGE aux dépens d’appel,

– condamner la Société SIREGE à payer à la Société SOFIA la somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Que la demande faite, au même titre, par l’appelante sera rejetée ;

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Déclare recevable la demande en paiement présentée par la Société SOFIA à hauteur de la somme de 379 380 € ;

Confirme le jugement déféré,

Sauf en ce qu’il a :

Débouté la Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Ecrit (SOFIA) de sa demande tendant à voire ordonner à la Société SIREGE, sous astreinte de 2.000€ par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, de déclarer toutes ses ventes effectuées auprès des bibliothèques de prêt pour la période comprise entre 2003 et 2009 ;

Le réformant,

Aux fins d’actualisation du montant du droit de prêt, fixé, à titre provisionnel,  par le tribunal à : 328 092 € du 1er août 2003 au 31 octobre 2013,

Condamne la Société SIREGE à verser à la Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Ecrit (SOFIA) la somme de 379 380 €, en rémunération du droit de prêt des ouvrages qu’elle a vendus aux bibliothèques du 1er août 2003 au 31 décembre 2015 ;

Ordonne à la Société SIREGE, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt, de déclarer toutes ses ventes effectuées auprès des personnes morales, gérant des bibliothèques de prêt, à partir du 1er janvier 2006 jusqu’au 06 novembre 2014, et sur les ventes effectuées à compter du 6 novembre 2014, jusqu’au prononcé du présent arrêt d’appel ;

Y ajoutant,

Condamne la Société SIREGE à payer la somme de 10 000 € à la Société SOFIA, par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Société SIREGE aux dépens d’appel, dont distraction au profit de la SCP d’avocats DELEFORGE-FRANCHI, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toutes demandes, fins ou prétentions, plus amples ou contraires.

Le Greffier,Le Président,

Claudine POPEK.Jean-Loup CARRIERE.

 


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