Exclusivité : 13 mars 2013 Cour d’appel de Paris RG n° 11/14346

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Exclusivité : 13 mars 2013 Cour d’appel de Paris RG n° 11/14346
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13 mars 2013
Cour d’appel de Paris
RG n°
11/14346

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRET DU 13 MARS 2013

(n° 85, 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 11/14346

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Juillet 2011 -Tribunal de Commerce de PARIS – 8ème Chambre – RG n° 2009033104

APPELANTE

Société EXCAF TELECOM ( ci-après ‘EXCAF’), société de droit Sénégalais agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2] – SENEGAL

Représentée par Me Chantal-Rodene BODIN CASALIS, avocat au barreau de PARIS, toque L0066

Assistée de Me Caroline GARRELON, plaidant pour la SCP HMN & PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, toque P580 et Me Florence HOOKUMCHAND plaidant pour le Cabinet Rassek BOURGI, avocat au barreau de PARIS, toque D1327 substituants Me Rassek BOURGI, avocat au barreau de PARIS, toque D1327

INTIMEE

Société CANAL + AFRIQUE anciennement dénommée CANAL OVERSEAS AFRICA prise en la personne de son représentant légal

Ayant son siège social

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par la SCP Jeanne BAECHLIN, avocats au barreau de PARIS, toque L0034

Assistée par Me Edouard BLOCH plaidant pour la SCP WILHEM et Associés, avocat au barreau de PARIS, toque K24

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 29 janvier 2013, en audience publique, après qu’il ait été fait rapport par Madame COCCHIELLO, conformément aux dispositions de l’article 785 du Code de procédure civile devant la Cour composée de :

Madame COCCHIELLO, Président, rédacteur

Monsieur VERT, Conseiller

Madame LUC, Conseiller

Qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Annick MARCINKOWSKI

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame COCCHIELLO, Président et par Madame Véronique GAUCI, greffier, auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

****

La société PORTINVEST ( devenue MULTI TV AFRIQUE puis CANAL OVER SEAS AFRICA et désormais CANAL + AFRIQUE) a signé le 18 octobre 1999 avec la société EXCAF TELECOM ( EXCAF) un contrat de rediffusion permettant à EXCAF de distribuer un ensemble de chaînes de télévision. Un autre contrat a été signé avec la société CANAL OVERSEAS AFRICA le premier mars 2002, annulant et remplaçant toutes les conventions antérieurement conclues ; il a été modifié par plusieurs avenants des 18 novembre 2003, 4 mai 2004, 4 octobre et 7 novembre 2006. EXCAF doit verser une redevance mensuelle calculée sur la base du nombre d’abonnés actifs moyens déclarés.

Un certain nombre de factures sont demeurées impayées par EXCAF et la société CANAL + AFRIQUE a, après mise en demeure infructueuse, assigné, par acte du 4 mai 2009, la société EXCAF en paiement devant le Tribunal de commerce de PARIS.

Par jugement du 1er juillet 2011, le tribunal de commerce de PARIS a :

– dit l’exception d’incompétence soulevée par la société EXCAF irrecevable,

– débouté la société EXCAF de sa demande de sursis à statuer,

– condamné la société EXCAF à payer à la société par actions simplifiée CANAL OVERSEAS AFRICA ( maintenant CANAL + AFRIQUE) :

la somme de 1.077.278,27 Euros avec intérêt égal à 1,5 fois le taux d’intérêt légal à compter du 15 décembre 2008 pour les factures échues avant le 15 décembre 2008 et à compter de la date d’échéance pour les autres factures, et ce, avec capitalisation dans les conditions de l’article 1154 du Code civil,

la somme de 200.000 Euros à titre de dommages-intérêts pour les actes de piratage,

– débouté les parties de leurs demandes autres,

– condamné la société EXCAF à payer à la société CANAL OVERSEAS AFRICA la somme de 10.000 Euros au titre de l’ indemnité pour frais irrépétibles,

– condamné la société EXCAF aux dépens.

La société EXCAF TELECOM a fait appel du jugement.

Par conclusions du 25 janvier 2013, la société EXCAF demande à la cour de dire irrecevables et rejeter des débats les conclusions de la société CANAL + AFRIQUE en date du 21 janvier, communiquées la veille de la clôture, ainsi que la pièce 58 communiquée le même jour.

Par conclusions du 7 janvier 2013 auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé plus ample des moyens, cette société demande à la Cour de :

– infirmer le jugement,

– se déclarer incompétent,

– sur le fond,

à titre principal :

– surseoir à statuer dans l’attente des procédures initiées par EXCAF TELECOM et CANAL + AFRIQUE devant les juridictions sénégalaises et devant la commission de l’UEMOA,

subsidiairement,

– annuler les contrats et condamner CANAL + AFRIQUE à lui restituer toutes les redevances qu’elle a versées soit 6.852.736, 28 Euros, outre les intérêts au taux légal à compter de chacun des paiements,

– rejeter toutes les demandes de CANAL + AFRIQUE,

très subsidiairement,

– ordonner une expertise pour :

vérifier les prix pratiqués par CANAL + AFRIQUE aux concurrents depuis la signature de l’avenant n° 4 du 7 novembre 2006,

rétablir la facturation en application de l’article 9 de l’avenant,

vérifier si CANAL +AFRIQUE a contribué de quelque manière que ce soit au développement du portefeuille clientèle de EXCAF TELECOM pouvant justifier la fixation de la redevance sur la base du nombre d’abonnés,

en tout état de cause,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté CANAL + AFRIQUE du surplus de ses demandes,

– condamner CANAL + AFRIQUE à lui payer la somme de 30.000 Euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles et à supporter les dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice de l’article 699 du Code de procédure civile.

Par conclusions du 21 novembre 2012 à auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé plus ample des moyens, la société CANAL + AFRIQUE demande à la Cour de :

– dire l’appel mal fondé,

– confirmer le jugement exception faite de la disposition concernant le débouté de CANAL + AFRIQUE de sa demande au titre du préjudice sui en raison des déclarations d’abonnés erronées faites par EXCAF,

– condamner EXCAF à lui payer la somme de 100.000 Euros en réparation du préjudice né de la privation de redevances qui lui sont dues et du fait de la violation de son droit contractuel de vérification de déclarations du nombre des abonnés prévis à l’article 11 du contrat,

– débouter la société EXCAF de toutes ses demandes,

– si la Cour faisait droit à la demande d’expertise,

– ordonner que soit vérifiée la véracité des déclarations d’abonnés faites par la société EXCAF à CANAL + AFRIQUE depuis le premier mars 2002,

– constater que la société EXCAF a bien disposé des chaînes mises à sa disposition par CANAL + AFRIQUE et rejeter ses demandes de remboursement des redevances à ce titre,

– condamner EXCAF à lui payer la somme de 100.000 Euros en réparation du préjudice né de la privation de redevances qui lui étaient dues et du fait de la violation de son droit contractuel de vérification de déclarations du nombre des abonnés prévis à l’article 11 du contrat,

-débouter la société EXCAF de toutes ses autres demandes,

– condamner la société EXCAF à lui payer la somme de 50.000 Euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles et à supporter les dépens qui comprendront seront recouvrés avec le bénéfice de l’article 699 du Code de procédure civile.

SUR CE 

1) Sur l’irrecevabilité des conclusions et de la pièce 58 communiquées le 21 janvier 2013 par la société CANAL + AFRIQUE,

Considérant que EXCAF a fait appel par déclaration du 28 juillet 2011, qu’elle a conclu le 31octobre 2011, CANAL + le 23 décembre 2011, qu’avis leur a été donné le 23 mars 2012 du calendrier de procédure avec clôture le 11 décembre 2012 et les plaidoiries le 29 janvier 2013, que la société EXCAF a conclu le 22 février 2012, la société CANAL + le 21 novembre 2012, que le conseiller de la mise en état leur a proposé une médiation le 10 décembre 2012 précisant alors que l’ordonnance de clôture était reportée au 8 janvier, que la société EXCAF a conclu le 7 janvier 2012, que l’ordonnance de clôture a été reportée au 22 janvier pour que la société CANAL + puisse éventuellement répondre aux écritures d’EXCAF du 7 janvier, que la clôture a été prononcée le 22 janvier 2013,

Considérant que la société EXCAF demande le rejet des conclusions et pièce communiquées le 21 janvier par CANAL +, au motif qu’elle n’a pas pu en prendre connaissance en temps utile et y répliquer alors que la société CANAL + développe des moyens nouveaux au sujet de la communication des pièces dont elle sollicite le rejet,

Considérant que la société CANAL + demande pour la première fois par écritures du 21 janvier le rejet de pièces communiquées par la société EXCAF n° 1 à 25 ; que la société EXCAF ne peut répliquer à une telle demande faite pour la première fois la veille de l’ordonnance de clôture ;

Considérant que les conclusions de la société CANAL + AFRIQUE ainsi que la pièce n ° 58 communiquées le 21 janvier 2013 seront rejetées,

2) Compétence du Tribunal de commerce :

Considérant que EXCAF soutient que le Tribunal de commerce n’est pas compétent pour statuer sur les prétendus actes de piratage qu’elle aurait commis au préjudice de CANAL + AFRIQUE, au motif que le litige sur ce point n’est pas de ceux que couvre la clause attributive stipulée au contrat, qu’elle est recevable à soulever cette exception de procédure jusqu’ à l’audience peu important qu’elle ait conclu au fond par écrit antérieurement ; que la société CANAL + AFRIQUE expose quant à elle que la société EXCAF n’est pas recevable à soulever une telle exception après s’être défendue au fond, et que par ailleurs, cette exception est mal fondée,

Considérant certes que la procédure est orale devant le Tribunal de commerce,

que selon l’article 446-4 du code de commerce en vigueur depuis le premier décembre 2010 et applicable aux procédures en cours, la date des moyens et prétentions formulés préalablement par écrit est celle de leur communication entre parties et non celle de l’audience, que la société EXCAF précise dans ses écritures ( p17) qu’elle a soulevée une exception d’incompétence dans ses écritures du 26 mai 2010 après avoir déposé des premières écritures le 28 octobre 2009 et qu’elle a lors de l’audience de plaidoiries du 7 mars soulevé in limine litis cette exception d’incompétence avant toute défense au fond, qu’il s’ensuit que dès lors que la société EXCAF a communiqué ses premières conclusions contenant des moyens de fond avant l’audience, elle ne peut soulever par des écritures ultérieures et le jour de l’audience oralement une exception d’incompétence,

Considérant que l’exception d’incompétence est irrecevable,

3) Sur le sursis à statuer :

Considérant que la société EXCAF fait valoir que deux instances pendantes devant la juridiction et la commission sénégalaises imposent en l’espèce le sursis ; que la commission de l’UEMOA est saisie d’une plainte pour concurrence déloyale et abus de position dominante, que par ailleurs, le Tribunal régional hors classe de DAKAR est saisi par EXCAF d’une demande en déclaration de responsabilité pour concurrence déloyale contre CANAL + AFRIQUE et sa filiale et en réparation de son préjudice, que la société CANAL + AFRIQUE rappelle que le juge décide discrétionnairement du sursis à statuer et fait valoir qu’en l’espèce, les décisions à venir sont sans influence sur cette instance,

Considérant que la commission de l’UEMOA a été saisie le 5 décembre 2008 d’une demande d’arbitrage de la part des opérateurs intervenant dans le secteur de l’audiovisuel qui estiment être ‘confrontés à des pratiques avérées de concurrence déloyale et position dominante de la part de CANAL HORIZON et de son fournisseur d’images MTV AFRIQUE qui s’entendent à exercer un monopole sur un certain nombre de chaînes attractives sur le territoire sénégalais’, sur le fondement des articles 3 et l’article 4 du règlement 02/2002/CM/UEMOA et des dispositions légales internes au SENEGAL, que la décision que prononcera la commission peut certes aboutir, comme le souligne justement la société CANAL + AFRIQUE, à la condamnation de celle-ci pour pratiques anti-concurrentielles et au prononcé de sanctions mais ayant un objet différent de celui de cette instance, elle ne sera pas déterminante de la décision devant se prononcer sur les manquements contractuels de la société EXCAF,

Considérant que le Tribunal régional hors classe de DAKAR a été saisi d’une demande de réparation fondée sur la concurrence déloyale alléguée de la société CANAL + AFRIQUE par pratiques discriminatoires de prix et refus de vente d’offres ou de services, qu’il s’est prononcé par jugement du 11 avril 2011 faisait droit aux demandes de la société EXCAF et que la société CANAL+ AFRIQUE et la société CANAL HORIZON SENEGAL en ont interjeté appel ; que la société EXCAF explique en définitive sa demande de sursis par les difficultés financières qu’elle rencontre en raison de l’attitude de CANAL + AFRIQUE et par la nécessaire compensation qui devra avoir lieu entre les montants auxquels la société CANAL + AFRIQUE sera condamnée à lui verser et ceux auxquels elle prétend au titre de sa créance sur EXCAF ; qu’il apparaît que la décision sur le litige qui oppose les parties devant les juridictions sénégalaises reste sans incidence sur la procédure actuellement pendante devant cette juridiction et que rien n’interdit une éventuelle compensation entre les créances des parties si celles-ci sont reconnues,

Considérant qu’il n’ y a pas lieu de surseoir à statuer,

4) Sur la demande d’annulation des contrats pour dol et ses conséquences :

sur le dol :

Considérant que la société EXCAF soutient que l’économie du contrat repose essentiellement sur le ‘postulat selon lequel CANAL + AFRIQUE…. détenait pour l’ensemble des chaînes composant le bouquet ‘SAT’ à titre exclusif les droits de distribution et de commercialisation de ces chaînes’ ; qu’en réalité, CANAL + AFRIQUE a gardé un silence fautif sur l’étendue de ses droits et de ceux qu’elle a pu lui concéder et qu’elle est incapable de justifier qu’elle avait au moment de la formation du contrat des droits exclusifs sur les chaînes (sinon sur MCM AFRICA devenue TRACE TV) qui ont été mises à sa disposition soit TV5 AFRIQUE, CFI TV, France 2 international, France 5/  ARTE, MCM Africa, RTL 9, FESTIVAL, EURONEWS, PLANETE, MANGA et TIJI ; qu’elle relève que CANAL + AFRIQUE ne répond pas sur ce moyen ; que la société EXCAF explique que si elle avait connu l’étendue réelle des droits de CANAL + AFRIQUE, ‘elle n’aurait pas manqué d’analyser les diverses offres proposées par les distributeurs de services pour rediffuser des chaînes mais à des tarifs plus avantageux avant de choisir de contracter ou non avec l’intimée’, qu’il doit y avoir lieu à restitution des redevances qu’elle a versées tout d’abord à PORTINVEST, puis à MULTI TV AFRIQUE, puis à CANAL OVERSEAS AFRICA et enfin à CANAL + AFRIQUE pour un montant global de 6.852.736, 28 Euros,

Considérant que selon CANAL + AFRIQUE, EXCAF part d’un postulat non confirmé selon lequel l’économie du contrat reposerait sur sa détention de droits d’exclusivité, qu’aucun élément n’étaye l’affirmation d’EXCAF selon laquelle elle n’aurait pas conclu avec elle si elle avait su que CANAL + AFRICA ne détenait pas de droits exclusifs sur les chaînes et par ailleurs, le droit de distribuer consenti par CANAL + ne l’était pas à titre exclusif de sorte que l’exclusivité n’était pas une condition déterminante de l’accord, qu’elle rappelle que leurs accords existent depuis plus de dix ans sans que la société EXCAF ait contesté quoi que ce soit à cet égard, qu’elle a elle-même respecté ses obligations en mettant continuellement à la disposition d’EXCAF le signal des chaînes sur lesquelles des droits lui avaient été concédés, rapportant par ailleurs la preuve qu’elle était titulaire des droits sur les chaînes mises à sa disposition ; que CANAL + AFRIQUE expose enfin qu’en cas d’annulation du contrat, la remise en état serait impossible ;

Considérant que selon l’article 2 du contrat de rediffusion signé par PORTINVEST et EXCAF TELECOM le premier mars 2002 et non modifié sur ce point par les avenants ultérieurs, PORTINVEST a accordé sur le territoire du SENEGAL à l’opérateur ‘ le droit non exclusif de distribuer le ‘SAT’ ‘ ; que rien dans les documents contractuels ne permet de constater qu’ EXCAF a subordonné son engagement à l’exclusivité des droits de CANAL + sur les chaînes qu’elle allait pouvoir distribuer, alors que, compte tenu de la disposition de l’article 2 du contrat, elle savait que d’autres opérateurs pouvaient alors distribuer ces mêmes chaînes, peu important alors de qui ils en détenaient la distribution et peu important alors que la société CANAL + AFRIQUE dispose ou non de droits exclusifs sur ces chaînes ;

Considérant enfin, que la société EXCAF ne justifie pas que l’exclusivité des droits détenus par son cocontractant dans ce type de contrat est de l’essence même de ce contrat et déterminante de son consentement,

Considérant que le dol n’est pas établi, qu’il n’ y a pas lieu de faire droit à la demande d’annulation,

sur le paiement des redevances :

Considérant que la société EXCAF exposant que le contrat lui garantissait le bénéfice de meilleurs tarifs et que CANAL + AFRIQUE devait selon le contrat lui communiquer la modification tarifaire, a pu toutefois constater que l’intimée a accordé à d’autres concurrents – notamment DELTA NET TV qui a bénéficié de tarifs inférieurs aux siens et d’une remise et CANAL+ SENEGAL – des tarifs plus favorables dont elle n’a pas été informée, contrevenant ainsi aux termes de l’article 9.1 et qu’elle a alors demandé en décembre 2007 la révision du montant de ses factures pour en tenir compte, ce que la société CANAL + AFRIQUE lui a refusé ; que le Tribunal régional hors classe de DAKAR a constaté ces violations contractuelles ; que les factures ne sont par conséquent pas dues, que les intérêts de retard ne sont pas dus alors qu’aucune clause contractuelle ne les prévoit,

Considérant que la société CANAL + AFRIQUE soutient que la société EXCAF est redevable de la somme de 1.077.278, 27 Euros HT outre les intérêts au taux contractuels de 1,5 le taux légal à compter de la mise en demeure du 15 décembre 2008, et expose que la société EXCAF a reconnu devoir cette somme par lettre du 12 janvier 2009 alors qu’elle dit, sans le justifier, avoir sollicité la révision du montant de ses factures en 2007 ; qu’elle ajoute qu’elle rapporte la preuve de ce qu’elle lui a consenti des tarifs plus intéressants, que la société EXCAF n’aurait pu bénéficier de la remise accordée à DELTA PLUS dès lors que celle-ci est calculée sur l’évolution du chiffre d’affaires qui, pour EXCAF était en baisse, que la société CANAL + SENEGAL ne fait que distribuer pour le compte de CANAL + AFRIQUE les offres proposées par elle et ne bénéficie d’aucune mise à disposition de chaînes de sorte qu’elle n’a pas de tarifs particuliers,

Considérant que par avenant du 7 novembre 2006, il a été convenu dans l’article 9 ‘ rémunération’ que MULTI TV AFRIQUE s’engageait à communiquer à l’opérateur toute modification de tarif des chaînes applicables sur le territoire sénégalais, et que dans le cas où l’opérateur souhaiterait bénéficier de ces nouvelles conditions tarifaires, les parties pourraient se rencontrer afin de rédiger un avenant au présent contrat,

Considérant que la rémunération prévue pour CANAL + AFRIQUE est établie en fonction d’un montant mensuel d’abonnés moins une remise consentie au cocontractant calculée en fonction de son chiffre d’affaires HT et que ces deux paramètres doivent donc être pris en compte dans la détermination du ‘ tarif’,

qu’il apparaît que MULTI TV AFRIQUE et la société DELTA 2000 SATELLITE ont signé un avenant le 10 avril 2008 avec effet au premier janvier 2008 précisant de nouveaux tarifs pour diverses chaînes dont plusieurs sont celles que distribue la société EXCAF ; que la comparaison qui prend en compte les deux paramètres permet alors de constater que si la plus grande partie des tarifs consentis à DELTA est plus favorable, la remise n’aurait pas été consentie à EXCAF compte tenu de son chiffre d’affaires, de sorte qu’en définitive sa dette aurait été plus importante ; que certes, la société CANAL + AFRIQUE n’a pas fait connaître à EXCAF les tarifs consentis à DELTA à EXCAF mais qu’en définitive la société EXCAF n’a pas subi de préjudice financier,

qu’il apparaît, en ce qui concerne la société CANAL + SENEGAL que la société EXCAF ne justifie pas de ce que cette société aurait bénéficié de tarifs plus intéressants qu’elle,

Considérant que les factures émises par CANAL + AFRIQUE sont dues,

Considérant qu’il est précisé sur les factures un taux majoré égal à 1,5 fois le taux d’intérêt légal, que l’appelante ne peut le contester désormais alors que celui-ci se trouve sur toutes les factures établies par CANAL + AFRIQUE sans qu’elle ait fait la moindre observation,

Considérant enfin que le contrat du premier mars 2002 précise dans son article 19 que le droit français est applicable à toute question relative à son exécution, qu’ainsi, la capitalisation des intérêts prévue par l’article 1154 du Code civil qui est demandée est de droit,

5) Sur le paiement de redevances perdues demandé par la société CANAL + AFRIQUE :

Considérant que la société CANAL + AFRIQUE demande le paiement de redevances supplémentaires ; qu’elle expose avoir eu des doutes sur la sincérité des déclarations d’EXCAF relatives au nombre d’abonnés qui décroissait chaque année et qu’elle n’a pu, comme elle l’a voulu, vérifier l’exactitude des éléments fournis précisé à l’article 11 du contrat, se heurtant au refus de la société EXCAF, de sorte que son préjudice est à la fois constitué par les déclarations irrégulières et par la perte de son droit de vérifier l’exactitude de ces déclarations ; que cette dernière ne peut non plus soutenir, sinon de façon fantaisiste, que la fixation des redevances sur cette base serait abusive,

Considérant que la société EXCAF fait valoir que la fixation d’une redevance sur la base du nombre d’abonnés est abusive dans la mesure où CANAL + AFRIQUE n’a pas contribué au développement de la clientèle d’EXCAF et qu’il n’existe aucune raison économique pouvant justifier un tel mode de fixation de la redevance, qu’au surplus, une telle vérification permet l’accès à des informations commerciales directement utilisables par la filiale de la société CANAL + AFRIQUE, la société CANAL SAT HORIZONS, qu’elle ne peut obtenir, par conséquent, de dédommagement,

Considérant que l’article 11 du contrat signé le premier mars 2002 précise que CANAL + AFRIQUE peut faire à ses frais des opérations de vérification des déclarations relatives au nombre d’abonnés ;

Considérant par ailleurs que, selon les documents produits, le prix sur le marché de l’offre des éditeurs de chaînes payantes et de la demande des distributeurs est constitué par une redevance qui est soit fixe ( forfait) soit variable ( ou en fonction du nombre d’abonnés) ; que si EXCAF allègue qu’une clause de détermination du prix en fonction du nombre d’abonnés est abusive, elle ne justifie en quoi elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties à l’examen général de ceux-ci et par ailleurs, l’engagement de CANAL + à ‘ prévoir une distribution dans des conditions de transparentes, objectives et non discriminatoires’ invoqué par EXCAF est à cet égard sans relation,

Considérant que des doutes ont été émis sur l’exactitude des déclarations du nombre d’abonnés faites par la société EXCAF par courrier du 30 janvier 2009, que la société CANAL + AFRIQUE a demandé, au cours de cette procédure, la possibilité de vérifier les déclarations ce qu’elle peut parfaitement faire, en consultant les bases techniques relatives aux abonnés sans identification de ces derniers et en évitant tout risque de divulgation d’informations confidentielles, qu’en s’y opposant, la société EXCAF ne respecte pas ses engagements,

Considérant toutefois que le préjudice subi par la société CANAL + AFRIQUE n’est pas, comme elle le soutient, causé par des déclarations irrégulières la privant de redevances mais par la privation de son droit de vérifier les déclarations faites par EXCAF que la cour évalue, au regard des éléments du débat, à la somme de 10.000 Euros,

Considérant que le jugement sera réformé sur ce point,

6) Sur le piratage :

Considérant que la société CANAL + AFRIQUE fait valoir que le contrat et l’avenant n° 4 précisaient que EXCAF s’interdisait le piratage, que la société EXCAF pirate des programmes exclusifs proposés sur les chaînes constituant l’offre SAT, notamment les programmes de football et des programmes de chaînes de tiers ; qu’elle a ainsi diffusé sans son autorisation des programmes de chaînes de télévision dont les droits lui appartiennent, des matches de football de l’UEFA Euro 2008, de Champion League 2007/2008 et 2008/2009, ainsi que du championnat de Ligue 1 ( France) 2008/2009 sur lesquels elle a les droits exclusifs d’exploitation ; que ces violations contractuelles ont été constatées par procès-verbaux établis régulièrement ; que ce piratage lui a causé un préjudice constitué par la privation d’un grand nombre d’abonnements à ses offres de chaînes et programmes,

Considérant qu’EXCAF expose que ne pourraient être concernées par des actes de piratage les seules chaînes de l’offre de ‘ SAT’, qui, selon l’avenant n° 4, était composée de TV5 AFRIQUE, France 2 International, TRACE TV, RTL 9, EURONEWS, PLANETE, TIJI, INFOSPORT, CINE CINEMA ; que toutefois, elle a diffusé sur les chaînes M6, AL JEEZIRA Sport 1, AL JEEZIRA Sport 2, AL JEEZIRA Sport 3, via le bouquet EXCAF TELECOM ; que par ailleurs, CANAL + AFRIQUE n’a justifié d’aucun monopole de diffusion qui lui aurait été consenti par l’UEFA, qu’enfin, les procès-verbaux produits aux débats par CANAL + AFRIQUE ne sont pas régulièrement établis selon les termes du décret sénégalais du 9 août 2002 sur le statut des huissiers de justice, que par ailleurs c’est CANAL + SENEGAL qui les a fait établir alors qu’elle n’est pas partie au contrat, que le piratage n’est pas constitué,

Considérant que le contrat ainsi que l’avenant n° 4 mettaient à la charge de EXCAF des obligations de lutte contre le piratage des chaînes qu’elle commercialisait ou par une autre société du groupe CANAL +, qu’ il était précisé : ‘ l’opérateur garantit CANAL + contre le piratage des chaînes constituant le SAT de son fait ou résultant d’une quelconque négligence de sa part. L’opérateur s’engage à lutter contre le piratage et notamment à n’effectuer aucune copie autre que nécessaire pour des raisons techniques, des programmes proposés par des chaînes constituant SAT sur quelque support que ce soit’,

Considérant que la société CANAL + AFRIQUE verse aux débats divers procès-verbaux, que certains sont établis par Maître [D] ou Maître [X] huissiers de justice en personne ( procès-verbal des 11 décembre 2007, du 24 avril 2007, du 10 juin 2008 ), d’autres par par lui-même mais ‘ assisté de Monsieur [Q] [B] clerc assermenté attaché à son étude lequel s’est rendu dans les locaux de la société OMEDIA’ ( procès-verbal des 10 et 14 mars 2009, 13 décembre 2008) ou ‘ assisté de Monsieur ‘[T] [Z] clerc principal assermenté attaché à son étude lequel s’est rendu au siège de la société demanderesse où il a constaté la diffusion et la transmission sur le bouquet d’EXCAF TELECOM…’ ( procès-verbal du 12 février 2009 ) ; que certes, l’article 25 du décret 2002-803 du 9 août 2001 précise que ‘l’huissier est remplacé pendant son absence en congé régulier ou pour toute autre raison par un huissier de justice de son choix ayant la même résidence ou par le principal clerc attaché à l’étude…’, que toutefois, selon l’article 50 de ce même décret, ‘les procès-verbaux de constat et d’exécution sont de la compétence exclusive des huissiers’, que les premières dispositions citées ne permettent pas pour autant à un clerc de dresser des actes d’exécution ou de constat de sorte que les procès-verbal des 10, 14 mars 2009, du 13 décembre 2008 et du 12 février 2009 ne sont pas établis par une personne habilitée et ne seront pas pris en compte ;

Considérant que les procès-verbaux des 24 avril 2007 et 10 juin 2008 ne permettent pas d’établir que EXCAF a piraté des chaînes de télévision autres que celles du bouquet et qui appartiendraient à CANAL + AFRIQUE ou à une société de son groupe ; que selon les procès-verbaux du 11 décembre 2007 et les écritures d’EXCAF, il est constant que la retransmission de matches de l’UEFA a été faite par EXCAF mais contrairement à ce qui est soutenu, la société CANAL + AFRIQUE ne justifie pas avoir eu des droits exclusifs de diffusion lorsque ces matches ont été diffusés par EXCAF, ce dont elle a justifié par la suite à partir de 2011 ; que le piratage d’autres chaînes ( M6 ou ARTE ) ne peut être invoqué au titre de violations contractuelles contre la société EXCAF,

Considérant que la société CANAL + AFRIQUE sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts sur ce point et le jugement réformé,

7) Sur l’article 700 du Code de procédure civile :

Considérant que la société EXCAF versera à la société CANAL + AFRIQUE la somme de 10.000 Euros pour l’indemnité pour frais irrépétibles engagés en appel,

PAR CES MOTIFS

La Cour :

REJETTE les conclusions et la pièce 58 communiquées le 21 janvier 2013 par la société

CANAL + AFRIQUE,

INFIRME le jugement en ce qui concerne la privation du droit de vérifier les déclarations faites par EXCAF et les actes de piratage,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société EXCAF TELECOM à payer à la société CANAL + AFRIQUE la somme de 10.000 Euros au titre de la privation de son droit de vérifier les déclarations du nombre d’abonnés faites par la société EXCAF,

DÉBOUTE la société CANAL + AFRIQUE de sa demande de dommages-intérêts formée au titre des actes de piratage,

CONFIRME le jugement pour le surplus,

CONDAMNE la société EXCAF TELECOM à payer à la société CANAL + AFRIQUE la somme de 10.000 Euros au titre de l’indemnité pour frais irrépétibles en cause d’appel,

CONDAMNE la société EXCAF TELECOM aux dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice de l’article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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