Le déréférencement du titre de presse France-Soir de Google, sa suspension de Youtube et la fermeture son compte Ad par Google ne sont pas constitutifs d’un abus de sa position dominante sur les marché de ces trois services.
Sommaire
Marché de la recherche en ligne
L’Autorité de la Concurrence, dans sa décision du 9 avril 2019, confirmée par la cour d’appel de Paris en 2020, a relevé que, sur le marché de la recherche en ligne, Google était susceptible de disposer d’une position dominante ; en effet cette dernière détient en France sur ce marché 93% des recherche en ligne, son concurrent direct Bing n’en détenant que 3% ;
Selon la jurisprudence de la CJUE, une part de marché supérieure à 50% constitue par elle-même, sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l’existence d’une position dominante ;
En outre, parmi les indices complémentaires pouvant être pris en compte, l’Autorité a relevé l’existence de très fortes barrières à l’entrée ; certes le service de France Soir (« Actu ») n’est actif que sur un des segments du marché de la recherche en ligne à savoir celui relatif à l’actualité mais que, comme l’un des deux accès à ce service s’opère par un clic sur un des onglets du moteur de recherche généraliste « Search », il en résulte que, du fait de la position écrasante de Google en pourcentage d’internautes utilisant Search, il est inéluctable que, sur un sous-segment du marché, Google se retrouve en position dominante.
Marché du partage de vidéos en ligne
En ce qui concerne You Tube, France-Soir a produit une étude du 1er décembre 2021 de Similarweb sur les sites les plus populaires dans le Monde mais qui d’une part classe ensemble des services internet de natures très différentes (Google, You Tube, Facebook, Twitter, lnstagram, Wikipedia… .) qui ne sont pas sur le même marché, d’autre part ne donne aucun résultat pour la France et enfin ne permet pas de connaître les parts de marché de You Tube ;
Même, s’il ne peut être exclu que You Tube soit en position dominante sur le marché de l’hébergement de vidéos en ligne, France-Soir n’en a pas rapporté la preuve (même si l’hypothèse est « vraisemblable » selon les juges consulaires.
Marché de la publicité en ligne liée aux recherches
En ce qui concerne le service Ad (ex AdSense), l’Autorité de la Concurrence dans sa décision du 31 janvier 2019 a considéré que « Google devait être regardée comme détenant une position dominante sur le marché français de la publicité en ligne liée aux recherches ; en effet son moteur de recherche totalise plus de 90% des recherches ;
Par ailleurs il existe de fortes barrières à l’entrée.
Enfin les annonceurs, compte-tenu de leur nombre et de l’absence d’offres alternatives ne disposent pas d’une puissance d’achat compensatrice.
La juridiction a donc retenue que Google est en position dominante sur les marchés de la recherche en ligne d’actualité et de publicités en ligne et, bien que France-Soir ne l’ait pas démontrée, comme cela lui incombait, vraisemblablement aussi sur l’hébergement de vidéos en ligne.
Seul l’abus est sanctionné
Selon une jurisprudence constante, tant au niveau européen que national, « si l’existence d’une position dominante n’est pas en soi condamnable, il incombe à l’entreprise qui la détient une responsabilité particulière de ne pas exploiter de manière abusive la situation et de ne pas porter atteinte, par son comportement, à une concurrence non faussée sur son marché » ;
En l’espèce France-Soir a fait valoir en vain un abus de Google concernant l’édiction unilatérale de ses Règles.
La CJUE a jugé qu’une entreprise en position dominante ne doit pas être privée du droit de préserver ses propres intérêts commerciaux dès lors que la pratique mise en œuvre repose sur une justification objective et qu’elle est accomplie dans une mesure raisonnable ;
Or, les Règles contractuelles de Google répondent aux critères posés par la jurisprudence pour ne pas constituer, de par leur existence, l’indice d’une pratique constitutive d’un abus de position dominante ; les Règles édictées par Google pour l’usage de ses services sont :
i) Justifiées : le service Actu, à la différence de Search n’est pas un moteur généraliste mais un moteur spécialisé dans l’actualité, a pour politique commerciale de sélectionner les sites et articles qu’elle référence afin de fournir aux internautes des « contenus fiables et de haute qualité contenant des informations pertinentes … » ;
ii) Objectives : les actualités sélectionnées (en matière médicale sur le Covid) ne doivent pas être prohibées et répondre à un consensus scientifique ;
iii) Raisonnables : la mesure, consistant à écarter de son moteur de recherche les médias qui contredisent les informations considérées par la communauté scientifique comme exactes et les recommandations des Autorités Publiques, est raisonnable ;
iv) Claires :
v) Transparentes : il suffit d’un clic sur la page d’accueil du moteur de recherche Actu pour accéder aux Règles (selon le Règlement de I’UE P to B, à la différence de ce qui est demandé aux fournisseurs de services d’intermédiation en ligne, les fournisseurs de moteurs de recherche n’ont pas à informer directement leurs utilisateurs, ce qui serait d’ailleurs matériellement impossible) ;
En conclusion, il n’était pas démontré que les Règles stipulées par Google pour avoir accès à ses services ne seraient pas légitimes et seraient en elle-même constitutives d’un abus de position dominante.