RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/02577 – N° Portalis DBVH-V-B7G-IQTG
CS
JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION D’AVIGNON
07 juin 2022 RG :21/00632
[H]
C/
S.C.I. SCI [Localité 6]
Grosse délivrée
le
à Me Faryssy
Me Itier
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
2ème chambre section C
ARRÊT DU 07 DECEMBRE 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge des contentieux de la protection d’avignon en date du 07 Juin 2022, N°21/00632
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Corinne STRUNK, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Sylvie DODIVERS, Présidente de chambre
Mme Laure MALLET, Conseillère
Mme Corinne STRUNK, Conseillère
GREFFIER :
Mme Céline DELCOURT, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 23 Octobre 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 07 Décembre 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
Madame [P] [H]
née le 03 Novembre 1962 à [Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Yasmine FARYSSY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d’AVIGNON
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/004325 du 26/10/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Nîmes)
INTIMÉE :
S.C.I. [Localité 6] SCI au capital de 1.800 euros, immatriculée au RCS d’AVIGNON sous le N° 483 903 415, représentée par la SELARL DE SAINT RAPT & BERTHOLET ès qualités d’administrateur provisoire, selon ordonnances de référé du Tribunal de Grande Instance d’Aix-en-Provence en date des 30 juillet 2019 et 19 novembre 2019
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Jean-baptiste ITIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d’AVIGNON
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 28 Septembre 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Sylvie DODIVERS, Présidente de chambre, le 07 Décembre 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat sous seing privé, la SCI [Localité 6] a donné à bail à usage d’habitation à Mme [P] [H] un logement, sis [Adresse 2] à [Localité 3] moyennant le règlement d’un loyer de 800 euros charges non comprises, indexé annuellement avec des charges fixées à la somme de 50 euros par mois.
Par acte d’huissier du 2 juillet 2019, la SCI [Localité 6] a fait délivrer à sa locataire un commandement de payer la somme de 18.259,56 euros tout en visant la clause résolutoire.
Par ordonnances des 30 juillet 2019 et 19 novembre 2019, le juge des référés du tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence a désigné la SCP Bertholet De Saint Rapt en qualité d’administrateur provisoire de la SCI [Localité 6] chargée notamment ‘d’engager ou poursuivre toute action judiciaire justifiée par l’intérêt de la société [Localité 6] et notamment le recouvrement de loyers et indemnités d’occupation dus’.
Sur saisine du bailleur, le juge des référés, par une ordonnance du 17 novembre 2020, a dit n’y avoir lieu à référé eu égard aux contestations sérieuses.
Dans ce contexte et sur saisine de la SCI [Localité 6], le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire d’Avignon, par jugement contradictoire en date du 7 juin 2022, a :
– condamné Mme [P] [H] à payer à la Sci [Localité 6] la somme de 30.494,66 euros au titre des loyers et charges impayés arrêtés au 2 septembre 2019;
– condamné Mme [P] [H] au paiement de la somme de 7.661,81 euros au titre de l’indemnité d’occupation du logement entre le 2 septembre 2019 et le 31 octobre 2020;
– l’a condamnée à payer la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens comprenant le coût du commandement de payer en date du 2 juillet 2019;
– rappelé le caractère exécutoire de la décision.
Par déclaration du 20 juillet 2022, Mme [P] [H] a relevé appel de ce jugement intimant la SCI [Localité 6]. (RG 22/2577).
Par déclaration du 26 septembre 2022, Mme [P] [H] a relevé appel de ce jugement intimant la Selarl De Saint Rapt et Bertholet. (RG 22/23138).
Par ordonnance du 17 janvier 2023, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des procédures susvisées sous le numéro RG 22/02577.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 17 octobre 2022 , auxquelles il est expressément référé, Mme [P] [H] demande à la cour de :
– réformer la décision déférée en toutes ses dispositions;
Statuant à nouveau,
– constater que les loyers ont été réglés selon les modalités offertes par les anciens gérants de la SCI;
– prendre acte du fait que le logement n’apporte pas les garanties de décence et qu’aucun loyer n’est dû;
– dire n’y avoir lieu à condamnation à son encontre;
– débouter la SCI [Localité 6] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions;
– condamner l’intimée à lui verser la somme de 1.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de son appel, Mme [H] se prévaut d’un contrat de location signé le 1er février 2016 et dénonce de multiples désordres qui ont affecté le logement lui occasionnant ainsi un trouble de jouissance ( dégâts des eaux; remontées d’égout; absence d’électricité; humidité…).
Sur ce constat, elle prétend que la SCI a consenti à une baisse de loyer avec exemption de l’obligation de paiement pour les mois où les désordres sont survenus. Elle produit l’attestation de M. [L], membre de la SCI, ajoutant qu’elle n’a pas à subir les discordes opposant les associés. Elle conteste donc l’existence d’un arriéré de loyers soulignant que l’intimée fait fi d’un certain nombre de paiements qui n’ont pas été intégrés dans le décompte.
Elle s’oppose encore à l’indexation du loyer soutenant que celle-ci ne peut s’appliquer rétroactivement mais uniquement au moment de la demande ajoutant qu’aucune révision ne lui a été appliquée.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 26 septembre 2023, auxquelles il est expressément référé, la SCI [Localité 6] demande à la cour, au visa des articles 1315 et 1728 du code civil et de la la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, de :
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions;
– débouter Mme [P] [H] de toutes ses demandes, fins et prétentions;
– condamner l’appelante à lui payer la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens comprenant les frais d’huissier relatifs à la délivrance du commandement de payer, les frais d’assignation et de dénonce à la Préfecture ainsi qu’à la CCAPEX.
Au soutien de ses conclusions, l’intimée se prévaut d’un contrat d’habitation signé le 1er novembre 2009. Elle conteste toute réduction ou exemption de loyers, qui auraient été accordées en raison de fuites d’eau, ainsi que les désordres allégués survenus en 2018 et 2020 soulignant l’absence de preuve et la présence d’impayé de loyer à compter du mois de décembre 2010. Elle ajoute que les règlements allégués ont été déduits des sommes réclamées.
Par ordonnance du 16 mai 2023, le conseiller de la mise en état a débouté la SCI [Localité 6] de sa demande de radiation et a réservé les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile disant que les dépens de l’incident seront joints au fond.
La clôture de la procédure est intervenue le 28 septembre 2023 et l’affaire a été appelée à l’audience du 23 octobre 2023 pour être mise en délibéré, par mise à disposition au greffe, le 7 décembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’existence d’une dette locative :
En premier lieu, en application de l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989 et de l’article 1728 du code civil, les locataires sont obligés de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus.
Si Mme [H] se prévaut d’un contrat de bail en date du 1er février 2016, il convient de constater que seul est produit aux débats le contrat de bail signé par les parties le 1er novembre 2009 portant sur un appartement localisé au rez de chaussée d’un immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 3] et prévoyant le règlement d’un loyer indexable de 850 euros par mois.
Il s’en déduit que l’examen du litige ne peut se faire qu’en application du contrat daté du 1er novembre 2009 contrairement aux prétentions de l’appelante, lequel prévoit une clause d’indexation qui a été appliquée annuellement par le bailleur en sorte que l’indexation est acquise comme l’a justement retenu le premier juge.
En second lieu, en application des articles 1719 et 1720 du code civil, le bailleur a l’obligation de mettre à disposition un logement en bon état d’usage et de réparation et de délivrer un logement décent.
Il doit également assurer au preneur la jouissance paisible des lieux. Le bailleur reste tenu à ces obligations pendant toute la durée du bail et doit y faire pendant la durée du bail toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que locatives.
Cependant, il convient de rappeler que si pendant l’exécution du bail cette obligation perdure, elle est subordonnée à une information préalable et la participation active des occupants qui doivent lui permettre de faire procéder aux éventuelles réparations.
Au soutien de sa demande, Mme [H] produit une attestation datée du 3 septembre 2020 émanant de M. [L], ancien gérant de la SCI [Localité 6], évoquant la réduction du loyer à la somme de 820 euros par mois ainsi que la dispense accordée à la locataire quant à son obligation de paiement sur la période au cours de laquelle l’appartement était insalubre en raison de problèmes d’infiltrations et d’assainissement.
Elle oppose également plusieurs attestations évoquant l’existence de certains désordres affectant le logement (humidité et assainissement).
A titre liminaire, il convient de souligner que l’examen de l’historique du compte locataire démontre que les impayés de loyer sont anciens et persistants avec un premier impayé en mars 2010 en sorte que l’explication donnée par l’appelante quant à une baisse du loyer en lien avec les désordres de l’habitation n’est pas probante sauf à considérer que le logement est insalubre depuis le mois de mars 2010 ce qui n’est pas soutenu ni d’ailleurs établi par les pièces versées aux débats.
Pour le surplus, les témoignages produits ne peuvent suffire à établir l’insalubrité du logement selon les critères de décence définis à l’article 2 du décret du 30 janvier 2002, les attestations n’étant pas suffisamment circonstanciées pour permettre leur exploitation comme élément de preuve à part entière de nature à motiver une suppression de l’obligation de paiement fondée sur une exception d’inexécution.
S’agissant de l’attestation de M. [L], celle-ci n’est pas plus exploitable en l’absence d’élément permettant d’apprécier la date ou la période concernée tant par cette baisse que la dispense de paiement.
Aucun élément ne permet en effet de situer l’apparition des désordres dans le temps alors que le logement a été initialement décrit dans l’état des lieux d’entrée comme étant en très bon état et que la location a duré près de onze années.
Il doit être également souligné l’absence de mise en demeure adressée par la locataire au bailleur l’informant de l’existence des désordres et l’invitant à les faire cesser conformément aux exigences posées par les articles 1719 et 1720 du code civil.
Tout au plus, il résulte des deux témoignages produits par la SCI [Localité 6] que l’immeuble a subi des désordres au cours de l’année 2020 sans pour autant qu’il soit possible de retenir l’existence de désordres au sein même de l’appartement de Mme [H] puisque la Sas Meyer fait état d’une intervention en urgence le 30 août 2020 chez la locataire Mme [N] (problème d’infiltrations liées à une terrasse).
Seul M. [J] évoque des travaux réalisés en urgence dans l’appartement en mai 2020 en lien avec une fuite d’eau et l’impossibilité d’intervenir en septembre 2020 pour réaliser les travaux définitifs en raison de l’opposition manifestée par M. [L] . Cette attestation démontre à tout le moins la gestion du sinistre par le bailleur.
Faute d’élément de preuve suffisant, l’exception d’inexécution ne saurait être retenue et l’attestation établie par M. [L] ne saurait suffire à caractériser l’indécence du logement et à justifier tant la baisse que l’exonération de loyer réclamées par l’appelante.
Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
Pour le surplus, comme il a été dit par le premier juge, l’historique du compte locataire apporte la démonstration de ce que les sommes, dont se prévaut Mme [H], ont été déduites de l’arriéré locatif par le bailleur.
La lecture du décompte renseigne la cour sur la prise en considération des paiements effectués du mois de juin 2019 au mois de décembre 2019, dont l’appelante se prévaut, celle-ci opposant en effet un règlement mensuel de 420 et 400 euros chaque mois.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné l’appelante au paiement d’une somme de 30.494,66 euros au titre de l’arriéré de loyer arrêté au 2 septembre 2019
Pour le surplus, il n’est pas contesté qu’en raison des impayés de loyer, la clause résolutoire était acquise le 2 septembre 2019, en présence d’un commandement de payer délivré le 2 juillet 2019, en sorte que Mme [H] doit être considérée comme occupante sans droit ni titre du 2 septembre 2019 au 31 octobre 2020, date à laquelle les lieux ont été libérés.
C’est donc à bon droit que le premier juge l’a condamnée au paiement d’une indemnité d’occupation sur cette période d’un montant total de 7.661,81 euros tenant compte des versements effectués par l’appelante.
Sur les demandes accessoires :
Il y lieu de confirmer le jugement déféré concernant les condamnations au titre des dépens et des frais irrépétibles de première instance.
En application de l’article 696 du code de procédure civile, l’appelante supportera les dépens d’appel.
Il n’est pas équitable de laisser supporter à l’intimée ses frais irrépétibles d’appel. Il lui sera alloué à la somme de 700 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant après débats en audience publique par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu par le 7 juin 2022 par le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire d’Avignon en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Mme [P] [H] à payer à la SCI [Localité 6] la somme de 700 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [P] [H] aux dépens d’appel.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,