Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 9
ARRET DU 06 DECEMBRE 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/05732 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B75TP
Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Avril 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CRETEIL – RG n° 17/00539
APPELANT
Monsieur [Z] [P]
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représenté par Me Ghislain DADI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0257
INTIMEES
Me SELARL JSA – Liquidateur de SAS FORTIS SECURITE INCENDIE
[Adresse 3]
[Localité 7]
Société FORTIS SECURITE INCENDIE
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représentée par Me Nathalie CHEVALIER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE,
toque : PC143
Syndicat SNEPS CFTC
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Ghislain DADI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0257
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Stéphane MEYER, président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
M. Stéphane MEYER, président
M. Fabrice MORILLO, conseiller
Mme Nelly CHRETIENNOT, conseiller
Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE
ARRET :
– contradiction
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Stéphane M. MEYER, président de chambre et par M. Jadot TAMBUE, greffier à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Monsieur [P] a été engagé en qualité d’agent de sécurité, à temps partiel, pour une durée indéterminée à compter du 23 septembre 2013, par la société ABK’ART Sécurité aux droits de laquelle la société Fortis Sécurité Incendie est venue.
La relation de travail est régie par la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité.
Par lettre du 17 octobre 2016, Monsieur [P] était convoqué pour le 26 octobre à un entretien préalable à son licenciement, lequel lui a été notifié par lettre datée le 28 octobre 2016, pour cause réelle et sérieuse, caractérisée par des absences injustifiées.
Le 26 avril 2017, Monsieur [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Créteil et formé des demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’à l’exécution de son contrat de travail. . L’affaire a fait l’objet de deux renvois.
Par jugement du 1er avril 2019, le conseil de prud’hommes de Créteil a condamné la société Fortis Sécurité Incendie à payer à Monsieur [P] les sommes suivantes et a débouté ce dernier de ses autres demandes :
– indemnité légale de licenciement’: 117 €’;
– indemnité pour non respect de la procédure de licenciement : 780 € ;
– indemnité pour frais de procédure : 1000 €.
– les intérêts au taux légal’;
– les dépens
Monsieur [P] a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 30 avril 2019, en visant expressément les dispositions critiquées.
Par jugement du 9 septembre 2020, le tribunal de commerce de Créteil a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Fortis Sécurité Incendie et par jugement du 17 février 2021, a prononcé sa liquidation judiciaire e t a désigné la selarl JSA en qualité de liquidateur judiciaire.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 11 septembre 2023, Monsieur [P] demande l’infirmation du jugement et la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société Fortis Sécurité Incendie de ses créances suivantes :
– remboursements de la carte orange, au total’: 55€’;
– reliquat d’indemnité de repas’: 3,56 €’;
– indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 4’680 € ;
– indemnité légale de licenciement : 616,20 € ;
– indemnité compensatrice de préavis : 1’560 € ;
– indemnité de congés payés afférente : 156 € ;
– indemnité pour frais de procédure : 3’000 €.
– les intérêts au taux légal
Il demande également la confirmation du jugement en ce qui concerne les fixations prononcées.
Au soutien de ses demandes et en réplique à l’argumentation adverse, Monsieur [P] expose que :
– ses absences ne sont pas injustifiées car il a exercé son exception d’inexécution en raison des manquements graves de l’employeur, puisqu’en juin et juillet 2016, ce dernier ne lui a adressé aucun planning de travail et ne lui a versé le salaire afférent qu’en octobre 2017, soit plus d’un an après son licenciement’;
– lors du licenciement, la société Fortis Sécurité Incendie avait épuisé son pouvoir disciplinaire du fait d’avertissements préalables et les faits reprochés étaient prescrits’;
– la société Fortis Sécurité Incendie n’a pas respecté la procédure de licenciement en ne respectant pas le délai minimum de deux jours ouvrables entre la date prévue de l’entretien préalable et la notification du licenciement.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 19 septembre 2022, la selarl JSA, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Fortis Sécurité Incendie, demande l’infirmation du jugement en ce qui concerne les fixations ordonnées, sa confirmation en ce qu’il a débouté Monsieur [P] de ses autres demandes, et la condamnation de ce dernier à lui verser une indemnité pour frais de procédure de 1’000 €. Elle fait valoir que :
– c’est en raison d’une simple erreur matérielle que la lettre de licenciement est datée du 28 octobre 2016, alors qu’elle a en réalité été expédiée le 14 novembre 2016′; en tout état de cause, Monsieur [P] ne justifie d’aucun préjudice’;
– le licenciement est justifié par les très nombreuses absences injustifiées de Monsieur [P]’; ses griefs ne sont pas fondés, alors qu’il est seul responsable de la situation dès lors qu’il a fait le choix de ne pas retirer les nombreux courriers recommandés avec accusé réception qui lui ont été adressés pa r son employeur et qui contenaient ses salaires de juin et juillet et ses plannings d’août et septembre’;
– l’indemnité légale de licenciement et l’indemnité compensatrice de préavis lui ont été réglées ;
– il ne rapporte pas la preuve du préjudice que lui aurait causé le licenciement.
Bien que régulièrement assignée par acte de commissaire de justice du 12 septembre 2022, l’Ags n’a pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 12 septembre 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le le caractère fondé du licenciement
Aux termes de l’article L. 1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
Aux termes de l’article L. 1235-1 du code du travail, le juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles, et, si un doute persiste, il profite au salarié.
En l’espèce, la lettre de licenciement datée du 28 octobre 2016, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l’article L.1232-6 du code du travail, reproche à Monsieur [P] des absences injustifiées depuis le 16 août 2016, de ne plus se présenter à son poste, et ce, malgré des avertissements des 8 et 23 septembre pour les mêmes faits, ainsi qu’une mise en demeure de justifier de ses absences datée du 27 septembre.
Monsieur [P] ne conteste pas ces absences mais invoque l’exception d’inexécution, aux motifs, qu’en juin et juillet 2016, l’employeur ne lui a adressé aucun planning et ne lui a réglé aucun salaire.
Aux termes de l’article 1219 du code civil, une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave et aux termes de l’article 1220 du même code, une partie peut suspendre l’exécution de son obligation dès lors qu’il est manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle. Cette suspension doit être notifiée dans les meilleurs délais.
Transposées en droit du travail, ces règles permettent au salarié d’invoquer l’exception d’inexécution en cas de manquements de l’employeur d’un gravité telle qu’ils empêchent le salarié de poursuivre son travail.
En l’espèce, la selarl JSA expose que pour le mois de juin 2016, Monsieur [P] ne s’est pas présenté à l’entreprise pour récupérer son salaire comme il le faisait habituellement.
Elle produit la copie d’une lettre recommandée avec accusé de réception que la société Fortis Sécurité Incendie lui a envoyée le 11 août 2016, lui adressant son planning du mois d’août, précisant «’nous sommes dans l’obligation de vous l’envoyer par lettre recommandée et lettre simple, pour que vous puissiez en prendre compte’». Monsieur [P] n’a pas retiré le pli et la lettre a donc été retournée à l’employeur.
La selarl JSA produit également les copies des lettres recommandées avec accusé de réception, datées des 18, 31 août et 27 septembre 2016, lui adressant successivement son bulletin de paie de juillet 2016 et le chèque correspondant, son planning de septembre, puis son planning d’octobre, lettres qu’il n’a pas davantage réclamées et qui ont également été retournées à l’employeur.
En revanche, Monsieur [P] a signé l’accusé de réception de la lettre recommandée d’avertissement du 2 septembre 2016 mais ne prouve, ni même n’allègue, y avoir répondu.
Il résulte de cet exposé que s’il est exact que Monsieur [P] n’avait reçu, ni ses salaires de juin et juillet, ni ses plannings, il est également établi que cette situation est la conséquence de son inertie, ce dont il résulte qu’il ne peut valablement reprocher à l’employeur des faits suffisamment graves pour justifier l’exception d’inexécution qu’il invoque.
Par ailleurs, Monsieur [P] fait valoir que la lettre de licenciement concerne des faits précédemment sanctionnés et prescrits.
Aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.
Par ailleurs, il résulte des dispositions de l’article L. 1232-1 du code du travail, qu’un employeur ne peut prononcer un licenciement pour des faits qui ont précédemment fait l’objet d’une sanction disciplinaire.
Cependant, l’employeur peut invoquer des faits qu’il connaît depuis plus de deux mois, lorsque des faits de même nature se sont poursuivis ou se sont réitérés dans ce délai et peut, au soutien d’un licenciement, invoquer des faits précédemment sanctionnés si des faits de même nature se sont ensuite poursuivis ou réitérés.
En l’espèce, il est constant que les absences injustifiées se sont poursuivies après le dernier avertissent et dans les limites du délai de prescription.
Ces absences prolongées , après plusieurs avertissements et une mise en demeure, justifiaient son licenciement pour cause réelle et sérieuse, ainsi que le conseil de prud’hommes l’a estimé à juste titre.
Sur la régularité de la procédure de licenciement
Aux termes de l’article L. 1235-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, si le licenciement d’un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose à l’employeur d’accomplir la procédure prévue et accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire
En l’espèce, Monsieur [P] fait valoir que l’employeur n’a pas respecté le délai minimum de deux jours ouvrables après la date prévue de l’entretien préalable à licenciement et la notification de son licenciement et ce, en contradiction avec les dispositions de l’article L.1232-6 alinéa 3 du code du travail.
Il apparaît en effet que la date mentionnées sur la lettre de licenciement est le 28 octobre 2016, alors que l’entretien préalable était fixé au 26 octobre 2018.
Cependant, la selarl JSA établit que la mention du 28 octobre 2016 résulte d’une simple erreur matérielle, en produisant le récépissé d’envoi de la lettre de licenciement portant le cachet de la poste daté du 14 novembre.
L’irrégularité alléguée par Monsieur [P] n’est donc pas établie et le jugement doit être infirmé en ce qu’il a fait droit à sa demande d’indemnité.
Sur l’indemnité légale de licenciement et l’indemnité compensatrice de préavis
La selarl JSA expose que ces indemnités ont été réglées à Monsieur [P] et produit à cet égard une fiche de paie de décembre 2016 les mentionnant.
De son côté, Monsieur [P] ne formule aucune observation et ne conteste pas avoir reçu ces sommes aux termes de ses écritures.
Le jugement doit donc être infirmé en ce qu’il a fait droit à la demande d’indemnité légale de licenciement et confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes d’indemnité compensatrice de préavis et d’indemnité de congés payés afférente.
Sur la demande de remboursement des frais de transport
C’est par des motifs exacts en fait et justifiés en droit, qu’il convient d’adopter, que
le conseil de prud’hommes a rejeté cette demande.
Sur la demande de reliquat d’indemnité de repas
Monsieur [P] ne développant aucune argumentation juridique au soutien de cette demande dont il a été débouté en première instance, le jugement doit être confirmé sur ce point.
Sur les frais hors dépens
Monsieur [P] étant débouté de toutes ses demandes, le jugement doit être infirmé en ce qu’il a fait droit à sa demande d’indemnité pour frais de procédure.
L’équité ne commande pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la selarl JSA.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a condamné la société Fortis Sécurité Incendie à payer à Monsieur [P] une indemnité légale de licenciement, une indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, une indemnité pour frais de procédure et les dépens’;
Déboute Monsieur [P] de toutes ses demandes ;
Déboute la selarl JSA, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Fortis Sécurité Incendie, de sa demande d’indemnité pour frais de procédure formée en cause d’appel ;
Condamne Monsieur [P] aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT