5ème Chambre
ARRÊT N°-246
N° RG 22/07181 – N° Portalis DBVL-V-B7G-TKZR
Mme [E] [J]
C/
S.C.I. ENOMAJEA
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 05 JUILLET 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Virginie PARENT, Présidente,
Assesseur : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 10 Mai 2023
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 05 Juillet 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
Madame [E] [J]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Mélanie BOUEE TOUSSAINT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER
INTIMÉE :
S.C.I. ENOMAJEA prise en la personne de son gérant, Monsieur [X] [D], domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Emmanuelle BALK-NICOLAS de la SELARL BALK-NICOLAS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER
Par acte du 1er mai 2019, la société Enomajea a donné à bail commercial à Mme [E] [J] des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 3], moyennant un loyer mensuel de 1 250 euros hors taxe pour la partie commerciale et un loyer de 500 euros pour la partie habitation.
Invoquant l’absence de paiement des loyers et des charges, la société Enomajea a fait délivrer le 2 mars 2022 à Mme [E] [J] un commandement de payer visant la clause résolutoire pour la somme de
34 492,85 euros, qui est demeuré sans effet dans le mois de sa délivrance.
Par exploit d’huissier du 2 mai 2022 la société Enomajea a fait assigner Mme [E] [J] devant le président du tribunal judiciaire de Quimper statuant en référé.
Par ordonnance du 16 novembre 2022, le juge a :
– dit y avoir lieu à référé,
– constaté l’acquisition au profit de la SCI Enomajea du bénéfice de la clause résolutoire inscrite au contrat de bail commercial du 1er mai 2019, et la résiliation dudit contrat à compter du 3 avril 2022,
– ordonné l’expulsion de Mme [E] [J] ainsi que de tous occupants de son chef, du local commercial qu’elle occupe au [Adresse 1] à [Localité 3], dans un délai d’un mois à compter de la signification de la présente ordonnance et ce avec le concours de la force publique s’il y a lieu,
– autorisé le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans tel garde-meubles du choix de l’huissier de justice aux frais et aux risques du locataire conformément aux articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles,
– condamné Mme [E] [J] à payer, à titre de provision, à la SCI Enomajea la somme de 35 830,67 euros correspondant au montant des loyers et des charges impayés suivant décompte arrêté au 3 avril 2022, date de résiliation du bail commercial, avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation,
– condamné Mme [E] [J] à payer à titre de provision, une indemnité d’occupation égale au montant du loyer et des charges, exigible à compter du 2 avril 2022 et jusqu’à libération effective des locaux commerciaux litigieux,
– condamné Mme [E] [J] à payer à la SCI Enomajea la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté toute demande plus ample ou contraire,
– condamné Mme [E] [J] aux entiers dépens, qui comprendront le coût du commandement de payer du 2 mars 2022,
– rappelé que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.
Le 9 décembre 2022, Mme [E] [J] a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 6 avril 2023, elle demande à la cour de :
– infirmer en toutes ses dispositions la décision du juge des référés de Quimper en date du 16 novembre 2022 et enregistrée sous le n°22/00336
Jugeant à nouveau,
– la dire bien fondée à opposer à la société Enomajea l’exception d’inexécution compte tenu de l’absence de délivrance d’un local exploitable,
– en conséquence, débouter la société Enomajea de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,
– condamner la société Enomajea à lui verser la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 6 février 2023, la société Enomajea demande à la cour de :
– confirmer l’ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Quimper du 16 novembre 2022 en toutes ses dispositions :
* constater l’acquisition au profit de la société Enomajea du bénéfice de la clause résolutoire inscrite au contrat de bail commercial du 1er mai 2019, et la résiliation dudit contrat à compter du 3 avril 2022,
* ordonner l’expulsion de Mme [E] [J] ainsi que de tout occupant de son chef du local commercial qu’elle occupe sis [Adresse 1] à [Localité 3] dans un délai d’un mois à compter de la signification de la présente ordonnance et ce avec le concours de la force publique s’il y a lieu,
* autoriser le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans tel garde-meubles du choix du commissaire de justice aux frais et aux risques du locataire conformément aux articles L.433’1 et suivants et R.433’1 et suivants du code des procédures civiles,
* condamner Mme [E] [J] à payer à titre de provision à la société Enomajea la somme de 35 830,67 euros correspondant au montant des loyers et des charges impayés suivant décompte arrêté au 3 avril 2022, date de la résiliation du bail commercial, avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation,
* condamner Mme [E] [J] à lui payer à titre de provision une indemnité d’occupation égale au montant des loyers et des charges, exigible à compter du 2 avril 2022 et jusqu’à la libération effective des locaux commerciaux litigieux,
* condamner Mme [E] [J] à lui payer la somme de 800 euros au titre 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont le coût du commandement de payer du 2 mars 2022,
En conséquence,
– débouter Mme [E] [J] de toutes ses demandes fin et conclusion,
– condamner Mme [E] [J] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux dépens comprenant le coût du commandement de payer et les frais d’exécution de la procédure d’expulsion.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 avril 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Mme [J] explique qu’en février 2021, le local commercial loué a subi un important dégât des eaux dû à plusieurs défauts d’étanchéité du réseau d’évacuation des eaux usés du bâtiment et notamment du logement situé au-dessus du local commercial dont le bailleur est également propriétaire.
Elle expose que le bailleur n’a effectué aucun travaux sur les canalisations malgré ses relances.
Elle soutient qu’elle ne peut réaliser des travaux de remise en état du local commercial tant que l’origine des désordres n’est pas réparée. Elle affirme que le local est inexploitable.
Elle entend invoquer les dispositions de l’article 1219 du code civil.
Mme [J] signale qu’elle n’a reçu aucune somme de la part de son assureur et écrit qu’il est probable que les chèques de l’assureur ont été encaissés par la SCI Enomajea.
En réponse la SCI Enomajea indique qu’en juillet 2020, le ciel de bar du local commercial a chuté engendrant divers dégâts, qu’un rapport amiable a fait état d’un taux d’humidité de 70 % au centre du plafond provenant d’une fuite d’eau du réseau d’évacuation des eaux pluviales consécutives à un engorgement sur le réseau des eaux pluviales du bar.
Elle affirme que Mme [J] ne paye plus ses loyers depuis le mois de février 2020 soit antérieurement au sinistre.
La SCI Enomajea fait remarquer que le bail commercial met à la charge du preneur les travaux d’aménagement, de mises aux normes de sécurité, de salubrité et d’hygiène, que le preneur doit entretenir les lieux loués.
Elle considère que les travaux nécessaires au rétablissement du local commercial sont à la charge de Mme [J].
Au visa de l’article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Il n’est pas contesté qu’un commandement de payer visant la clause résolutoire a été signifié à Mme [J] le 2 mars 2022 et que Mme [J] n’a pas réglé les causes du commandement dans les délais.
Mme [J] entend invoquer une exception d’inexécution tirée de l’article 1219 du code civil selon lequel une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.
La charge de la preuve de cette inexécution de ses obligations de la part du bailleur pèse sur Mme [J].
Dans ses écritures, Mme [J] allègue un dégât des eaux en février 2021. La cour comprend que ce dégât des eaux provient de l’appartement situé au-dessus du local et qui est occupé par Mme [J].
Les pièces visées dans les conclusions de Mme [J] ne correspondent pas à ces écritures puisque sa pièce 1correspond au bail, sa pièce 2 au relevé de la CAF, la pièce 3 au diagnostic social et financier du conseil général, la pièce 4 est manquante, la pièce 5 constituerait la preuve du règlement par la société Axa, la pièce 6 est un courrier de l’assureur et la pièce 7 un courrier de l’avocat de Mme [J].
Aucun de ces documents ne justifie du dégât des eaux invoqué par Mme [J], de son ampleur, de son origine, ou de sa date.
Le bailleur communique un rapport de la société Axa (pièce 6) mentionnant:
date du sinistre : 19 juillet 2020
Mme [J] est exploitante d’un local commercial à usage de café, épicerie sis [Adresse 1] à [Localité 3]. Le 19 juillet 2020 le ciel de bar s’est subitement arraché de ses supports et détérioré avec lui de nombreux aménagements professionnels appartenant à Mme [J]. L’origine provient d’une fuite d’eau sur réseau d’évacuation des EU consécutifs à un engorgement sur réseau EU du bar. L’imprégnation du plafond par l’eau a affaibli la résistance mécanique du support et favorisé l’arrachement des chevilles nylon de 5 et de 10. Les fixations ne sont pas en cause, leur nombre était suffisant. L’installation a plus de 10 ans et il n’y a pas de professionnels ni de tiers en cause. Pas de blessé au moment de la chute, seulement des dommages matériels.
La SCI Enomajea communique également, en sa pièce 8, un constat amiable de dégât des eaux daté du 8 octobre 2020 précisant que l’origine du dégât est situé dans le logement loué de Mme [J], que l’origine de ce dégât est situé soit sur une canalisation d’évacuation ou d’un débordement de chêneaux.
Selon l’article 2 du bail commercial que : le preneur entretiendra également les robinets d’eau et de gaz en bon état de fonctionnement et généralement fera son affaire personnelle de l’entretien, de la remise en état et de toutes réparations de quelque nature qu’elles soient, de même tous remplacements qui deviendraient nécessaires relativement à tout ce qui pourra garnir les lieux loués, sans aucune réception ni réserve. Il supportera toutes les réparations qui seraient rendues nécessaires par suite du défaut d’exécution des réparations locatives ou d’entretien ou de dégradations résultant de son fait ou de celui de sa clientèle ou de son personnel (…) Le preneur prendra entièrement à sa charge tous travaux d’aménagement, de mise aux normes de sécurité et de salubrité, d’hygiène et ne pourra rien demander à ce titre au bailleur.
L’article 19 du bail prévoit que : le bailleur ne garantit pas le preneur et, par conséquent, décline toute responsabilité dans les cas suivants :
(….)
d) En cas de dégâts des eaux des lieux loués et aux objets et marchandises s’y trouvant par suite de fuites, infiltrations, humidité ou refoulement des canalisations souterraines. Le preneur devra faire son affaire personnelle des cas ci-dessus et généralement de tous autres cas fortuits et imprévus, sauf son recours contre qui de droit, en dehors du bailleur.
Ainsi, de ces documents produits aux débats, il résulte que les travaux nécessaires au rétablissement du local commercial sont à la charge du preneur.
La discussion sur l’éventuel encaissement par le bailleur de chèque transmis par l’assureur de Mme [J] est inopérante et non justifiée par une pièce objective.
Mme [J] ne pouvait donc pas invoquer l’exception d’inexécution et ne pouvait pas se dispenser de payer les loyers.
C’est par une juste appréciation que le premier juge a constaté l’acquisition de la clause résolutoire du bail, ordonné l’expulsion de Mme [J], autorisé le transport et la séquestration des meubles.
Concernant le montant de la dette locative, il n’est pas contesté par Mme [J].
Mme [J] est donc condamnée à payer, à titre provisionnel, au bailleur la somme de 35 830,67 euros (décompte arrêté au 3 avril 2022) avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation ainsi qu’une indemnité mensuelle d’occupation égale au montant des loyers et charges à compter du 3 avril 2022.
Succombant en appel, Mme [J] est déboutée de sa demande en frais irrépétibles et est condamnée à payer à la SCI Enomajea la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, étant, par ailleurs, précisé que les dispositions de la décision entreprise sur les frais irrépétibles et les dépens sont confirmées.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe :
Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute Mme [J] de sa demande en frais irrépétibles ;
Condamne Mme [J] à payer à la SCI Enomajea la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [J] aux dépens.
La greffière La présidente