COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 30 MARS 2023
N° 2023/ 268
Rôle N° RG 22/01129 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BIX42
[C] [B]
[F] [N] épouse [B]
C/
[V] [I]
[J] [L] épouse [I]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Charles REINAUD
Me Audrey AYALA DUFOUR
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal de proximité de CANNES en date du 09 Juin 2021 enregistrée au répertoire général sous le n°12-21-000246 .
APPELANTS
Monsieur [C] [B]
Né le [Date naissance 3] 1974 à [Localité 10] ( BULGARIE), demeurant [Adresse 6]
Madame [F] [N] épouse [B]
née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 9] (BULGARIE)
demeurant [Adresse 6]
représentés par Me Charles REINAUD, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMES
Monsieur [V] [I]
né le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 7] (ESPAGNE),
demeurant [Adresse 5]
Madame [J] [L] épouse [I]
née le [Date naissance 4] 1961 à [Localité 8] (SALVADOR),
demeurant [Adresse 5]
représentéspar Me Audrey AYALA DUFOUR, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Angélique NETO, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Angélique NETO, Présidente
Mme Catherine OUVREL, Conseillère
Madame Myriam GINOUX, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Caroline VAN-HULST.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2023,
Signé par Mme Angélique NETO, Présidente et Mme Julie DESHAYE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Par ordonnance réputée contradictoire en date du 9 juin 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Cannes a :
– constaté l’acquisition de la clause résolutoire prévue au contrat et donc la résiliation de plein droit à compter du 20 décembre 2020 du bail conclu le 30 mai 2015 entre M. [V] [I] et Mme [J] [L] épouse [I] et M. [C] [B] et Mme [F] [S] [B] concernant un logement situé [Adresse 5] à la suite de la délivrance d’un commandement de payer le 19 octobre 2020 ;
– condamné M. [C] [B] et Mme [F] [S] [B] à payer solidairement à M. [V] [I] et Mme [J] [L] épouse [I] une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant égal à celui du loyer courant, révisable comme lui, majoré des charges récupérables, à compter de la résiliation du bail jusqu’à la libération effective des lieux ;
– condamné M. [C] [B] et Mme [F] [S] [B] à payer solidairement à M. [V] [I] et Mme [J] [L] épouse [I], en deniers ou quittance, la somme de 7 700 euros à titre de provision sur l’arriéré locatif, comprenant les loyers, charges et indemnités d’occupation dus jusqu’au mois de mai 2021 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du 19 octobre 2020 sur la somme de 3 300 euros et à compter de la présente décision pour le surplus ;
– dit que l’indemnité d’occupation devra être réglée à terme et au plus tard le 5 du mois suivant et au prorata temporis jusqu’à libération effective et intégrale des lieux ;
– dit que toute indemnité devenue exigible et non payée à terme produira des intérêts au taux légal à compter du 6 de chaque mois ;
– condamné M. [C] [B] et Mme [F] [S] [B] à libérer les lieux loués de leurs personnes et biens, et de tous occupants de leur chef, en satisfaisant aux obligations des locataires sortants, notamment la remise des clés, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente ordonnance ;
– dit qu’à défaut par M. [C] [B] et Mme [F] [S] [B] d’avoir volontairement quitté les lieux loués deux mois après la signification du commandement d’avoir à libérer les lieux, il sera procédé à leur expulsion et à celle de tous occupants de leur fait, avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier, si besoin est, et au transport des meubles laissés, dans les lieux aux frais des personnes expulsées dans tel garde-meuble désigné par celles-ci ou à défaut par M. [V] [I] et Mme [J] [L] épouse [I] ;
– condamné M. [C] [B] et Mme [F] [S] [B] à payer solidairement à M. [V] [I] et Mme [J] [L] épouse [I] la somme de 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [C] [B] et Mme [F] [S] [B] solidairement aux entiers dépens comme visés dans la motivation, y compris les frais du commandement de payer visant la clause résolutoire, les frais d’assignation, le droit de plaidoirie et les frais de signification de la présente décision ;
– rejeté les autres demandes des parties.
Suivant déclaration transmise eu greffe le 26 janvier 2022, M. [C] [B] et Mme [F] [N] épouse [B] ont interjeté appel de l’ordonnance susvisée.
Par ordonnance d’incident en date du 15 septembre 2022, la conseillère de la chambre 1-2 statuant sur délégation a :
– déclaré irrecevables les conclusions au fond notifiées le 19 mai 2022 et les conclusions sur incident notifiées le 22 juillet 2022 par M. et Mme [I] ;
– débouté M. [B] et Mme [B] de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
– dit que les dépens de l’incident suivront le sort de ceux de l’instance principale.
Aux termes de leurs dernières conclusions transmises le 6 janvier 2023, auxquelles il convient de se référé pour un exposé plus ample de leurs prétentions et moyens, M. [B] et Mme [N] épouse [B] sollicitent de la cour qu’elle :
– prononce l’irrecevabilité des conclusions et pièces communiquées le 17 novembre 2022 par les époux [I] ;
– réforme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
– juge qu’ils ont quitté le logement le 6 avril 2021 ;
– déboute les époux [I] de leurs demandes ;
– juge que le logement ne répondait pas aux critères de décence de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 ;
– condamne les époux [I] à leur verser la somme de 25 300 euros, déduction faite des loyers dus, pour le préjudice de jouissance ;
– condamne les époux [I] à leur verser la somme de 10 000 euros pour le préjudice moral subi ;
– déboute les époux [I] de toute demande indemnitaire, notamment au titre des loyers ;
– condamne les époux [I] à leur verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– les condamne aux dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 6 février 2023.
Par un soit-transmis en date du 13 mars 2023, la cour a soulevé d’office la question de la recevabilité, au regard des dispositions de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, des demandes de condamnation formulées par M. [B] et Mme [N] épouse [B] à titre de dommages et intérêts aux fins d’indemniser les préjudices de jouissance et moral à titre définitif (et non provisionnel) et sollicité des avocats la production d’une note en délibéré, par application des dispositions des articles 442 et 445 du code de procédure civile, afin de faire valoir leurs éventuelles observations sur ce point de droit en leur impartissant un délai expirant le vendredi 17 mars à minuit.
Par note en délibéré en date du 16 mars 2023, le conseil des appelants indiquent qu’il s’agit de demandes de condamnations provisionnelles et que, dans tous les cas, ils sollicitent la réformation de l’ordonnance entreprise en ce qui concerne les sommes auxquelles ils ont été condamnés au titre de l’arriéré locatif et de l’indemnité d’occupation comme étant irrecevables et de heurtant à des contestations sérieuses.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, il importe de rappeler que les décisions de donner acte et de constat sont dépourvues de caractère juridictionnel et ne sont pas susceptibles de conférer un droit à la partie qui l’a requis et obtenu, raison pour laquelle la cour n’a pas à répondre aux demandes formées à ce titre par les parties.
En outre, le dispositif de l’arrêt doit être limité aux strictes prétentions formées par les parties, étant rappelé qu’il n’a pas vocation à contenir les moyens développés par les parties, peu important que ceux-ci figurent dans le dispositif de leurs conclusions.
Sur la recevabilité des conclusions transmises par les intimés le 17 novembre 2022 et les pièces qui y sont annexées
Les conclusions jugées irrecevables par ordonnance du président de chambre ou du conseiller statuant sur délégation, dans une procédure à bref délai, ont autorité de la chose jugée au principal sous réserve de déféré.
Or, en application de l’article 906 du code de procédure civile, les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elle-mêmes irrecevables.
De plus, toutes nouvelles conclusions notifiées ultérieurement, ainsi que les pièces qui y sont annexées, sont frappées de la même irrecevabilité que celles ayant été déclarées irrecevables.
Il en résulte que, si les conclusions déposées par l’intimé sont déclarées irrecevables, la cour est saisie par les seuls moyens de l’appelant tendant à la réformation ou annulation.
Il n’en reste pas moins que la cour ne peut faire droit à la demande de l’appelant que si elle l’estime régulière, recevable et bien fondée conformément à l’article 472 alinéa 2 du code de procédure civile.
En outre, selon l’article 954 in fine du même code, la partie qui ne conclut pas est réputée s’approprier les motifs de l’ordonnance entreprise. Tel sera le cas de l’intimé dont les conclusions ont été déclarées irrecevables.
En l’espèce, l’ordonnance d’incident rendue le 15 septembre 2022 par la conseillère de la chambre 1-2 statuant sur délégation a autorité de la chose jugée en l’absence de déféré.
Le fait pour les conclusions des intimés d’avoir été déclarées irrecevables rend irrecevables toutes conclusions transmises postérieurement, et notamment celles du 17 novembre 2022, ainsi que les pièces qui y sont annexées, lesquelles seront écartées des débats.
Sur les demandes de dommages et intérêts formulées par les appelants
Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection, dans les limites de sa competence et dans les cas ou l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Ils ne peuvent donc accorder qu’une provision au créancier, à l’exclusion du prononcé de toute condamnation définitive.
En l’espèce, dans leurs dernières conclusions transmises à la cour le 6 janvier 2023, M. [B] et Mme [N] épouse [B] sollicitent la condamnation des intimés à leur verser les sommes de 25 300 euros et 10 000 euros à titre de dommages et intérêts et non des provisions à valoir sur l’indemnisation de leurs préjudices de jouissance et moral allégués, de sorte que de telles demandes excèdent les pouvoirs du juge des référés tels que définis par l’article précité.
Dès lors que la cour est saisie des prétentions des parties formulées par voie de conclusions, régulièrement transmises et signifiées ou notifiées dans le cas où l’intimé a constitué avocat, antérieurement à l’ordonnance de clôture, une note en délibéré adressée à la demande de la cour afin de permettre aux parties de répondre à un moyen soulevé d’office ne peut les régulariser.
Dans ces conditions, il n’y a pas lieu à référé sur les demandes de condamnation à des dommages et intérêts formées par M. [B] et Mme [N] épouse [B] à l’encontre de M. et Mme [I].
Sur la constatation de la résiliation du bail et la demande subséquente tendant à l’expulsion
Il résulte de l’article 834 du code de procédure civile que, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.
L’article 835 du même code dispose que le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exéxution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
En application des articles 1728, 1741 du code civil et 15 I de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le locataire a pour obligation principale le paiement du loyer. Un manquement grave et répété à cette obligation justifie la résiliation du contrat ou la délivrance d’un congé pour ce motif à l’initiative du bailleur.
Aux termes de l’article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus. L’article 24 alinéa 1 dispose que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour le non versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.
En application de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d’un contrat de bail en application d’une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en ‘uvre régulièrement, ce qui suppose notamment que la validité du commandement de payer visant la clause résolutoire ne se heurte à aucune contestation sérieuse.
En l’espèce, il n’est pas contesté que le contrat de bail, signé par les parties à effet au 1er juin 2015, comporte une clause résolutoire, comme le relève le premier juge dans les motifs de sa décision, qui prévoit qu’à défaut de paiement des loyers ou charges échues et/ou du dépôt de garantie, et deux mois après la délivrance d’un commandement de payer resté infructueux, le bail sera résilité de plein droit.
Il est également acquis que les appelants n’ont pas réglé les causes du commandement de payer, dans le délai de deux mois qui leur était imparti, délivré le 19 octobre 2020 pour un montant de 3 300 euros, tel que cela résulte de résulte de l’ordonnance entreprise.
Il reste que les appelants se prévalent de deux moyens de défense afin de contester la validité du commandement de payer.
Tout d’abord, ils soutiennent que le commandement de payer a été délivré à un moment où ils s’étaient engagés à quitter les lieux avant le 31 mai 2021, ce qu’ils ont fait le 6 avril 2021.
Alors même que les intimés ont notifié à leurs locataires, par courrier en date du 1er décembre 2018, un congé aux fins de reprise de leur bien à effet au 31 mai 2019, les appelants ont, par courrier en date du 31 janvier 2019, par l’intermédiaire de leur conseil, contesté la validité du congé pour vente qui leur a été délivré, faute pour ce dernier d’indiquer le nom et l’adresse du bénéficiaire de la reprise, avant de se prévaloir de la reconduction du bail pour une durée de 3 ans allant du 1er juin 2018 au 31 mai 2021, date à laquelle ils s’engageaient à quitter les lieux.
Or, s’ils versent aux débats un procès-verbal dressé par un huissier de justice le 6 avril 2021, aux termes duquel ce dernier indique avoir été mandaté par les appelants afin de procéder à un état des lieux comme envisageant de procéder à la restitution du logement très prochainement en l’état d’un congé pour reprise qui leur a été délivré à effet au 31 mai 2021, ils n’allèguent ni ne démontrent le caractère contradictoire des constatations faites par l’huissier de justice et, à tout le moins, d’une demande, qui aurait été faite aux bailleurs, de procéder à un état des lieux de sortie.
De plus, le procès-verbal de constat de vérification de l’occupation du logement dressé par huissier de justice le 14 avril 2021 à la demande des bailleurs, aux termes duquel il a été constaté que le logement était, à l’évidence, dans un état d’abandon comme étant entièrement vide de tous biens et de toutes personnes, démontre que les appelants n’ont quitté les lieux que bien après le commandement de payer délivré le 19 octobre 2020.
Il en résulte que, le fait pour les appelants d’avoir quitté les lieux dans le courant du mois d’avril 2021, ne constitue aucune contestation sérieuse à la régularité de la mise oeuvre par les bailleurs de la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail par la délivrance d’un commandement de payer près de six mois avant.
Par ailleurs, les appelants font état d’un logement ne répondant pas au critères de décence pour justifier le non paiement de leurs loyers réclamés dans le commandement de payer à hauteur de 3 300 euros.
Aux termes de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 n° 89-462, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation.
Le bailleur est obligé :
a) De délivrer au locataire le logement en bon état d’usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement ; toutefois, les parties peuvent convenir par une clause expresse des travaux que le locataire exécutera ou fera exécuter et des modalités de leur imputation sur le loyer ; cette clause prévoit la durée de cette imputation et, en cas de départ anticipé du locataire, les modalités de son dédommagement sur justification des dépenses effectuées ; une telle clause ne peut concerner que des logements répondant aux caractéristiques définies en application des premier et deuxième alinéas ;
b) D’assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, sans préjudice des dispositions de l’article 1721 du code civil, de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle hormis ceux qui, consignés dans l’état des lieux, auraient fait l’objet de la clause expresse mentionnée au a ci-dessus ;
c) D’entretenir les locaux en état de servir à l’usage prévu par le contrat et d’y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l’entretien normal des locaux loués ;
d) De ne pas s’opposer aux aménagements réalisés par le locataire, dès lors que ceux-ci ne constituent pas une transformation de la chose louée.
Par ailleurs, l’article 1719 du code civil dispose que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière :
1° De délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d’habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l’expulsion de l’occupant ;
2° D’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ;
3° D’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.
Il est constant que, même si le bailleur n’exécute pas ses obligations, le locataire ne peut se prévaloir d’une exception d’inexécution tirée de l’article 1219 du code civil, qui énonce qu’une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave, pour suspendre le paiement des loyers, à moins que le logement ne soit inhabitable ou totalement insalubre.
En l’occurrence, les appelants justifient s’être plaints, dans le courrier adressé par leur conseil le 31 janvier 2019, de la canalisation d’évacuation des eaux usées comme étant bouchée depuis le 27 novembre 2018, à la suite de quoi les bailleurs leur ont accordé une remise partielle de 300 euros de leurs loyers dus en décembre 2018 et janvier 2019 en réparation du préjudice de jouissance subi, tel que cela résulte du courrier en date du 11 mars 2019 des bailleurs.
Afin de démontrer que ces désordres ont persisté, les appelants produisent un procès-verbal de constat dressé le 18 février 2021 dans lequel il est indiqué que l’eau des deux WC ne s’évacue pas, de même que celle des deux robinets, outre le fait que la bonde d’évacuation des deux douches est bouchée. L’huissier intrumentaire relève également des traces de moisissures au niveau du plafond de la douche et à proximité des fenêtres.
Or, dès lors que les appelants n’établissent pas s’être plaints de l’absence de remise en état des évacuations d’eaux usées entre le courrier en date du 31 janvier 2019 et le constat d’huissier dressé le 18 février 2021, la preuve n’est pas rapportée, avec l’évidence requise en référé, de la persistance des désordres dénoncés au cours de cette période.
De plus, le fait même pour des locataires de subir des désordres ne les privent pas de leur obligation première de régler leurs loyers aux échéances convenues, et ce, d’autant que les appelants, qui reconnaissent être restés dans les lieux au moins jusqu’au 6 avril 2021, n’allèguent ni ne démontrent le caractère inhabitable du logement donné à bail.
Il s’ensuit que les appelants ne peuvent sérieusement se prévaloir de la jouissance d’un logement ne répondant pas aux critères de décence pour contester leur obligation de régler les loyers résultant du commandement de payer.
Dès lors qu’il est acquis que la dette locative non contestée en son montant de 3 300 euros à la date de la délivrance du commandement de payer, correspondant aux loyers des mois d’août, septembre et octobre 2020, n’a pas été réglée par les appelants dans le délai de deux mois, c’est à juste titre que le premier juge a constaté la résiliation du bail par suite de l’acquisition de la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail à effet au 20 décembre 2020.
L’ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu’elle a constaté la résiliation de plein droit du bail.
De plus, s’il résulte du procès-verbal de constat du 14 avril 2021 que les appelants n’occupent manifestement plus les lieux, il n’en demeure pas moins qu’ils n’alléguent ni ne démontrent avoir remis aux bailleurs les clés du logement, sachant que seule une telle remise permet aux bailleurs de reprendre possession des lieux. En faisant appel à un commissaire de justice aux fins de constater l’abandon du logement, les bailleurs semblent avoir voulu engager la procédure spécifique prévue dans ce cas afin d’obtenir la résiliation du bail. Il n’en demeure pas moins que la preuve n’est pas rapportée d’une décision du juge des contentieux de la protection statuant sur requête, de la signification de cette décision aux locataires et de l’expiration du délai imparti aux locataires pour contester ladite décision, à la date où le premier juge a rendu son ordonnance le 9 juin 2021.
L’ordonnance sera donc confirmée en ce qu’elle a ordonné l’expulsion des appelants des lieux loués sauf à dire que l’expulsion sera prononcée à l’encontre de Mme [F] [N] épouse [B] et non à l’encontre de Mme [F] [S] [B] comme indiqué par erreur par le premier juge.
Sur la demande de provision formée par la bailleresse au titre de l’arriéré locatif et de l’indemnité d’occupation
Par application de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Il appartient au demandeur d’établir l’existence de l’obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu’en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n’a d’autre limite que le montant non sérieusement constestable de la créance alléguée.
Le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus. En outre, devenu occupant sans droit ni titre du fait de l’acquisition de la clause résolutoire, il est tenu de payer une somme équivalente au loyer augmenté des charges à titre de réparation du préjudice subi par le bailleur.
En l’espèce, les appelants n’allèguent ni ne démontrent avoir réglé leurs loyers échus entre le mois d’août et le mois de décembre 2020 à hauteur de 1 100 euros par mois, pas plus que l’indemnité pour occupation sans droit ni titre dont ils sont redevables à compter du mois de janvier 2021 à hauteur de 1 100 euros par mois.
S’il résulte du procès-verbal du 14 avril 2021 que les appelants avaient manifestement quitté les lieux à cette date, il ne s’agit là que d’un acte aux fins de constater l’abandon du logement et non d’un acte de reprise des lieux, faute pour les appelants d’établir avoir effectivement libéré les lieux par la remise des clés du logement aux bailleurs.
Dans ces conditions,les appelants sont redevables, à titre provisionnel, d’une indemnité d’occupation de 1 100 euros par mois jusqu’à la libération effective des lieux.
Il y a donc lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a condamné solidairement les appelants à verser, à titre provisionnel, la somme de 7 700 euros au titre de l’arriéré de loyers, charges et indemnités d’occupation arrêté au mois de mai 2021 inclus avec les intérêts, sauf à dire que cette condamnation sera prononcée à l’encontre de Mme [F] [N] épouse [B] et non à l’encontre de Mme [F] [S] [B] comme indiqué par erreur par le premier juge.
En revanche, elle sera infirmée en ce qu’elle les a condamnés solidairement à verser une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant égal à celui du loyer courant, révisable comme lui, majoré des charges récupérables, à compter de la résiliation du bail jusqu’à la libération effective des lieux.
En effet, la provision de 7 700 euros comprenant déjà un arriéré d’indemnités d’occupation allant jusqu’au mois de mai 2021 inclus, les appelants seront condamnés in solidum à verser une indemnité d’occupation d’un montant de 1 100 euros à compter du mois de juin 2021, et ce, jusqu’à libération effective et intégrale des lieux caractérisée par la remise des clés.
En revanche, les autres modalités fixées par le premier juge concernant l’indemnité d’occupation tenant à la date à laquelle elle doit être réglée et aux intérêts seront confirmées.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Dès lors que M. [B] et Mme Mme [N] épouse [B] n’obtiennent pas gain de cause à hauteur d’appel, il y a lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle les a condamnés solidairement à verser à M. et Mme [I] la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance, en ce compris le coût du commandement de payer.
Ils seront également condamnés in solidum aux dépens d’appel.
En tant que parties perdantes, ils seront déboutés de leur demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Ecarte des débats les conclusions transmises par M. [V] [I] et Mme [J] [L] épouse [I] le 17 novembre 2022, ainsi que les pièces qui y sont annexées, en l’état de l’irrecevabilité des précédentes conclusions, déposées au fond, prononcée par ordonnance du 15 septembre 2022 par le conseiller de la chambre 1-2 statuant sur délégation ayant autorité de la chose jugée ;
Rectifie l’ordonnance entreprise en ce que les condamnations ont été prononcées à l’encontre de Mme [F] [S] [B] et non à l’encontre de Mme [F] [N] épouse [B] ;
Dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de condamnation à des dommages et intérêts en réparation de préjudices de jouissance et moral formées par M. [C] [B] et Mme [F] [N] épouse [B] à l’encontre de M. [V] [I] et Mme [J] [L] épouse [I] ;
Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu’elle a condamné M. [C] [B] et Mme [F] [N] épouse [B] à payer solidairement à M. [V] [I] et Mme [J] [L] épouse [I] une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant égal à celui du loyer courant, révisable comme lui, majoré des charges récupérables, à compter de la résiliation du bail jusqu’à la libération effective des lieux ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
Condamne in solidum M. [C] [B] et Mme [F] [N] épouse [B] à verser à M. [V] [I] et Mme [J] [L] épouse [I] une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant de 1 100 euros par mois à compter du mois de juin 2021, et ce, jusqu’à libération effective et intégrale des lieux caractérisée par la remise des clés ;
Déboute M. [C] [B] et Mme [F] [N] épouse [B] de leur demande formulée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens ;
Condamne in solidum M. [C] [B] et Mme [F] [N] épouse [B] aux entiers dépens de la procédure d’appel.
La greffière La présidente