Exception d’inexécution : 23 novembre 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/04430

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Exception d’inexécution : 23 novembre 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/04430

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/04430 – N° Portalis DBVH-V-B7F-II5N

CS

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE CARPENTRAS

09 juillet 2021 RG :20/00842

[S]

C/

S.A.R.L. FAMCC

Grosse délivrée

le

à Me Adjedj

Selarl Vajou

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section C

ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CARPENTRAS en date du 09 Juillet 2021, N°20/00842

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Corinne STRUNK, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Sylvie DODIVERS, Présidente de chambre

Mme Laure MALLET, Conseillère

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

GREFFIER :

Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 25 Septembre 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 23 Novembre 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANT :

Monsieur [P] [S]

né le 25 Octobre 1946 à

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Didier ADJEDJ de la SELASU AD CONSEIL AVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS

INTIMÉE :

S.A.R.L. FAMCC Société à responsabilité limité à associé unique, inscrite au RCS d’Avignon sous le n° 498 469 303, poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité en son siège social

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Christian BENDO, Plaidant, avocat au barreau de CARPENTRAS

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 09 Mars 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour et signé par Madame Sylvie DODIVERS, Présidente de chambre, le 23 Novembre 2023,

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé du 1er octobre 2019, signé dans le cadre d’un programme dénommé ‘des boutiques à l’essai’, M. [P] [S] a consenti à la SARL FAMCC un bail professionnel précaire de 6 mois reconductible, dérogatoire au statut des baux commerciaux, portant sur un local situé sur la commune de [Adresse 6] , moyennant un loyer mensuel de 150 euros. Ce local était destiné à l’exploitation d’une activité de blanchisserie et de repassage.

Considérant le local impropre à sa destination en raison d’une importante humidité, le preneur avisait le 3 février 2020 le bailleur de son souhait de mettre fin au bail et sollicitait, par courrier complémentaire adressé le 10 février, le remboursement de frais inutilement engagés. La société FAMCC lui remettait les clés du local le 25 mai 2020.

Par acte délivré le 22 juillet 2020, la société FAMCC a fait assigner son ancien bailleur devant le tribunal judiciaire de Carpentras en paiement de la somme de 15.537,20 euros ainsi que d’une somme de 9.305 euros au titre du préjudice d’exploitation subi outre une indemnité au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 9 juillet 2021, le tribunal d’instance de Carpentras a condamné M. [P] [S] à payer à l’Eurl FAMCC la somme de 5.033,51 euros, ainsi que la somme de 1.500 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, et a rejeté les autres demandes.

Par déclaration du 13 décembre 2021, M. [P] [S] a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a rejeté les demandes de l’Eurl FAMCC.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 1er mars 2023 il est expressément référé, M. [P] [S] demande à la cour, en application de l’article L 145-5 du code de commerce et des articles 606, 1721 et 1733 du code civil, de:

– réformer le jugement déféré en ce qu’il a:

– reconnu qu’aucune exclusion de garantie ne figurait au contrat de bail;

– reconnu Monsieur [S] [P] responsable au titre de la garantie contre les vices cachés, en admettant l’antériorité de l’humidité de la cave par rapport à la conclusion du bail;

– condamné Monsieur [S] [P] à payer à l’EURL FAMCC la somme de 5.033,51 euros pour les divers préjudices causés à ce titre;

– condamné Monsieur [S] [P] à payer à l’EURL FAMCC une indemnité d’un montant de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance;

– débouté Monsieur [S] [P] de sa demande reconventionnelle tendant au à la condamnation de l’EURL FAMCC au paiement des sommes de 600 € au titre des loyers impayés pour la période de Février à Mai 2020, 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépends de l’instance.

– le confirmer en ce qu’il a :

– rejeté la demande de paiement de la somme de 7.855 euros en remboursement du matériel d’installation;

– rejeté la demande de paiement de la somme de 2.831 euros en remboursement du matériel informatique;

En conséquence:

– débouter purement et simplement la société FAMCC de ses demandes, faute de démonstration de ce que les désordres, dont elle se plaint, relèveraient des gros travaux à la charge du bailleur et des travaux non exclus par le bail;

En tout état de cause,

– débouter la SARL FAMCC de l’intégralité de ses demandes, faute de démonstration d’un quelconque véritable préjudice;

– la débouter de sa demande tendant à sa condamnation au paiement des sommes de 15.537,20€ au titre du préjudice matériel pour frais d’installation inutilement et 9.305€ au titre du préjudice d’exploitation, faute pour elle de rapporter la preuve d’un véritable préjudice;

– la débouter de sa demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

À titre reconventionnel,

– condamner la SARL FAMCC à lui payer la somme de 600 € au titre des loyers impayés pour la période de Février à Mai 2020.

– la condamner au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance ainsi que la somme de 2.000 € supplémentaire pour la procédure d’appel, ainsi qu’aux dépens.

Au soutien de son appel, M. [S] souligne à titre liminaire l’absence de toute expertise venant démontrer la réalité de l’humidité dénoncée ainsi que son origine et notamment le fait qu’elle proviendrait de la cave.

Ceci étant, il soutient que le locataire s’est engagé à prendre le local, qu’il avait préalablement visité, dans l’état où il se trouvait sans pouvoir exiger de sa part l’exécution de travaux. Il se réfère aux dispositions contractuelles et plus précisément à l’article 3 prévoyant une clause d’exclusion de garantie. L’appelant ajoute que le locataire devait prendre en charge les travaux d’entretien et de réparation englobant notamment ceux concernant la cave puisqu’ils ne relèvent pas des grosses réparations telles qu’énoncées par l’article 606 du code civil.

L’appelant avance encore l’absence de vice caché rappelant que la cave n’est pas concernée par le bail et que selon les témoignages, le désordre proviendrait d’un élément apparent alors que rien ne démontre son antériorité à la conclusion du bail.

Il précise enfin qu’aucun élément n’exclut la responsabilité du locataire dans la survenance du désordre soulignant que l’humidité n’a jamais été dénoncée avant la conclusion du bail malgré la location du bien pendant plus de 30 ans, et que les premiers désordres sont apparus en février 2020 soit 5 mois après la signature du contrat.

Il ajoute que les problèmes d’humidité sont à mettre en lien avec les travaux effectués à l’initiative du locataire qui a fait appel à un plombier ainsi qu’avec l’ouverture constante de la porte de la cave de sorte que son obligation de délivrance a parfaitement été respectée.

A titre subsidiaire, l’appelant soutient l’absence de volonté d’exploiter le local de la part de la société FAMCC dont le seul objectif était l’obtention de la subvention versée à hauteur de 5400 euros ce qui est confortée par les anomalies des contrats d’assurance ou l’inadaptation des installations électriques laissées en l’état. Le souhait de l’intimée n’a jamais été de poursuivre l’exploitation de son commerce ce qui s’est traduit de sa part par le refus de toute proposition amiable. Sa mauvaise foi est donc manifeste et justifie un rejet des demandes d’indemnisations alors même qu’aucun préjudice n’est démontré.

A titre reconventionnel, l’appelant réclame un arriéré de loyers puisque la société intimée a occupé les lieux sans droit ni titre jusqu’au mois de mai 2020 et a cessé tout paiement à compter du mois de février 2020.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 23 septembre 2022, auxquelles il est expressément référé, la société FAMCC demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

– condamné M. [P] [S] à lui payer la somme de 5.033,51 euros;

– condamné M. [P] [S] à lui payer une indemnité d’un montant de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens;

Faisant droit à l’appel incident de la SARL FAMCC,

– infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les autres demandes de la SARL FAMCC;

Statuant à nouveau,

– débouter Monsieur [S] de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles, fins et conclusions.

– le condamner à lui payer la somme de 15.537,20 € au titre du préjudice matériel pour frais d’installation inutilement engagés, déduction faite des sommes de 1680 €, 84,48 € et 1269,03 € déjà réglées par M. [S] ;

– le condamner à lui régler la somme de 9.305 € au titre du préjudice d’exploitation, déduction faite de la somme de 2000 € déjà réglée par lui;

– le condamner à payer la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Au soutien de ses écritures, l’intimée dénonce les manquements du bailleur à son obligation de délivrance telle que prévue à l’article 1719 du code civil rappelant que la clause de non-garantie contractuelle est inapplicable en présence d’un vice caché caractérisé par la présence d’une forte humidité provenant de la cave de nature à empêcher l’utilisation des locaux. Ainsi, la clause contractuelle excluant toute responsabilité du bailleur ne l’exonère nullement de son obligation de délivrance conforme.

Elle ajoute qu’il importe peu que la cave ne soit pas concernée par le contrat de bail, le bailleur devant assurer à son locataire la jouissance des lieux loués. Elle déclare encore que le problème d’humidité est incontestablement établi par les attestations versées aux débats dont celle du plombier qui est particulièrement circonstanciée, rajoutant que l’appelant ne produit aucune pièce démontrant la responsabilité du preneur dans la survenance du désordre.

Reconventionnellement, l’intimée expose qu’en dépit d’un investissement de 25.000 euros, elle n’a pu exploiter l’activité envisagée. Elle réfute sur ce point l’absence de volonté d’exploiter précisant que la somme de 5.000 euros est un prêt d’honneur dont elle doit le remboursement et nullement une subvention. Elle se prévaut en outre d’un prêt souscrit pour l’exploitation de son activité. Elle ajoute qu’aucune obligation ne lui imposait de modifier l’installation électrique pour exercer son activité.

Sur les préjudices subis, elle se prévaut de nombreuses dépenses qui se sont avérées vaines compte-tenu de l’impossibilité d’exploiter les locaux et dont elle réclame le remboursement. Elle prétend enfin avoir subi une perte d’exploitation puisqu’elle a été dans l’impossibilité d’exploiter son fonds pendant plus de 6 mois. Elle appuie sa demande d’indemnisation sur le prévisionnel établi par l’expert-comptable.

Pour finir, elle conteste l’existence d’une dette locative se prévalant en effet d’une exception d’inexécution énoncée à l’article 1217 du code civil, le bailleur n’ayant pas respecté ses obligations de délivrance conforme et de jouissance.

La clôture de la procédure est intervenue le 9 mars 2023 et l’affaire a été appelée à l’audience du 11 septembre 2023 pour être mise en délibéré, par

mise à disposition au greffe, le 23 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur le trouble de jouissance:

En application des articles 1719 et 1720 du code civil, le bailleur a l’obligation de mettre à disposition un logement en bon état d’usage et de réparation et de délivrer un logement décent.

Il doit également assurer au preneur la jouissance paisible des lieux.

Le bailleur reste tenu à ces obligations pendant toute la durée du bail et doit y faire pendant la durée du bail toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que locatives.

Si les parties s’accordent sur la présence d’une forte humidité dont l’origine provient de la cave, la société FAMCC conteste toute responsabilité dans l’apparition des désordres considérant que le local était affecté d’un vice caché dont l’antériorité au contrat est acquise alors que M. [S] remet en cause le principe de sa responsabilité considérant d’une part que l’origine des désordres n’est nullement établie, rien n’excluant l’implication du locataire dans la survenance du phénomène dénoncé, et d’autre part que le contrat de bail prévoit une clause de garantie.

Au cas d’espèce, les parties ont conclu un contrat de location le 1er octobre 2019, dérogatoire au statut des baux commerciaux, portant sur un local d’une superficie de 30m² comprenant une surface de vente de 28m² complétée d’annexe (réserve) le tout situé sur la commune de [Adresse 6] , moyennant un loyer mensuel de 150 euros, et destiné à l’exploitation d’une activité de blanchisserie et de repassage.

En premier lieu, M. [S] conteste toute responsabilité dans la survenance des désordres arguant que le local était sain avant l’arrivée du locataire et que rien n’exclut la responsabilité de l’artisan chargé de la réalisation des travaux utiles à l’exploitation de l’activité de la société dans la survenance des désordres.

En second lieu, M. [S] oppose une clause d’exclusion de garantie prévue au contrat de bail considérant à cet égard que le locataire prenait les lieux en l’état et qu’il lui appartenait seul de prendre en charge les travaux d’entretien et de réparation englobant notamment ceux concernant la cave puisqu’ils ne relèvent pas des grosses réparations telles qu’énoncées par l’article 606 du code civil.

En l’espèce, l’état des lieux d’entrée établi contradictoirement le 14 octobre 2019 ne révèle aucun désordre apparent le tout étant décrit en bon état avec mention de l’accord du bailleur pour la réalisation de travaux d’évacuation d’air chaud du séchoir en façade (percement du mur).

En octobre 2019, le preneur a fait intervenir M. [Z] [K], artisan, pour la réalisation de divers travaux nécessaires à l’aménagement du local qui ont consisté, comme le détaille la facture établie le 11 novembre 2019, à créer une sortie d’air chaud sur le mur de façade, à mettre en place un raccordement d’une machine à laver, créer et poser un plan de travail au-dessus de la machine à laver ainsi qu’un plan en angle avec un bac évier et mitigeur à douchette, et des réseaux d’eau froide et chaude et d’écoulement, ces dernières opérations ayant nécessité un accès à la cave qui a été autorisé par le bailleur, seul muni d’une clé d’accès (pièce 10).

A compter du mois de février 2020, le preneur dénonce la présence d’une forte humidité dans le local se traduisant par un phénomène de condensation entraînant l’apparition de moisissures, qui n’est pas contestée par le bailleur comme en témoigne un courrier envoyé par M. [S] le 17 février 2020 aux termes duquel le bailleur déclare que:

‘Vu les détériorations causés par les remontées d’humidité de la cave, je m’engage à prendre à ma charge le montant des travaux et je vous dispense des deux mois de loyer février et mars’.

A cet instant, le bailleur ne conteste ni l’existence des désordres ni sa responsabilité quant à la prise en charge des conséquences occasionnées.

Les désordres sont décrits dans le procès-verbal établi le 3 mars 2020 par l’huissier de justice, Me [J], comme suit: ‘ nous notons la présence de gouttelettes d’eau sur la porte vitrée côté intérieur et d’une forte condensation sur la vitrine côté intérieur… nous notons la présence de nombreuses traces de moisissures au plafond… le mur situé à droite dans le local présente des traces d’humidité et nous notons la présence de cloques de peinture…l’enduit extérieur sous la porte d’entrée du local est fortement abîmé’.

En l’état, la société FAMCC conteste toute responsabilité de sa part dans l’apparition des désordres rejetant ainsi le grief selon lequel les travaux exécutés par l’artisan seraient à l’origine de cette humidité; elle produit en ce sens le témoignage circonstancié de M.[Z] [K], artisan, qui est intervenu dans la réalisation des travaux diligentés pour l’exploitation dudit local et qui atteste avoir relevé lors de son intervention:

– la présence d’une humidité importante lors de l’ouverture de la cave rendant difficile l’ouverture de la porte gonflée par cette humidité;

– la présence de gouttelettes suintant sur le plafond et les murs;

– la présence dans la cave de deux tuyaux coupés et non bouchés qui ont fui lors de la mise en eau;

– sur le mur de séparation entre la montée d’escalier de la cave et le local, tout le soubassement sur une hauteur de 70cm était humide et la peinture cloquait;

– la présence d’une seule grille de ventilation pour la cave située sur la marche extérieure à l’entrée du local et d’une taille de 15 cm² environ, insuffisante pour assurer une ventilation suffisante;

– l’installation d’un extracteur dans la cave pour évacuer l’air humide et l’agrandissement du trou d’évacuation permettraient l’assainissement de la cave.

Il s’en déduit que l’humidité dans la cave était déjà présente au moment de l’intervention de l’artisan dans des proportions importantes et donc nullement liée à la réalisation desdits travaux.

M. [S], qui prétend que les travaux exécutés pour l’exploitation du local sont à l’origine des désagréments invoqués, produit divers témoignages émanant d’anciens locataires et de clients qui attestent l’absence de signes d’humidité ou de moisissures pendant les vingts années où le salon de coiffure a été exploité.

Les témoignages produits ne sont cependant pas suffisamment circonstanciés pour retenir qu’au moment de la location, la cave était saine et que les problèmes d’humidité étaient absents alors que ces attestations ne mentionnent aucune période quant à l’occupation du local qui peut être très ancienne. Rien n’exclut en effet que les problèmes d’humidité et d’infiltrations se soient aggravés avec le temps.

La seule attestation émanant de M. [R] [S] fait état d’une location de 2004 à 2016 mais sans préciser l’adresse du local concerné.

L’appelant ne produit aucun autre élément de preuve de nature à asseoir ses affirmations venant contredire l’attestation de M.[K], en sorte que ce moyen sera écarté.

Il s’en déduit que l’humidité est inhérente à la cave dont la ventilation est insuffisante et qu’en conséquence le phénomène est nécessairement préexistant à l’entrée dans les lieux de la société intimée qui ne peut être tenue responsable de la survenance des désordres.

Il en résulte que le preneur n’a pas satisfait à son obligation de délivrance dans la mesure où le local mis en location ne peut être exploité par le preneur en raison d’une forte humidité incompatible avec l’exploitation d’une activité de blanchisserie et de repassage et alors qu’aucune solution n’a été proposée par le bailleur.

S’agissant de l’exclusion de responsabilité en application d’une clause de non-garantie, il apparaît en effet que le contrat de location est ainsi rédigé:

-‘ Article 3 -Etat des lieux d’entrée

Le preneur prendra les locaux dans leur état actuel, tous les travaux d’installation et de décoration intérieure étant à sa charge, sans pouvoir exiger, ni à son entrée en jouissance ni pendant la durée du bail, aucune réparation, remise en état ou conformité…

Article 8 – Renonciation à recours

Le preneur déclare renoncer à tous recours en responsabilité ou réclamations envers le bailleur et ses assureurs:

…en cas de dégâts causés aux locaux et aux objets ou marchandises s’y trouvant par suite de fuites, d’infiltrations, d’humidité ou autres circonstances, sauf défectuosité dûment constatée de la construction…’.

Il sera rappelé que la clause contractuelle excluant toute responsabilité du bailleur ne l’exonère nullement de son obligation de délivrance conforme et elle n’est pas opposable en présence d’un vice caché antérieur au contrat de location caractérisé par la présence d’une forte humidité provenant de la cave de nature à empêcher l’utilisation des locaux ce qui est le cas en l’espèce.

En effet, lors de l’entrée dans les lieux, il n’est fait état d’aucune trace d’humidité ou de moisissures dans le local en sorte que le vice n’était nullement apparent, la cave n’étant pas concernée par le contrat de location comme l’indique l’appelant en sorte que la société intimée ne pouvait être alertée sur une éventuelle humidité provenant de la cave.

En conséquence, la responsabilité de M. [S] ne saurait être écartée en application des clauses contractuelles susvisées comme l’a justement retenu le premier juge et il lui appartient de prendre en charge les dommages directement subis.

Sur les préjudices subis:

La société FAMCC réclame une somme de 15.537,20 € au titre du préjudice matériel correspondant à des frais d’installation qu’elle juge inutiles, déduction faite des sommes de 1680 €, 84,48 € et 1269,03 € déjà réglées par M. [S] , ainsi qu’une somme de 9.305 € au titre du préjudice d’exploitation, déduction faite de la somme de 2000 € déjà réglée par l’appelant.

– Sur le préjudice matériel:

A titre liminaire, M. [S] soutient la société intimée n’a subi aucun préjudice puisqu’elle n’a jamais envisagé une quelconque exploitation recherchant seulement à obtenir le bénéfice d’une subvention. Il souligne notamment l’absence de travaux de mise aux normes.

Cet argument s’avère inopérant, la société intimée justifiant d’une part que la subvention alléguée est en réalité un prêt donnant lieu à remboursement et d’autre part que l’exploitation du local n’a pas été possible du fait de l’insalubrité et de l’absence de travaux engagés par le bailleur pour y remédier.

Pour le surplus, la société intimée se prévaut de divers achats qui se sont avérés inutiles du fait de la non-exploitation du local litigieux. Elle fait état de diverses dépenses liées à l’achat de matériels d’installation et d’informatique, outre divers frais liés au local même (loyers, électricité, travaux de plomberie, charges, Engie, eau) ainsi que des frais de déclarations administratives et un abonnement caisse enregistreuse.

Les parties reprennent en cause d’appel les moyens soulevés en première instance auquel le premier juge a répondu par des motifs pertinents et exempts d’insuffisance que la cour fait siens.

Il suffira en effet de souligner que les frais liés à l’achat de matériels et l’abonnement caisse enregistreuse ne sauraient être supportés par l’intimé puisqu’il est justifié de leur remploi dans un autre local exploité par la société FAMCC.

La décision sera également confirmée s’agissant d’une prise en charge partielle des frais de plomberie , le premier juge ayant valablement écarté de l’indemnisation requise 20% de la somme sollicitée considérant que l’extracteur d’air chaud pouvait être réutilisé. Le préjudice sera donc arrêté à la somme de 1680 euros.

S’agissant des frais de déclaration administratives, le premier juge a fixé l’indemnisation à hauteur de la somme justifiée par l’intimée soit 84,48 euros. En l’absence de pièce complémentaire, cette somme sera reprise en appel.

Pour finir, le premier juge a retenu les dépenses liées au loyer et avances sur charges, à la téléphonie, l’eau, le gaz.

Cette analyse sera confirmée en appel s’agissant de dépenses s’avérant inutiles du fait de l’absence d’exploitation du fonds litigieux. Le préjudice sera arrêté sur la période d’octobre 2019 à mai 2020, date de libération des lieux, comme suit:

– loyers et charges: 480 euros;

– free: 148,93 euros;

– engie: 351,81 euros;

– eau: 78,26 euros;

soit la somme de 1059 euros qui correspond aux sommes dûment justifiées au moyen de factures.

Le préjudice matériel sera arrêté à la somme de 2.823,48 euros.

– Sur la perte d’exploitation:

La perte d’exploitation est un préjudice économique lié aux pertes subies et aux gains manqués des suites d’une réduction d’activité.

Ce préjudice s’apprécie en fonction du taux de marge brute et de la perte du chiffre d’affaires prévisionnel. La perte de marge brute résulte de la différence entre le chiffre d’affaires qui aurait été réalisé pendant la période d’indemnisation en l’absence de sinistre et le chiffre d’affaires effectivement réalisé pendant cette même période. Le chiffre d’affaires réalisé en l’absence de sinistre est calculé à partir des documents comptables des exercices antérieurs en tenant compte des tendances générales de l’évolution de cette activité.

Au cas d’espèce, il n’existe pas de perte d’exploitation qui suppose à tout le moins une activité en cours ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque l’exploitation de l’activité n’a jamais débuté.

Le préjudice revendiqué par la société FAMCC doit s’analyser comme une perte de chance d’exploiter l’activité et d’obtenir un bénéfice.

Il s’avère que l’intimée justifie de la non-exploitation du local en raison des problèmes d’humidité ce qui a d’ailleurs justifié la demande en résiliation du bail. Si le matériel était encore livré le 24 janvier 2020 et s’il est par ailleurs justifié de l’ouverture d’un autre local par la société intimée situé au [Adresse 2], il s’avère que la l’EURL FAMCC n’a pu exploiter le magasin pendant une durée de 5 mois et a été privée d’une chance de réaliser un bénéfice sur cette période.

C’est donc à bon droit que le premier juge a fait droit à cette demande en lui accordant une somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts..

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Il y a lieu de condamner M.[S] au paiement de la somme de 4.823,48 euros en réparation du préjudice subi et d’infirmer la décision déférée sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle de M. [S]

L’appelant réclame un arriéré de loyers puisque la société intimée a occupé les lieux sans droit ni titre jusqu’au mois de mai 2020 et a cessé tout paiement à compter du mois de février 2020.

La société FAMCC s’oppose à toute condamnation arguant de l’exception d’inexécution puisqu’elle affirme en effet que l’insalubrité du local ne lui a pas permis de procéder à l’exploitation de son activité commerciale et considère donc être dispensée de son obligation de paiement.

Il n’est pas contestable que l’humidité occasionnant une forte condensation et moisissures s’est avérée incompatible avec l’exercice d’une activité de blanchisserie et de repassage ce qui a d’ailleurs conduit la société intimée à résilier le bail avant même d’exploiter le fonds.

Les arguments développés par M. [S] selon lesquels la société n’a jamais envisagé une quelconque exploitation et a simplement chercher à obtenir le bénéfice d’une subvention ne sont pas opérants tant il est manifeste que l’insalubrité du local était incompatible avec l’exploitation de l’activité de blanchisserie et de repassage.

L’impossibilité d’utiliser le local justifie donc que le preneur oppose une exception d’inexécution qui l’autorise à ne pas régler le loyer du mois de février au mois de mai 2020 en sorte que la demande reconventionnelle présentée par M. [S] n’est nullement justifiée et sera en conséquence rejetée.

Sur les demandes accessoires :

Il convient de confirmer le jugement déféré sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.

En application de l’article 696 du code de procédure civile, l’appelant, qui succombe partiellement, supportera les dépens d’appel.

Il n’est pas équitable de laisser supporter à l’appelant les frais irrépétibles d’appel et de le condamner au paiement d’une somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant après débats en audience publique par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a condamné M. [S] à payer à la société FAMCC la somme de 5.033,51 euros tout préjudice confondu,

Statuant à nouveau des chefs infirmés :

Condamne M. [P] [S] à payer à la société FAMCC la somme de la somme de 2.823,48 euros au titre du préjudice matériel avec intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris,

Condamne M. [P] [S] à payer à la société FAMCC la somme de la somme de 2.000 euros au titre du préjudice pour perte de chance avec intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris

Déboute la société FAMCC de la demande d’indemnisation supplémentaire,

Y ajoutant :

Déboute M. [P] [S] de la demande au titre de l’arriéré de loyer;

Condamne M. [P] [S] à payer à la société FAMCC la somme de la somme de 2.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [P] [S] aux dépens d’appel

Arrêt signé par la présidente de chambre et par la greffière.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

 


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