Exception d’inexécution : 22 septembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/17121

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Exception d’inexécution : 22 septembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/17121

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 8

ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/17121 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGP75

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 29 Juillet 2022 -Juge des contentieux de la protection d’Aubervilliers – RG n° 22/000023

APPELANTS

Mme [D] [F] épouse [Z]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Isabelle DELMAS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1647

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2022/026126 du 23/09/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

M. [P] [Z]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Isabelle DELMAS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1647

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2022/033343 du 31/10/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

INTIME

E.P.I.C. OPH [Localité 2], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me François MEYER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0085

Assisté par Me Landry OKANGA SOUNA, avocat au barreau de PARIS substituant Me François MEYER

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 juin 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Florence LAGEMI, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Florence LAGEMI, Président,

Rachel LE COTTY, Conseiller,

Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Marie GOIN

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Florence LAGEMI, Président et par Saveria MAUREL, Greffier, lors de la mise à disposition.

*****

L’office public de l’habitat (OPH) d'[Localité 2] a donné à bail à M. et Mme [Z] un logement situé [Adresse 3] à [Localité 2] (Seine-Saint-Denis), moyennant un loyer mensuel de 450,02 euros outre 190 euros de provision sur charges.

Les loyers n’ayant plus été réglés, l’OPH d'[Localité 2] a fait délivrer, le 24 septembre 2021, à M. et Mme [Z] un commandement de payer visant la clause résolutoire stipulée dans le bail, pour la somme en principal de 15.810,86 euros.

Par acte du 23 décembre 2021, l’OPH d'[Localité 2] a fait assigner M. et Mme [Z] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d’Aubervilliers, statuant en référé, aux fins, notamment, de constat de l’acquisition de la clause résolutoire, expulsion des défendeurs et de tous occupants de leur chef et paiement, à titre de provision, de l’arriéré locatif et d’une indemnité d’occupation.

Par ordonnance réputée contradictoire du 29 juillet 2022, le premier juge a :

déclaré recevable la demande de l’OPH d'[Localité 2] aux fins de constat de l’acquisition de la clause résolutoire ;

constaté que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail conclu le 10 avril 2019 entre les parties sont réunies à la date du 25 novembre 2021 ;

ordonné, à défaut de départ volontaire, l’expulsion de M. et Mme [Z] ainsi que de tout occupant de leur chef, dans un délai de deux mois à compter de la signification d’un commandement d’avoir à libérer les lieux, avec l’assistance de la force publique si besoin est, ainsi que le transport des meubles laissés dans les lieux loués, conformément aux dispositions des articles L.433-1 et L.433-2 du code des procédures civiles d’exécution ;

rejeté la demande de séquestration des meubles en garantie des sommes dues ;

fixé le montant de l’indemnité d’occupation due par M. et Mme [Z] à compter de la résiliation du bail et jusqu’à la libération définitive des lieux, à une somme équivalente au montant mensuel du loyer indexé et des charges qui auraient été dus si le bail s’était poursuivi ;

condamné solidairement M. et Mme [Z] à payer à l’OPH d'[Localité 2], à titre provisionnel, la somme de 22.283,70 euros au titre des loyers, charges et indemnités d’occupation impayés, mois de mai 2022 inclus, et ce avec intérêts au taux légal à compter de la décision ;

condamné solidairement M. et Mme [Z] à verser à l’OPH d'[Localité 2], à titre provisionnel, ladite indemnité mensuelle à compter du mois de juin 2022 et jusqu’à complète libération des lieux caractérisée par la remise des clés au bailleur ou à son mandataire, un procès verbal d’expulsion ou de reprise avec intérêts au taux légal à compter de l’exigibilité de chacune des échéances ;

condamné in solidum M. et Mme [Z] à payer à l’OPH d'[Localité 2] la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné in solidum M. et Mme [Z] aux dépens comprenant les frais de signification du commandement de payer du 24 septembre 2021, du coût de la notification de l’assignation à la préfecture et la saisine de la CCAPEX ;

débouté l’OPH d'[Localité 2] de ses autres prétentions.

Par déclaration du 4 octobre 2022, M. et Mme [Z] ont relevé appel de cette décision en critiquant l’ensemble de ses chefs de dispositif.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises et notifiées le 6 janvier 2023, ils demandent à la cour de :

infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :

constaté l’acquisition de la clause résolutoire ;

ordonné leur expulsion ;

prononcé leur condamnation au paiement de la somme de 22.283,70 euros au titre de l’arriéré de loyer et charges arrêté au mois de mai 2022.

statuant à nouveau,

constater l’existence d’une inexécution de ses obligations par l’OPH d'[Localité 2] ;

débouter l’OPH d'[Localité 2] de l’ensemble de ses demandes ;

constater que la clause résolutoire du bail n’est pas acquise ;

s’agissant des conséquences de l’indécence des locaux,

ordonner à compter de l’assignation de première instance une réduction de loyer à hauteur de 50 % jusqu’à l’achèvement des travaux, et fixer à titre principal jusqu’à la fin des travaux le loyer à la somme de 230 euros, hors charges ;

ordonner que le solde du loyer réglé soit séquestré sur un compte à la caisse des dépôts

et consignations et ne sera débloqué que lorsque l’OPH d'[Localité 2] justifiera avoir procédé aux travaux de remise en état de l’appartement ;

condamner l’OPH d'[Localité 2] à leur payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le trouble de jouissance subi depuis près de 12 années,

à titre subsidiaire,

leur accorder des délais à hauteur de 36 mois pour régler leur dette selon les modalités suivantes, 200 euros par mois jusqu’au complet règlement de la dette,

condamner l’OPH d'[Localité 2] au paiement de la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 37 de loi du 10 juillet 1991 ainsi qu’aux entiers dépens.

Par ordonnance du 6 avril 2023, les conclusions de l’OPH d'[Localité 2] ont été déclarées irrecevables sur le fondement de l’article 905-2 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée le 14 juin 2023.

Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu’aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur l’acquisition de la clause résolutoire et ses conséquences

Selon l’article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

Selon l’article 835 du même code, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En vertu de ces textes, il est possible, dans le cadre d’une procédure en référé, de constater la résiliation de plein droit d’un contrat de location en application d’une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en oeuvre conformément aux dispositions d’ordre public de la loi applicable en matière de baux d’habitation.

A cet égard, l’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 dispose que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

Enfin, sauf impossibilité d’exercer son droit de jouissance qui s’analyse comme une impossibilité totale d’utiliser les lieux loués conformément à leur destination, le locataire ne peut opposer l’exception d’inexécution au bailleur qui n’exécute pas correctement ses obligations.

Au cas présent, il n’est pas contesté par M. et Mme [Z] qu’un commandement de payer visant la clause résolutoire leur a été délivré par acte du 24 septembre 2021, pour la somme de 15.810,86 euros au titre de l’arriéré locatif ; que cette somme n’a pas été réglée dans les deux mois de cet acte, la dette ayant depuis augmenté pour s’élever à la somme de 28.087,59 euros, terme de décembre 2022 inclus ainsi qu’il résulte de l’avis d’échéance du 19 décembre 2022 versé aux débats par les appelants.

Pour contester l’acquisition de la clause résolutoire et expliquer le non-paiement des loyers, les appelants font valoir qu’ils subissent depuis le début de l’année 2010 des infiltrations dans leur salle de bains provenant de celle de leur voisin du dessus, qui se sont ultérieurement propagées dans les toilettes contiguës ; que le bailleur, informé de cette situation, a tardé à faire entreprendre les travaux de remise en état, lesquels ont débuté en septembre 2013 sans être terminés ; que les infiltrations ont perduré entre 2016 et 2018, justifiant la déclaration d’un nouveau sinistre auprès de leur assureur, mais n’ont fait l’objet d’aucune réparation de la part de l’OPH d'[Localité 2]. Ils indiquent donc que la carence de ce dernier et la détérioration de leur logement, devenu indécent, les ont contraints à cesser tout règlement de leur loyer à compter de 2019.

Les pièces versées aux débats, consistant pour l’essentiel en des lettres échangées entre les parties entre 2010 et 2019, un procès-verbal de constat du 22 septembre 2020, un constat amiable dégât des eaux dont la date est illisible et un rapport d’expertise d’assurance se rapportant à un sinistre d’octobre 2021, démontrent non seulement que les appelants ont subi des dégâts des eaux persistants dans leur salle de bains provenant de l’appartement du dessus (colonne des eaux usées et défectuosité des joints de l’installation sanitaire), mais aussi les interventions demandées par l’OPH d'[Localité 2] (visites techniques, réparation effectuée sur la colonne des eaux usées, remplacement des joints défectueux, réfection des peintures et reprise du carrelage chez les appelants) afin d’y remédier.

Si les désagréments subis par ces infiltrations ne sont pas méconnus, il n’est pas pour autant établi un manquement du bailleur à ses obligations, d’autant qu’il n’est pas démontré que M. et Mme [Z] ont été totalement privés de la jouissance de leur logement, pouvant justifier l’inexécution de l’obligation de paiement des loyers alors, au surplus, qu’il résulte de la lettre de M. [Z] du 25 mai 2015 qu’il existait à cette date ‘une certaine dette locative’ sans lien avec les dégâts des eaux survenus.

Il n’est ainsi justifié d’aucune exception d’inexécution qui aurait pu permettre aux appelants de les dispenser de régler les loyers dus en exécution du bail.

En outre, au regard de l’importance de la dette à la date du commandement de payer, il ne peut être considéré que celui-ci a été délivré de mauvaise foi.

Dans ces conditions, l’ordonnance entreprise ne peut qu’être confirmée en ce qu’elle a constaté que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire étaient réunies au 25 novembre 2021.

Il résulte du constat de cette résiliation que les demandes de réduction du loyer et de consignation de celui-ci sont sans objet.

Sur la demande de délais de paiement

M. et Mme [Z] sollicitent, à titre subsidiaire, des délais de paiement à hauteur de 36 mois afin de régler leur dette par échéances mensuelles de 200 euros, expliquant disposer de faibles revenus.

Cependant, ils ne produisent aucune pièce permettant de justifier de leur capacité de régler l’arriéré, qui s’élevait au 31 décembre 2022 à la somme de 28.087,59 euros, ainsi que les loyers courants dans le délai sollicité.

Il y a donc lieu de rejeter cette demande.

L’ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu’elle a statué sur les conséquences de la résiliation constatée et en ce qu’elle a condamné, par provision, M. et Mme [Z] au paiement d’une part, d’une indemnité d’occupation égale au montant du loyer indexé majoré des charges depuis la résiliation et jusqu’à la libération effective du logement et, d’autre part, de la somme de 22.283,70 euros au titre de l’arriéré locatif et des indemnités d’occupation dus au 31 mai 2022.

Sur la demande de dommages et intérêts

M. et Mme [Z] sollicitent la condamnation de l’intimé au paiement d’une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du trouble de jouissance subi.

Il sera rappelé qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge statuant en référé d’octroyer des dommages et intérêts ; seule une provision à valoir sur la réparation d’un préjudice établi de manière évidente en lien de causalité direct avec une faute est susceptible d’être allouée.

Or, en l’espèce, l’obligation du bailleur n’étant pas démontrée avec toute l’évidence requise en référé, la demande ne peut être que rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sort des dépens de première instance et l’application de l’article 700 du code de procédure civile ont été exactement appréciés par le premier juge.

Succombant en leurs prétentions, M. et Mme [Z] supporteront les dépens d’appel sans pouvoir prétendre à une indemnité au titre des frais irrépétibles exposés devant la juridiction du second degré.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise ;

Y ajoutant,

Déclare sans objet les demandes de réduction du loyer et de consignation de celui-ci ;

Rejette les demandes de délais de paiement et de dommages et intérêts ;

Condamne M. et Mme [Z] aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément à la loi sur l’aide juridictionnelle ;

Disons n’y avoir lieu à l’application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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