RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
R.G. : A.R.I. N° RG 22/02147 – N° Portalis DBVS-V-B7G-FZ3L
Minute n° 23/00195
[C]
C/
[N] [Y], [U]
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Juge des contentieux de la protection de METZ
05 Août 2022
22/000191
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COUR D’APPEL DE METZ
3ème CHAMBRE
A.R.I.
ARRÊT DU 22 JUIN 2023
APPELANTE :
Madame [Z] [C] épouse [U]
[Adresse 6]
[Localité 4]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 12022/005423 du 12/10/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de METZ)
Représentée par Me Marie VOGIN, avocat au barreau de METZ
INTIMÉS :
Madame [G] [N] [Y]
[Adresse 3]
[Adresse 1] (Belgique)
Représentée par Me Agnès BIVER-PATE, avocat au barreau de METZ
Monsieur [F] [U]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Non représenté
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés devant Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries.
A l’issue des débats, les parties ont été informées que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 22 Juin 2023, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
PRÉSIDENT : Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre
ASSESSEURS : Monsieur MICHEL, Conseiller
Monsieur KOEHL, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame PELSER
ARRÊT :
Rendu par défaut
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Présidente de Chambre, et par Madame PELSER, Greffier placé à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Par acte sous seing privé du 9 juillet 2020, Mme [G] [N] [Y] a consenti un bail à Mme [Z] [C] épouse [U] portant sur un local d’habitation situé [Adresse 6] pour un loyer mensuel de 1.260 euros, outre 90 euros de provision sur charges. Par acte du même jour, M. [F] [U] s’est porté caution des engagements de la locataire pour une durée maximale de 9 ans pour un montant maximum de 108 mois de loyers et de charges soit 145.800 euros avec éventuelle indexation annuelle des loyers et charges.
Par acte d’huissier du 6 janvier 2022, Mme [N] [Y] a fait délivrer à la locataire un commandement de payer pour les arriérés de loyers et charges visant la clause résolutoire insérée au contrat de bail et l’acte a été dénoncé à la caution le 12 janvier 2022.
Par actes d’huissier des 22 et 24 mars 2022, elle a assigné Mme [C] et M. [U] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Metz statuant en référé aux fins d’obtenir la résiliation du bail et l’expulsion de la locataire et les voir solidairement condamner à lui verser à titre provisionnel une somme de 6.805,79 au titre de l’arriéré locatif, une indemnité d’occupation mensuelle de 1.351,16 euros à compter du 1er février 2022 jusqu’à la libération des lieux et une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance réputée contradictoire du 5 août 2022, le juge des référés a :
– constaté que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail d’habitation conclu le 9 juillet 2020 entre d’une part, Mme [N] [Y] et d’autre part, Mme [C] et M. [U] concernant le logement situé [Adresse 6] sont réunies à la date du 6 mars 2022
– condamné à titre provisionnel et solidairement Mme [C] et M. [U] à payer à Mme [N] [Y] la somme de 6.805,79 euros au titre des loyers, charges et indemnités d’occupation selon décompte du commandement de payer arrêté au 1er janvier 2022 incluant l’échéance de janvier 2022 avec intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2022 sur la somme de 6.805,79 pour M. [U] et du 24 mars 2022 pour Mme [C] et à compter de l’ordonnance pour le surplus
– dit n’y avoir lieu à accorder d’office des délais de paiement
– ordonné en conséquence l’expulsion de Mme [C] ainsi que celle de tout occupant de son chef du logement
– ordonné à Mme [C] de libérer le logement et d’en restituer les clefs dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l’ordonnance, dit qu’à défaut Mme [N] [Y] pourra, à l’expiration d’un délai de deux mois après la signification d’un commandement de quitter les lieux et dans le respect notamment de l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution, faire procéder à leur expulsion ainsi qu’à celle de tout occupant de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d’un serrurier et de la force publique, dit n’y avoir lieu à faire assortir l’expulsion d’une condamnation en paiement sous astreinte par jour de retard et dit que le sort des meubles laissés sur place sera régi par l’application des articles L. 433-l et suivants et R. 433-l et suivants du code des procédures civiles d’exécution
– condamné à titre provisionnel et in solidum Mme [C] et M. [U] à payer à Mme [N] [Y] une indemnité mensuelle d’occupation fixée à la somme de 1.261,16 euros augmentée de 90 euros à compter du 6 mars 2022 outre actualisation conformément au bail, cette indemnité se substituant aux loyers et aux charges jusqu’au départ volontaire ou à l’expulsion des lieux, avec intérêts au taux légal à compter de la date d’exigibilité de chacune de ces indemnités qui seront dues à terme échu au dernier jour de chaque mois, mais le tout sous déduction le cas échéant de la somme de 6.805,79 euros outre intérêts à laquelle Mme [C] et M. [U] sont déjà condamnés provisionnellement et solidairement par l’ordonnance au titre non seulement des arriérés de loyers et de charges mais également pour partie au titre des indemnités d’occupation entre le 6 mars 2022 et la date de l’ordonnance
– dit n’y avoir lieu à faire droit à la demande tendant à rendre tout mois commencé redevable en intégralité
– rappelle que les intérêts courent à compter de la mise en demeure
– constaté qu’aucun élément des débats ne permet de retenir que Mme [C] et M. [U] bénéficieraient des effets d’une procédure de traitement de la situation de surendettement au sens du livre VII du code de la consommation
– condamné in solidum Mme [C] et M. [U] à verser à Mme [N] [Y] la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens en ce compris de plein droit le coût du commandement de payer du 6 mars 2022, de l’assignation en référé du 22 mars 2022 pour M. [U] et du 24 mars 2022 pour Mme [C] et le cas échéant de leur notification à l’autorité préfectorale du 25 mars 2022
– rejeté tout autre demande.
Par déclaration d’appel déposée au greffe de la cour le 30 août 2022, Mme [C] a interjeté appel de l’ordonnance en toutes ses dispositions sauf celle ayant dit n’y avoir lieu à faire droit à la demande tendant à rendre tout mois commencé redevable en intégralité.
Aux termes de ses dernières conclusions du 31 octobre 2022, l’appelante demande à la cour d’infirmer l’ordonnance et de :
– faire droit à l’exception d’inexécution qu’elle soulève
– dire que Mme [N] [Y] a gravement manqué à son obligation de délivrance de délivrance d’un logement décent et salubre
– dire y avoir lieu à suspension des effets de la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail conclu le 9 juillet 2020
– dire qu’elle est parfaitement fondée à suspendre le paiement des loyers jusqu’à parfaite remise en état du logement et du respect par Mme [N] [Y] de son obligation de délivrance d’un logement décent
– débouter Mme [N] [Y] de toutes ses demandes
– la condamner à payer à Me [K] [E] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 2°du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel
Elle expose que le bail est un contrat synallagmatique aux termes duquel les parties ont des obligations réciproques, que Mme [N] [Y] n’a jamais respecté son obligation de délivrance et de mise à disposition d’un logement décent et salubre, qu’elle est sans emploi et réside dans les lieux avec ses quatre enfants à charge, que le bien loué est mal isolé engendrant des moisissures importantes, que les photographies produites aux débats démontrent les désordres (infiltrations, humidité, moisissures) dans les pièces à vivre, chambres et salle de bain et qu’elle en a informé la bailleresse par lettre recommandée avec accusé de réception qui n’a pas réagi. Elle rappelle les dispositions des articles 1728, 1219 et 1220 du code civil et 6 et 7 de la loi du 6 juillet 1989 et indique que Mme [N] [Y] a manqué à son obligation de délivrance d’un logement décent de sorte qu’elle est fondée à invoquer l’exception d’inexécution pour s’exonérer du paiement des loyers et solliciter la suspension des effets de la clause résolutoire.
Aux termes de ses dernières conclusions du 3 avril 2023, Mme [N] [Y] demande à la cour de confirmer l’ordonnance en toutes ses dispositions, débouter Mme [C] de son appel et la condamner à lui payer une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Elle expose que l’appelante a manqué à son obligation de payer son loyer depuis septembre 2021 outre d’autres obligations lui incombant (pas d’entretien courant du jardin et de la terrasse, ni d’entretien de la chaudière, ni du ramonage de la cheminée, ni de souscription d’abonnement d’eau), qu’elle n’use pas des lieux loués en bon père de famille et qu’ont été constatées le 15 décembre 2022 de nouvelles dégradations sur les lieux loués, que l’appelante ne démontre pas l’avoir avisée des désordres invoqués ni lui avoir adressé une mise en demeure d’exécuter les travaux, que la lettre datée d’avril 2022 est postérieure au commandement de payer et que l’appelante ne démontre pas que l’inexécution de son obligation est suffisamment grave pour l’affranchir de son obligation corrélative de payer le loyer, ni qu’elle ait été dans l’impossibilité absolue d’utiliser les lieux loués conformément à la destination du bail. Elle conclut au rejet de l’exception d’inexécution, tardive et infondée, et à la confirmation de l’ordonnance.
Par acte d’huissier du 5 octobre 2022 remis à étude, Mme [C] a fait signifier sa déclaration d’appel à M. [U] qui n’a pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 avril 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la résiliation du bail
Selon l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, la clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de bail pour défaut de paiement du loyer ou des charges produit effet deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.
En l’espèce, il a été justement constaté par le premier juge que la bailleresse a fait délivrer à la locataire un commandement de payer le 6 janvier 2022 pour la somme de 6.755,80 euros au titre des loyers et charges impayés de septembre à janvier 2022, rappelant expressément les termes de la clause résolutoire prévue au bail, et que ce commandement de payer est demeuré infructueux dans le délai de deux mois en l’absence de paiement.
Si l’appelante invoque une exception d’inexécution en soutenant que le logement ne respecterait pas les normes de décence, il est observé d’une part que les photographies produites aux débats non datées ni localisées sont d’une valeur probante insuffisantes et ne sont corroborées par aucune autre pièce objective, et d’autre part, que le courrier recommandé du 22 avril 2022 avisant la bailleresse de désordres affectant les lieux est postérieur au commandement de payer et à la résiliation de plein droit du bail intervenue le 6 mars 2022, outre le fait que ce seul courrier est insuffisant à rapporter la preuve des désordres allégués. Il n’est dès lors justifié d’aucune exception d’inexécution de nature à empêcher le commandement de payer de produire ses effets.
En conséquence, il convient de confirmer l’ordonnance ayant constaté la résiliation du bail et ordonné l’expulsion de la locataire.
Sur l’arriéré locatif
En application de l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est tenu de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus.
Selon l’article 835 du code de procédure civile, dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des contentieux de la protection peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
En l’espèce, en l’absence d’élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu’elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties. Il est relevé que l’appelante ne justifie d’aucun règlement qui n’aurait pas été pris en compte et qu’il ressort de ce qui précède qu’elle est mal fondée à invoquer une exception d’inexécution pour le paiement des loyers, ni une suspension des loyers, puisqu’elle ne rapporte pas la preuve du caractère non décent ou inhabitable du logement. En conséquence l’ordonnance déférée est confirmée.
Sur l’indemnité d’occupation
En raison de la résiliation du bail, Mme [C] occupe les lieux loués sans droit ni titre et reste débitrice à l’égard de Mme [N] [Y] d’une indemnité mensuelle d’occupation au moins égale au loyer majoré des avances sur charges, dont le montant a été exactement fixé par le premier juge. En conséquence l’ordonnance est confirmée.
Sur les délais de paiement
Aux termes de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 applicable aux contrats de location en cours, le juge peut, même d’office accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu par l’article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative, étant précisé que les délais accordés ne peuvent affecter l’exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges.
En l’espèce, il résulte des pièces produites que l’appelante a cessé de régler le loyer à compter de septembre 2021 et qu’elle ne justifie pas être en capacité d’apurer l’arriéré locatif dans les délais légaux alors qu’elle indique être sans emploi et ne justifie pas de ses ressources. En conséquence, il convient de confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à accorder d’office des délais de paiement et de rejeter la demande de suspension des effets de la clause résolutoire.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Les dispositions de l’ordonnance sur les frais irrépétibles et les dépens sont confirmées.
Mme [C] devra supporter les dépens d’appel et il convient de la condamner à verser à l’intimée la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
CONFIRME l’ordonnance déférée en ce toutes ses dispositions’;
Y ajoutant,
DEBOUTE Mme [Z] [C] épouse [U] de ses demandes d’exception d’inexécution, de suspension des effets de la clause résolutoire, de suspension du paiement des loyers et celle au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [Z] [C] épouse [U] à verser à Mme [G] [N] [Y] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [Z] [C] épouse [U] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT