Exception d’inexécution : 22 juin 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 22/00398

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Exception d’inexécution : 22 juin 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 22/00398

ARRÊT N°

FD/FA

COUR D’APPEL DE BESANÇON

– 172 501 116 00013 –

ARRÊT DU 22 JUIN 2023

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Contradictoire

Audience publique

du 27 Avril 2023

N° de rôle : N° RG 22/00398 – N° Portalis DBVG-V-B7G-EPQ6

S/appel d’une décision

du Tribunal de Commerce de Vesoul

en date du 18 février 2022 [RG N° 2020001290]

Code affaire : 50B

Demande en paiement du prix ou tendant à faire sanctionner le non-paiement du prix

S.A.R.L. ASF METAL C/ S.A.R.L. MECAFUN, S.A.R.L. MORISSEAU

PARTIES EN CAUSE :

S.A.R.L. ASF METAL

Sise [Adresse 1]

RCS Besançon sous le numéro 452 451 255

Représentée par Me Franck BOUVERESSE, avocat au barreau de BESANCON

APPELANTE

ET :

S.A.R.L. MECA FUN

Sise [Adresse 2]

RCS Mulhouse sous le numéro 449 810 704

Représentée par Me Jérôme ROY, avocat au barreau de MONTBELIARD

S.A.R.L. MORISSEAU

Sise siège social [Adresse 3]

RCS Vesoul sous le numéro 452 360 274

Représentée par Me Thierry CHARDONNENS, avocat au barreau de BESANCON

INTIMÉES

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

MAGISTRAT RAPPORTEUR : Madame Florence DOMENEGO, conseiller, conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, avec l’accord des Conseils des parties.

GREFFIER : Madame Fabienne Arnoux, Greffier.

Lors du délibéré :

Madame Florence DEMENEGO, conseiller, a rendu compte conformément à l’article 786 du Code de Procédure Civile aux autres magistrats :

Monsieur Michel WACHTER, Président et Monsieur Jean-François LEVEQUE, Conseiller.

L’affaire, plaidée à l’audience du 27 avril 2023 a été mise en délibéré au 22 juin 2023. Les parties ont été avisées qu’à cette date l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

Faits et prétentions de parties :

Selon devis en date du 12 janvier 2018 d’un montant de 16 331,20 euros TTC, la SARL MECA FUN a confié diverses prestations de services à la SARL MORISSEAU, laquelle a sous-traité des prestations matérielles à la SARL ASF METAL, selon devis du même jour moyennant un prix de 12 668,40 euros TTC.

Le 7 mars 2018, la SARL ASF METAL a adressé à la SARL MORISSEAU sa facture pour les travaux réalisés en janvier et février 2018.

Soutenant ne pas en avoir été réglée, la SARL ASF METAL a saisi le président du tribunal de commerce de Vesoul, lequel a condamné la SARL MORISSEAU à lui payer la somme de 12 668,40 euros dans son ordonnance portant injonction de payer en date du 15 janvier 2019, à laquelle la SARL MORISSEAU a fait opposition le 8 février 2019.

Le 4 février 2019, la SARL ASF METAL a assigné en référé la SARL MECA FUN et la SARL MORISSEAU devant le président du tribunal de commerce de Besançon, lequel s’est, dans son ordonnance du 24 avril 2019, déclaré incompétent pour connaître du litige au profit du tribunal de commerce de Vesoul déjà saisi.

Le 19 novembre 2020, la SARL ASF METAL a assigné en paiement la SARL MECA FUN, instance qui a été jointe à celle initialement engagée par requête aux fins d’injonction de payer, selon décision en date du 11 décembre 2020.

Par jugement en date du 18 février 2022, le tribunal de commerce de Vesoul a :

– déclaré l’opposition recevable et bien fondée ;

– dit que le présent jugement se substituait à l’ordonnance portant injonction de payer.

– débouté la SARL ASF METAL de l’intégralité de ses demandes.

– condamné la SARL ASF METAL à achever les travaux et à reprendre les désordres constatés ;

dans le procès-verbal de constat de Me [L] du 24 janvier 2019 et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente décision.

– rejeté toutes autres demandes ;

– condamné la SARL ASF METAL à payer à la SARL MORISSEAU et à la SARL MECA FUN chacune, la somme de 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la SARL ASF METAL aux entiers dépens de l’instance y compris les frais inhérents à la procédure d’injonction de payer et les frais de greffe liquidés en-tête du présent.

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont retenu que plusieurs instances tant devant le tribunal de commerce de Besançon que devant le tribunal de commerce de Vesoul s’étaient ‘recoupées’ ; que la SARL MECA FUN avait ainsi réglé à la SARL MORISSEAU la somme de 13 064,94 euros représentant 40 % de la commande et 40 % du chantier ; que la SARL MECA FUN était bien informée de l’intervention de la SARL ASF METAL sur son chantier ; que de ce fait, la SARL ASF METAL avait bénéficié d’un agrément tacite de la part du maître d’ouvrage ; que ce contrat de sous-traitance n’était en conséquence pas nul ; que cependant, malgré les interventions de la SARL ASF METAL, un certain nombre de malfaçons subsistait mettant en suspens le procès-verbal de réception de travaux permettant à la SARL ASF METAL de percevoir le règlement de sa facture ; qu’elle devait donc être enjointe de terminer les travaux avant d’en solliciter le paiement.

Par déclaration en date du 7 mars 2022, la SARL ASF METAL a relevé appel de cette décision et aux termes de ses dernières conclusions transmises le 18 mai 2022, l’appelante demande à la cour de :

– infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

– à titre principal, condamner in solidum la SARL MORISSEAU et la SARL MECA FUN à lui payer la somme de 12 668,40 euros au titre de la facture n°201800048 du 7 mars 2018 avec intérêts au taux légal à compter du 30 août 2018 ;

– condamner in solidum la SARL MORISSEAU et la SARL MECA FUN à lui payer la somme de 5000 euros au titre du préjudice subi ;

– condamner in solidum la SARL MORISSEAU et la SARL MECA FUN à lui payer la somme de 1500 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance ;

– condamner in solidum la SARL MORISSEAU et la SARL MECA FUN à lui payer la somme de 1500 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure à hauteur d’appel.

A l’appui, la SARL ASF METAL fait principalement valoir qu’elle a réalisé la prestation commandée dès le 7 mars 2018 ; que la porte installée est quotidiennement utilisée ; qu’elle n’en a cependant pas été payée ; que les travaux sont pourtant en l’état d’être réceptionnés ; que si des désordres sont apparus, ces derniers, de faible gravité, sont dus à l’intervention postérieure de la SARL MORISSEAU et ne peuvent en conséquence lui être opposés à titre d’exception d’inexécution ; que la SARL MORISSEAU a été intégralement payée par la SARL MECA FUN et qu’elle n’a pas respecté sciemment son engagement à son égard ; qu’elle est donc parfaitement recevable à solliciter le paiement de sa facture ainsi que l’allocation de dommages et intérêts.

Dans ses dernières conclusions transmises le 17 août 2022, la SARL MORISSEAU demande à la cour de :

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

– débouter la SARL ASF METAL de toutes ses demandes ;

– condamner la SARL ASF METAL à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la même aux entiers dépens.

A l’appui, la SARL MORISSEAU fait principalement valoir qu’aucune réception, même tacite, des travaux n’est intervenue ; que des malfaçons affectent les travaux ; que la SARL MECA FUN n’a en conséquence pas soldé la totalité de la prestation, retenant la somme de 3 266,26 euros ; que ce défaut d’achèvement des travaux fait obstacle au paiement du sous-traitant en fondant une exception d’inexécution ; que la SARL ASF METAL n’est en conséquence pas recevable à solliciter le paiement de sa facture, à défaut pour cette dernière d’être exigible. Elle rappelle au surplus que la sous-traitance a été tacitement acceptée par le maître d’ouvrage et que ce contrat n’est aucunement nul. Enfin, elle maintient que les travaux, qui présentent des malfaçons, doivent être terminés par la SARL ASF METAL afin d’en permettre la réception et le paiement.

Dans ses dernières conclusions transmises le 29 août 2022, la SARL MECA FUN demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

– débouter la SARL ASF METAL de l’intégralité de ses demandes ;

– condamner la SARL ASF METAL à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La SARL MECA FUN fait principalement valoir que des désordres importants affectent les travaux réalisés par la SARL ASF METAL ; que malgré de nombreux échanges, la SARL ASF METAL n’a pas procédé aux reprises nécessaires ; qu’elle a donc imparfaitement acquitté les sommes dues au titre des prestations, dans l’attente des réparations ; qu’elle est en droit en conséquence d’opposer l’exception d’inexécution et qu’elle ne saurait être recherchée en paiement de quelconques dommages et intérêts.

Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 avril 2023.

Motifs de la décision :

Aux termes de l’article 1353 du code civil, il appartient à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En l’espèce, la SARL MORISSEAU a sous-traité à la SARL ASF METAL la réalisation de travaux portant sur la fourniture et l’installation d’un bloc porte, selon un devis en date du 12 janvier 2018.

Si en première instance, la SARL ASF METAL soulevait la nullité de ce contrat, elle ne maintient cependant pas à hauteur de cour une telle demande mais fait grief aux premiers juges d’avoir fait droit à l’exception d’inexécution que lui opposait la SARL MORISSEAU et la SARL MECA FUN pour refuser le paiement de la somme de 12 688,40 euros.

Si la SARL ASF METAL soutient que les travaux ont été réalisés de manière satisfaisante, que la porte ainsi installée est quotidiennement utilisée et que la réception aurait donc dû être réalisée pour permettre le paiement de sa facture, les différents couriels produits aux débats mettent néanmoins en exergue que dès le 15 février 2018, la SARL MECA FUN a constaté les défauts affectant les points de fixation ‘dont la qualité des soudures effectuées laissaient clairement à désirer’ (pièce 4), la nécessité de ‘ rajouter quelques platines d’un ou deux centimètres d’épaisseur ou un tube carré sur la hauteur soudé à la porte et à l’IPN à plusieurs endroits pour optimiser la fixation du châssis de la porte’, ‘ de repositionner des cales’ ( pièce 5), ‘de reprendre les habillages extérieurs avec les nouveaux développés et le poser en raccord avec l’habillage inférieur’, et de reprendre les peintures intérieures et extérieures (pièce 6).

Si la SARL ASF METAL est certes intervenue pour effectuer des reprises, des ajustements et certaines des finitions réclamées, la SARL MECA FUN a cependant relevé dans son courriel du 27 juin 2018 la découverte de rayures sur les parties tôles et d’une rayure à l’extérieur après retrait du film protecteur (pièce 10), outre ‘une peinture à revoir, des problèmes de jeu dans les ouvrants, un vitrage cassé, un problème de serrure difficile à fermer ou même impossible à fermer quand il fait chaud’ ayant conduit la SARL MORISSEAU à différer la réception des travaux prévue au 27 juillet 2018 (pièce 11).

La SARL MECA FUN a confirmé enfin dans son courriel du 30 août 2018 l’intervention approximative de la SARL ASF METAL, ainsi que son refus de procéder en l’état à la réception d’une porte ‘ qui ne correspond pas à ses attentes’ (pièce 15) et qui présente toujours au 28 novembre 2018 ( pièce 18) des non-conformités importantes caractérisées en :

– la vitre du battant gauche de la porte fissurée ;

– le vitrage des autres panneaux de la porte rayé avec une lame de cutter par le sous-traitant lorsqu’il a ôté la peinture tombée au moment où il a repeint sur place les montants de la porte ;

– la serrure de la porte bloquée lorsque le soleil donne directement dessus ;

– la présence d’un voile de peinture sur les vitres ;

– les éléments de finition du bardage extérieur pas ou mal fixés et d’autres abîmés par les interventions successives du sous-traitant ;

– la peinture du cadre de la fenêtre abîmée lors de la mise en place des rivets pour fixer le bardage ;

– les joints de fenêtre abîmés lors du nettoyage des carreaux par la lame de cutter ce qu’a confirmé le constat dressé par M. [L], commissaire de justice, le 24 janvier 2019 (pièce 20).

Si la SARL ASF METAL minimise les désordres persistants après ses interventions, ces derniers ne constituent cependant pas seulement des désordres de nature esthétique ou insignifiants, mais affectent soit la destination même de la porte commandée, en en empêchant la fermeture, soit son hermétisme, l’huissier ayant ainsi constaté ‘une forte condensation qui recouvre les éléments métallique côté interne’ et la présence de rouille.

De tels dysfonctionnements, en lien exclusivement avec l’obligation à laquelle était tenue la SARL ASF METAL, présentent un degré de gravité suffisant pour justifier que la SARL MORISSEAU invoque l’exception d’inexécution prévue à l’article 1219 du code civil pour s’opposer à tout paiement.

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont accueilli l’exception d’inexécution soulevée et ont enjoint la SARL ASF METAL à reprendre le chantier pour remédier aux désordres constatés par le commissaire de justice.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce sens, sauf s’agissant de l’astreinte dont les premiers juges ont assorti la réalisation de ces reprises.

En effet, comme le soutient à raison l’appelante, cette dernière n’a pas fait la ‘sourde oreille’ et est intervenue à plusieurs reprises pour compléter son intervention, dans un contexte où elle n’était manifestement plus la bienvenue comme en témoigne le courriel de la SARL MECA FUN en date du 27 avril 2018 (pièce 7). Le contentieux apparu postérieurement à la découverte de la vitre cassée et des fissures n’a au surplus pas favorisé la finition du chantier.

Pour autant, dès lors que la sous-traitante n’a été destinataire d’aucun acompte, à défaut pour le devis de prévoir de telles modalités de paiement, cette dernière a tout intérêt à hâter la réalisation des reprises nécessaires pour permettre la réception des travaux et le paiement des sommes lui étant dues.

L’astreinte réclamée ne se justifie en conséquence pas et le jugement sera infirmé sur ce point.

Enfin, c’est à bon droit que les premiers juges ont débouté la SARL ASF METAL de sa demande de dommages et intérêts, dès lors que seuls les manquements de cette dernière dans l’exécution de ses propres obligations ont conduit son donneur d’ordre à ne pas honorer le paiement de la facture.

Aucun élément ne permet d’établir la déloyauté à laquelle se serait livrée la SARL MORISSEAU, comme le revendique à tort la SARL ASF METAL.

Le jugement sera en conséquence également confirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi, :

– Confirme le jugement du tribunal de commerce de Vesoul en date du 18 février 2022, sauf en ce qu’il a assorti d’une astreinte de 50 euros, par jour de retard, la reprise des désordres constatés par M. [L] le 24 janvier 2019 ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant :

– Dit n’y avoir lieu à assortir la reprise des travaux d’une astreinte ;

– Condamne la SARL ASF METAL aux dépens d’appel ;

– et vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la SARL ASF METAL à payer à la SARL MORISSEAU la somme de 2 000 euros et à la SARL MECA FUN la somme de 2 000 euros et la déboute de sa demande présentée sur le même fondement.

Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.

Le greffier, Le président,

 


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