Exception d’inexécution : 21 décembre 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 21/03312

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Exception d’inexécution : 21 décembre 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 21/03312

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 21 DECEMBRE 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 21/03312 – N° Portalis DBVK-V-B7F-PAIJ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 11 mai 2021

Tribunal judiciaire de Perpignan – N° RG 19/01708

APPELANTE :

S.A.SCM-CIC Leasing Solutions

anciennement dénommée Ge Capital Equipement Finance

immatriculée au R.C.S. NANTERRE 352 862 346 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Fanny LAPORTE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant ayant plaidé pour Me Mathieu BOLLENGIER-STRAGIER, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

Madame [Z] [C]

née le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Andie FULACHIER, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Philippe LIDA de la SCP LIDA-CARRIERE, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 OCTOBRE 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M.Frédéric DENJEAN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

M. Frédéric DENJEAN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

M. Philippe BRUEY, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Le 1er mars 2017, la Sas Cm-Cic Leasing Solutions a donné en location longue durée à Mme [Z] [C], exerçant la profession de médecin, moyennant le paiement de 21 loyers trimestriels d’un montant de 629,04 euros TTC à compter du 1er avril 2017, un copieur multifonctions fourni par la Sas Rex Rotary, les loyers englobant la rémunération due à cette dernière au titre de la maintenance.

L’appareil a subi un dysfonctionnement.

Mme [C] a interrompu ses paiements.

Par courrier de son conseil en date du 13 mars 2018, Mme [C] a proposé deux solutions : qu’il soit remédié aux dysfonctionnements de l’appareil, auquel cas, les paiements seront renouvelés ou, qu’il soit mis un terme à leurs relations contractuelles avec une restitution du matériel, des négociations devant toutefois avoir lieu sur les loyers impayés durant la période où elle n’a pas eu usage du matériel et sur son préjudice.

Par lettre recommandée en date du 16 avril 2018, la société a mis en demeure Mme [C] de régler les loyers impayés de 1.550,58 euros sous peine de se voir notifier la résiliation anticipée du contrat.

A défaut de paiement, la société a notifié à Mme [C] par courrier recommandé en date du 1er août 2018 la résiliation anticipée du contrat entraînant l’exigibilité immédiate des sommes restant dues à hauteur de 8 775,36 €.

De nombreux échanges ont ensuite eu lieu entre la société Rex Rotary et le conseil de Mme [C] d’une part, et la société Cm-Cic Leasing Solutions et le conseil de Mme [C] d’autre part. Aucune solution n’a été actée.

Par acte en date du 7 mai 2019, la société Cm-Cic Leasing Solutions a fait assigner Mme [C] aux fins de voir notamment constater la résiliation du contrat.

Par jugement en date du 11 mai 2021, le tribunal judiciaire de Perpignan a :

– ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture du 21 janvier 2021 ;

– déclaré recevables les conclusions déposées le 18 février 2021 par la partie défenderesse ainsi que les pièces visées ;

– ordonné la clôture de l’instruction à la date de l’audience des plaidoiries du 16 mars 2021 ;

– constaté que l’accord des parties n’a pu être recueilli ;

– dit que dans ces conditions, il ne peut être ordonné une médiation;

– jugé bien fondée l’exception d’inexécution de l’obligation de paiement des loyers opposée par Mme [C], et mal fondée la résiliation anticipée pour défaut de paiement du contrat de location financière par la société le 1er août 2018 ;

– prononcé la résiliation du contrat aux torts de la société à effet au 1er janvier 2018 ;

– dit n’y avoir lieu à restitution de loyers par la société Cm-Cic Leasing Solutions ;

– constaté que Mme [C] indique ne pas être en mesure de restituer le matériel objet du contrat en raison d’un cambriolage dont elle a été victime en cours d’instance et du vol du matériel litigieux mais que celle-ci ne justifie pas qu’elle serait dans l’impossibilité d’y procéder ;

– ordonné à Mme [C] de restituer à la société le copieur sans avoir à supporter les frais de restitution ;

– dit n’y avoir lieu de prononcer une astreinte ;

– débouté les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

– condamné la société Cm-Cic Leasing Solutions à payer la somme de 1 500 euros à Mme [C] au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Le 20 mai 2021, la société a relevé appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 20 janvier 2022, la Sas Cm-Cic Leasing Solutions demande en substance à la cour d’infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de:

– Débouter Mme [C] de ses demandes, fins et conclusions,

– Voir constater la résiliation du contrat de location aux torts et griefs de Mme [C] à la date du 1er août 2018,

– Condamner Mme [C] à restituer le matériel et ce dans la huitaine de la signification de l’arrêt à intervenir et sous astreinte de 20 euros par jour de retard,

– Condamner Mme [C] à lui payer les sommes suivantes, avec intérêts à compter du 18 avril 2018 :

> loyers impayés 1 895,96 euros

> pénalités 48,00 euros

> loyers à échoir 7 977,60 euros

> clause pénale 797,76 euros

Soit un total de 10 719,32 euros

– Condamner Mme [C] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par uniques conclusions remises par voie électronique le 25 octobre 2021, Mme [C] demande en substance à la cour de confirmer le jugement sauf en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à restitution des loyers, ordonné à Mme [C] de restituer le copieur et débouté Mme [C] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 3 000 euros et, statuant à nouveau sur ces points, de :

– Condamner la société Cm-Cic Leasing Solutions à rembourser la totalité des échéances honorées depuis le 1er mars 2017 soit 629,04 euros x 11 mois soit 6 919,44 euros, et subsidiairement 629,04 euros montant de la dernière échéance payée si la preuve de la première réclamation n’est pas apportée,

– Dire n’y avoir lieu à restitution du matériel volé, et de façon subsidiaire désigner un expert pour une simple consultation sur pièce afin de déterminer la valeur du matériel à la date de restitution si elle devait être honorée pour que celle-ci soit possible en valeur.

– Condamner la société à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de dommages et intérêts.

– Subsidiairement, confirmer le jugement en toutes ses dispositions.

– Très subsidiairement, requalifier en clause pénale susceptible de suppression ou de meilleure fixation, les sommes réclamées par la société et décharger Mme [C] de toute somme et rejeter l’ensemble des prétentions de la société.

– En toutes hypothèses, condamner la société à payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en sus des dépens.

Vu l’ordonnance de clôture en date du 25 septembre 2023.

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

L’article 1224 du code civil énonce que la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.

Il est de principe que les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants.

L’appelante soutient que :

– il ne peut y avoir une interdépendance avec caducité du contrat de location en l’absence de résiliation du contrat de maintenance.

– Mme [C] oppose le moyen d’exception d’inexécution sur les dysfonctionnements non avérés du matériel dans un ensemble indivisible, alors que la société Rex Rotary, seule à même de s’expliquer sur les griefs allégués, n’a pas été mise en cause dans la procédure.

– en application de l’article 2.4 des conditions générales, il revient à la locataire de mettre en cause son fournisseur.

– aucun dysfonctionnement du matériel loué et choisi par la locataire, empêchant son utilisation quotidienne, n’est démontré.

– aucun document probant n’est produit, mais seuls sont communiqués les courriers adressés par la locataire, laquelle s’est opposée à l’intervention technique de la société Rex Rotary, selon la lettre de cette dernière en date du 29 octobre 2018.

– la société Cm-Cic Leasing Solutions, qui n’a commis aucune faute, est un établissement financier qui n’est pas chargé de la maintenance du matériel.

– aux termes de l’article 10.1 des conditions générales le contrat de location a pu être résilié de plein droit pour inexécution d’une seule des conditions de la location.

– la locataire demeure responsable en toutes circonstances des obligations d’assurance selon l’article 9, et la restitution du matériel doit être effectuée aux frais et sous la responsabilité du locataire conformément à l’article 12.1.

– la demande de dommages-intérêts n’est confortée par aucune pièce.

– l’indemnité de résiliation qui est liée au préjudice de la résiliation anticipée ne peut faire l’objet d’une réduction.

L’intimée soutient que :

– la lettre de Rex Rotary du 29 octobre 2018 précise que suite à l’appel de son client du 24 mai 2018  » l’intervention technique ne pouvait avoir lieu en raison d’un impayé qui devait être régularisé avant d’envisager toute opération « .

– la clause résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques.

– le loyer comprenait la rémunération de la maintenance.

– les loyers doivent être remboursés en totalité car en réalité le matériel n’a jamais correctement fonctionné.

– les loyers n’étant pas appelés à termes échus et la résiliation fixée au 1er janvier 2018, cela représente la somme de 629,04 euros selon le propre décompte du Cic.

– l’intimée est en train de faire diligence pour voir si les garanties de son assureur multirisque de ses locaux professionnels où se trouvait le matériel sont susceptibles d’être mobilisées.

– une indemnité forfaitaire de 3 000 euros doit lui être allouée au titre de son préjudice moral et matériel, ayant du recourir à un autre matériel.

Il est constant que :

– selon les conditions générales du contrat de location financière, l’appelante, bien que transférant au locataire les garanties légales et contractuelles tenues du contrat de vente intervenu avec le fournisseur, a la qualité de propriétaire du matériel.

– le copieur a été défectueux à minima à compter du courrier du conseil en date du 13 mars 2018, mais il n’est pas justifié d’un dysfonctionnement empêchant son utilisation quotidienne.

– le premier juge ne motive pas la date du 1er janvier 2018 retenue pour faire cesser le paiement des loyers.

– L’article 2.4 des conditions générales précise que le locataire « pourra » exercer contre le fournisseur tous recours ou actions découlant du non respect de toute convention passée par lui préalablement ou concomitamment à la signature du contrat, ce qui constitue donc seulement une option.

Le premier juge a justement précisé qu’il résulte de l’ensemble contractuel et indivisible une interdépendance des contrats de service et de location financière.

La résolution judiciaire du contrat principal n’étant pas sollicitée à l’encontre de la société Rex Rotary, alors qu’il lui appartient en vertu de la délégation contractuelle de la solliciter, il ne peut y avoir de caducité subséquente ou de résolution du contrat de location financière que pour des motifs tirés de la faute suffisamment grave de la Cm-Cic, laquelle n’est pas caractérisée.

Le premier juge a indiqué à tort que cette dernière a commis des manquements graves justifiant de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de location financière à ses torts, alors même qu’aucun dysfonctionnement du matériel loué et choisi par la locataire, empêchant son utilisation quotidienne, n’est démontré.

Il convient de noter que l’intimée, de façon curieuse, ne rapporte nullement l’existence d’une relocation ou d’acquisiton d’un autre appareil copieur pendant la durée de son défaut de paiement, et sans pourtant signaler une interruption de son activité professionnelle, ni justifier d’une dispense de besoin d’un copieur en état de fonctionnement pendant cette longue période.

Ainsi l’intimée prétend que le matériel n’a jamais correctement fonctionné, mais ne démontre aucunement l’impossibilité d’utilisation du copieur, pourtant nécessaire pour évoquer une inexécution contractuelle suffisamment grave.

Le premier juge a mentionné à tort que la locataire était bien fondée à opposer à la bailleresse une exception d’inexécution pour son obligation au paiement du loyer.

Le jugement doit être partiellement infirmé en ce qu’il a :

– jugé bien fondée l’exception d’inexécution de l’obligation de paiement des loyers opposée par Mme [C], et mal fondée la résiliation anticipée pour défaut de paiement du contrat de location financière par la société le 1er août 2018 ;

– prononcé la résiliation du contrat aux torts de la société à effet au 1er janvier 2018 ;

– condamné la société Cm-Cic Leasing Solutions à payer la somme de 1 500 euros à Mme [C] au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

L’article 1103 ancien du code civil énonce que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Selon l’article 10-1 des conditions générales du contrat précité, celui-ci peut être résilié de plein droit par le bailleur sans adresser de mise en demeure ou à accomplir de formalité judiciaire en cas d’inexécution d’une seule des conditions de la location, notamment en cas de non paiement d’un seul loyer.

Le loueur a demandé par lettre recommandée du 1er août 2018 avec accusé de réception le paiement des loyers dus et à échoir jusqu’au terme de la période initiale de location, majorée de 10% conformément au paragraphe 10 des mêmes conditions générales.

Au vu des pièces communiquées (contrat, décompte des sommes dues, mise en demeure) il y a lieu de condamner Mme [C] au paiement de 7.977,60 euros au titre des 15 loyers échus impayés au 27 juillet 2018, qui constituent une créance certaine, liquide, et exigible, mais à l’exclusion de la pénalité de 48 euros qui n’est pas justifiée, et avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure.

Concernant la majoration de 10%, si le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une certaine somme à titre de dommages-intérêts, l’article 1231-5 du code civil applicable aux faits précise que le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

En l’espèce l’indemnité demandée est manifestement excessive au regard du préjudice réellement subi, et il conviendra donc de la modérer au montant de 100 euros avec intérêts au taux légal à compter de ce jour.

Partie perdante, Mme [C] sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel en application de l’article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement en ce qu’il a :

– jugé bien fondée l’exception d’inexécution de l’obligation de paiement des loyers opposée par Mme [C], et mal fondée la résiliation anticipée pour défaut de paiement du contrat de location financière par la société le 1er août 2018 ;

– prononcé la résiliation du contrat aux torts de la société à effet au 1er janvier 2018 ;

– condamné la société Cm-Cic Leasing Solutions à payer la somme de 1 500 euros à Mme [C] au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

Statuant à nouveau,

Condamne Mme [Z] [C] à payer à la société Cm-Cic Leasing Solutions les sommes de :

– 7.977,60 € avec intérêts au taux légal à compter du 1er août 2018

– 100 € avec intérêts au taux légal à compter de ce jour

Confirme le jugement pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne Mme [Z] [C] aux entiers dépens de première instance et d’appel, et à payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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