Exception d’inexécution : 21 décembre 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/05478

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Exception d’inexécution : 21 décembre 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/05478

ARRET

Association [5]

C/

S.A.S. NEOPTIM CONSULTING

DB/CR/SGS/VB/DPC

COUR D’APPEL D’AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU VINGT ET UN DECEMBRE

DEUX MILLE VINGT TROIS

Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : N° RG 21/05478 – N° Portalis DBV4-V-B7F-II2Q

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D’AMIENS DU DIX HUIT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT ET UN

PARTIES EN CAUSE :

Association [5] agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Frédéric MALINGUE substituant Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocats au barreau d’AMIENS

APPELANTE

ET

S.A.S. NEOPTIM CONSULTING agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Hélène CAMIER de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d’AMIENS

Plaidant par Me Frédéric DUMONT de la SCP DEPREZ GUIGNOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :

L’affaire est venue à l’audience publique du 26 octobre 2023 devant la cour composée de Mme Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre, Présidente, M. Douglas BERTHE, Président de chambre et Mme Clémence JACQUELINE, Conseillère, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.

A l’audience, la cour était assistée de Mme Charlotte RODRIGUES, greffière.

Sur le rapport de M. Douglas BERTHE et à l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré et la présidente a avisé les parties de ce que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

PRONONCÉ :

Le 21 décembre 2023, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre et Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

*

* *

DECISION :

Suivant acte sous seing privé en date des 29 et 30 mars 2016 intitulé « ordre de mission – allégement des cotisations patronales », l’association [5] ([5]), ayant pour but statutaire notamment la protection, l’aide à l’enfance et à l’adolescence socialement inadaptées et la rééducation des mineurs délinquants, a confié à la SAS Neoptim Consulting, ayant pour activité déclarée le conseil aux entreprises en matière de réduction des coûts, une mission d’audit aux fins d’obtenir une exonération de ses cotisations patronales, moyennant le versement d’une rémunération annuelle d’un montant correspondant à 35 % des économies hors taxes constatées et effectivement réalisées suite à la mise en oeuvre des préconisations de cette dernière.

Suite aux recommandations formulées par la SAS Neoptim Consulting, l'[5] a, par lettre recommandée en date du 27 juin 2016, formé auprès de l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et allocations familiales (URSSAF) de Picardie une demande de remboursement des cotisations qu’elle estimait indûment versées au titre de l’année 2013, revendiquant le bénéfice du dispositif d’exonération des cotisations patronales « aide à domicile » prévu par les articles L.241-10 et L.242 du code de la sécurité sociale et L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles.

Suite au refus de l’URSSAF de Picardie de procéder à un quelconque remboursement notifié par lettre recommandée en date du 16 janvier 2017 aux motifs que la période concernée avait fait l’objet d’un contrôle dont l'[5] avait accepté les conclusions, cette dernière a, sur les conseils de la SAS Neoptim Consulting, formé un recours contre cette décision devant la commission de recours amiable de l’URSSAF de Picardie par lettre recommandée en date du 16 mars 2017 réceptionnée le 21 mar 2017. Par décision du 28 avril 2017 notifiée par lettre recommandée du 4 mai 2017, ladite commission lui a accordé l’exonération des cotisations patronales ‘aide à domicile’ au titre de l’année 2013.

L’URSSAF de Picardie a procédé au remboursement de la somme de 255 606 euros et la SAS Neoptim Consulting a adressé à l'[5] une facture n°DD2017198 en date du 28 août 2017 d’un montant de 89 462,10 euros HT, soit 107 354,52 euros TTC, laquelle a été intégralement réglée.

Se prévalant de la décision de la commission de recours amiable susvisée et sur les conseils de la SAS Neoptim Consulting, l’association [5] a, par lettre recommandée en date du 12 octobre 2017 réceptionnée le 16 octobre 2017, sollicité de l’URSSAF de Picardie un remboursement des cotisations selon elle indûment versées au titre au titre des années 2014 à 2016, laquelle demande a donné lieu au remboursement de la somme de 430 818 euros au titre de l’année 2014, de la somme de 387 310 euros au titre de l’année 2015 et de la somme de 373 923 euros au titre de l’année 2016, soit la somme totale de 1 192 051 euros.

La SAS Neoptim Consulting a adressé à l'[5] une facture n°MT2018057 en date du 23 février 2018 d’un montant de 417 217,85 euros HT, soit 500 661,42 euros TTC.

Se fondant sur un avis de son commissaire aux comptes M. [D] [R] de la société KPMG S.A. en date du 27 mars 2018 selon lequel elle n’était en réalité pas éligible à l’exonération des cotisations patronales « aide à domicile » alléguée et risquait de ce fait, en cas de contrôle de l’organisme de sécurité sociale, un redressement d’un montant équivalent à celui de l’ensemble des remboursements obtenus outre l’application de pénalités, l'[5] a, par lettre recommandée en date du 9 avril 2018, demandé à la SAS Neoptim Consulting de lui justifier du bien-fondé des demandes que cette dernière lui avait conseillé de notifier a l’URSSAF de Picardie.

Après plusieurs courriels, lettres simples et recommandées échangés entre les parties tant directement que par l’intermédiaire de leurs conseils respectifs entre le 10 avril 2018 et le 27 février 2019, l'[5] a, par exploit d’huissier en date du 6 juin 2019, fait assigner la SAS Neoptim Consulting devant le juge des référés du tribunal de grande instance d’Amiens aux fins d’être autorisée à consigner auprès de la caisse des règlements pécuniaires des avocats la somme de 1 192 051 euros correspondant aux sommes remboursées par l’URSSAF de Picardie au titre des années 2014 à 2016 et de voir ordonner à la société de conseil de justifier des diligences accomplies auprès de l’organisme de sécurité sociale en vue de vérifier le bien-fondé des exonérations alléguées.

Relevant qu’en l’absence de toute réclamation formée par l’URSSAF de Picardie aux fins de recouvrement du montant des cotisations remboursées à tort, aucune situation d’urgence ni aucun dommage imminent n’étaient caractérisés, le juge des référés a notamment, par ordonnance du 23 octobre 2019 :

– dit n’y avoir lieu a référé,

– débouté la SAS Neoptim Consulting de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– condamné l'[5] à payer à la SAS Neoptim Consulting la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné l'[5] aux dépens.

Par exploit d’huissier en date du 12 septembre 2019, la SAS Neoptim Consulting a fait assigner l'[5] en paiement.

Par demande du 1er octobre 2019, l'[5] a formulé une demande de rescrit social auprès de l’URSSAF de Picardie afin que l’URSSAF puisse prendre position quant à l’adéquation des profils des publics qu’elle accueille effectivement avec ceux visés par les dispositions de l’article L.241-10 du code de la sécurité sociale.

L’URSSAF de Picardie a accusé réception de ce rescrit le 22 octobre 2019 et au terme de sa décision en date du 18 décembre 2019, a répondu que la rémunération versée aux accueillants familiaux ne peut bénéficier de l’exonération « aides à domicile ».

L’URSSAF de Picardie a émis en conséquence le 21 septembre 2020 un titre de recettes signifiant à l'[5] qu’elle se trouvait redevable à son endroit d’une dette d’un montant total de 1 192 051euros, laquelle somme a été remboursée à l’URSSAF de Picardie par virement bancaire du 30 septembre 2020.

Par jugement du 18 octobre 2021, le tribunal judiciaire d’Amiens a :

– Condamné l'[5] à payer à la société SAS Neoptim Consulting la somme de 417 217,85 euros HT en règlement de la facture n°MT2018057 en date du 23 février 2018,

– Débouté l'[5] de son exception d’inexécution et de l’intégralité de ses demandes reconventionnelles de résolution judiciaire du contrat et de dommages et intérêts,

– Débouté l'[5] de sa demande d’indemnité présentée sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné l'[5] à payer à la SAS Neoptim Consulting la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné l'[5] aux dépens,

– Ordonné l’exécution provisoire de la décision.

Par déclaration du 26 novembre 2021, l'[5] a interjeté appel de ce jugement.

Vu les conclusions récapitulatives déposées le 2 décembre 2022 par lesquelles l'[5] demande à la cour de :

‘ Dire et juger l'[5] recevable et bien fondée en son appel,

‘ Infirmer le jugement rendu le 18 octobre 2021 par le tribunal judiciaire d’Amiens en ce qu’il a :

« – Condamné l'[5] à payer à la société Neoptim Consulting la somme de 417 217,85euros HT en règlement de la facture n°MT2018057 en date du 23 février 2018,

– Débouté l'[5] de son exception d’inexécution et de l’intégralité de ses demandes reconventionnelles de résolution judiciaire du contrat et de dommages et intérêts,

– Débouté l'[5] de sa demande d’indemnité présentée sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné l'[5] à payer à la société Neoptim Consulting la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné l'[5] aux dépens, »

En conséquence, et statuant à nouveau,

À titre principal,

– Prononcer la nullité de l’ordre de mission en date du 29 mars 2016 régularisé par l'[5] enfance famille pour défaut de cause, et dire et juger que l’anéantissement rétroactif du contrat ne pourra atteindre les paiements et avantages d’ores et déjà acquis aux parties qui ne peuvent être restitués,

subsidiairement,

– constater la caducité du contrat compte tenu de la disparition de toute cause licite à l’engagement de l'[5] à compter, soit de l’alerte de son commissaire aux comptes en date du 27 mars 2018, soit de la confirmation par les services de l’URSSAF le 18 décembre 2019 de l’inéligibilité de l'[5] à l’exonération de charges patronales, et ce faisant, débouter la société Neoptim de toute demande en paiement d’honoraires au titre de ce contrat, et ordonner le remboursement au bénéfice de l'[5] de la somme de 504 976,91 euros TTC indûment réglée dans le cadre de l’exécution provisoire attachée au jugement dont appel,

À titre subsidiaire,

‘ Prononcer la résolution judiciaire de l’ordre de mission en date du 29 mars 2016 aux torts et griefs exclusifs de la société Neoptim, et dire et juger que l’anéantissement rétroactif du contrat ne pourra atteindre les paiements et avantages d’ores et déjà acquis aux parties qui ne peuvent être restitués, et ordonner le remboursement à l'[5] de la somme de 504 976,91 euros TTC indûment réglée dans le cadre de l’exécution provisoire attachée au jugement dont appel.

À titre plus subsidiaire,

‘ Débouter la société Neoptim de sa demande en paiement au titre de la facture n°MT2018057 en date du 23 février 2018 faute d’honoraires devenus contractuellement exigibles, et ordonner le remboursement à l'[5] de la somme de 504 976,91euros TTC indûment réglée dans le cadre de l’exécution provisoire attachée au jugement dont appel.

En tout état de cause,

‘ Débouter la société Neoptim de sa demande d’indemnisation subsidiaire tirée d’une prétendue perte de chance de se voir payer ses honoraires,

‘ Condamner la société Neoptim à payer à l'[5] une indemnité de 15 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens de première instance d’appel en application de l’article 699 du même code.

L’appellante fait valoir :

Sur la nullité du contrat pour défaut de cause :

– que l’objet de l’obligation de l'[5] réside – aux termes de la lettre de mission – dans le paiement d’une commission au consultant en présence d’une économie « constatée et effectivement réalisée »,

– que les profils des enfants accueillis par les salariés de l'[5] ne permettent pas la mise en application de l’exonération des charges sociales « aide à domicile » proposée par la société Neoptim et que dès lors, il ne pouvait exister de cause objective à l’engagement de l'[5].

Sur la caducité du contrat :

– que la cause de l’engagement de l'[5], soit le souhait de réaliser une économie effective, est devenue illicite au cours de l’exécution du contrat,

– qu’en effet le remboursement des cotisations sociales est intervenu sur la base de déclarations inexactes de la société Neoptim qui ont induit en erreur la caisse sociale,

– que la société Neoptim ne pouvait ignorer qu’elle fournissait à l’URSSAF de Picardie une déclaration incomplète puisqu’elle s’est contentée de qualifier les publics accueillis de « personnes fragiles », soit un terme volontairement générique permettant d’inférer que parmi ces personnes figuraient celles visées par l’article L.241-10 du code de la sécurité sociale.

Sur la résolution judiciaire du contrat sollicitée :

– que la société Neoptim s’était engagée à réaliser un audit, de remettre un rapport d’estimation gratuit ainsi qu’un dossier juridique et de traiter toutes les informations nécessaires ; engagements qu’elle n’a pas respecté,

– que la société Neoptim a refusé de l’accompagner dans la formulation d’une demande de rescrit social d’une manière précise et non équivoque afin de garantir toute la sécurité de l’opération promise et l’a délibérément maintenu dans la croyance erronée que le résultat contractuellement escompté avait été atteint.

Sur l’absence d’exigibilité des honoraires de la société Neoptim :

– qu’il résulte des dispositions particulières de l’ordre de mission du 29 mars 2016 que la rémunération annuelle du consultant est égale à 35 % HT des économies constatées et effectivement réalisées suite à la mise en ‘uvre des préconisations du consultant,

– qu’il résulte en outre des dispositions générales du même contrat que les honoraires sont exigibles à compter de l’accord par l’administration saisie des recommandations émises,

– qu’à ce titre l’URSSAF de Picardie, ainsi que sa commission de recours amiable, ne se sont jamais prononcées quant au bien-fondé des demandes d’exonération en cause avant le 18 décembre 2019, date à laquelle l’URSSAF de Picardie a expressément dénié à l’association appelante tout droit à exonération de cotisations patronales au titre du dispositif en cause,

– qu’au surplus, l’URSSAF de Picardie a émis le 21 décembre 2020 un titre exécutoire de recettes aux fins de remboursement de la somme de 1 192 051 euros,

– qu’ainsi, il ne peut donc être soutenu qu’un accord de l’administration soit intervenu.

Sur la perte de chance alléguée par Neoptim :

– que la créance de l’URSSAF n’était aucunement prescrite car l’URSSAF était en droit de lui opposer la prescription quinquennale résultant du caractère inexact ou incomplet de sa déclaration,

– qu’elle a uniquement souhaité s’assurer de son éligibilité juridique aux dispositifs d’exonération des charges patronales en cause, de sorte que la demande de réexamen de son dossier auprès de l’URSSAF ne peut raisonnablement être qualifiée de « faute contractuelle »,

– que Neoptim a délibérément refusé de formuler elle-même ce réexamen pourtant demandé par l'[5] à plusieurs reprises, ce, en violation de ses obligations,

– que le préjudice invoqué par Neoptim consiste en réalité dans la privation d’un gain illicite.

Vu les conclusions récapitulatives déposées le 21 mars 2023 par lesquelles la SAS Neoptim Consulting demande à la cour de :

À titre principal :

– confirmer le jugement du 18 octobre 2021 du tribunal judiciaire d’Amiens en ce qu’il a :

‘ – condamné l'[5] à payer à la société Neoptim Consulting la somme de 417 217,85 euros HT en règlement de la facture n°MT2018057 du 23 février 2018,

– debouté l'[5] de son exception d’inexécution et de l’intégralité de ses demandes reconventionnelles de résolution judiciaire du contrat et de dommages et intérêts,

– debouté l'[5] de sa demande d’indemnité présentée sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné l'[5] à payer à la société Neoptim Consulting la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné l'[5] aux entiers dépens,

– ordonné l’exécution provisoire de la décision.’

À titre subsidiaire :

– condamner l'[5] au paiement de la somme 375 480 euros au titre de la perte de chance de Neoptim de se voir payer ses honoraires ;

En tout état de cause :

– débouter l'[5] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– condamner l'[5] à payer à la société Neoptim Consulting la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civil,

– condamner l'[5] à supporter les dépens.

Elle fait valoir :

Sur la nullité du contrat pour défaut de cause :

– que la contrepartie du paiement de l'[5] réside dans sa prestation de conseil,

– que grâce à ses conseils, la somme de 1 448 364 euros a été versée à l'[5] au titre du remboursement des cotisations patronales,

– que c’est l'[5] qui a fait en sorte d’empêcher l’atteinte d’une économie effective par des agissements déloyaux,

– qu’en tout état de cause, le contrat a valablement été formé.

Sur la caducité du contrat :

– que, de par la nature du contrat, Neoptim est tenue d’une obligation de moyens dont la cause ne saurait disparaître rétroactivement du seul fait que le résultat attendu n’a finalement pas été atteint,

– que l'[5] a remboursé à l’URSSAF ses sommes qui n’étaient pas un indues,

– que les déclarations sur le statut des personnes accueillies – à savoir des personnes fragiles – sont conformes à la réalité.

Sur la résolution judiciaire du contrat sollicitée :

– qu’elle justifie avoir parfaitement exécuté l’ensemble de ses obligations contractuelles au titre de l’ordre de mission, que l'[5] ne fait état d’aucun préjudice certain, né et actuel.

Sur l’absence d’exigibilité de ses honoraires :

– qu’en 2018, l’URSSAF a remboursé à l'[5] les cotisations patronales au titre des années 2014 à 2016 et que ses honoraires sont donc exigibles depuis cette date.

Sur la perte de chance qu’elle allègue :

– qu’en agissant de manière unilatérale, l’AYLFn’a pas satisfait à son obligation générale de coopération et de bonne foi,

– qu’en effet l’URSSAF n’a jamais, de sa propre initiative, remis en cause les reversements de cotisations fait au profit de l'[5] le 14 février 2018,

– que c’est l'[5] qui a pris l’inititiative unilatérale de solliciter le réexamen de son dossier et de rembourser l’URSSAF sans aucune coopération avec Neoptim et en passant sous silence la décision de la commission de recours amiable de l’URSSAF de Picardie du 28 avril 2017 et alors que l’action en restitution de l’URSSAF était prescrite,

– qu’ainsi Neoptim a donc été injustement privée de la potentialité d’être payée de ses honoraires pour le travail accompli, que cette potentialité présentant un caractère quasi-certain, il convient de chiffrer sa perte de chance à 90% des honoraires qu’elle aurait perçu.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

La clôture est intervenue le 28 juin 2023 et l’affaire a été fixée pour être plaidée à l’audience du 14 septembre 2023. À cette audience l’affaire a été renvoyée au 26 octobre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité de l’ordre de mission ou sa caducité pour défaut de cause :

Il résulte des articles 1108 et 1131 du code civil dans leur version applicable au litige qu’une convention ne peut être valide que si sa cause est licite et que l’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet.

La cause des obligations d’une partie réside, lorsque le contrat est synallagmatique, dans l’obligation de l’autre.

L’ordre de mission du 29 et 30 mars 2016, dont l’annulation est sollicitée, stipule que « le consultant effectue des missions d’audit et de conseil afin d’évaluer les possibilités de mise en place de leviers permettant des économies et des remboursements pour ses clients dans les domaines suivants (ci-après la (les) prestation(s) :
– allégement des cotisations patronales,- allégement des cotisations fiscales : taxes assises sur les salaires et taxe sur la valeur ajoutée (TVA),
– mise en place de dispositif crédit d’impôt,
– recherche (CIR) et/ou innovation (CII) et/ou export (CIE),
– allégement des cotisations fiscales : taxe foncière.
Le client souhaite connaître, pour ensuite éventuellement les mettre en place les solutions d’optimisations susceptibles de le concerner et, à ce titre, a fait appel au consultant.
C’est dans ces conditions que les parties conviennent des présentes. »

En outre, les conditions particulières de l’ordre de mission stipulent que la rémunération annuelle du consultant est égale à 35 % HT des économies constatées et effectivement réalisées suite à la mise en oeuvre des préconisations du consultant.

Dès lors et aux termes mêmes de l’ordre de mission, le champ contractuel qui vise à rechercher toute optimisation sociale et fiscale est extrêmement large.

Ainsi et contrairement à ce que prétend l'[5], la cause du contrat ne réside pas exclusivement dans la recherche d’économie au seul titre de l’article L.241-10 du code de la sécurité sociale. En effet les parties ont explicitement convenu qu’il s’agissait d’un contrat de conseil tendant à évaluer des possibilités d’économie pour ensuite éventuellement permettre au client, s’il le désirait, de les mettre en place. La rémunération du consultant aux terme de l’acte n’est exigible qu’au vu des économies constatées et effectivement réalisées suite à la mise en oeuvre de ses préconisations.

Il en résulte que le contrat est causé en ce qu’il comporte des obligations prévoyant des contreparties réciproques conditionnées par leur exécution et leur résultat effectif.

Enfin, la recherche d’une optimisation fiscale ou sociale ne tend qu’à l’application des dispositifs légaux mis en place et ne peut dès lors être considérée comme illicite ou contraire à l’ordre public.

Dans ces conditions, les demandes de l'[5] tendant à voir prononcer la nullité de l’ordre de mission en date du 29 mars 2016 ou subsidiairement à voir constater la caducité du contrat seront rejetées.

Sur la demande de résolution judiciaire du contrat :

Il résulte de l’article 1184 dans sa version applicable au présent litige que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement, que dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit, que la partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts, que la résolution doit être demandée en justice.

Le manquement contractuel invoqué doit présenter toutefois une gravité suffisante pour justifier de la résolution.

En l’espèce, il est reproché à la SAS Neoptim Consulting de s’être abstenue, conformément au contrat, de remettre à l'[5] un rapport d’estimation gratuit contenant des recommandations et un dossier juridique visant l’exonération de cotisations.

Toutefois, le contrat ne dispose pas la forme, orale ou écrite, que doit revêtir le rapport d’estimation.

En tout état de cause, il n’est pas contesté que la première demande de remboursement adressée à l’URSSAF le 27 juin 2016 sous la signature de l'[5] a été préparée par la SAS Neoptim Consulting.

Par ailleurs et si aucun dossier juridique n’a été formellement remis, cette première demande élaborée par la SAS Neoptim Consulting comporte une analyse du cadre réglementaire de l’exonération et le visa des articles concernés.

En second lieu, l'[5] reproche à la SAS Neoptim Consulting de ne pas avoir réalisé un audit préliminaire suffisamment personnalisé, sérieux et approfondi en vue de la demande de remboursement auprès de l’URSSAF.

Toutefois, il est rappelé que la SAS Neoptim Consulting n’est soumise par la convention qu’à une obligation de conseil et donc de moyen.

En outre, il résulte des termes et de l’économie du contrat que l’analyse du bien-fondé des préconisations soumises et le choix de leur mise en oeuvre incombait à l'[5] et il n’est pas contesté que sur le conseil de la SAS Neoptim Consulting, l'[5] a décidé sans aucune réserve de former deux demandes de remboursement adressés à l’URSSAF les 27 juin 2016 et 12 octobre 2017.

En troisième lieu, il est reproché à la SAS Neoptim Consulting de ne pas avoir procédé à la formulation précise de la demande de rescrit social au motif erroné que le résultat contractuel aurait été atteint.

L’ordre de mission stipule que « le consultant assistera le client dans la mise en oeuvre des recommandations qu’il aura effectuées dans le cadre de sa mission ».

En l’espèce, il résulte du courrier de la SAS Neoptim Consulting adressé au conseil de l'[5] que ses prestations ont permis dans un premier temps un remboursement de 1 448 394 euros au profit de l’association. Elle y indique que le risque de redressement dénoncé par le commissaire aux comptes de l'[5] ne s’est pas réalisé et qu’il n’y at donc pas lieu d’entamer des démarches complémentaires. Elle s’est cependant engagée à rembourser sa commission au prorata des redressements qui seraient susceptibles d’intervenir et à assister l'[5] en cas de redressement.

Il résulte de ces éléments l’existence d’une divergence certaine entre l'[5] et la SAS Neoptim Consulting quant à l’analyse de la situation et de la stratégie à adopter.

Toutefois cette divergence ne saurait être considérée comme un manquement contractuel exclusivement imputable à la SAS Neoptim Consulting qui a démontré sa bonne foi en proposant son remboursement et son assistance en cas d’initiative de redressement de l’URSSAF.

Dès lors, les manquements contractuels invoqués ne sont pas suffisamment graves ou caractérisés pour justifier de la résolution judiciaire du contrat qui sera donc rejetée et la décision entreprise sera confirmée sur ce point.

Sur l’exigibilité des honoraires de la SAS Neoptim Consulting et sa perte de chance :

Il résulte des articles 1134 et 1315 du code civil dans leur rédaction applicable au litige que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et que réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En l’espèce, l'[5] a formé les 27 juin 2016 et 12 octobre 2017 deux demandes de remboursement des cotisations patronales versées au titre des exercices 2014 à 2016, la seconde demande se fondant sur l’avis de la commission de recours amiable de l’URSSAF du 28 avril 2017.

Ce dernier avis rappelle que les éléments invoqués par l'[5] au soutien de sa demande de remboursement pourront faire l’objet d’une vérification lors d’un contrôle ultérieur et que tout manquement pourrait amener à la réintégration des sommes exonérées, assorties des pénalités prévues par le code de la sécurité sociale.

Au vu des demandes de remboursement formées par l'[5] à raison de son interprétation du dispositif législatif, l’URSSAF a procédé à divers remboursements pour un montant total de 1 447 658 euros correspondant aux exercices 2013 à 2016 sans toutefois prendre position formellement et par écrit sur l’interprétation des textes faite par sa cotisante.

Or, le commissaire aux comptes de l'[5] a informé celle-ci par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 mars 2018 qu’elle n’était pas éligible à l’exonération d’aide à domicile, les mineurs en danger ne relevant pas des catégories de public concerné par l’exonération. Il a ajouté que la demande de remboursement initiale ne précise pas clairement le public accueilli, que l’URSSAF n’avait pas pris position sur l’applicabilité de l’exonération à l'[5] et que cette dernière s’exposait donc à un contrôle de l’URSSAF susceptible d’entraîner le remboursement des sommes versées outre les pénalités prévues par le code de la sécurité sociale.

Ce n’est que le 1er octobre 2019 que l'[5] a formé en réalité son unique demande de rescrit social, cette fois au visa de l’article L. 246-6-3 du code de la sécurité sociale prévoyant la faculté de rescrit par le cotisant, ce dont l’URSSAF a accusé réception pour la première fois le 22 octobre 2019.

Dans cette demande, l'[5] expose clairement et très précisément son but associatif ainsi que les différentes catégories de publics accueillis, contrairement à sa première demande de remboursement qui ne visait de manière imprécise que des « personnes fragiles », la seconde demande de remboursement se bornant quant à elle à faire valoir l’avis de la commission de recours amiable sans aucune autre mention relative au public accueilli.

Par courrier du 18 décembre 2019, l’URSSAF a répondu à la demande de rescrit en concluant que l'[5] n’était pas éligible au dispositif d’exonération des charges patronales prévu par l’article L.241-10 du code de la sécurité sociale, les personnes qu’elle accueillait ne correspondant pas à celles mentionnées par cet article.

Suite à cette décision, l’URSSAF a adressé à l'[5] un titre de recettes du 21 septembre 2020 au terme duquel l’association était redevable de la somme de 1 192 051 euros au titre des exercices 2014 à 2016, la somme remboursée par l’URSSAF au titre de l’année 2013 présentant un caractère définitif.

C’est ainsi qu’au vu de ce titre exécutoire, l'[5] s’est vu contrainte de rembourser l’URSSAF par un virement de 1 192 051 euros effectué le 30 septembre 2020.

Il résulte clairement de ces éléments que les demandes des 27 juin 2016 et 12 octobre 2017 de l'[5] étaient explicitement de simples demandes de remboursement exercées sous sa propre responsabilité et non une demande de rescrit social et que les remboursements opérés par l’URSSAF se sont trouvés purement factuels et n’engageaient nullement celle-ci quant à sa position juridique en cas de contrôle ou de demande de rescrit.

Un échange de courrier entre les conseils de l'[5] et la SAS Neoptim Consulting démontre que l'[5] s’est à juste titre inquiétée de cette situation d’insécurité juridique, celle-ci préconisant la clarification de la situation en mettant en avant la nécessité d’un rescrit « complémentaire » afin d’obtenir un positionnement précis de l’URSSAF, ce à quoi la SAS Neoptim Consulting s’est opposée, estimant que les remboursements étaient d’ores et déjà effectifs, l’occurrence d’un contrôle ne dépendant pas de la volonté des parties.

Dès lors, la loyauté et la bonne foi de l'[5] ne peuvent être mises en cause. Il ne saurait lui être reproché non plus d’avoir intentionnellement occulté l’avis favorable de la commission de recours amiable de l’URSSAF du 28 avril 2017 puisqu’elle s’y est expressément référé dans sa correspondance à l’URSSAF du 12 octobre 2017 et que cette dernière a statué en connaissance de cause et en s’appuyant sur cet avis pour exonérer la cotisante du remboursement des cotisations au titre de l’exercice 2013.

Il n’est d’ailleurs pas contesté que la SAS Neoptim Consulting a reçu sa rémunération au titre des exonérations obtenues pour l’exercice 2013.

Selon la convention, la rémunération du consultant n’est exigible qu’aux vus des économies constatées et effectivement réalisées suite à la mise en oeuvre de ses préconisations. Or les remboursements opérés par l’URSSAF n’ont été que temporaires puisque remis en cause par cette dernière et que l'[5], cotisante, a été dans l’obligation de rembourser l’intégralité des sommes indûment obtenues au titre des exercices 2014 à 2017.

Il en résulte que l'[5] n’a réalisé aucune économie à la suite de la mise en oeuvre des préconisations du consultant de sorte qu’en application du contrat la liant à l’intimée, aucune rémunération n’est due à la SAS Neoptim Consulting au titre des exercices 2014 à 2017.

Ainsi, sa demande en paiement sera rejetée et la décision entreprise sera infirmée sur ce point.

La SAS Neoptim Consulting ne conteste pas avoir élaboré les deux courriers de demandes de remboursement adressés à l’URSSAF.

Dans le cadre de son activité de conseil, elle ne peut se prévaloir d’une perte de chance en ce qu’elle a elle-même conseillé à sa cliente de formaliser de simples demandes de remboursement  adressées sous la responsabilité de sa cliente de préférence à une demande explicite de rescrit social, ces demandes ne précisant en outre ni le but de sa cliente ni les catégories précises des personnes accueillies.

Elle a ainsi concouru à la mise en place d’une situation d’insécurité juridique dont elle ne peut attribuer la responsabilité à sa cliente qui y a légitimement et loyalement mis un terme.

Dès lors sa demande en condamnation de l'[5] au titre d’une perte de chance sera également rejetée.

En ce qui concerne la demande de remboursement de la somme de 504 976,91 euros formée par l'[5] versée en exécution de la décision de première instance infirmée, la cour rappelle que sa décision d’infirmer le jugement assorti de l’exécution provisoire entraîne de plein droit la restitution des sommes versées, avec intérêts de droit à compter de la signification du présent arrêt, valant mise en demeure, sans que la cour ait à exiger la production de justificatifs de paiement ni à fixer le quantum des sommes à restituer.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

La SAS Neoptim Consulting qui succombe doit être condamnée aux dépens de première instance et d’appel, le jugement étant infirmé en ce sens.

L’équité commande de condamner la SAS Neoptim Consulting à payer à l'[5] la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles que celle-ci a du exposer en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme la décision querellée sauf en ce qu’elle a débouté l'[5] enfance famille de sa demande de résolution judiciaire du contrat,

Statuant à nouveau,

Déboute la SAS Neoptim Consulting de toutes ses demandes,

Y ajoutant,

Déboute l'[5] enfance famille de ses demandes de nullité de l’ordre de mission du 29 mars 2016 et de caducité du contrat,

Dit n’y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l’exécution provisoire attachée à la décision déférée à la cour d’appel,

Condamne la SAS Neoptim Consulting aux dépens de première instance et d’appel,

Condamne la SAS Neoptim Consulting à payer à l'[5] enfance famille la somme de 6 000 euros euros en indemnisation des frais irrépétibles exposés par cette dernière en première instance et en appel,

Rejette les autres demandes.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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