COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 30B
16e chambre
ARRET N°
PAR DÉFAUT
DU 19 OCTOBRE 2023
N° RG 22/03552 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VG64
Jonction avec le RG 22/05394 par ordonnance du conseiller de la mise en état du 08 novembre 2022
AFFAIRE :
[B] [I] [H]
C/
[V] [R]
[C] [A] [K]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Octobre 2021 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE
N° RG : 19/03557
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 19.10.2023
à :
Me Emilie RONNEL de la SCP EVODROIT, avocat au barreau de VAL D’OISE
Me Emmanuelle BEAUMONT-SERDA, avocat au barreau de VAL D’OISE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NEUF OCTOBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [B] [I] [H]
né le 13 Janvier 1960 au Maroc
de nationalité Marocaine
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Sebastien TO de la SCP EVODROIT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : 209 – Représentant : Me Emilie RONNEL de la SCP EVODROIT, Plaidant, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 212 – N° du dossier 198636, substituée par Me Anne BAUDOIN, avocat au barreau du VAL D’OISE
APPELANT
****************
Monsieur [C] [A] [K]
né le 01 Janvier 1952 à [Localité 6] (Maroc)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Emmanuelle BEAUMONT-SERDA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 175
INTIMÉ
Monsieur [V] [R]
de nationalité
[Adresse 3]
[Localité 5]
INTIMÉ DÉFAILLANT
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 07 Septembre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence MICHON, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Fabienne PAGES, Président,
Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,
Madame Florence MICHON, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 3 mai 1989, M. [H] a donné en location à M. [R] et à M. [K] un local destiné à l’exercice d’une activité d’alimentation générale – cours des halles – produits surgelés, sis [Adresse 3] à [Localité 5], constitué d’une boutique et d’une réserve en rez de chaussée, de 3 chambres, une salle de bains et de WC au premier étage, pour une durée de 9 années consécutives, à compter du 5 mai 1989, moyennant un loyer annuel de 72 000 francs (soit 10 976,66 euros), payable trimestriellement à terme échu, charges en sus.
Le bail prévoit qu’en cas de non paiement d’une seule quittance à son échéance, et dès sa remise à l’huissier, la somme due sera ipso facto majorée de 10%.
Il comporte une clause résolutoire, aux termes de laquelle, à défaut par la partie locataire d’exécuter une seule des charges et conditions du bail, ou de paiement à son échéance d’un seul terme de loyer, le bail sera résilié de plein droit un mois après une mise en demeure d’exécuter ou un commandement de payer contenant déclaration par la partie bailleresse de son intention d’user du bénéfice de la clause et demeuré sans effet pendant ce délai.
Selon acte notarié du 26 octobre 1990, M. [R] a cédé à M. [K] sa moitié indivise du fonds de commerce, dont M. [K] est devenu, le même jour, propriétaire en totalité.
Par acte du 9 novembre 1998, puis par acte du 1er février 2007, M. [K] a fait signifier à M. [H] le renouvellement de son bail.
Le 28 juillet 2017 pour le premier, et le 1er août 2017 pour le second, M. [H] a fait délivrer à M. [K] et à M. [R] un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au bail, portant sur une somme de 43 449,70 euros en principal, correspondant à un solde impayé de loyers dus au titre des années 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016.
Par acte du 18 octobre 2017, M. [H] a fait assigner ses deux locataires en référé devant le tribunal de grande instance de Pontoise, aux fins de voir constater la résiliation de plein droit du bail du 3 mai 1989, avec toutes conséquences de droit.
Cette procédure n’a pas prospéré.
Par acte du 23 octobre 2018, M. [K], se plaignant de divers désordres affectant les lieux loués, a fait assigner M. [H] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Pontoise, pour obtenir la désignation d’un expert.
Par acte du 20 mai 2019 pour le premier, et du 3 juin 2019 pour le second, M. [H] a fait assigner M. [K] et M. [R] devant le tribunal de grande instance de Pontoise, pour obtenir le constat de la résiliation du bail, et le paiement d’arriérés de loyers.
Un rapport d’expertise, établi par M. [X], en exécution de l’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de grande instance de Pontoise, a été déposé le 15 avril 2020.
Par jugement rendu le 4 octobre 2021, réputé contradictoire en l’absence de M. [R], le tribunal judiciaire de Pontoise a :
condamné M. [H], après compensation, à payer à M. [K] la somme de 98 969,93 euros ;
débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
fait masse des dépens, et dit qu’ils seront partagés par moitié par les deux parties ;
ordonné l’exécution provisoire du (…) jugement.
Le 25 mai 2022, M. [H] a relevé appel de cette décision, intimant M. [K], puis le 19 août 2022, il a à nouveau relevé appel, pour intimer M. [R].
Par ordonnance du 8 novembre 2022, le conseiller de la mise en état a ordonné dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice la jonction des deux procédures.
La clôture a été ordonnée le 4 juillet 2023, avec fixation de la date des plaidoiries le 7 septembre 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 6 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, M. [H], appelant, demande à la cour de :
ordonner la jonction de la présente instance avec l’instance enrôlée sous le n°22/03552 l’opposant à M. [K] ;
déclarer recevable et bien fondé son appel ;
infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Pontoise en date du 4 octobre 2021, sauf en ce qu’il a rejeté la demande de réduction de loyer de M. [K] et celle au titre du remboursement des prétendus frais d’assurance,
Statuant à nouveau,
Sur la clause résolutoire
constater l’acquisition de la clause résolutoire insérée dans le bail et visée au commandement de payer en date des 28 juillet et 1er août 2017 pour défaut de paiement des loyers et des charges ; constater l’acquisition de la clause résolutoire au 28 août 2017 pour M. [K] et au 1er septembre 2017 pour M. [R], consécutivement, la résiliation du bail commercial au 28 août 2017 et 1er août 2017 ;
ordonner l’expulsion de M. [K] et M. [R] de ses biens et de tous occupants de leur chef des lieux loués, au besoin avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier ;
condamner solidairement M. [K] et M. [R] à payer à compter de la résiliation du bail une indemnité mensuelle d’occupation égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus si le bail s’était poursuivi, jusqu’à complète libération des lieux ;
condamner solidairement M. [K] et M. [R] à payer la somme de 219 643,09 euros selon décompte arrêté au 31 décembre 2022 au titre des loyers et charges (à parfaire) ;
condamner solidairement M. [K] et M. [R] à payer la somme de 21 964,31 euros au titre de la clause pénale (à parfaire) ;
Sur les demandes reconventionnelles des preneurs
déclarer irrecevables et infondées toutes les demandes de M. [K] ;
débouter M. [K] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Sur l’exécution du bail par les preneurs
A titre principal,
condamner solidairement M. [K] et M. [R] au paiement de la somme de 61 500 euros à titre de dommages et intérêts ;
Subsidiairement,
condamner solidairement M. [K] et M. [R] à réaliser, au titre de leurs obligations contractuelles en qualité de preneur, les travaux suivants sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir dans la présente instance :
dépôt d’un dossier de déclaration de travaux pour un ERP,
cloisonnement du local,
mise en conformité coupe-feu des réserves,
mise aux normes hygiène,
pose d’une alarme incendie de type 4,
éclairage de sécurité,
réalisation d’un rapport de conformité par un bureau de contrôle,
En toute hypothèse
ordonner la compensation des dettes réciproques ;
condamner solidairement M. [K] et M. [R] au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de la première instance ;
condamner solidairement M. [K] et M. [R] au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure d’appel ;
condamner M. [K] et M. [R] au paiement des entiers dépens.
M. [H] fait valoir :
que la clause résolutoire insérée au bail est acquise, faute pour MM [K] et [R] d’avoir réglé l’arriéré locatif dans le délai d’un mois qui leur était imparti par le commandement qu’il leur a fait délivrer ; qu’il existait bien un arriéré locatif, comme l’a constaté le tribunal ; que la cour ne peut en conséquence que constater la résiliation du bail, et ordonner l’expulsion des locataires ;
qu’il lui est dû, selon décompte arrêté au 31 décembre 2022, un arriéré de loyer de 219 643,09 euros ;
que c’est en vain que M. [K] soutient que le montant du loyer devrait être réduit ; que s’il évoque à cette fin une procédure qui date de l’année 1993, la corrélation entre cette procédure et le montant du loyer n’est pas établie ; qu’en outre, il s’est maintenu dans les lieux depuis, et ce pendant près de 30 ans, sans émettre aucune contestation ; que s’il se plaint par ailleurs d’un défaut d’entretien des locaux, d’une part, cet entretien était à sa charge, et d’autre part, il ne justifie pas avoir informé son bailleur des prétendues difficultés qu’il évoque, et ce n’est que lorsque ce dernier a sollicité en justice le paiement de ses loyers et charges qu’il s’est plaint pour la première fois ; qu’enfin, c’est vainement qu’il prétend n’avoir pu le mettre en cause parce qu’il aurait été introuvable, alors que rien ne l’empêchait de l’assigner aux dernières coordonnées dont il avait connaissance ; qu’enfin, la demande de réduction du loyer, qui ne peut que s’analyser en une demande indemnitaire, n’est ni fondée ni justifiée, et l’expert M. [X] n’a d’ailleurs nullement validé une telle demande aux termes de son rapport, alors que sa mission l’autorisait à le faire ;
que M. [K] ne verse aux débats aucune pièce justifiant de sa situation, à l’appui de sa demande de délais de paiement ;
qu’à défaut pour les locataires d’avoir réglé les loyers et les charges dues conformément au bail, il est fondé à obtenir le paiement de la somme de 21 964,30euros en application de la clause pénale figurant au bail ;
que la demande de M. [K] au titre des travaux ne peut prospérer ; que c’est en vain qu’il prétend avoir subi un préjudice de jouissance ; que les prétendus manquements du bailleur qu’il allègue, uniquement pour les besoins de la cause, sont sans effet sur l’acquisition de la clause résolutoire, étant observé qu’il ne se prévaut nullement d’une exception d’inexécution, et qu’il n’a pas non plus sollicité la suspension des effets de la clause résolutoire pour ce motif ; que par ailleurs, la demande de M. [K], qui n’a sollicité ni la réalisation de travaux par le bailleur sous astreinte, ni le remboursement de frais qu’il aurait été contraint d’engager, et qui tend à la condamnation du bailleur à un paiement au profit du preneur, au titre de travaux non réalisés par ce dernier, n’est pas juridiquement fondée ; qu’enfin, cette demande n’est pas justifiée, M. [K] ne démontrant pas que des réparations qui seraient contractuellement ou légalement mises à la charge du bailleur feraient défaut ; que le constat d’huissier versé aux débats met au contraire en exergue un défaut d’entretien, lequel était à la charge des locataires, conformément aux termes du bail ;
que la demande de réduction de loyer rétroactivement sur les cinq dernières années, au motif d’une différence de surface des locaux et de leur prétendue vétusté, n’est pas justifiée ; qu’au surplus, le montant du loyer, qui n’a pas été révisé depuis 1989, est déjà particulièrement bas ; que M. [K] ne justifie pas avoir informé son bailleur des difficultés qu’il invoque, ne se plaignant des conditions d’exploitation des locaux qu’à partir du moment où le bailleur a sollicité en justice le paiement de ses loyers et charges ; que par ailleurs, au regard du bilan de l’exercice 2021, comparé à celui de 2020, il n’y a pas de baisse significative des ventes de marchandises et que, dès lors, il ne peut sérieusement être soutenu que l’exploitation du fonds n’est pas possible ou serait entravée en raison de l’état du local qu’il connaît depuis 1989 ;
que la preuve n’est pas rapportée d’un lien entre la perte de chiffre d’affaires invoquée par M. [K] entre 1989 et 2019 et l’état des locaux ; qu’en tout état de cause, c’est à M. [K] qu’incombait leur entretien, de sorte que s’il devait lui être reconnu un préjudice, il en serait lui-même à l’origine ;
que sa propre demande au titre des travaux à réaliser par les locataires est bien recevable, contrairement à ce que prétend M. [K], puisqu’elles tendent manifestement à faire écarter les prétentions adverses au sens de l’article 564 du code de procédure civile, qu’elles tendent à la même fin que celles présentées en première instance, à savoir tirer les conséquences des manquements du preneur en ordonnant son expulsion et en indemnisant le bailleur au titre du préjudice subi, et s’agissant de demandes reconventionnelles au sens de l’article 567 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 30 juin 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, M. [K], intimé, appelant incident, demande à la cour de :
déclarer M. [H] mal fondé, et le débouter de l’ensemble de ses demandes ;
juger irrecevables comme nouvelles avec toutes suites et conséquences de droit, les demandes formulées par M. [H] visant à solliciter sa condamnation à des dommages et intérêts ou à l’obliger à réaliser les travaux ;
confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Pontoise du 4 octobre 2021 en ce qu’il a condamné M. [H] au paiement des travaux de réfection listés par l’expert d’un montant de 130 950 euros TTC, et au paiement (sic) ;
confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Pontoise du 4 octobre 2021 en ce qu’il a condamné M. [H] au paiement de dommages et intérêts ;
infirmer le jugement en ce qu’il a retenu une dette de loyer due par lui-même, ainsi qu’en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts alloués et le rejet de demande de réduction de loyer ;
Statuant à nouveau,
constater que M. [H] n’établit pas le montant de sa créance, et que lui-même s’est acquitté du loyer entre les mains de ses divers créanciers ;
le débouter de sa demande d’acquisition de la clause résolutoire, d’expulsion et de condamnation à des loyers impayés et clause pénale ;
le déclarer bien fondé en ses demandes reconventionnelles ;
condamner M. [H] à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice, à titre de dommages et intérêts liés au trouble de jouissance ;
réduire le montant du loyer de moitié, et le porter à la somme de 457,35 euros par mois ;
condamner M. [H] à lui payer la somme de 27 441 euros correspondant au trop perçu de loyer sur les 5 dernières années ;
A titre subsidiaire,
lui accorder les plus larges délais de paiement et suspendre la clause résolutoire ;
ordonner la compensation entre les sommes dues par chacune des parties ;
condamner M. [H] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner M. [H] aux dépens.
M. [K] fait valoir :
qu’il n’existe aucune dette de loyer ; qu’en effet, depuis l’origine, l’ensemble des loyers qu’il paie sont saisis par divers organismes dont M. [H] est débiteur ; que selon décompte arrêté au 20 octobre 2017, il a versé 77 500 euros à la SCP [O] [S], huissiers à Montmorency, qui saisit les loyers depuis 1993 ; qu’il a également versé 37 075,73 euros au Trésor Public pour le compte de M. [H] ; que d’autres saisies administratives à tiers détenteur lui ont été notifiées, le 3 juin 2019, pour une dette de M. [H] de 7 382 euros, le 13 mars 2020 pour une dette de 3 890 euros, et le 25 avril 2022 pour une somme de 4 480 euros ; que des saisies ont également été réalisées en 2016 par Intrum Justitia ; que le commandement de payer qui lui a été délivré en 2017 est sans objet ; que c’est à tort que le tribunal a retenu une dette de loyer chiffrée à 41 980,07 euros ; que le nouveau décompte produit par M. [H], pour une prétendue dette locative de 219 643,09 euros est totalement faux, dans la mesure où il ne tient pas compte de toutes les sommes saisies, et où il tient compte des taxes foncières depuis 2012, pour un montant de 30 835 euros, alors que celle-ci n’est pas à la charge du locataire ; que s’il a bien subi une saisie des loyers pour le règlement des taxes foncières qui n’étaient pas payées par M. [H], il n’en est pas redevable, de sorte que les saisies à ce titre sont à déduire des loyers réclamés à tort par M. [H] ;
qu’aucune dette de loyer n’étant établie, les effets de la clause résolutoire doivent être suspendus ;
que le montant du loyer doit être réduit du fait de l’inexécution, par le bailleur de ses obligations contractuelles ;
qu’il n’a pas pu faire valoir ses droits à ce titre, du fait de l’absence de M. [H], qui a totalement disparu pendant 25 ans ;
que M. [H] n’a pas entretenu le bien loué ; qu’un constat établi par la SCP [Y], huissiers à Montmorency, met en évidence la vétusté du local objet du bail commercial, avec une installation électrique non conforme, une absence de chauffage et une toiture à refaire entièrement ; que l’expert a chiffré l’ensemble des travaux à réaliser, à la charge du propriétaire, à la somme de 130 950 euros TTC ;
qu’il y a lieu de confirmer le jugement de première instance, qui lui a alloué cette somme afin qu’il puisse faire réaliser lui-même ces travaux, du fait de la totale défaillance du bailleur ;
que M. [H] doit également indemniser le trouble de jouissance et la perte de chiffre d’affaires qu’il a subis, du fait de l’état des locaux, à l’origine d’infiltrations d’eau qui perturbent fortement son activité commerciale ; que son chiffre d’affaires a connu une baisse de 100 000 euros en 25 ans ; qu’il y a lieu de lui allouer cette somme, après infirmation du jugement qui a limité son préjudice à 10 000 euros au motif qu’il avait attendu d’être assigné par son bailleur pour agir, alors qu’il démontre n’avoir pas pu le faire du fait de la disparition de celui-ci ;
que le loyer doit être réduit de moitié, soit un loyer mensuel de 457,35 euros ; qu’en effet, outre la vétusté des locaux, le bail consenti par M. [H] vise la location d’une boutique qui ne lui a jamais appartenu, et qui a été édifiée en grande partie sur les parties communes ; qu’il s’en est suivi des poursuites par l’un des anciens propriétaires de l’immeuble, ce qui a été très difficile à supporter pour lui, tant financièrement que psychologiquement ; que par ailleurs, il a été obligé, dès le mois de juillet 1993, de quitter le local d’habitation, celui-ci étant devenu totalement insalubre ;
que la demande formulée par M. [H] au titre des travaux d’entretien à la charge du locataire est irrecevable sur le fondement de l’article 564 du code de procédure civile, faute d’avoir été soumise aux premiers juges ; qu’en toute hypothèse, il lui est actuellement impossible actuellement d’effectuer les travaux demandés, dans la mesure où le local loué est totalement vétuste, notamment s’agissant de la toiture, ce qui rend impossibles et inutiles tous les travaux de mise en conformité ;
que si par extraordinaire les demandes de M. [H] devaient être jugées recevables, il sollicite du tribunal (sic) que soit ordonnée la compensation entre les sommes dues par chacune des parties.
M. [R], à qui la déclaration d’appel du 19 août 2022 a été signifiée le 6 octobre 2022, selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile, n’a pas constitué avocat.
A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 19 octobre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, sur l’étendue de la saisine de la cour
La cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions, pour autant qu’elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion, et qu’elle ne répond aux moyens que pour autant qu’ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.
Sur la demande de jonction
La demande de jonction de l’appelant est sans objet, les procédures issues de ses appels successifs ayant été jointes comme dit ci-dessus par ordonnance du 8 novembre 2022.
Sur les demandes de M. [H] à l’encontre de M. [R]
Le tribunal a débouté M. [H] des demandes qu’il formait à l’encontre de M. [R], en retenant que par acte authentique du 26 octobre 1990, M. [R] avait cédé à M. [K] la moitié du fonds de commerce qu’il avait acquise de M. [H] le 3 mai 1989, M. [K] disposant désormais de la totalité du fonds de commerce en pleine propriété, et que depuis cette date, M. [K] assumait seul le règlement du loyer, M. [R] ayant quitté les lieux depuis plus de 30 ans.
M. [H], qui renouvelle à hauteur d’appel ses demandes à l’encontre de M. [R], et en formule de nouvelles, ne fait valoir aucun moyen, ni de droit ni de fait, à l’encontre du raisonnement suivi par les premiers juges, ayant consisté, en substance, à mettre M. [R] hors de cause, et pour convaincre la cour qu’il serait toujours fondé à le poursuivre au titre de l’exécution du bail précédemment conclu entre eux. En conséquence, le jugement déféré ne peut qu’être confirmé s’agissant du rejet de toute prétention à l’encontre de M. [R].
Sur l’acquisition de la clause résolutoire du bail
Le tribunal a débouté M. [H] de sa demande tendant au constat de la résiliation du bail par l’effet de la clause résolutoire, et de ses demandes subséquentes d’expulsion et de fixation d’une indemnité d’occupation, après avoir procédé à une compensation entre d’une part, la créance de M. [H] au titre des loyers augmentés de la clause pénale contractuelle, qu’il a arrêtée à 41 980,07 euros à la date de délivrance du commandement de payer, et d’autre part, la créance de 140 950 euros dont il a considéré que M. [K] était titulaire à l’égard de M. [H] du fait des manquements de ce dernier à ses obligations ( 130 950 euros représentant le coût des travaux de mise en conformité à la charge du bailleur et 10 000 euros au titre du préjudice de jouissance), dont il résultait un solde créditeur de 98 969,93 euros en faveur de M. [K].
Comme évoqué ci-dessus, le bail conclu entre les parties contient une clause résolutoire en cas, notamment, de non paiement des loyers dûs, et il a été délivré à M. [K], le 28 juillet 2017, un commandement de payer visant cette clause, portant sur une somme de 43 449,70 euros en principal, représentant les loyers des années 2012 à 2016.
M. [K], qui conteste l’existence d’une dette de loyer à la date de la délivrance du commandement de payer visant la clause résolutoire, remet en cause le montant du loyer dû au bailleur, qu’il estime devoir être réduit de moitié, mais limite ses demandes à :
– la réduction du montant du loyer, pour qu’il soit porté à 457,35 euros par mois, ce qui ne vaut que pour l’avenir,
– la condamnation de M. [H] à lui rembourser un trop perçu de loyer sur les 5 dernières années, ce qui ne comprend pas la période visée par le commandement de payer ( 2012 à 2016).
Il ne justifie pas, en tout état de cause, avoir sollicité du bailleur, au moment du renouvellement du bail, qu’il lui a lui-même signifié à deux reprises au vu des pièces produites, une réduction du montant du loyer au motif d’une défectuosité des locaux, ou d’une non conformité aux termes du bail, notamment s’agissant de la surface réelle des locaux loués, ou de l’impossibilité d’en user en totalité.
Par ailleurs, il ne justifie d’aucune demande faite au bailleur, ni a fortiori d’une mise en demeure à lui adressée, durant la période sur laquelle porte le commandement de payer, ni même sur la période antérieure, d’exécuter les obligations dont il est redevable en vertu du bail, et en particulier de réaliser des travaux dans les locaux loués.
C’est en vain, à cet égard, qu’il se prévaut de la ‘disparition’ du bailleur, alors qu’il ne justifie d’aucune tentative – fût elle vaine – dirigée à son encontre, même d’une simple mise en demeure qui lui serait revenue ‘non réclamé’.
Il prétend également que la taxe foncière lui aurait été décomptée à tort, alors qu’il n’en serait pas redevable, mais cette contestation est sans incidence sur l’acquisition de la clause résolutoire, dès lors que le commandement de payer n’a été délivré que pour le paiement du loyer hors charges, et non pas pour le paiement des charges, qui sont récupérables en sus du loyer annuel de 72 000 francs/10 976,66 euros aux termes du bail.
Par conséquent, d’une part, le loyer que doit régler M. [K] sur la période visée par le commandement – 2012 à 2016 – ne peut être autre que celui contractuellement convenu entre les parties, et d’autre part, il ne peut y avoir, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, une compensation entre les loyers dont M. [K] est débiteur en vertu du bail qu’il a conclu et une éventuelle créance de dommages et intérêts qu’il détiendrait à l’encontre de son bailleur pour manquement de ce dernier à ses obligations contractuelles.
M. [H] justifiant par la production du bail de l’obligation dont il réclame l’exécution, il appartient à M. [K], qui se prétend libéré, de démontrer qu’il s’était effectivement déjà acquitté des sommes qui lui sont réclamées lorsque le commandement de payer lui a été délivré.
Il ressort des éléments communiqués par les parties que M. [K] s’est acquitté de divers paiements au titre des loyers dûs à son bailleur non pas entre les mains de celui-ci, mais entre les mains de créanciers de son débiteur, via des saisies attribution à exécution successive ou des avis/saisies à tiers détenteur.
Au vu des justificatifs qu’il produit, observation faite que les demandes de renseignements, avis à tiers détenteurs ou courriers divers qui lui ont été adressés par l’administration fiscale ne prouvent pas un paiement effectif, cette preuve n’étant apportée que par les reçus ou déclarations de recettes établis par la dite administration, M. [K] a réglé au titre des loyers qui lui sont réclamés dans le commandement de payer visant la clause résolutoire, en sus des versements déjà pris en compte par le bailleur ( qui pour la période en cause ne fait mention dans son tableau récapitulatif en pièce n°11 d’aucun paiement entre les mains d’un tiers) :
11’433,60 euros entre les mains de la SCP [W] [O] et [N] [S], en charge du recouvrement d’une dette de M. [H],
5 286 euros entre les mains du Trésor Public,
soit une somme totale de 16 719,60 euros comme l’a exactement retenu le tribunal, dont le calcul n’est pas utilement critiqué par M. [K], qui se borne à renvoyer la cour aux divers documents qu’il verse aux débats.
Dès lors qu’il ne prouve, ni même n’allègue, avoir réglé davantage que ce qu’il devait sur la période antérieure à celle visée par le commandement, pour laquelle au demeurant aucun loyer ne lui est réclamé, il en découle que le commandement de payer visant la clause résolutoire a été valablement délivré pour une somme en principal de 26 730,10 euros.
Pour faire échec au jeu de la clause résolutoire, il appartenait à M. [K] de s’acquitter de l’intégralité de cette somme avant le 28 août 2017, ce qu’il ne justifie pas avoir fait.
En conséquence, les conditions de l’acquisition de la clause résolutoire se trouvaient réunies à cette date.
En vertu de l’article L.145-41 du code de commerce, les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée, et la clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
En l’espèce, cependant, M. [K] ne justifie pas qu’il est en mesure de s’acquitter, dans le délai maximal de deux ans prévu par l’article 1345-3 du code civil, de la somme de 26 730,10 euros constituant sa dette locative, et ce en sus du règlement des loyers courants, qui resteraient nécessairement exigibles. Il ne formule au demeurant aucune proposition concrète de paiement, se bornant à solliciter l’octroi des plus larges délais. En conséquence, il n’y a pas lieu de lui accorder le délai réclamé, ni de suspendre les effets de la clause résolutoire.
Les conditions de la résiliation étant réunies, et aucun délai n’étant accordé, la cour constate que le bail se trouve résilié depuis le 28 août 2017.
En conséquence de la résiliation constatée, il convient d’ordonner l’expulsion de M. [K] des locaux qu’il occupe, et de mettre à sa charge une indemnité, payable mensuellement, destinée à compenser le préjudice résultant, pour le bailleur, de l’occupation des lieux par son ancien locataire, dont il convient de fixer le montant à celui du loyer et des charges contractuellement convenus, qui auraient été dus si le bail s’était poursuivi.
Le jugement déféré est infirmé en conséquence.
Le bail étant résilié, la demande de M. [K] de réduction de loyer est sans objet, et l’indemnité d’occupation étant fixée au montant du loyer et des charges contractuellement convenus, sa demande de restitution d’un trop perçu au titre des 5 dernières années ne peut qu’être rejetée.
Sur la demande en paiement au titre de l’arriéré de loyer/indemnité d’occupation
A l’appui de sa demande en paiement, M. [H] produit un décompte portant sur la période allant du mois d’octobre 2012 au mois de décembre 2022 inclus, qui fait apparaître un solde locatif restant dû de 219 643,09 euros.
Ce décompte est nécessairement erroné, dès lors qu’il retient un loyer mensuel, pour l’année 2012, de 1 459,15 euros, soit 17 509,80 euros par an, alors que le bail stipule un loyer annuel de 10 976,66 euros, qu’il est constant que le loyer n’a pas été révisé, et qu’il résulte de la lecture du contrat conclu entre les parties qu’aucune indexation n’est prévue.
Au vu de ce décompte arrêté au 31 décembre 2022, M. [H] réclame également à M. [K] le paiement de la taxe foncière, pour les années 2012 à 2022.
Tout d’abord, il sera rappelé aux parties, pour éviter toute confusion sur ce point, que les paiements que M. [K] a pu faire, entre les mains de l’administration fiscale, au titre de la taxe foncière réclamée par l’administration non pas à M. [K] lui-même, au vu des pièces produites, mais à M. [H], M. [K] n’intervenant qu’en tant que tiers détenteur de sommes qu’il doit à M. [H], sont sans incidence sur l’obligation du locataire au paiement de cette taxe.
Selon les termes du bail, le locataire doit rembourser à la partie bailleresse le droit de bail afférent aux lieux loués, ou la TVA si la partie bailleresse opte pour celle-ci, ainsi que la totalité de la taxe additionnelle s’il y a. Il doit également lui rembourser, à la première demande, les taxes de balayage, d’enlèvement des ordures ménagères et de déversement de tout à l’égout et tous autres impôts, taxes et contributions nés ou à naître à la charge des locataires existant actuellement, ou qui seraient créés par la suite, viendraient à être supprimés et remplacés par de nouveaux impôts et de nouvelles taxes qui seraient recouvrés contre le propriétaire ou mis à sa charge. La partie locataire devra rembourser, en sus et sans diminution de loyer, à la première demande, la somme égale à celle qui était payée par elle lors de la suppression totale ou partielle desdits impôts ou contributions.
Il découle de ces stipulations contractuelles que, comme le fait valoir l’intimé, la taxe foncière n’est effectivement pas à la charge, in fine, du locataire.
En application des stipulations contractuelles ainsi rappelées, et au vu :
des décomptes produits par M. [H], étant précisé que celui arrêté au 31 décembre 2022 est pris en compte sous réserve de ce qui vient d’être indiqué,
des justificatifs de paiement, via des saisies attribution ou saisies administratives à tiers détenteur, que produit M. [K], y compris pour régler des sommes représentant la taxe foncière due par M. [H], mais non incluse la somme de 1 000 euros qu’il justifie avoir réglée entre les mains de l’administration fiscale, qui a été spécialement affectée, au vu des pièces produites, au paiement des loyers/indemnités d’occupation dues du mois de janvier 2023 au mois de mai 2023),
le montant de la dette locative, arrêté au 31 décembre 2022, s’établit à 76 379,26 euros.
M. [K] sera donc condamné au paiement de cette somme.
Sur la demande de M. [H] au titre de la clause pénale
La clause pénale figurant au bail est ainsi libellée : ‘ En cas de non paiement d’une seule quittance à son échéance, et dès sa remise à l’huissier, la somme due sera ipso facto majorée de 10%’.
Le bail étant résilié à compter du 28 août 2017, cette clause ne peut s’appliquer au delà de cette date.
Au vu du décompte figurant au commandement de payer, l’huissier instrumentaire a été mandaté pour le recouvrement des loyers dus pour les années 2012 à 2016, et, la cour retient que la dette locative au titre de cette période s’élève à la somme de 26 730,10 euros.
C’est donc sur ce seul montant que s’applique la majoration de 10% prévue au bail.
En conséquence, la somme retenue par le tribunal, à hauteur de 3 816,37 euros, est ramenée à la somme de 2 673,10 euros, laquelle n’apparaît pas manifestement excessive au vu du préjudice résultant pour le bailleur du non paiement à bonne date, pendant 5 années, des loyers qui lui sont dus.
Sur la demande de M. [K] au titre des travaux
Le tribunal s’appuyant sur le rapport d’expertise établi par M. [X], a mis à la charge de M.[H] une somme de 130 950 euros représentant le montant des dépenses nécessaires à la réparation et à la mise en conformité des lieux loués incombant au propriétaire, et notamment la couverture et le bardage.
Indépendamment du fait que le tribunal ne peut être approuvé d’avoir alloué au locataire lui-même une somme représentant le coût des travaux qui sont à la charge du bailleur, sans en outre préciser que cette somme est allouée à charge pour le locataire de faire réaliser les dits travaux, et pour en ordonner ensuite la compensation avec le montant des loyers dus, le jugement ne peut qu’être infirmé, puisque le bail étant résilié, M. [H] n’est plus tenu de faire procéder à des travaux d’entretien en exécution du dit bail, l’inexécution, le cas échéant, de ses obligations, se résolvant désormais en dommages et intérêts.
Sur la demande de dommages et intérêts de M. [K] au titre du préjudice de jouissance
Pour allouer à M. [K] des dommages et intérêts, le tribunal a retenu que le caractère fuyard de la toiture, dûment constaté par l’expert, entraînant des inondations dans le magasin, avait causé un trouble de jouissance au locataire. Pour en arrêter le montant à 10 000 euros, il a relevé que la baisse progressive du chiffre d’affaires était significative dès l’année 1999, et que M. [K] avait néanmoins attendu d’être assigné par son bailleur en 2017 pour arguer d’un trouble de jouissance, et solliciter ensuite la désignation d’un expert, près de 20 ans après le début des nuisances, et a retenu en conséquence qu’il avait, par sa négligence, contribué en grande partie à son préjudice, d’autant que l’expert avait également souligné une absence d’entretien locatif et un défaut de conformité aux normes des ERP.
Aux termes du bail conclu entre les parties, le bailleur n’est tenu que des grosses réparations telles qu’elles sont définies par l’article 606 du code civil, ce qui inclut les couvertures.
M. [K] produit un constat d’huissier établi le 29 novembre 2017, qui fait apparaître que la toiture en fibrociment est en très mauvais état, et fait l’objet de multiples fuites d’eau, affectant le magasin d’alimentation qu’il exploite, et qu’elle doit faire l’objet d’une réfection totale, et le rapport de l’expertise établie par M. [X] confirme que la toiture est très vétuste et fuyarde, et qu’aucun travaux de réparation du couvert n’a été effectué par le propriétaire.
Le manquement du bailleur à son obligation, antérieurement à la résiliation du bail, est en conséquence établi et il en est nécessairement résulté un préjudice de jouissance pour le locataire, son local commercial étant affecté de fuites d’eau provenant du toit.
Au vu des éléments soumis par les parties, et observation faite que M. [K] ne démontre pas que la baisse de son chiffre d’affaires annuel de 100 000 euros sur 25 années soit exclusivement imputable à la vétusté et au caractère fuyard du toit de son commerce, ni ne justifie avoir alerté le propriétaire des locaux avant la fin du bail de la difficulté à laquelle il était confronté, il apparaît que le tribunal a procédé à une juste évaluation des droits des parties en allouant à M. [K] une somme de 10 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance qu’il a subi.
Sur la demande de M. [H] au titre de l’entretien des locaux
Le bail étant résilié, la demande de M. [H] qu’il revient à la cour d’examiner est celle qui porte sur l’octroi de dommages et intérêts.
Il est constant qu’en première instance, M. [H] n’a sollicité que le constat de la résiliation du bail, par l’effet de la clause résolutoire, l’expulsion des occupants des lieux loués, la fixation d’une indemnité d’occupation, le paiement d’un arriéré locatif et le paiement d’une somme au titre de la clause pénale figurant au bail.
L’article 564 du code de procédure civile dispose qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
Mais, selon l’article 565, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent et en vertu de l’article 566, les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
Par ailleurs, selon l’article 567, les demandes reconventionnelles sont recevables en appel, sous la condition de se rattacher aux prétentions originaires par un lien de dépendance suffisant.
La demande de dommages et intérêts de M. [H] ne tend pas à faire écarter les prétentions adverses, ni ne tend à la même fin que celles présentées en première instance, contrairement à ce que soutient l’appelant, mais elle constitue une demande reconventionnelle, qui se rattache aux prétentions initiales par un lien suffisant, puisqu’est en cause l’exécution – et en l’occurrence l’inexécution – du même bail.
Dans ces conditions, et nonobstant le fait qu’elle n’a pas été soumise au premier juge, et sans qu’il y ait de violation du principe de la concentration des moyens, puisque la recevabilité des demandes reconventionnelles est légalement admise, la demande de dommages et intérêts de M. [H] est recevable.
Pour justifier sa demande, M. [H] s’appuie sur le rapport d’expertise de M. [X], qui a relevé, outre un manque d’entretien du patrimoine bâti dû par le propriétaire, un manque d’entretien du local et un défaut de conformité, imputables au locataire.
Le bail conclu entre les parties étant résilié, il appartient à M. [H] de justifier de la réalité d’un préjudice résultant de l’état des locaux, et de leur défaut de conformité.
Si M. [H] subit certes un préjudice du fait du défaut d’entretien des locaux par son locataire, ce préjudice doit aussi s’apprécier, dès lors que le bail est résilié, au regard de la possibilité – ou de l’impossibilité -de conclure un nouveau bail portant sur le local en cause. Et force est de relever qu’alors que le rapport de l’expert a mis en évidence que le local commercial, constitué par l’ancien porche d’entrée de la cour, était dans un état de grande vétusté, et qu’il incombait au propriétaire, en charge du clos et du couvert, de refaire les couvertures et de refaire le bardage arrière, travaux dont le montant a été chiffré, il y a plus de trois années, à 130 950 euros TTC, M. [H] ne fait valoir aucune intention de remettre ses locaux en état pour les louer en vue d’y exploiter un commerce recevant du public, ce qui justifierait la réalisation de travaux de mise aux normes ‘ERP’.
En considération de ce qui précède, le préjudice subi par M. [H], du fait du manquement du locataire à ses obligations, par ailleurs établi,sera arrêté à la somme de 10 000 euros.
M. [H] sera condamné au paiement de cette somme.
Sur la demande de compensation
Les conditions de la compensation étant réunies à compter du présent arrêt, elle sera seulement constatée, sans qu’il soit nécessaire de l’ordonner.
Sur la demande de délais de paiement
Comme déjà relevé ci-dessus, s’agissant de la suspension de la clause résolutoire, M. [K] ne justifie pas qu’il est en mesure de s’acquitter, dans le délai maximal de deux ans prévu par l’article 1345-3 du code civil, de la somme dont il reste débiteur après compensation des créances réciproques des parties.
En conséquence, il n’y a pas lieu de lui accorder des délais de paiement.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dépens de première instance et d’appel sont à la charge de M. [K], qui succombe en la plupart de ses prétentions.
Aucune considération d’équité ne justifie de faire application de l’article 700 du code de procédure civile que ce soit en première instance ou en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt rendu par défaut, dans les limites de sa saisine,
INFIRME le jugement rendu le 4 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Pontoise, sauf en ce qu’il a :
débouté M. [K] de sa demande de fixation du loyer à la somme de 457,35 euros par mois, et de sa demande en paiement au titre d’un trop perçu de loyer,
débouté M. [H] et M. [K] de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,
Constate la résiliation au 28 août 2017 du bail liant M. [H] et M. [K] pour les locaux sis [Adresse 3] à [Localité 5], par l’effet de la clause résolutoire ;
Ordonne l’expulsion de M. [K] et celle de tout occupant de son chef des locaux qu’il occupe [Adresse 3] à [Localité 5], dans les conditions prévues par le code des procédures civiles d’exécution ;
Fixe au montant du loyer majoré des charges qui auraient été dûs si le bail s’était poursuivi le montant de l’indemnité d’occupation, payable mensuellement, due par M. [K] à compter de la résiliation du bail ;
Condamne M. [K] à payer à M. [H] une somme de 76 379,26 euros au titre des loyers et indemnités dus au titre de l’occupation des lieux sis [Adresse 3] à [Localité 5] arrêtés au 31 décembre 2022 ;
Condamne M. [K] à acquitter le paiement de l’indemnité d’occupation ci-dessus fixée à compter du 1er janvier 2023 et jusqu’à la libération effective des lieux sis [Adresse 3] à [Localité 5] de tout bien et de toute personne, et remise des clés ;
Condamne M. [K] à payer à M. [H] une somme de 2 673,10 euros au titre de la clause pénale figurant au bail ;
Condamne M. [H] à payer à M. [K] une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance ;
Déboute M. [H] de sa demande de dommages et intérêts pour défaut d’entretien des lieux loués dirigée contre M. [R] ;
Condamne M. [K] à payer à M. [H] une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d’entretien des lieux loués ;
Constate la compensation des créances réciproques des parties ;
Déboute M. [K] de sa demande de délais de paiement ;
Déboute M. [H] et M. [K] de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [K] aux dépens de première instance et d’appel.
Arrêt prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,