Exception d’inexécution : 18 décembre 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 22/02862

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Exception d’inexécution : 18 décembre 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 22/02862

MINUTE N° 23/566

Copie exécutoire à :

– Me Anne CROVISIER

– Me Elisabeth STACKLER

Le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 18 Décembre 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 3 A N° RG 22/02862 – N° Portalis DBVW-V-B7G-H4MN

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 05 juillet 2022 par le juge des contentieux de la protection de Mulhouse

APPELANTS :

Monsieur [M] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2022/2775 du 15/11/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de COLMAR)

Représenté par Me Anne CROVISIER, avocat au barreau de COLMAR

Madame [G] [K] épouse [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Anne CROVISIER, avocat au barreau de COLMAR

INTIMÉE :

S.A. SOCIETE MULHOUSIENNE DES CITÉS OUVRIÈRES – SOMCO

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Elisabeth STACKLER, avocat au barreau de MULHOUSE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 16 octobre 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme MARTINO, Présidente de chambre

Mme FABREGUETTES, Conseillère

Mme DESHAYES, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme HOUSER

ARRET :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Annie MARTINO, présidente et M. Jérôme BIERMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE

Selon contrat du 17 novembre 2016, la Sa d’Hlm Société Mulhousienne des Cités Ouvrières -Somco- a donné à bail à Monsieur [M] [U] et Madame [G] [K] épouse [U] un logement situé [Adresse 6] à [Localité 5] à effet au 1er décembre 2016, moyennant paiement d’un loyer mensuel initial de 349,90 €, outre une avance sur charges de 173,02 euros, soit au total 522,92 €.

Déplorant l’absence de règlement des loyers et d’attestation d’assurance de responsabilité locative en cours de validité malgré relances, la société Somco a fait signifier aux locataires le 27 septembre 2017 un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail, portant sur un arriéré locatif de 2 144,36 €.

Par acte du 21 mars 2018, la société Somco a assigné Monsieur [M] [U] et Madame [G] [K] épouse [U] devant le tribunal d’instance de Mulhouse, aux fins de voir constater la résiliation de plein droit du contrat de bail, voir ordonner l’expulsion des locataires sous astreinte, voir fixer l’indemnité d’occupation au montant des loyers et charges qui auraient été dus en l’absence de résiliation du bail, subsidiairement à la somme de 700 €, et de voir condamner les défendeurs à la lui payer jusqu’à restitution des clés, ainsi qu’à lui payer la somme de 3 022,39 € au titre de l’arriéré locatif au mois de décembre 2017, ainsi que la somme de 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Subsidiairement, elle a sollicité le prononcé de la résiliation du bail aux torts exclusifs des défendeurs.

Monsieur et Madame [U] ont conclu au rejet des demandes, faisant valoir qu’ils n’ont pas été destinataires de l’état des lieux d’entrée malgré leur demande ; que l’appartement présentait de nombreux dommages, l’électricité étant particulièrement dangereuse ; qu’un rapport a été établi par la police municipale d'[Localité 5], transmis à l’Agence régionale de santé le 23 septembre 2018 ; que la bailleresse ayant laissé des lieux en état de délabrement, ils ont décidé de ne plus payer les loyers. Ils ont demandé condamnation de la société Somco à effectuer les réparations nécessaires au sein du logement, sous astreinte de 50 € par jour de retard, condamnation de la demanderesse à leur payer la somme de 20 000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice de jouissance. Subsidiairement, ils ont sollicité l’allocation de délais de paiement de deux ans suspendant le jeu de la clause résolutoire, ainsi que paiement d’une somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 5 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Mulhouse a :

-constaté la recevabilité de la demande introduite par la société Somco à l’encontre de Monsieur [M] [U] et de Madame [G] [K] épouse [U],

-constaté que le bail conclu le 17 novembre 2016 s’est trouvé résilié le 25 novembre 2017 par application de la clause résolutoire,

-condamné Monsieur et Madame [U] à payer à la société Somco, pour la période allant du 26 novembre 2017 au 31 août 2021, une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant des loyers et charges qui auraient été dus si le bail s’était poursuivi, avec les mêmes évolutions contractuelles et réglementaires, sous réserve de la justification des charges facturées,

-condamné Monsieur [M] [U] et Madame [G] [K] épouse [U] à payer à la société Somco la somme de 26 208,66 € avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 21 mars 2018 sur la somme de 3 022,39 € et du jugement pour le reste, en remboursement des arriérés de loyer, charges et indemnités d’occupation dus jusqu’au mois d’août 2021 inclus, pour le logement situé [Adresse 6] à [Localité 5],

-débouté Monsieur [M] [U] et Madame [G] [K] épouse [U] de l’intégralité de leurs demandes formées à l’égard de la société Somco,

-rejeté la demande de délai de paiement formée par Monsieur [M] [U] et Madame [G] [K] épouse [U],

-condamné Monsieur [M] [U] et Madame [G] [K] épouse [U] à payer à la société Somco la somme de 300 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamné Monsieur [M] [U] et Madame [G] [K] épouse [U] aux entiers frais et dépens de l’instance, y compris ceux de l’article 10 du décret 2001-212 du 8 mars 2001 en cas d’exécution forcée par huissier,

-débouté la société Somco du surplus de ses prétentions,

-dit n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire.

Pour se déterminer ainsi, le premier juge a relevé que les époux [U] avaient quitté le logement le 31 août 2021, l’état des lieux de sortie avec remise des clés s’étant déroulé le 3 septembre 2021 ; qu’à cette date, la dette locative s’élevait à 26 208,66 € dont la société Somco sollicite paiement ; que des désordres affectaient le logement pris à bail par les défendeurs ; qu’il n’apparaît toutefois pas que l’habitation du logement était impossible ; que les locataires n’ont pas alerté les autorités administratives aux fins de faire constater l’insalubrité des lieux, aucune suite n’ayant été donné au constat dressé par la police municipale le 19 septembre 2018 ; qu’ils n’ont pas saisi la justice pour obtenir suspension ou réduction de leur loyer, de sorte qu’ils ne peuvent invoquer une exception d’inexécution et l’insalubrité du logement ; qu’il apparaît que la société Somco a donné suite aux doléances des locataires en procédant à divers travaux d’entretien ; que l’état des lieux de sortie fait apparaître des dégradations imputables à l’usage de l’appartement par les occupants et un défaut de réparations locatives.

Monsieur [M] [U] et Madame [G] [K] épouse [U] ont interjeté appel de cette décision le 22 juillet 2022.

Par écritures notifiées le 24 octobre 2022, ils concluent à l’infirmation du jugement déféré et demandent à la cour de :

-dire que le logement loué par la société Somco à Monsieur et Madame [U] était insalubre,

-faire droit à l’exception d’inexécution invoquée par Monsieur et Madame [U],

En conséquence,

-dire que le non-paiement des loyers et charges par Monsieur et Madame [U] est justifié par l’état d’insalubrité de l’appartement loué par la société Somco,

-débouter la société Somco de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

Subsidiairement,

-dire que le logement loué par la société Somco aux époux [U] était indécent,

-réduire le montant du loyer qui a été mis à la charge des époux [U],

En tout état de cause,

-condamner la société Somco à verser aux époux [U] la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance,

A titre infiniment subsidiaire,

-accorder à Monsieur et Madame [U] les plus larges délais de paiement,

-condamner la société Somco à verser aux époux [U] la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamner la société Somco aux entiers dépens de la procédure de première instance et d’appel.

Ils font valoir que le logement qui leur a été donné à bail ne répondait pas aux caractéristiques d’un logement décent, conforme aux dispositions de l’article 2 du décret n° 2002- 120 du 30 janvier 2002 et que les désordres qui l’affectaient étaient de nature à mettre en danger la santé et la sécurité physique des occupants ; qu’il a notamment été constaté des défauts électriques graves, l’état lamentable des pièces d’eau dont le plafond tombait par morceau, le gonflement du mur de la cuisine à la suite d’un dégât des eaux ; que la société Somco n’a jamais répondu à leurs sollicitations et n’a pas effectué les réparations nécessaires ; que le constat effectué par la police municipale d'[Localité 5] a été transmis à l’agence régionale de santé, laquelle l’a adressé par mail à la société Somco le 1er octobre 2018 ; que les factures de réparation dont se prévaut l’intimée sont antérieures aux constatations faites au mois de septembre 2018 ; que la circonstance qu’ils n’ont pas été autorisés préalablement judiciairement à suspendre le paiement des loyers ne les prive pas de la possibilité de former une demande reconventionnelle en suspension, voire réduction du loyer compte tenu de l’indécence du logement, dénoncée antérieurement à la délivrance du commandement de payer visant la clause résolutoire.

Ils soutiennent que l’exception d’inexécution est opposable au bailleur sans décision judiciaire préalable, dans les cas où le locataire se trouve dans l’impossibilité d’user le local loué ; que tel était le cas en l’espèce, le logement présentant des risques de brûlures, d’électrocution et d’incendie ; qu’ils sont à tout le moins fondés à solliciter la réduction du montant de leur loyer.

Ils font valoir que l’état de l’appartement a généré pour eux et leurs enfants un préjudice justifiant l’allocation de dommages et intérêts.

Subsidiairement, ils sollicitent des délais de paiement les plus larges au regard de leur situation financière.

Par écritures notifiées le 18 janvier 2023, la société Somco a conclu au rejet de l’appel et demande à la cour de :

-confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

-débouter Monsieur [M] [U] et Madame [G] [K] épouse [U] de l’ensemble de leurs fins, conclusions et moyens,

-condamner solidairement Monsieur [M] [U] et Madame [G] [K] épouse [U] à payer à la société Somco la somme de 1 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamner solidairement Monsieur [M] [U] et Madame [G] [K] épouse [U] aux entiers frais et dépens tant de première instance que d’appel, y compris ceux de l’article 10 du décret n° 2001- 212 du 8 mars 2001 en cas d’exécution forcée par huissier.

Elle rappelle que depuis la signature du bail, les époux [U] n’ont jamais réglé la moindre échéance, non plus que le montant du dépôt de garantie et qu’ils sont redevables à la date de sortie des lieux de la somme totale de 26 208,66 €, malgré relances et tentatives de recouvrement amiable.

Elle fait valoir que les constatations faites par la police municipale d'[Localité 5] n’ont pas été menées contradictoirement ; que les locataires n’ont pas respecté de procédure contradictoire telle qu’organisée par l’agence régionale de santé, à laquelle ils n’ont pas eu recours ; que contrairement à leurs affirmations, les appelants ont participé à l’état des lieux d’entrée et ont contesté les mentions de ce constat alors qu’ils prétendaient n’en avoir jamais été destinataires ; qu’ils ont pris le logement à bail après avoir refusé trois autres propositions locatives ; que les travaux qu’ils

ont sollicités par courrier reçu le 19 septembre 2017 ont tous été réalisés ; que l’état des lieux d’entrée ne fait état d’aucune anomalie mettant en cause l’indécence des lieux ; qu’ils n’ont à aucun moment fait état d’une installation électrique dangereuse ni d’aucune des anomalies relatées dans le rapport de police ; qu’elle a toujours répondu à leurs sollicitations en effectuant des travaux en 2018 et en 2019 ; qu’elle n’a jamais été destinataire du courriel de l’agence régionale de santé, qui n’a d’ailleurs pas cru bon effectuer une visite d’expertise contradictoire ; que ce n’est qu’après avoir reçu l’assignation en paiement et en expulsion que les locataires ont fait état d’une insalubrité du logement ; qu’ils ne produisent ni rapport d’enquête ni arrêté d’insalubrité conformément aux dispositions des articles L 1331- 26 et suivants du code de la santé publique.

Elle maintient que les appelants refusent de mauvaise foi de s’acquitter des loyers et charges pour le logement qu’ils ont occupé pendant cinq ans ; qu’ils leurs appartenaient de procéder à une déclaration de sinistre auprès de leur assureur à la suite du débordement de la machine à laver de l’appartement situé au-dessus du leur, dommage d’ordre purement privatif ; que les dégâts ne sont en tout état de cause pas de nature à remettre en cause la salubrité ou la décence du logement ; que le comportement des époux [U] s’oppose à ce que des délais de paiement leur soient octroyés.

MOTIFS

Sur l’indécence ou l’insalubrité du logement :

En vertu des dispositions de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation. Un décret en Conseil d’Etat définit le critère de performance énergétique minimale à respecter et un calendrier de mise en ‘uvre échelonnée.

L’article 2 du décret 2002-120 du 30 janvier 2002 dispose par ailleurs que le logement doit notamment satisfaire aux conditions suivantes, au regard de la santé et de la sécurité physique des locataires ; 3. La nature et l’état de conservation et d’entretien des matériaux de construction, des canalisations et des revêtements du logement ne présentent pas de risques manifestes pour la santé et la sécurité physique des locataires ; 4. Les réseaux et branchements d’électricité et de gaz et les équipements de chauffage et de production d’eau chaude sont conformes aux normes de sécurité

définies par les lois et règlements et sont en bon état d’usage et de fonctionnement’

Il résulte en l’espèce de l’état des lieux d’entrée signé par Monsieur [U] le 23 novembre 2016 que les diverses pièces du logement étaient globalement en assez bon ou en bon état d’usage ; que le revêtement des murs de diverses pièces présentaient par endroits des écaillements, déchirures ou légers décollements, de même que les revêtements de sol ; que le chauffe-eau de la salle d’eau présentait une rouille importante.

Par lettre non datée que la société Somco déclare avoir reçue le 19 avril 2017, Monsieur et Madame [U] ont dénoncé le mauvais état des lieux et ont sollicité que les réparations nécessaires soient effectuées. Ils ont joint une liste des travaux à effectuer, consistant en :

-la cave,

-la boîte aux lettres,

-porte extérieure et interphone ne fonctionne pas,

-portes des chambres ne se ferment pas, + poignée « foutue »,

-le volet du salon ne fonctionne pas,

-mur de la cuisine endommagé,

-tous les sols sont à changer, dans un mauvais état,

-robinetterie à changer,

-ballon d’eau chaude ne prend pas la charge pour toute la famille,

-chauffage de la chambre du fils ne fonctionne pas.

La société Somco produit une série de factures, dont : une facture du 16 décembre 2016 de 756,33 € relative au remplacement de la porte du garage des époux [U], du 28 décembre 2016 de 293,32 € relative au rabotage de la porte de la cuisine et au remplacement de la bouche d’extraction, du 31 janvier 2017 de 1 892,35 €, relative à la fourniture et pose de poignée de fenêtres dans le salon et dans les deux chambres, à la fourniture d’un meuble sous évier, d’un abattant WC, d’un lavabo, d’un robinet mitigeur, d’un siphon, ainsi qu’à la fourniture et pose de revêtement PVC dans le salon, dans deux chambres et la cuisine, du 6 février 2017 de 195,25 € relative au remplacement du mitigeur bain/douche, du 6 février d’un montant de 93,50 € relative au remplacement d’un interrupteur, du 27 juillet 2017 de 1 217,71 € relative au remplacement du revêtement de sol de la salle de bain et du couloir, au dépannage de la serrure et à la fourniture d’un mitigeur lavabo, du 31 juillet 2017 de 176 €

relative au remplacement de la serrure encastrée et de la remise en état de la porte d’entrée, du 13 mars 2018 de 106,48 € relative au remplacement de l’interphone, du 31 juillet 2018 de 480,19 € relative au remplacement de la porte de la cave, du 8 septembre 2018 de 173,10 € relative au dépannage d’une fuite à la base du robinet de l’évier.

Elle justifie ainsi avoir répondu aux doléances des locataires et avoir procédé à l’exécution de son obligation d’entretenir les locaux en état de servir à l’usage prévu par le contrat et d’y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l’entretien normal des locaux loués.

Les époux [U], qui ne justifient pas avoir adressé à la bailleresse d’autres doléances ou demandes de travaux, se sont, par courrier du 6 septembre 2018, plaints auprès de la mairie et de la police municipale d'[Localité 5] de désordres relatifs au logement qu’ils occupent, consistant en : prises cassées et fils électriques apparents, portes des chambres cassées, mur des toilettes cassé, mur de la cuisine cassé par l’humidité, ballon d’eau chaude dans la salle de bains dangereux.

Le 19 septembre 2018, des agents de la police municipale d'[Localité 5] ont procédé à une visite des lieux et ont établi un rapport dont il ressort que le tableau électrique dans l’entrée ne dispose pas d’un différentiel ; qu’il n’y a pas de détecteur de fumée ; qu’il manque les plinthes dans le couloir et que la seule prise électrique est arrachée ; que la peinture des murs de la cuisine est craquelée ; que l’orifice de la VMC est apparent ; qu’il n’y a pas de hotte ; que les prises électriques dans le séjour sont défectueuses, en ce que l’une est arrachée, que deux sont sans bornes terre et que la prise TV/Internet avec câble coaxial est dénudée ; que la prise électrique dans la chambre 1 est arrachée ; que la porte est désolidarisée et branlante ; que les prises sont arrachées dans les chambres 2, 3 et 4 ; que le ballon d’eau chaude est oxydé et se situe au-dessus de la baignoire avec des tuyaux en cuivre apparents, ce qui présente un danger pour les occupants ; que les fils électriques au-dessus du lavabo sont mis à nu ; que la VMC est obstruée ; que le mur présente un orifice de 10 cm de diamètre ; que la prise de terre n’est pas conforme ; que dans le WC, le plafond présente une fissure de 15 cm environ.

Il a été relevé à juste titre par l’intimée que ce constat n’est pas contradictoire ; qu’il n’est en rien démontré que les locataires, à qui incombent la charge du remplacement des interrupteurs et des prises de courant, ne sont pas à l’origine de l’arrachage des prises électriques constaté, ce d’autant qu’ils n’ont jamais signalé de tels problèmes dans la lettre réceptionnée le 19 avril 2017 par laquelle ils sollicitaient des travaux de remise en état ; qu’il résulte du rapport d’intervention et d’une attestation de la société HMS Electricité du 10 avril 2017 qu’il a été constaté, lors de l’intervention à cette date au domicile des appelants, que le bruit

provenant du tableau électrique était dû au télérupteur qui restait en marche forcée, dont la cause provenait d’un interrupteur mis en place à la place d’un bouton-poussoir ; qu’il a été procédé au changement de ce dernier et que l’installation a été testée ; qu’après intervention, le locataire ne leur a fait part d’aucune autre anomalie électrique ; qu’il n’a pas été constaté de prises déboîtées dans leur logement.

Il résulte par ailleurs de l’état des lieux d’entrée que la salle de séjour était équipée d’un détecteur de fumée.

Par ailleurs, le fait que le tableau électrique ne dispose pas d’un interrupteur différentiel n’est pas de nature à rendre le logement indécent, ce d’autant que cette norme n’a été introduite que pour les logements construits après le 1er avril 1992 et que tel n’est pas le cas du bâtiment dans lequel se situe le logement en question ; que la bouche d’extraction de la cuisine avait fait l’objet d’un remplacement le 28 décembre 2016, de sorte que son endommagement est imputable aux locataires.

Seul serait à retenir l’état d’oxydation du chauffe-eau et le caractère apparent des fils de cuivre. La société Somco soutient à cet égard qu’une opération de réhabilitation du bâtiment, comprenant entre autres le déplacement des ballons d’eau chaude sanitaire électriques, doit intervenir prochainement dans le cadre d’un programme national de renouvellement urbain ; que l’installation actuelle, mise en service en 1970, est conforme à la réglementation en vigueur et répond aux normes de cette époque ; que le segment de 30 centimètres de conduite en cuivre situé sous le ballon d’eau chaude ne s’échauffe que lorsque l’on tire de l’eau chaude au robinet, contrairement aux radiateurs du logement qui chauffent toute la journée.

Il sera par ailleurs relevé que dans leur lettre de doléances, Monsieur et Madame [U] n’ont jamais fait part d’un dysfonctionnement du ballon d’eau chaude, dont ils soulignaient simplement le caractère insuffisant pour leur famille de cinq personnes ; qu’ils n’ont jamais soutenu que la rouille apparente nuisait à son fonctionnement, ce qui n’a pas été non plus constaté par la police municipale ; que la société Somco n’a jamais été destinataire du courriel de l’agence régionale de santé lui transmettant le rapport du 19 septembre 2018 établi par la police municipale d'[Localité 5], en raison d’une erreur dans l’adresse mail de la bailleresse ; que l’agence régionale de santé n’a procédé à aucune visite des lieux et n’a pas cru bon relancer la bailleresse.

Enfin, les appelants ne versent aux débats aucune pièce relative à un dégât des eaux qui aurait endommagé le logement et les photographies qu’ils versent aux débats ne révèlent, à l’exception de prises arrachées et d’un décollement minimal de revêtement

mural, aucun des graves désordres qu’ils énoncent dans le cadre de la procédure judiciaire.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, il convient de constater que les appelants échouent à rapporter la preuve de ce que le logement présentait un caractère indécent ou insalubre.

Il a été retenu à juste titre par le premier juge que les locataires, qui ne rapportent pas la preuve de ce que les désordres mineurs affectant le logement le rendaient inhabitable ou même limitait de quelque façon leur jouissance des lieux, ne pouvaient, sans autorisation judiciaire, opposer l’exception d’inexécution et se dispenser du règlement des loyers et des charges ; qu’il n’y a pas plus lieu à réduction du loyer ou à l’octroi de dommages et intérêts.

C’est en conséquence à juste titre, par une décision qui sera confirmée, que le premier juge a condamné les époux [U] au paiement de l’arriéré locatif d’un montant total de 26 208,86 € à la date de leur départ des lieux et qu’il a rejeté leur demande en dommages-intérêts pour un préjudice de jouissance, qui n’est nullement établi.

La décision déférée sera également confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande de délai de paiement, dans la mesure où les locataires ont manqué depuis le début du bail à l’exécution de leur obligation de payer le loyer et les charges ; qu’ils sont en tout état de cause dans l’impossibilité d’apurer substantiellement la dette dans le délai maximal de vingt-quatre mois qui pourraient leur être consenti, étant relevé qu’il a été retenu pour le couple des revenus totaux de 1 771 € dans le cadre de leur demande d’aide juridictionnelle.

Sur les frais et dépens :

Les dispositions du jugement déféré quant au frais et dépens seront confirmées.

Partie perdante, Monsieur et Madame [U] seront déboutés de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et seront condamnés aux dépens de l’instance, conformément aux dispositions de l’article 696 du même code, sans inclusion des frais de l’article 10 du décret n° 2001-212 du 8 mars 2001.

Il sera alloué à l’intimée la somme de 1 000 € en compensation partielle des frais non compris dans les dépens qu’elle a dû exposer pour défendre ses droits en appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement déféré,

Y ajoutant,

CONDAMNE Monsieur [M] [U] et Madame [G] [K] épouse [U] à payer à la société Somco la somme de 1 000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE Monsieur [M] [U] et Madame [G] [K] épouse [U] de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [M] [U] et Madame [G] [K] épouse [U] aux entiers dépens de l’instance d’appel, sans inclusion des frais de l’article 10 du décret n° 2001-212 du 8 mars 2001.

Le Greffier La Présidente

 


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