Exception d’inexécution : 17 octobre 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 22/00157

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Exception d’inexécution : 17 octobre 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 22/00157

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 17 OCTOBRE 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/00157 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PIVH

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 14 DECEMBRE 2021

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN

N° RG 2020J00281

APPELANTE :

S.A.S.U. RENOV MOBILHOME 66 représentée par son Président en exercice,

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Marjorie AGIER, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Harald KNOEPFFLER de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT-PIRET-JOUBES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

INTIME :

Monsieur [R] [V]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Fernand MOLINA de la SCP DE TORRES – PY – MOLINA – BOSC BERTOU, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant non plaidant

Ordonnance de clôture du 29 Août 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 SEPTEMBRE 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Madame Danielle DEMONT, Présidente de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseillère

M. Thibault GRAFFIN, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO

ARRET :

– Contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Madame Danielle DEMONT, Présidente de chambre, et par Mme Audrey VALERO, Greffière.

FAITS, PROCEDURE – PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

La SAS Renov Mobilhome 66 a pour activité, notamment, la réparation, la rénovation de mobilhomes et autres travaux d’aménagement et de finition de bâtiment.

Elle a confié à M. [R] [V] des travaux de peinture sur des chalets au profit du camping le Calypso à [Localité 5] (66).

Ces travaux ont fait l’objet d’une facture, datée du 19 janvier 2020, et rectifiée le 17 février 2020, d’un montant de 39 405 euros (acomptes de 5 000 euros déduits).

M. [V] a mis en demeure, sans succès, la société Renov Mobilhome 66 de lui régler cette facture par lettre du 29 avril 2020 et lettre recommandée avec avis de réception en date du 29 juillet 2020.

Saisi par acte d’huissier en date du 12 novembre 2020 délivrée par M. [V], le tribunal de commerce de Perpignan, par jugement contradictoire du 14 décembre 2021, a :

«- Débouté la SASU Renov Mobilhome 66 de sa demande d’expertise judiciaire ;

– Débouté la SASU Renov Mobilhome 66 de sa demande d’indemnisation au titre de préjudices matériels, économiques et d’image ;

– Dit que la facture n°13 du 17 février 2020 de M. [R] [V] est due pour un montant de 39 405 euros ;

– Condamné la SASU Renov Mobilhome 66 à payer à M. [R] [V] la somme de 39 405 euros ;

– Débouté M. [R] [V] de sa demande d’application d’intérêts au taux légal pour non-paiement dans les délais ;

– Débouté M. [R] [V] de sa demande de dommages-intérêts au titre d’une résistance abusive ;

– Vu les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, alloué à M. [R] [V] la somme de 600 euros, qui lui sera versée par la SASU Renov Mobilhome 66 ;

– Condamné la SASU Renov Mobilhome 66 aux dépens de l’instance (‘). »

Par déclaration reçue au greffe le 10 janvier 2022, la société Renov Mobilhome 66 a relevé appel de ce jugement.

Saisi par acte d’huissier en date du 11 février 2022 délivré par la société Renov Mobilhome 66, le premier président de la cour d’appel de Montpellier a, par ordonnance de référé du 27 avril 2022, déclaré irrecevable la demande d’arrêt de l’exécution provisoire dudit jugement et l’a condamnée à payer à M. [V] la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Par conclusions du 26 juillet 2022, la société Renov Mobilhome 66 demande à la cour au visa des articles 1193 et suivants, 1224 et suivants, 1792 et suivants du code civil, de :

« Réformer le jugement en toutes ses dispositions ;

– Ordonner avant-dire droit une expertise confiée à tel expert qu’il plaira au tribunal (sic) avec mission de :

– convoquer les parties, se rendre sur les lieux,

– se faire remettre les documents intéressant le litige, déterminer les conventions intervenues entre les parties,

– dire si les désordres allégués existent, en déterminer la cause,

– déterminer la nature, la durée et le coût des travaux de reprise, déterminer les préjudices de tous ordres subis par la SASU Renov Mobilhome 66 ;

– Surseoir à statuer sur les demandes de M. [R] [V] jusqu’au dépôt du rapport d’expertise ;

– A titre subsidiaire, déclarer M. [R] [V] responsable des préjudices subis (‘) à raison des désordres affectants les ouvrages ;

– Fixer la créance de M. [R] [V] au titre de la facture n°000013 à la somme de 39 405 euros ;

– Condamner M. [R] [V] à lui verser :

– 124 530,08 euros en indemnisation du préjudice matériel et économique ;

– 15 000 euros en indemnisation du préjudice commercial ;

– Ordonner compensation ;

– En tout état de cause, condamner M. [R] [V] à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, avec distraction (‘). »

Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :

– M. [V] n’a pas respecté son obligation de résultat puisque le maître d’ouvrage a refusé les travaux, un procès-verbal de constat du 6 mai 2020 fait état de malfaçons (travaux de reprise réalisés par elle d’un montant de 12 700 euros) et un rapport d’expertise chiffre de nouveaux désordres (travaux de reprise à effectuer : 52 800 euros et 59 030 euros) ;

– une expertise judiciaire permettrait de déterminer la cause des nouveaux désordres apparus (façades, toitures’) un an après la fin des travaux, le coût de reprise (en tenant compte de celles déjà effectuées) et les responsabilités des désordres ;

– seule l’expertise judiciaire permettra d’apurer les comptes entre les parties;

– elle subit un préjudice matériel et économique du fait des désordres affectant les ouvrages réalisés ;

– elle subit un préjudice commercial et d’image au titre d’une perte de chance d’obtenir de nouveaux marchés alors qu’elle évolue dans un marché fermé (campings de grand standing) avec peu d’opérateurs.

Par conclusions du 12 mai 2022, formant appel incident, M. [R] [V] demande à la cour au visa de l’article 1103 et notamment 1134 du code civil, de :

« – Confirmer pleinement le jugement entrepris ;

– Condamner la SASU Renov Mobilhome 66 à lui payer la somme de 39 405 euros au titre des factures impayées, avec intérêts de retard au taux légal à compter de la première mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 7 février 2020 ;

– Y ajoutant, condamner également la SASU Renov Mobilhome 66 à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la résistance abusive ;

– Rejeter les demandes de condamnation à son encontre ;

– En toute hypothèse, rejeter la demande de compensation ;

– Subsidiairement, lui donner acte qu’il s’en remet sur la demande d’expertise étant toutefois précisé que la mission de l’expert judiciaire devra être complétée en ce qu’il devra se prononcer sur les éventuelles responsabilités liées aux désordres allégués,

– Condamner enfin la SASU Renov Mobilhome 66 à lui payer la somme de 2500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ».

Il expose en substance que :

– le constat d’huissier du 6 mai 2020 ainsi que le rapport d’expertise de M. [N] produits par la société Renov Mobilhome 66 ne sont pas contradictoires;

– la société Renov Mobilhome 66 ne lui a jamais fait part de quelconques désordres ou demandé de reprendre ses travaux, aucun refus des travaux n’a été acté, la demande d’indemnisation est une réponse à la demande en paiement de facture ;

– les travaux ayant été repris par la société Renov Mobilhome 66, un expert judiciaire ne pourrait se prononcer sur la réalité des désordres ;

– la société Renov Mobilhome 66 ne rapporte pas la preuve que les préjudices, qu’elle dit subir, soient imputables à une faute de sa part, notamment le préjudice d’image.

Il est renvoyé, pour l’exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est datée du 29 août 2023.

MOTIFS de la DÉCISION :

1- sur la demande en paiement

Selon l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

La société Renov Mobilhome 66 ne conteste pas avoir reçu deux mises en demeure de payer la facture litigieuse en avril et juillet 2020.

Contrairement à ce qu’elle soutient, alors qu’elle agissait en qualité de professionnel du bâtiment, elle ne justifie nullement avoir refusé les travaux de M. [V] et l’en avoir avisé que ce soit avant ou après l’émission de la facture initiale ou rectifiée.

Elle ne justifie pas davantage avoir fait parvenir à ce dernier le procès-verbal de constat, établi par un huissier de justice le 6 mai 2020. Malgré le caractère non contradictoire de ces constatations, elle a fait le choix, en cours d’instance, d’avoir recours à une mesure d’expertise, réalisée le 11 janvier 2021, sans y convier, à nouveau, son cocontractant.

Au demeurant, ce procès-verbal de constat et ce rapport d’expertise, ainsi que son complément du 7 avril 2021, ne listent que des désordres d’ordre esthétique, même si ceux-ci ont, par essence, vocation à s’aggraver. Ils ne portent pas atteinte à la solidité des chalets et ne les rendent pas impropres à leur destination.

La demande d’expertise judiciaire, plus de trois années après la réalisation de travaux, alors qu’il est établi qu’une partie, même limitée, de ceux-ci a fait l’objet de reprises, outre son caractère particulièrement tardif, paraît inutile.

Au vu de ces éléments, les désordres décrits ne constituent pas une inexécution suffisamment grave au sens de l’article 1219 du code civil autorisant la société Renov Mobilhome 66 à opposer à son créancier une exception d’inexécution.

Celle-ci demeure, donc, tenue au paiement de la facture n°13 du 17 février 2020 à hauteur de la somme de 39 405 euros et ce, avec intérêts au taux légal, en application des dispositions de l’article 1231-6 du code civil, à compter du 29 juillet 2020 (aucune mise en demeure n’ayant été adressée le 7 -ou même le 17- février 2020).

De même, aucun lien de causalité n’est établi entre ces désordres et les préjudices matériel, économique et d’image, dont la société Renov Mobilhome 66 sollicite réparation sans en rapporter la matérialité en l’absence de la moindre pièce justificative, de sorte que ses demandes d’indemnisation et de compensation, formées à titre subsidiaire, seront également rejetées.

Le jugement entrepris sera confirmé, sauf en ce qu’il a rejeté la demande de M. [V] relative à une condamnation en principal portant intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure.

2- sur les autres demandes

L’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits ne constituant pas, en soi, une faute caractérisant un abus du droit d’agir en justice, ni une quelconque résistance abusive, il convient de rejeter la demande d’indemnisation au titre d’une telle résistance, formée par M. [V], aucun préjudice n’étant, au demeurant, rapporté. Le jugement sera également confirmé de ce chef.

Succombant sur son appel, la société Renov Mobilhome 66 sera condamnée aux dépens et au vu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 1 500 euros, sa demande sur ce fondement étant rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande de M. [R] [V] relative à une condamnation en principal portant intérêts au taux légal,

Statuant à nouveau de ce seul chef,

Dit que la condamnation de la SAS Renov Mobilhome 66 à payer la somme de 39 405 euros à M. [R] [V] portera intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2020 ;

Confirme le jugement entrepris dans le surplus de ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la SAS Renov Mobilhome 66 à payer à M. [R] [V] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de la SAS Renov Mobilhome 66 fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Renov Mobilhome66 aux dépens d’appel.

le greffier, le président,

 


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