Exception d’inexécution : 14 septembre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/06799

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Exception d’inexécution : 14 septembre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/06799

4ème Chambre

ARRÊT N° 204

N° RG 22/06799

N��Portalis DBVL-V-B7G-TJFV

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Guillaume FRANCOIS, Conseiller, désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 31 mai 2023

GREFFIER :

Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 06 Juin 2023

devant Madame Nathalie MALARDEL, magistrat rapporteur, tenant seule l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 14 Septembre 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

SAS MORTIER CONSTRUCTION

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Sylvie PELOIS de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Frédéric DALIBARD de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de TOURS

INTIMÉES :

Société ABEILLE IARD & SANTE

(Société anonyme d’assurances incendie, accident et risques divers)

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Vincent LAHALLE de la SELARL LEXCAP, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

S.C.I. LT3

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Augustin MOULINAS de la SELARL AUGUSTIN MOULINAS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

Suivant un contrat du 2 octobre 2015, la SCI LT3 a confié à la société Conception Etudes Bâtiments Blanchard (CEBB) une mission d’assistance à maître de l’ouvrage pour la construction d’un bâtiment à usage de restaurant, sur la parcelle section XN n°[Cadastre 4] acquise le 28 juin 2016, située sur la zone d’activité Les Châtelets, à [Localité 8].

Le 30 octobre 2015, la SCI LT3 a confié à la société Mortier Construction, entreprise générale assurée auprès de la société Aviva devenue Abeille Iard & Santé, la construction du bâtiment.

Le maître de l’ouvrage a confié le lot carrelage à la société C. Carré. Les autres lots ont été sous-traités par la société Mortier Construction.

Par contrat du 15 octobre 2017, la société LT3 a donné le restaurant à bail commercial à la société L2R aux fins d’exploitation pour un coût annuel de 37 200 euros HT à compter du 1er décembre 2017.

La réception des travaux a été prononcée le 17 novembre 2017 avec des réserves sans lien avec le litige.

 

Se plaignant d’humidité et d’infiltrations apparues après la réception dans le bâtiment, par acte d’huissier du 30 octobre 2019, la SCI LT3 a fait assigner la société Mortier Construction et son assureur Abeille Iard & Santé devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Nantes aux fins d’expertise judiciaire. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 5 décembre 2019. M. [G] initialement désigné a été remplacé par M. [F] par ordonnance du 9 mars 2020.

 

Par ordonnances des 26 novembre 2020 et 20 mai 2021, les opérations d’expertise ont été étendues aux sous-traitants.

Le 6 octobre 2021, la société LT3 a vendu sous condition suspensive à la société FB8 la parcelle section XN n°[Cadastre 4], un bâtiment pour une restauration rapide devant être construit après démolition de l’immeuble existant.

 

Par acte d’huissier du 28 octobre 2021, la société Mortier Construction a appelé à la cause son assureur, la société Abeille Iard & Santé. Les opérations d’expertise lui ont été étendues par ordonnance du 16 décembre 2021.

 

Par acte d’huissier du 24 décembre 2021, la SCI LT3 a assigné les sociétés Mortier Construction et Abeille Iard & Santé devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nantes afin de les voir condamnés à lui verser une provision.

 

Par une ordonnance en date du 20 octobre 2022, le juge des référés a :

 

– condamné solidairement la société Mortier Construction et la société Abeille Iard & Santé à payer à la SCI LT3 une provision de 65 936,99 euros à valoir sur la réparation de son préjudice ;

– dit n’y avoir lieu à référé pour le surplus, ni à faire applicable des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société Mortier Construction et la société Abeille Iard & Santé aux dépens.

 

La société Mortier Construction a interjeté appel de cette décision le 22 novembre 2022.

L’instruction a été clôturée le 6 juin 2023.

 

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions en date du 2 juin 2023, au visa des articles 11, 122 et suivants, 132 et suivants, 138, 139, 142, 542, 835 et 954 du code de procédure civile, 1792 du code civil et L241-1 du code des assurances, la société Mortier Construction demande à la cour de :

 

– infirmer l’ordonnance dont appel en ce qu’elle a :

– condamné solidairement la société Mortier Construction et la société Abeille Iard & Santé à payer à la SCI LT3 une provision de 65 936,99 euros à valoir sur la réparation de son préjudice ;

– dit n’y avoir lieu à référé pour le surplus tendant à voir :

– condamner la société Abeille Iard & Santé en sa qualité d’assureur responsabilité civile décennale et responsabilité civile de la société Mortier Construction à relever et garantir ladite société Mortier Construction de toutes condamnations prononcées le cas échéant à son encontre, en ce compris celles formulées par la société LT3 ;

– condamner la société LT3, à défaut la société Abeille Iard & Santé au paiement au bénéfice de la société Mortier Construction de la somme de 2 000 euros au titre des frais non répétibles exposés ;

– condamné la société Mortier Construction aux dépens ;

Et statuant à nouveau,

À titre principal,

– rejeter toute condamnation de la société Mortier Construction au bénéfice de la société LT3 au paiement d’une provision de la somme de 65 936,99 euros au titre des travaux réparatoires ;

– débouter la société LT3 de toutes ses fins, conclusions et prétentions notamment reconventionnelles dirigées contre la société Mortier Construction ;

– condamner la société LT3 au paiement au bénéfice de la société Mortier Construction de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens afférents à la première instance et d’appel ;

À titre subsidiaire,

– condamner la société Abeille Iard & Santé, en qualité d’assureur de responsabilités civile et décennale de la société Mortier Construction à garantir intégralement et relever indemne la société Mortier Construction de toutes condamnations prononcées à son encontre notamment au bénéfice de la société LT3 ;

– condamner la société Abeille Iard & Santé en sa qualité d’assureur responsabilité décennale et responsabilité civile de la société Mortier Construction NV à garantir intégralement et relever indemne la société Mortier Construction de toutes condamnations aux frais irrépétibles et dépens, qui seraient prononcées à son encontre ;

– condamner la société Abeille Iard & Santé en sa qualité d’assureur responsabilité décennale et responsabilité civile de la société Mortier Construction à régler à la société Mortier Construction une somme de 3 500 euros au titre des frais non répétibles exposés par elle et ce sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d’appel ;

– rejeter toutes demandes contraires de la société Abeille Iard & Santé ;

Elle soutient que la SCI LT3 n’a pas d’intérêt à agir au motif que cette dernière a vendu l’immeuble sous conditions suspensives. Elle estime que l’affichage de l’autorisation de la mairie de procéder à la destruction de l’immeuble par l’acquéreur démontre que la condition suspensive est accomplie, que le transfert de propriété est réputé acquis, que la vente est parfaite et rétroagit à la date de la signature de la promesse, de sorte que n’étant plus propriétaire de l’immeuble l’intimée n’a plus d’intérêt à agir pour réclamer une provision, peu important que la publication aux services en charge de la publicité foncière n’ait pas été effectuée. Elle ajoute que cette situation crée à tout le moins une contestation sérieuse quant à l’étendue des droits de la société LT3, laquelle doit conduire au rejet de la demande de provision.

Elle fait également valoir que l’expert ne s’est pas prononcé sur l’imputabilité des désordres et que les causes techniques ne sont pas arrêtées. Elle précise que l’expert a constaté que l’intégralité de la cuisine est affectée par des infiltrations engendrant une humidité chronique et considère que la société C. Carré en est exclusivement responsable. Elle ajoute que la question de la responsabilité de la société Guérin TP, chargée de l’assainissement, du terrassement et de l’enrobé et de la société CEBB doit être discutée au fond pour les autres désordres.

Elle assure enfin que le préjudice de la société LT3 n’est qu’hypothétique puisque l’immeuble doit être démoli et qu’elle ne procèdera pas aux réparations.

À titre subsidiaire, elle sollicite la garantie de son assureur la société Abeille Iard et Santé au titre de l’assurance décennale souscrite.

Dans ses dernières conclusions en date du 3 février 2023, au visa des articles 31, 32, 122 et 835 du code de procédure civile, la société Abeille Iard & Santé demande à la cour de :

 

– infirmer l’ordonnance dont appel en ce qu’elle a :

– condamné solidairement la société Mortier Construction et la société Abeille Iard & Santé à payer à la SCI LT3 une provision de 65 936,99 euros à valoir sur la réparation de son préjudice ;

– condamné la société Mortier Construction aux dépens ;

– la confirmer en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé pour le surplus, ni à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Et statuant à nouveau,

– dire et juger que la demande de provision se heurte à une contestation sérieuse ;

– débouter la société civile immobilière LT3 et la renvoyer à se pourvoir au fond ;

– débouter en tout état de cause la société Mortier Construction de sa demande de garantie à l’encontre d’Abeille Iard & Santé recherchée en qualité d’assureur responsabilité civile et responsabilité civile décennale de ladite société ;

– en tout état de cause, dire et juger qu’Abeille Iard & Santé est fondée à opposer à la société Mortier Construction ses plafonds et franchises contractuelles ;

– dépens réservés.

L’assureur s’associe à l’argumentation de son assuré et soutient que la SCI LT3 n’a ni intérêt ni qualité à agir puisqu’elle n’est plus la propriétaire du bâtiment. Elle fait également plaider que la responsabilité de son assuré n’est pas incontestablement établie, l’ensemble des intervenants n’ayant pas été pris en compte par l’expert et que d’autres lots, notamment le carrelage, a donné lieu à un contrat directement souscrit par l’entrepreneur avec le maître de l’ouvrage.

Elle ajoute que l’immeuble a vocation à être démoli et ne sera pas réparé, que l’existence d’un préjudice est contestable.

Elle considère que l’absence de paiement des loyers ne concerne que le bailleur et le locataire.

À titre subsidiaire, elle soutient que la demande de garantie de son assuré se heurte à une contestation sérieuse puisque la responsabilité de ce dernier est discutée.

Dans ses dernières conclusions en date du 15 février 2023, la SCI LT3 demande à la cour de :

 

– débouter la société Mortier Construction de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

– confirmer l’ordonnance de référé du 20 octobre 2022 en ce qu’elle a octroyé une provision à la SCI LT3 à hauteur de 65 936,99 euros ;

– réformer l’ordonnance de référé du 20 octobre 2022 en ce qu’elle a refusé d’octroyer une provision supplémentaire à la SCI LT3, à valoir en compensation des loyers impayés ;

– condamner in solidum et solidairement les sociétés Mortier Construction et Abeille Iard & Santé à verser à la SCI LT3 les sommes suivantes, à titre de provisions :

– 113 668,80 euros correspondant aux loyers qui n’ont pas été payés par la SAS L2R en raison de l’indisponibilité du bâtiment eu égard aux désordres constatés ;

– 65 936,99 euros correspondant au coût des travaux à mettre en ‘uvre immédiatement pour poursuivre l’exploitation du bâtiment ;

– 11 900 euros correspondant aux provisions payées par la SCI LT3 dans le cadre de l’expertise judiciaire ;

– condamner in solidum et solidairement les sociétés Mortier Construction et Abeille Iard & Santé à verser à la SCI LT3 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner les mêmes dans les mêmes conditions aux dépens de l’instance.

Elle reconnait avoir signé une promesse de vente sous condition suspensive pour la somme de 630 000 euros et soutient que ce prix a été minoré compte tenu des désordres affectant le bâtiment.

Elle considère que l’obligation de la société Mortier Construction, entreprise générale et seule interlocutrice, n’est pas sérieusement contestable. Elle fait valoir que les désordres sont avérés et de nature décennale et qu’il appartient à l’assureur dommages-ouvrages, la société Abeille Iard & Santé de les garantir.

Elle rappelle que le montant du préjudice à hauteur de 65 936,99 euros correspond au devis réparatoire de la société Ioneco validé par l’expert.

 

Elle forme un appel incident et réclame le paiement provisionnel de la somme de 113 668,80 euros correspondant aux loyers non versés par la société L2R qui lui a opposé une exception d’inexécution tant que le local ne sera pas remis en état.

MOTIFS

Selon l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

L’expertise judiciaire ordonnée par le juge des référés était toujours en cours en juin 2023. M. [F] a toutefois déposé une note technique le 4 octobre 2022 aux termes de laquelle il indique que le litige porte principalement sur le bâtiment qui souffre d’une humidité chronique, par capillarité, qui affecte les parois, les sols et les plafonds dès qu’il pleut, été comme hiver.

S’agissant des remontées périphériques dans les murs, avec dégradations des bas des murs et des prises de courant qui se décollent de la cloison et l’apparition de moisissures noires, l’expert attribue la cause du désordre à la présence de terres argileuses qui recouvrent le drainage sur la fondation ce qui empêche l’évacuation de l’eau et le drainage le long des soubassements. Il précise que le drain à cunette plate en partie haute posé sur cette terre argileuse avec son empierrement se situe au-dessus de la dalle béton intérieure et que lors de fortes pluies la surcharge dans ce drain qui ne peut s’évacuer avec l’argile totalement étanche, se répartit sur l’enduit au-dessus de la dalle et s’infiltre sur la dalle intérieure avec des remontées d’eau dans les feuilles de plâtre du doublage.

Il estime que le devis de la société Ioneco de 65 936,26 euros permet une première approche, mais que plusieurs prestations pour remédier à ces désordres sont manquantes. Il considère que la société Mortier Construction, seule intervenante sur ces travaux, est directement et techniquement impliquée.

S’agissant de l’humidité chronique dans la cuisine, il en attribue la cause à l’absence de système d’étanchéité sous carrelage. Il note qu’aucun devis n’a été pour le moment produit pour déposer et reposer le carrelage après mise en ‘uvre d’un système d’étanchéité sur la dalle.

Sur la demande de provision au titre des travaux réparatoires

Il n’est pas contestable que les désordres relatifs à l’humidité périphérique affectant le bâtiment, apparus après réception, qui portent atteinte au clos et au couvert, sont de nature décennale. La somme de 65 936,26 euros correspond aux reprises des malfaçons et ne concerne pas le défaut d’étanchéité du carrelage. La présomption de responsabilité joue ainsi à l’égard de la société Mortier Construction, seul entrepreneur ayant contracté avec la SCI pour la réalisation des travaux, siège des désordres. La circonstance que la société CEEB assistant à la maîtrise d’ouvrage a pu commettre des fautes, ne l’exonère pas de sa responsabilité.

En revanche, la SCI LT3 a vendu le 6 octobre 2021 le terrain contenant le bâtiment à usage de restaurant destiné à être démoli sous réserve de la réalisation de nombreuses conditions suspensives. Elle a justifié en décembre 2022 en être toujours propriétaire, mais n’a pas renouvelé cette preuve six mois plus tard au jour de l’audience alors que le délai pour la réalisation des conditions suspensives courait jusqu’au 20 avril 2023 au plus tard.

S’il est constant que la vente de l’ouvrage ne fait pas obstacle à ce que le vendeur puisse bénéficier de l’action en responsabilité décennale contre l’entrepreneur et son assureur même si l’action en garantie décennale est transférée à tous les acquéreurs successifs, il doit justifier d’un intérêt direct et certain.

Or, en premier lieu, les documents produits par la SCI ne permettent pas de connaître le propriétaire du terrain litigieux.

En second lieu, l’acte du 6 octobre 2021 prévoit de faire édifier un immeuble d’une surface de plancher de 450 m² avec terrasse, double piste de service au volant et aire de stationnement, correspondant aux immeubles modélisés par l’acquéreur, grande chaîne de restauration rapide (Burger King), après démolition du restaurant préexistant. Dès lors, l’état de l’immeuble est indifférent et il n’est pas démontré que le prix de vente a été minoré en raison des désordres contrairement à ce que soutient la SCI LT3.

L’existence d’un préjudice matériel alors que l’acquéreur n’a jamais envisagé de conserver le bâtiment construit se heurte ainsi à une contestation sérieuse.

L’ordonnance sera infirmée en ce qu’elle a fait droit à la demande de provision de 65 936,99 euros.

Sur la demande de provision au titre des loyers impayés

La société LT3 réclame une provision de 113 668,80 euros TTC correspondant au non-paiement par la société L2R de cinq mois de loyer en 2020 et des douze mois de loyers de 2021 et 2022.

Elle expose n’avoir pas perçu de loyer du 16 mars 2020 au 30 juin 2020 en raison du confinement lié à l’épidémie de covid-19 puis à compter du 1er novembre 2020 pour le même motif, les loyers étant toutefois réglés entre juillet et octobre de la même année. Il est ainsi incohérent pour la SCI LT3 de réclamer à la société Mortier Construction des loyers non perçus du fait de la pandémie ainsi que le souligne cette dernière.

De surcroît, si l’expert a indiqué le 4 octobre 2021 que le bâtiment ne pouvait plus être exploité, M. [F] est moins catégorique dans sa note technique du 4 octobre 2022, soulignant que cette recherche ne fait pas partie de sa mission et qu’il incombait au gérant de prendre les mesures nécessaires à la sécurité de ses employés.

Enfin, l’acte de vente du 6 octobre 2021 qui a été signé sous condition suspensive du départ du locataire avant le 20 avril 2023 prévoit le versement de la somme de 250 000 euros à la SCI LT3 en considération du préjudice lié à sa perte de revenus en raison de la non-exploitation du bien pendant la période précédant la vente et du versement de l’indemnité d’éviction au locataire. Il est ainsi prévu une indemnisation partielle de la SCI LT3 pour la perte de ses revenus locatifs.

Au regard de ce qui précède, la demande de provision de la SCI LT3 est sérieusement contestable.

L’ordonnance sera ainsi confirmée en ce qu’elle l’a déboutée de sa demande de provision au titre du préjudice résultant des loyers impayés.

Sur la demande de provision au titre des frais d’expertise

Il est incontestable que l’expertise a été légitimement ordonnée suite à la découverte de désordres qui ne sont pas contestés et qui sont survenus avant la signature de la vente sous conditions suspensives du bâtiment. Les frais avancés à hauteur de 11 900 euros par la SCI LT3 doivent donc être pris en charge par la société Mortier Construction dont la responsabilité décennale pour les désordres relatifs à l’humidité périphérique n’est pas contestable.

La garantie de l’assurance dommages-ouvrage est sérieusement contestable puisque la vente du terrain supportant le bâtiment qui sera démoli ne permettra pas sa réparation alors que les fonds versés par l’assureur doivent être utilisés à cette fin.

En revanche, la SCI LT3 et la société Abeille Iard & Santé en qualité d’assureur décennal seront condamnées in solidum à payer une somme provisionnelle de 11 900 euros à la SCI LT3 par voie d’infirmation. La demande de condamnation solidaire, incompatible avec la condamnation in solidum, sera rejetée.

La société Abeille Iard & Santé sera condamnée en qualité d’assureur décennal à garantir son assuré, en ce compris les dépens.

Il n’est pas contestable que l’assureur puisse opposer à son assuré les franchises et plafonds contractuels.

Sur les autres demandes

Les dispositions prononcées par le juge des référés au titre des dépens sont confirmées.

Il n’y a pas lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Les sociétés Mortier Construction et Abeille Iard & Santé qui succombent pour l’essentiel seront condamnées in solidum aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a débouté la société LT3 de ses demandes de provision au titre des loyers impayés et a condamné la société Mortier Construction et la société Abeille Iard & Santé aux dépens,

L’INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant

CONDAMNE in solidum les sociétés Mortier Construction et Abeille Iard & Santé à payer à la SCI LT3 une somme provisionnelle de 11 900 euros au titre des frais d’expertise,

DEBOUTE la Société LT3 du surplus de ses demandes de provision,

CONDAMNE la société Abeille Iard & Santé à garantir la société Mortier Construction, en ce compris les dépens,

DECLARE la société Abeille Iard & Santé fondée à opposer à la société Mortier Construction ses plafonds et franchises contractuels,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

DIT n’y a voir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum les sociétés Mortier Construction et Abeille Iard & Santé aux dépens d’appel.

Le Greffier, Le Président,

 


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