N° RG 21/07643 – N° Portalis DBVX-V-B7F-N4SV
Décision du Juridiction de proximité de Lyon au fond
du 01 octobre 2021
RG : 21-002448
[E]
C/
[F]
[J] NEE [C]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRÊT DU 10 Janvier 2024
APPELANTE :
Mme [Y] [E]
née le 30 Juin 1963 à [Localité 6]
[Adresse 4]
[Localité 5]
(bénéficiaire d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2022/11642 du 07/07/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Lyon)
Représentée par Me Aminata SONKO, avocat au barreau de LYON, toque : 2129
INTIMÉES :
Mme [X]-[W] [F]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Mme [S] [X] [L] [J] née [C]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentées par Me Lydie DREZET de la SELARL DREZET – PELET, avocat au barreau de LYON, toque : 485
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 14 Novembre 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 13 Novembre 2023
Date de mise à disposition : 10 Janvier 2024
Audience présidée par Bénédicte BOISSELET, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de William BOUKADIA, greffier.
Composition de la Cour lors du délibéré :
– Bénédicte BOISSELET, président
– Véronique MASSON-BESSOU, conseiller
– Véronique DRAHI, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
EXPOSE DU LITIGE :
Par acte sous seing privé en date du 23 octobre 2017, Mme [X]-[W] [F] a donné à bail à Mme [Y] [E] un local à usage d’habitation situé [Adresse 4] à [Localité 7], pour un loyer mensuel de 460 euros outre provision sur charge.
Par acte du 15 février 2021, Mme [X]-[W] [F] et Mme [S] [X] [L] [J] ont fait délivré à Mme [Y] [E] un commandement de payer les loyers et charges impayés, visant la clause résolutoire incluse au contrat de bail.
Ce commandement a été dénoncé à la CCAPEX le 18 février 2021.
Par acte du 27 mai 2021, Mme [X]-[W] [F] et Mme [S] [X] [L] [J] ont assigné Mme [Y] [E] devant le juge des contentieux et de la protection du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir constater la résiliation du bail et obtenir paiement.
Par jugement contradictoire en date du 1er octobre 2021, le tribunal judiciaire de Lyon a :
Constaté la résiliation du bail conclu Mme [X]- [W] [F], Mme [S] [C] et Mme [Y] [E] à compter du 16 avril 2021,
Dit que faute par Mme [Y] [E] de quitter les lieux avec tous occupants et tous biens de son chef, il pourra être procédé à son expulsion et si besoin avec le concours et ‘assistance de la force publique, d’un déménageur et d’un serrurier.
Condamné Mme [Y] [E] à payer à Mme [X]-[W] [F] et à Mme [S] [C] les sommes suivantes :
* 9.660 euros au titre des loyers dus au 1er septembre 2021 (mois de septembre inclus) avec intérêts aux légal à compter du 15 février 2021 (date du commandement de payer) sur la somme de 7.360 euros et à compter de la date de la présente décision pour le surplus,
* 150 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamné Mme [Y] [E] à payer à Mme [X]-[W] [F] et à Mme [S] [C] :
* Une indemnité d’occupation égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus en l’absence de cessation du bail, à compter du 01 octobre 2021 jusqu’à libération effective et totale des lieux,
Condamné Mme [Y] [E] aux dépens en ce compris les frais du commandement de payer du 15 février 2021,
Rappelé que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit,
Débouté les parties de leurs autres demandes.
Le tribunal a retenu en substance :
Que le bailleur apporte bien la preuve de l’obligation dont il se prévaut et Mme [E] ne fournit aucun justificatif de paiement en espèces de ses loyers, ni d’un accord entre elle et le bailleur pour des travaux qu’elle aurait faits et dont le montant devrait être déduit des loyers,
Que le bailleur ne peut lui délivrer de quittance de loyers puisque ceux-ci ne sont pas payés.
Par déclaration en date du 18 octobre 2021, Mme [Y] [E] a interjeté appel sur l’ensemble des chefs de jugement.
Mme [E] a saisi la juridiction du premier président de la cour d’appel de Lyon afin de demander la levée de l’exécution provisoire.
Par ordonnance en date du 19 septembre 2022, le premier président a rejeté la demande.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 17 janvier 2022, Mme [Y] [E] demande à la cour d’appel de Lyon de :
Vu la loi du 6 juillet 1989,
Dire et juger recevable et bien fondé l’appel interjeté par Mme [Y] [E],
Juger nouveau,
En conséquence,
Réformer la décision attaquée et,
A titre préliminaire,
Constater l’absence d’intérêt à agir de Mme [J],
En conséquence,
Déclarer l’action irrecevable et infondée,
Constater l’état insalubre de l’appartement loué,
Constater l’absence de travaux réalisés par le bailleur malgré l’intervention des services d’hygiène de la ville et de l’expertise de l’assureur versé aux débats.
En conséquence,
Dire et juger que le bail n’est pas résilié ;
Et, qu’en tout état de cause,
Dire et juger que le locataire pouvait se prévaloir du principe d’exception d’inexécution suite à l’état d’insalubrité des lieux loués,
Constater le paiement des loyers dus au jour de la signification du commandement de payer.
A titre reconventionnel,
Dire et juger que le bailleur sera condamné à délivrer, sous astreinte, l’ensemble des quittances de loyers à la locataire, depuis la date d’entrée dans les lieux de Mme [E] jusqu’au jour de la décision à intervenir ;
En conséquence,
Rejeter l’ensemble des demandes et prétentions du bailleur.
Condamner le bailleur à verser Mme [E], la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
A l’appui de ces prétentions, Mme [Y] [E] soutient essentiellement :
Sur l’irrégularité du jugement attaqué :
Que le contrat de bail a été signé par Mme [X] [F] le 23octobre 2017 et non Mme [X]-[L] [J],
Que Mme [Y] [E] a été informée que la gestion de son appartement a été confiée à la Régie [M] par échange de SMS avec Mme [F] au cours du mois de janvier 2021,
Que Mme [J] n’a jamais justifié de son intérêt à agir dans le cadre de la présente procédure.
Sur l’état d’insalubrité de l’appartement :
Que, depuis 2017, avant l’intégration de l’appartement, il a été constaté, l’intervention d’un plombier pour la réparation des fuites d’eaux chaude et froide entre le mur de la chambre de la salle d’eau et toilettes y compris le changement de l’ancienne cuvette et chasse d’eau.
Que sur trois quittances de loyer au cours de l’année 2020, des déductions afférentes à la facture du plombier ont été faites,
Qu’elle est légitime à invoquer l’exception d’inexécution et affirme également qu’elle justifie du caractère inhabitable des lieux.
Sur les paiements effectués :
Qu’elle a payé :
* les montants non versés par la CAF depuis janvier 2020 à août 2020 à savoir : 270*8 = 2 160 euros,
* 460*5 = 2 300 euros versés en espèces à Mme [F] au titre des de juillet 2020 à décembre 2020 ainsi que les APL non versées par la CAF.
Que, Mme [J] a versé par virement sur le compte de Mme [J] usufruit et mère de Mme [F], depuis 05 juin 2019 au 05 janvier 2021, 1 140 euros, correspondant au plan d’apurement établi par la CAF de l’année 2017, 2018, au moment où elle percevait la somme de 360 euros de RSA,
Que Mme [E] a versé en espèce à Mme [F] des sommes correspondantes aux travaux de rénovations,
Que Mme [F] n’a remis que trois quittances, depuis quatre années de location, et n’a adressé aucune pièce comptable à la cliente permettant à cette dernière de contester valablement les paiements dont elle apporte la preuve par relevés de compte.
A Titre reconventionnel : condamnation du bailleur à la transmission des quittances :
Que le bailleur ou son mandataire est tenu de transmettre gratuitement une quittance au locataire qui en fait la demande. La quittance porte le détail des sommes versées par le locataire en distinguant le loyer et les charges.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées par voie électronique le 29 septembre 2022, Mme [X]-[W] [F] et Mme [S] [X] [L] [J] née [C] demandent à la cour d’appel de Lyon de :
Vu la loi du 6 juillet 1989,
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 1 er octobre 2021 par le Juge des Contentieux de la Protection du Tribunal Judiciaire de LYON en ce qu’il a :
* Constaté la résiliation du bail conclu Mme [X]- [W] [F], Mme [S] [C] et Mme [Y] [E] à compter du 16 avril 2021,
* Dit que faute par Mme [Y] [E] de quitter les lieux avec tous occupants et tous biens de son chef, il pourra être procédé à son expulsion et si besoin avec le concours et ‘assistance de la force publique, d’un déménageur et d’un serrurier.
* Condamné Mme [Y] [E] à payer à Mme [X]-[W] [F] et à Mme [S] [C] les sommes suivantes:
* 9.660 euros au titre des loyers dus au 1er septembre 2021 (mois de septembre inclus)avec intérêts aux légal à compter du 15 février 2021 (date du commandement de payer) sur la somme de 7.360 euros et à compter de la date de la présente décision pour le surplus,
* 150 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* Condamné Mme [Y] [E] à payer à Mme [X]-[W] [F] et à Mme [S] [C]:
* Une indemnité d’occupation égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus en l’absence de cessation du bail, à compter du 01 octobre 2021 jusqu’à libération effective et totale des lieux,
* Condamné Mme [Y] [E] aux dépens en ce compris les frais du commandement de payer du 15 février 2021
Débouter Mme [E] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
Déclarer Mme [E] irrecevable en sa demande de communication de quittant de loyers pour les périodes antérieures à septembre 2018 comme prescrite,
Y ajoutant,
Condamner Mme [Y] [E] à régler à Mme [J] la somme de 10 045.34 euros au titre du solde locatif à la date de l’expulsion du 11 mai 2022, échéance de mai au prorata comprise, outre intérêt à compter du 15 février 2021.
Condamner Mm [Y] [E] à régler à Mme [J] et Mme [F] la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel.
Condamner Mme [Y] [E] aux entiers dépens d’appel.
A titre subsidiaire, si la cour décide qu’il existe une difficulté sur le constat de la résiliation du bail, le bailleur est légitime comme il l’a fait en première instance à demander à la Cour de :
‘ Prononcer la résiliation du bail conclu à Mme [E] du fait des manquements du locataire à son obligation de paiement et du fait de l’abandon des lieux reconnu par Mme [E] devant le premier Président
‘ Dire que faute pour Mme [Y] [E] de quitter les lieux avec tous occupants et tous biens sans chef, il pourra être procédé à son expulsion si besoin est avec le concours et l’assistance de la force publique d’un déménageur et d’un serrurier,
‘ Condamner Mme [Y] [E] à payer à Mme [F] et Mme [S] [J] la somme de 10 045.34 euros au titre du solde locatif à la date de l’expulsion du 11 mai 2022, échéance de mai au prorata comprise, outre intérêt à compter du 15 février 2021,
‘ condamné Mme [E] à régler une indemnité d’occupation égale au montant du loyer et des charges qui aurait été dû en l’absence de cessation du bail à compter du 1er mars 2022 jusqu’à la libération effective et totale des lieux
En tout état de cause,
Condamner Mme [Y] [E] à régler à Mme [J] et Mme [F] la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel.
Condamner Mme [Y] [E] aux entiers dépens d’appel.
A l’appui de ces prétentions, Mme [X]-[W] [F] et Mme [S] [X] [L] [J] soutiennent essentiellement :
Sur l’irrecevabilité
Que Mme [J] est bien usufruitière comme cela ressort de la matrice cadastrale, sa fille Mme [F] étant nue propriétaire,
Que le commandement de payer a été délivré par l’huissier tant au nom de Mme [F] qu’au nom de Mme [J],
Que la nature du mandat de gestion qui a été consenti ne regarde pas Mme [E] et n’a rien à voir avec la présente procédure dans laquelle Mme [J] et sa fille interviennent à titre personnel.
Sur la résiliation du bail
Que la demande de Mme [E] est sans objet dès lors qu »elle a reconnu devant le premier président que la question de l’expulsion n’était plus contestée.
Sur la dette
Que l’arrêté de compte a pu être établi et il en ressort que l’arriéré restant dû par Mme [E] à la reprise des lieux en mai 2022 s’élève à la somme de 10 045.34 euros,
Que Mme [E] n’a réglé aucun loyer sur 2020, et n’a réalisé aucun versement en espèce.
Sur les travaux invoqués
Que les factures délivrées par la locataire ne révèlent aucun travaux qui incomberait au bailleur,
Que la facture du plombier n’apporte aucune précision sur la nature de la fuite et rien en l’état ne permet de considérer que ces travaux relevaient de la responsabilité du propriétaire,
Que le bailleur n’a absolument aucun élément permettant de démontrer quelle serait à l’origine de ce dégât des eaux et rien ne vient démontrer qu’il relèverait de la responsabilité du bailleur.
Sur l’insalubrité du logement
Que Mme [E] n’a jamais intenté une procédure concernant une potentielle insalubrité du logement,
Qu’elle s’est opposée à la visite du logement par la Direction de l’écologie urbaine, et a sciemment fait obstruction à toute visite des lieux pour empêcher le bailleur de pouvoir aller vérifier l’état du logement et réaliser en tant que de besoin des travaux,
Que la Direction de l’écologie urbaine ne relève la présence d’aucun nuisible et relève simplement la présence d’une ouverture correspondant à l’amenée d’air frais dans la pièce qui ne serait pas protégée par un grillage,
Qu’il n’y a aucune inhabitabilité avérée, aucune responsabilité du bailleur et aucun document qui puisse justifier une exception d’inexécution qui est bien curieusement invoquée par Mme [E] en 2021, alors qu’elle ne pouvait plus prétendre payer ses loyers en espèces à un bailleur qu’elle harcelait alors même que ce-dernier avait transféré la gestion du dossier à la régie.
Sur la transmission de quittance
Que Mme [F] n’est pas le bailleur mais le mandataire de sa mère usufruitière qui peut seule avoir la qualité de bailleur,
Que la demande est prescrite pour toutes les quittances de loyer au-delà de 3 années,
Que le propriétaire bailleur ne peut pas être condamné à remettre des quittances de loyer si les loyers ne sont pas payés.
Il convient de se référer aux conclusions des parties pour plus amples exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il sera rappelé que les ‘demandes’ tendant à voir ‘constater’ ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du Code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des ‘demandes’ tendant à voir ‘dire et juger’ lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.
I Sur les pièces produites :
Les pièces produites au soutien de l’appelante ont été adressées à la cour par Mme [E] elle-même.
La comparaison des pièces avec le bordereau de communication de pièces du conseil de l’appelante en date du 17 janvier 2022 établit que certaines des pièces n’ont pas été communiquées.
Les seules pièces produites et ayant été communiquées sont :
le contrat de location,
trois quittances de loyer du mois de juin, juillet, août 2020,
des factures de Mess Plomberie en date du 3 janvier 2020, de BM Services en date du 29 août 2019, 30 septembre 2019, 29 mai 2020,
un courriel adressé par Mme [E] le 14 avril 2021 à la Régie [M], et un accusé de réception d’envoi en recommandé,
une lettre de la Direction de l’écologie urbaine en date du 17 mars 2021,
une lettre de la Régie [M] en date du 25 janvier 2021 et preuve de l’envoi en la forme recommandée,
un avis d’échéance du 27 janvier 2021,
un compte rendu d’infraction initiale en date du 13 octobre 2019,
un rapport d’expertise dommages en date du 15 mars 2021.
Les autres pièces produites mais non communiquées doivent être écartées, la cour devant veiller au respect du contradictoire.
II Sur la fin de non recevoir :
L’article 31 du code de procédure civile dispose que ‘l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé’.
Aux termes de l’article 122 du Code de procédure civile, constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Par application des articles 595 et suivants du Code civil, et d’autre part du droit locatif, l’usufruitier-bailleur est considéré comme étant le propriétaire du bien et dispose de toutes les prérogatives d’un bailleur.
En l’espèce, le bien litigieux situé [Adresse 4] à [Localité 7] appartient en nue-propriété à Mme [F] et en usufruit à Mme [J]. La matrice cadastrale est versée aux débats.
Mme [J] a pu déléguer comme elle le soutient la gestion du bien à sa fille, nue-propriétaire, laquelle disposait ainsi d’un mandat apparent lui permettant de représenter sa mère dans la gestion du bien et de signer le contrat de bail.
Le commandement de payer délivré par l’huissier de justice le 15 février 2021 l’a été au nom de la nue propriétaire mais aussi de l’usufruitière. Il est donc régulier.
Pour autant, l’action en justice contre la locataire relève du seul pouvoir de l’usufruitier.
Dès lors, l’action devait être engagée par Mme [J].
Par conséquent, la cour déboute Mme [E] de ses demandes tendant t à déclarer irrecevables les demandes de Mme [J] pour défaut d’intérêt à agir.
La cour relève que l’intérêt à agir de Mme [F] n’est pas contesté.
III Sur l’acquisition des effets de la clause résolutoire :
L’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 dispose que ‘toutes clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges en termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux’.
Le bail signé par les parties contient une clause résolutoire qui prévoit que le bail sera résilié de plein droit à défaut de paiement des loyers et après un commandement de payer resté infructueux.
Par acte du 15 février 2021, a été signifié à Mme [Y] [E] un commandement de payer les loyers et charges impayés à hauteur de 6 440 euros au titre de l’arriéré de loyers et charges. Cet acte visait la clause résolutoire incluse au contrat de bail.
La somme visée dans ce commandement contient, selon relevé locatif, des loyers et charges impayés. Selon le décompte, aucun versement de loyer n’a eu lieu de janvier 2020 à février 2021.
Mme [E] a la charge de la preuve des paiements qu’elle invoque. Elle ne démontre pas de versements qui n’auraient pas été pris en compte dans le décompte du bailleur, les mensualités de 60 euros correspondant au plan d’apurement établi par la Caisse d’allocations familiales pour des impayés de 2017 à 2019.
Elle invoque l’exception d’inexécution au regard de l’insalubrité du logement et produit un courrier que lui a adressé le 17 mars 2021 la Direction de l’écologie urbaine, indiquant qu’après enquête de salubrité le 18 février un technicien a constaté les désordres suivants :
passage pour les nuisibles entre les parties communes ouvertes sur l’extérieur et la salle d’eau du logement. Ce trou semblait être l’amené d’air neuf de la pièce, mais n’est pas protégé par un grillage par exemple,
la porte d’entrée ne s’ouvre pas normalement car elle bute contre le sol,
l’installation électrique ne semble pas sécurisée ( absence de liaison équipotentielle dans la salle d’eau, absence de disjoncteurs diiferenciel 30 mA…)
absence de ventilation dans la cuisine. Fonctionnement incertain de l’extracteur dans la salle d’eau,
des dégâts des eaux successifs ont donné lieu à des dégradations, en particulier de la cloison entre la salle d’eau et la chambre.
Il était retenu une infraction au règlement sanitaire départemental en demandant au mandataire du bailleur de faire réaliser des mesures dans un délai de deux mois.
D’une part, cette pièce n’ établit pas l’insalubrité alléguée et d’autre part, la bailleresse justifie malgré ses demandes, l’obstacle mis à la locataire pour l’accès au logement, obstacle confirmé par le technicien de la Direction de l’écologie urbaine dans un courriel du 2 août 2021.
En l’absence de tout arrêté d’insalubrité, Mme [E] était tenue au paiement des loyers.L’exception d’inexécution ne peut être retenue.
La dette n’a pas été apurée dans les deux mois du commandement, les conditions de l’acquisition de la clause résolutoire sont par conséquent réunies pour que la résiliation du bail intervienne de plein droit le 15 avril 2021, soit deux mois après la délivrance du commandement.
Par ailleurs, si Mme [E] qui invoque davoir assumé des travaux, produit une facture de Mess Plomberie du 5 janvier 2020 d’un montant de 420 euros, cette pièce n’établit pas un manquement du bailleur dans les obligations à sa charge. Il en est de même des factures de BM Services, relatifs à ‘forfait démolition’, des travaux de peinture dans le séjour- cuisine et dans la chambre.
IV Sur l’indemnité d’occupation et demande d’expulsion :
La cour constate que Mme [E] a quitté les lieux.
En effet, comme il est indiqué dans l’ordonnance de référé du 19 septembre 2022, versée par les parties, Mme [E] a confirmé qu’elle n’habitait plus le bien depuis janvier 2021 et qu’elle avait même signé en août 2021 un nouveau bail avec la SACVL pour un logement qu’elle occupait depuis octobre 2021.
Le constat d’huissier de justice du 11 mai 2022 confirme que les lieux sont abandonnés.
La cour confirme sur l’expulsion la décision attaquée mais constate que la demande est devenue sans objet.
Le bail étant résilié depuis le 16 avril 2021, l’occupation illicite des lieux par Mme [E] a jusqu’à son départ, causé manifestement et nécessairement un préjudice à Mme [J] qui doit être réparé.
Par conséquent, la cour confirme la décision déférée en ce qu’elle a condamné Mme [Y] [E] à payer à Mme [J] une indemnité d’occupation égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus en l’absence de cessation du bail sauf à préciser que cette indemnité est due à compter du 16 avril 2021 jusqu’au 11 mai 2022, libération effective et totale des lieux attestés par huissier de justice.
V- Sur l’arriéré locatif
L’article 7 de la Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs rappelle que le locataire est obligé de payer le loyer et les charges en termes convenus.
Enfin, il résulte de l’article 1353 du code civil que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
En l’espèce, Mme [J] apporte la preuve de l’obligation de Mme [E] de s’acquitter d’un loyer mensuel de 460 euros outre provisions sur charge, au regard du contrat de location signé par les parties le 23 octobre 2017.
Mme [E] ne fournit aucun justificatif de paiement en espèces de ses loyers. Elle n’apporte pas la preuve d’un accord entre elle et le bailleur pour des travaux qu’elle aurait fait et dont le montant devrait être déduit des loyers.
Sont produits des relevés de compte justifiant l’arriéré locatif :
D’une part pour l’année 2020, le relevé de compte démontre une absence totale de versement, de sorte que la dette locative était à hauteur de 5 100 euros,
D’autre part, du 01 janvier 2021 au 13 mai 2022, aucun versement n’a été relevé par la régie [M], sur cette période la dette locative était de 7 648,34 euros.
Enfin, par rappel de la Caisse d’allocations familiales, Mme [E] a bénéficié de 2 700 euros, directement versé au bailleur en date du 4 juin 2021.
En considération du décompte établi le 29 septembre 2022, la cour retient au titre de la dette locative de l’année 2020 et celle de la période du 01/01/2021 au 11/05/2022 (et non 13 /05/2022 comme sollicité) et en déduisant le versement de la CAF du 4 juin 2021 non décompté anterieurement, un arriéré locatif au 11 mai 2022 est de 10 014,14 euros.
La cour condamne Mme [Y] [E] à payer à Mme [S] [J] la somme de 10 014,14 euros au titre des loyers dus au 11 mai 2022 (mois de mai inclus) avec intérêts aux légal à compter du commandement de payer sur la somme de 6 640 réclamée en cet acte et non sur celle de 7.360 euros retenue par le premier juge et à compter de la date de la présente décision pour le surplus.
VI- Sur la demande de transmission des quittances
Au regard de l’article 21 de la loi du 6 juillet 1989, m’envoi d’une quittance de loyer chaque mois au locataire n’est pas une obligation légale pour le bailleur. Mais le propriétaire (ou l’agence mandatée) doit obligatoirement remettre une quittance de loyer au locataire dès lors que ce dernier lui en fait la demande et qu’il a payé le loyer et les charges pour le mois concerné.
En l’espèce, comme il est indiqué dans les relevés de compte de la régie [M], les loyers n’ont pas été payés.
Ainsi, la délivrance des quittances ne peut être demandée.
Par conséquent, la cour confirme la décision référée en ce qu’elle a débouté Mme [E] à demander la transmission des quittances de loyers.
VII- Sur les demandes accessoires
Mme [E] succombant, la cour confirme sur les dépens et en équité sur l’application de l’article 700 du Code de procédure civile la décision déférée.
La cour condamne Mme [E], partie perdante, aux dépens à hauteur d’appel,
En équité, la cour la Condamne également à payer à Mme [J] la somme de 400 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile à hauteur d’appel,
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme la décision attaquée en ce qu’elle a :
constaté la résiliation du bail à compter du 16 avril 2021,
dit que faute par Mme [Y] [E] de quitter les lieux avec tous occupants et tout bien de son chef, il pourra être procédé à son expulsion et si besoin est le concours assistance de la force publique, d’un déménageur et d’un serrurier sauf à constater que cette demande est devenue sans objet,
condamné Mme [Y] [E] à payer à Mme [S] [C] :
une indemnité d’occupation égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dues en l’absence de cessation du bail à compter du premier octobre 2021 jusqu’à libération effective et totale des lieux sauf à préciser que celle-ci est intervenue le 11 mai 2022.
la somme de 150 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
condamné Mme [Y] [E] aux dépens en ce compris les frais du commandement de payer du 15 février 2021,
rappelé que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit,
débouté les parties de leurs autres demandes.
L’infirme en ce qu’elle a condamné Mme [Y] [E] à payer des sommes à Mme [X]-[W] à [F],
Statuant à nouveau,
Déclare Mme [X]-[W] [F] irrecevable en ses demandes,
Condamne Mme [Y] [E] à payer à Mme [X] [L] [J] née [C] la somme de 10 10 014,14 euros au titre des loyers dus au 11 mai 2022 (mois de mai inclus) avec intérêts aux légal à compter du 15 février 2021 sur la somme de 6 640 euros, à compter du 1er octobre 2021 sur la somme 3 320 euros et à compter de la date de la présente décision pour le surplus.
Y ajoutant,
Condamne Mme [Y] [E] aux dépens à hauteur d’appel,
Condamne Mme [Y] [E] à payer à Mme [X] [L] [J] née [C] la somme de 400 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile à hauteur d’appel,
Rejette toute autre demande.
LE GREFFIER LE PRESIDENT