Examen des obligations contractuelles et des conséquences de la défaillance d’un emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation

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Examen des obligations contractuelles et des conséquences de la défaillance d’un emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation

La société Opel Bank a accordé un crédit de 25 400 euros à M. [I] [N] [B] pour l’achat d’un véhicule, remboursable en 48 mensualités à un taux de 2,91%. Le 9 janvier 2023, la société EOS France, héritière des droits d’Opel Bank, a assigné M. [N] [B] devant le tribunal de proximité de Montmorency pour obtenir le paiement d’un solde de crédit de 26 253,69 euros, ainsi que des intérêts et des dépens. Le 27 avril 2023, le tribunal a débouté EOS France, en raison de l’absence du bon de livraison du véhicule, et a condamné EOS France aux dépens. EOS France a interjeté appel le 3 octobre 2023. Dans ses conclusions du 7 février 2024, elle a demandé l’infirmation du jugement et la condamnation de M. [N] [B] au paiement de la somme due, ainsi qu’à des dépens et une indemnité. M. [N] [B] n’ayant pas constitué avocat, l’arrêt a été rendu par défaut. Le 14 mai 2024, la cour a infirmé le jugement initial, condamnant M. [N] [B] à payer 24 549,32 euros avec intérêts, ainsi qu’une indemnité de 1 000 euros à EOS France, et a statué sur les dépens.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

8 octobre 2024
Cour d’appel de Versailles
RG
23/06774
COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53B

Chambre civile 1-2

ARRET N°

PAR DEFAUT

DU 08 OCTOBRE 2024

N° RG 23/06774 – N° Portalis DBV3-V-B7H-WDLY

AFFAIRE :

S.A.S. SOCIÉTÉ EOS FRANCE venant aux droits de la société OPEL BANK

C/

[I] [N] [B]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Avril 2023 par le Juridiction de proximité de MONTMORENCY

N° chambre :

N° Section :

N° RG : 11-23-0081

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 08/10/24

à :

Me Amina NAJI

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.S. SOCIÉTÉ EOS FRANCE venant aux droits de la société OPEL BANK

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Amina NAJI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C2270 – N° du dossier EOSYAMAN –

Représentant : Me Eric BOHBOT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Monsieur [I] [N] [B]

né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 5]

Défaillant

INTIME

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 Mai 2024, Monsieur Philippe JAVELAS, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Anne THIVELLIER, Conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffière, lors des débats : Madame Julie FRIDEY

Greffière, lors du prononcé de la décision : Madame Céline KOC

EXPOSE DU LITIGE

Selon offre préalable acceptée le 14 septembre 2020, la société Opel Bank a consenti à M. [I] [N] [B] un crédit de 25 400 euros affecté à l’acquisition d’un véhicule Opel Combo Life, remboursable en 48 mensualités au taux de 2,91%.

Par acte de commissaire de justice du 9 janvier 2023, la société EOS France, venant aux droits de la société Opel Bank, a fait citer M. [N] [B] devant le tribunal de proximité de Montmorency afin d’obtenir, avec exécution provisoire, sa condamnation au paiement des sommes suivantes :

– 26 253,69 euros, outre les intérêts au taux de 2,91% à compter du 18 février 2022, au titre du solde du crédit,

– 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Par jugement réputé contradictoire du 27 avril 2023, le juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité de Montmorency a :

– débouté la société EOS France de l’ensemble de ses demandes, motif pris de ce qu’elle ne versait pas aux débats le bon de livraison du véhicule Opel Combo Life,

– condamné la société EOS France aux dépens,

– débouté la société EOS France de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [N] [B] aux dépens de la présente instance,

– ordonné l’exécution provisoire.

Par déclaration déposée au greffe le 3 octobre 2023, la société EOS France a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 7 février 2024, la société EOS France, appelante, demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Montmorency le 27 avril 2023 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

– condamner M. [N] [B] à lui payer la somme de 26 253,69 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 2,91% l’an, à compter de la mise en demeure par lettre recommandée avec accusé réception du 18 février 2022, et jusqu’au parfait paiement.

A titre subsidiaire, et pour le cas où la cour estimerait que la déchéance du terme n’est pas valablement intervenue,

Vu les articles 1224 à 1230 nouveaux du code civil,

– prononcer la résolution judiciaire du contrat de prêt consenti par la société Opel Bank à M. [N] [B] le 16 septembre 2020, à ses torts exclusifs, en raison de ses manquements à son obligation de régler les échéances à bonne date,

En conséquence,

– condamner M. [N] [B] à lui payer la somme de 26 253,69 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 2,91% l’an, à compter de la mise en demeure par lettre recommandée avec accusé réception du 18 février 2022, et jusqu’au parfait paiement.

En tout état de cause,

– condamner M. [N] [B] aux entiers dépens de l’instance,

– condamner M. [N] [B] au paiement d’une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [N] [B] n’a pas constitué avocat. Par acte de commissaire de justice délivré le 24 novembre 2023, la déclaration d’appel lui a été signifiée à domicile. Les conclusions d’appelant lui ont été signifiées le 3 janvier 2024 selon les mêmes modalités.

L’arrêt sera donc rendu par défaut conformément aux dispositions de l’article 473 alinéa 1 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 14 mai 2024.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, et le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

I) Sur l’appel de la société Eos France

La société Eos France fait grief au premier juge de l’avoir déboutée de la totalité de ses demandes, motif pris de ce qu’elle ne produisait pas le bon de livraison du véhicule.

La cour relève que, contrairement à ce qui a été retenu par le premier juge, le bon de livraison du véhicule annexé au contrat de vente (p.6), a bien été produit et qu’il l’est à nouveau par l’appelante à hauteur de cour (pièce n°12 de l’appelante), de sorte que la société Eos France rapporte la preuve que le véhicule a bien été livré.

En conséquence, le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions.

II) Sur la demande en paiement de la société Eos France

Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu’il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation issue de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n°2016-884 du 29 juin 2016.

L’article R.632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire.

L’article L.312-39 du code de la consommation prévoit qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret. L’article D.312-16 du même code précise que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l’article L.312-39, il peut demander une indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de la défaillance.

Ce texte n’a toutefois vocation à être appliqué au titre du calcul des sommes dues qu’après vérification, de l’absence de forclusion de la créance, de ce que le terme du contrat est bien échu et de l’absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Sur la forclusion

L’article R. 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le tribunal d’instance dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

En l’espèce, au regard du tableau d’amortissement et de l’historique du compte produit, il apparaît que le premier incident de paiement non régularisé concerne l’échéance du 22 mai 2021, de sorte que, l’assignation ayant été délivrée le 9 janvier 2023, la demande n’encourt pas la forclusion.

Sur la déchéance du terme

Aux termes de l’article 1315 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Par ailleurs, selon l’article 1103 du code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires et en application de l’article 1224 du même code, lorsque l’emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés soit en raison de l’existence d’une clause résolutoire soit en cas d’inexécution suffisamment grave. L’article 1225 du même code précise qu’en présence d’une clause résolutoire, la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution.

En matière de crédit à la consommation en particulier, il convient de rappeler qu’il résulte des dispositions de l’article L.312-39 du code de la consommation, que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (Cass Civ 1ère, 3 juin 2015 n°14-15655 ; Civ 1ère, 22 juin 2017 n° 16-18418).

En l’espèce, le contrat de prêt contient une clause d’exigibilité anticipée en cas de défaut de paiement (article VI intitulé : ‘ Informations relatives à l’exécution du contrat’ ) prévoyant que le remboursement du capital restant dû pourra être exigé après une mise en demeure restée infructueuse.

Il ressort des pièces versées aux débats par l’appelante qu’une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme de payer la somme de 26 078,18 euros, ou à défaut celle de 1946,85 euros représentant le montant des échéances impayées, et précisant le délai de régularisation (de 8 jours), a été envoyée le 26 avril 2021 à M. [N] [B]. De sorte qu’en l’absence de régularisation dans le délai imparti, ainsi qu’il en ressort de l’historique de compte, la banque a pu régulièrement prononcer la déchéance du terme le 30 juin 2021. La banque demeure recevable à solliciter un titre exécutoire et à ce qu’il soit statué sur le fond de sa créance.

Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels

Il appartient au créancier qui réclame des sommes au titre d’un crédit à la consommation de justifier du strict respect du formalisme informatif prévu par le code de la consommation, en produisant des documents contractuels conformes, ainsi que la copie des pièces nécessaires, et notamment :

– la fiche d’information précontractuelle -FIPEN- (article L.312-12 du code de la consommation) à peine de déchéance totale du droit aux intérêts (article L.341-1), étant précisé qu’il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à son obligation d’information et que la clause type, figurant au contrat de prêt, selon laquelle l’emprunteur reconnaît avoir reçu la fiche d’information précontractuelle normalisée européenne, ne peut être considérée que comme un simple indice non susceptible, en l’absence d’élément complémentaire et notamment de la production de la FIPEN, de prouver l’exécution par le prêteur de son obligation d’information (Cass Civ 1ère 5 juin 2019 n° 17-27.066),

– la justification, quel que soit le montant du crédit, de la vérification de la solvabilité de l’emprunteur au moyen d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur (article L.312-16), à peine de déchéance du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge (article L.341-2), étant précisé que le prêteur ne doit pas s’arrêter aux seules déclarations de l’emprunteur compilées dans la « fiche dialogue » mais effectuer ses propres vérifications et solliciter des pièces justificatives (au minimum la production de relevés bancaires et d’un avis d’imposition) et être ensuite en mesure de les produire devant la juridiction saisie de son action en paiement.

En l’espèce, la société Eos France verse à la procédure la FIPEN signée par l’emprunteur (pièce n°1). Elle justifie également de vérifications de solvabilité à propos de M. [N] [B] : avis d’imposition à l’impôt sur le revenu et bulletins de paie des mois de mai, juin et juillet 2020 faisant apparaître un salaire net supérieur à 4 000 euros (pièce n° 4).

Elle justifie, enfin, de la consultation du FICP intervenue le 2 septembre 2020.

En ces conditions, il n’y a pas lieu de déchoir le prêteur du droit aux intérêts conventionnels.

Sur le montant de la créance

La société Eos France verse aux débats :

– l’offre de prêt acceptée et les pièces annexes,

– le tableau d’amortissement,

– le justificatif de la consultation du FICP,

– une lettre de mise en demeure adressée à l’emprunteur le 18 février 2022,

– l’historique du compte,

– le procès-verbal de livraison du véhicule,

– un décompte de créance (pièce n°10).

En application de l’article L.312-39 du code de la consommation et au regard du décompte de créance et des pièces susmentionnées, la créance de la société Eos France s’établit comme suit:

– capital restant dû et échéances impayées : 23 893, 29 euros,

– pénalités de retard : 240, 35 euros,

– intérêts : 277, 13 euros,

– assurance : 138, 55 euros,

– indemnités de résiliation (8% du capital restant dû ) : 1 704, 37 euros.

La société Eos France sollicite, en outre, le paiement d’une indemnité de résiliation ayant le caractère d’une clause pénale.

Il sera rappelé qu’en application de l’article 1152 devenu 1231-5 du code civil, le juge peut réduire d’office le montant de la clause pénale par le juge si elle est manifestement excessive.

En l’espèce, la clause pénale de 8% du capital du à la date de la défaillance contenue au contrat de prêt n’est manifestement excessive compte tenu du préjudice réellement subi par la banque et du taux contractuel pratiqué (2,91 %).

M. [N] [B] sera ainsi condamné au paiement de la somme de 24 549,32 euros avec intérêts au taux contractuel de 2, 91 % sur la somme de 24 031,84 euros à compter du 18 février 2022, date de la mise en demeure valant sommation de payer, outre la somme de 1 704, 37 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

III) Sur les dépens

M. [N] [B], qui succombe, sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par défaut et par arrêt mis à disposition au greffe

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau

Condamne M. [N] [B] à payer à la société Eos France la somme de 24 549,32 euros avec intérêts au taux contractuel de 2, 91 % sur la somme de 24 031,84 euros à compter du 18 février 2022, date de la mise en demeure valant sommation de payer, outre la somme de 1 704, 37 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Condamne M. [N] [B] aux dépens de première instance et d’appel ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne M. [N] [B] à payer à la société Eos France une indemnité de 1 000 euros.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Céline KOC, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière, Le président,


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