Monsieur [N] [O] a souscrit un contrat de crédit renouvelable de 8000 € auprès de la Société BPCE FINANCEMENT le 21 décembre 2021. En raison de défauts de paiement, la société lui a envoyé deux mises en demeure, la première le 1er juin 2023 et la seconde le 8 avril 2024. Suite à cela, la Société BPCE FINANCEMENT a assigné Monsieur [N] [O] devant le juge des contentieux de la protection le 30 mai 2024, demandant le paiement de 11 573,81 € avec intérêts, ainsi que 600 € pour les frais de justice. Lors de l’audience du 4 juillet 2024, la société a maintenu ses demandes, tandis que Monsieur [N] [O] ne s’est pas présenté. Le juge a prononcé la déchéance totale des intérêts dus, condamnant Monsieur [N] [O] à payer 10 389,20 € sans intérêts, a débouté la société de sa demande d’indemnité et a condamné Monsieur [N] [O] aux dépens, avec exécution provisoire de la décision.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
NAC: 53B
N° RG 24/02289 – N° Portalis DBX4-W-B7I-TBLQ
JUGEMENT
N° B
DU : 08 Octobre 2024
S.A. BPCE FINANCEMENT
C/
[N] [O]
Expédition revêtue de
la formule exécutoire
délivrée le 08 Octobre 2024
à Me Elisabeth LAJARTHE
Expédition délivrée
à toutes les parties
JUGEMENT
Le Mardi 08 Octobre 2024, le Tribunal judiciaire de TOULOUSE,
Sous la présidence de Florence LEBON, Vice Présidente au Tribunal judiciaire de TOULOUSE, chargée des contentieux de la protection statuant en matière civile, assistée de Anne-Christelle PELLETIER Greffier, lors des débats et Fanny ACHIGAR Greffier chargé des opérations de mise à disposition.
Après débats à l’audience du 04 Juillet 2024, a rendu la décision suivante, mise à disposition conformément à l’article 450 et suivants du Code de Procédure Civile, les parties ayant été avisées préalablement ;
ENTRE :
DEMANDERESSE
S.A. BPCE FINANCEMENT, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Maître Elisabeth LAJARTHE de la SELARL DBA, avocats au barreau de TOULOUSE
ET
DÉFENDEUR
M. [N] [O], demeurant [Adresse 1]
non comparant, ni représenté
Selon offre acceptée le 21 décembre 2021, Monsieur [N] [O] a souscrit auprès de la Société BPCE FINANCEMENT un contrat de crédit renouvelable utilisable par fraction d’un montant de 8000 € remboursable selon les modalités prévues au contrat.
Étant défaillant dans le paiement des échéances, la Société BPCE FINANCEMENT lui a adressé, par courrier recommandé du 1er juin 2023 une mise en demeure de payer sous huit jours puis par courrier recommandé du 8 avril 2024 une mise en demeure de payer sous quinzaine sous peine de déchéance du terme.
La Société BPCE FINANCEMENT a ensuite assigné, par acte de commissaire de justice en date du 30 mai 2024, Monsieur [N] [O] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de céans pour obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, sa condamnation au paiement des sommes de :
– 11 573,81€ majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2023, jusqu’au parfait paiement,
– 600 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
A l’audience du 04 juillet 2024, la Société BPCE FINANCEMENT, représentée par son conseil, maintient ses demandes dans les termes de son assignation à laquelle Il convient de se reporter pour un plus ample exposé des moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile. Interrogée sur le respect des diverses obligations édictées par le Code de la consommation et les moyens pouvant être relevés d’office, la Société BPCE FINANCEMENT, a produit à l’audience la fiche de liaison avec le tribunal comportant ses observations par lesquelles elle a rejeté toute irrégularité.
Bien que régulièrement assigné par exploit de commissaire de justice remis à étude, Monsieur [N] [O] n’a pas comparu et n’était pas représenté.
La date du délibéré a été fixée au 08 octobre 2024, par mise à disposition au greffe.
Sur la demande en paiement
Aux termes de l’article R 632-1 du code de la consommation, le juge peut soulever d’office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application.
En outre, en application de l’article 472 du code de procédure civile, quand le défendeur ne comparaît pas le juge ne fait droit à la demande que si elle est recevable et bien fondée.
Les articles L312-39 et D312-16 du code de la consommation prévoient qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de défaillance, sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 et 1231 du code civil.
Aux termes de l’article 1103 du Code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires. En application de l’article 1217 du même code, lorsque l’emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés ;
Il appartient toutefois au créancier qui réclame des sommes au titre d’un crédit à la consommation de justifier de la régularité de l’opération.
En l’espèce, la Société BPCE FINANCEMENT produit :
Le contrat de crédit signé électroniquement le 21 décembre 2021,Un historique d’activité du compte,Une fiche d’informations précontractuelles européenne en matière de crédit aux consommateurs,
La fiche de renseignements sur la situation personnelle et financière des emprunteurs avec la copie de la pièce d’identité, les bulletins de salaire des mois de septembre à
novembre 2021, les fiches d’imposition des année 2021 et 2020 sur les revenus de 2020
et 2019 ainsi qu’un avenant à son contrat de travail à durée déterminée,
Une fiche conseil assurance,Le décompte des sommes dues en date du 04 mars 2024,Les mises en demeure de payer adressées le 1er juin 2023 et le 08 avril 2024Le justificatif de consultation du FICP du 21 décembre 2021,
Il est cependant relevé que le contrat de crédit est signé électroniquement sans que soit rapporté la preuve d’un protocole d’authentification tel que prévu par le décret 2001-272 du 30 mars 2001 (auquel s’est substitué le décret 2017-1416 du 28 septembre 2017), dont la fiabilité est présumée ; Il appartient donc au demandeur de prouver qu’il y a eu usage d’un procédé fiable d’identification garantissant le lien de la signature identifiant le signataire avec l’acte auquel la signature s’attache.
En l’espèce, aucun protocole d’authentification n’est fourni. Faute de justifier de la signature et de la teneur du contrat allégué, il appartient au prêteur de prouver, conformément au droit commun (C. civil., art. 1359 ex-1341), l’existence de ce contrat ; cette preuve est rapportée en l’espèce par les paiements partiels, corroboré par le déblocage des fonds au bénéfice de l’emprunteur (C. civil., art. 1361 ex-1347) ; le défaut de justification du respect des prescriptions des articles L 312-12 et L 312-28 du Code de la consommation empêche toutefois le prêteur de prétendre à un quelconque droit aux intérêts.
De même, la Société BPCE FINANCEMENT ne justifie pas des éléments suivants :
– la remise à l’emprunteur de la notice d’assurance alors que l’article L. 312-29 du code de la consommation prévoit que « lorsque l’offre de contrat de crédit est assortie d’une proposition d’assurance, une notice est fournie à l’emprunteur, sur support papier, ou tout autre support durable. Cette notice comporte les extraits des conditions générales de l’assurance le concernant, notamment les nom et adresse de l’assureur, la durée, les risques couverts et ceux qui sont exclus ».
En l’espèce si le prêteur fourni une notice d’informations en matière d’assurance, celle-ci n’est pas signée. En effet, il est relevé une numérotation de la page 1 à 6, dont la dernière page ne comporte aucune signature, contrairement à l’avis conseil assurance signé sur sa dernière page, ainsi que l’adhésion à l’assurance facultative signé également sur sa page unique. La signature présentée n’est apposée que sur le document synthèse assurance emprunteur par ailleurs non numéroté de sorte qu’il n’est pas établi que la notice d’informations a été signée ni remise.
– Le justificatif de la consultation du FICP, qui doit intervenir préalablement à la reconduction du contrat.
En effet en vertu de l’article L312-75 du code de la consommation : « Avant de proposer à l’emprunteur de reconduire le contrat, le prêteur consulte tous les ans le fichier prévu à l’article L. 751-1, dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné à l’article L. 751-6 et, tous les trois ans, il vérifie la solvabilité de l’emprunteur dans les conditions fixées à l’article L. 312-16 ».
En l’espèce, aucun document de justifie une consultation préalable aux renouvellements effectués, et ce alors que l’interrogation du fichier n’est pas de pure forme et participe de l’évaluation de la solvabilité du débiteur.
– La lettre de reconduction annuelle du crédit avec un bordereau-réponse par lequel l’emprunteur peut s’opposer aux modifications proposées par le prêteur en application des dispositions de l’article L312-77 du Code de la consommation.
En l’espèce, les lettres de reconduction annuelle ne sont pas fournies par le prêteur.
En raison des manquements précités, et par application des dispositions combinées de l’article 6 du Code civil et de l’article L 311-48 devenu L 341-1 et suivants du Code de la consommation, le prêteur doit être déchu du droit aux intérêts.
Conformément à l’article L 311-48 al. 3 devenus L 341-8 du Code de la consommation, en cas de déchéance du droit aux intérêts, le débiteur n’est tenu qu’au remboursement du seul capital restant dû. Cette déchéance s’étend donc aux intérêts et à tous leurs accessoires : frais de toute nature (Civ. 1°, 31 mars 2011, n° 09-69 963 – CA Paris, 29 septembre 2011, Pôle 04 Ch. 09 n° 10/01 284), et primes d’assurances.
Cette limitation légale de la créance du prêteur déchu du droit aux intérêts exclut qu’il puisse prétendre au paiement de l’indemnité légale de 8 %.
Les sommes dues se limiteront dès lors à la différence entre le montant effectivement débloqué au profit de Monsieur [N] [O] (10 965,57 euros) et les règlements effectués (576,37 euros), tels qu’ils résultent de l’historique de compte, soit 10 389,20 euros.
Bien que déchu de son droit aux intérêts, le prêteur est fondé, en vertu de l’article 1231-6 (ancien 1153) du Code civil, à réclamer à l’emprunteur le paiement des intérêts au taux légal sur le capital restant dû à compter de la mise en demeure, le taux d’intérêt étant en principe majoré de plein-droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice.
Cependant par arrêt du 27 mars 2014, la Cour de Justice de l’Union Européenne (affaire C-565/12, Le Crédit Lyonnais SA/Fesih Kalhan) a dit pour droit que l’article 23 de la directive 2008/48 s’oppose à l’application d’intérêts au taux légal lesquels sont en outre majorés de plein-droit deux mois après le caractère exécutoire d’une décision de justice prononçant la déchéance du droit aux intérêts si « les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur à la suite de l’application de la sanction de la déchéance des intérêts ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s’il avait respecté » ses obligations découlant de ladite directive. La Cour de Justice a ainsi indiqué que « si la sanction de la déchéance des intérêts se trouvait affaiblie, voire purement et simplement annihilée, en raison du fait que l’application des intérêts au taux légal majoré est susceptible de compenser les effets d’une telle sanction, il en découlerait nécessairement que celle-ci ne présente pas un caractère véritablement dissuasif » (point 52).
En l’espèce, le taux légal est fixé au 2e semestre 2024 à 4,92 % lorsque le créancier est un professionnel, tandis que le taux contractuel débiteur est fixé à 4,86%. Il en résulte que les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal majoré de cinq points, et même non majoré, nonobstant la déchéance des intérêts, ne sont pas suffisamment inférieurs ou sont supérieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s’il avait respecté ses obligations découlant de la directive 2008/48, de sorte que la sanction de la déchéance du droit aux intérêts ne revêt pas de caractère effectif et dissuasif.
Afin d’assurer l’effet de la directive 2008/48 notamment de son article 23, et par conséquent le caractère effectif et dissuasif de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts, il convient d’écarter toute application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil ainsi que celle de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier, et de dire que cette somme ne produira aucun intérêt, même au taux légal.
Monsieur [N] [O] sera en conséquence condamné au paiement de la somme de 10 389,20 euros qui ne produira aucun intérêt conventionnel ni au taux légal.
Sur les demandes accessoires
En application des dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, Monsieur [N] [O], partie perdante, est condamné aux dépens.
Eu égard aux circonstances de la cause et à la situation des parties, il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société demanderesse les frais irrépétibles exposés par elle pour agir en justice et non compris dans les dépens.
En application de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
Le juge des contentieux de la protection, statuant au fond, par mise à disposition au greffe, par décision réputée contradictoire et en premier ressort,
PRONONCE la déchéance totale du droit aux intérêts de la Société BPCE FINANCEMENT sur le crédit consenti le 21 décembre 2021 à Monsieur [N] [O],
CONDAMNE Monsieur [N] [O] à payer à la Société BPCE FINANCEMENT la somme de 10 389,20 euros arrêtée au 04 mars 2024 ;
DIT que cette somme ne portera pas d’intérêts même au taux légal ;
DEBOUTE la Société BPCE FINANCEMENT de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [N] [O] aux entiers dépens ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.
La greffière La Vice-Présidente