Examen des obligations contractuelles et des conséquences de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation

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Examen des obligations contractuelles et des conséquences de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation

La SAS SOGEFINANCEMENT a accordé un crédit de 20.000 euros à Mme [Z] [L] le 11 août 2021, avec un taux d’intérêt nominal de 1,29 % et un remboursement en 108 mensualités de 21,50 €. En raison du non-paiement des échéances, la société a envoyé une mise en demeure le 24 janvier 2024, demandant le règlement de 98,16 € sous 15 jours, sous peine de déchéance du terme. Le 15 mai 2024, la SAS a assigné Mme [Z] [L] devant le juge des contentieux de la protection pour obtenir le paiement de 21.751,50 €, ainsi que 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et le remboursement des dépens. Lors de l’audience du 23 juillet 2024, Mme [Z] [L] ne s’est pas présentée. Le jugement du 8 octobre 2024 a déclaré l’action recevable, constaté la déchéance du terme du contrat, condamné Mme [Z] [L] à payer 19.606,10 € sans intérêts, débouté la SAS de ses autres demandes et condamné Mme [Z] [L] aux dépens.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

8 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Bordeaux
RG
24/01824
Du 08 octobre 2024

53B

SCI/DC

PPP Contentieux général

N° RG 24/01824 – N° Portalis DBX6-W-B7I-ZLRG

S.A.S. SOGEFINANCEMENT

C/

[Z] [L]

Expéditions délivrées à :
Me VERDIER

FE délivrée à :
Me VERDIER

Le 08/10/2024

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION
Pôle protection et proximité
[Adresse 2]

JUGEMENT EN DATE DU 08 octobre 2024

JUGE : Madame Coraline BORIE

GREFFIER : Madame Dominique CHATTERJEE

DEMANDERESSE :

S.A.S. SOGEFINANCEMENT – [Adresse 4]

Représentée par Me Anne-sophie VERDIER, avocat au barreau de Bordeaux

DEFENDERESSE :

Madame [Z] [L] née le [Date naissance 3] 2003 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1]

Ni présente, ni représentée

DÉBATS :

Audience publique en date du 23 juillet 2024

PROCÉDURE :

Articles 480 et suivants du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon une offre préalable acceptée le 11 aout 2021, la SAS SOGEFINANCEMENT a consenti à Mme [Z] [L] un crédit d’un montant de 20.000 euros, portant intérêts au taux nominal de 1.29 %, remboursable en 108 mensualités de 21,50 €, hors assurance.

Se prévalant du non-paiement des échéances convenues, la SAS SOGEFINANCEMENT a adressé à Mme [Z] [L], par lettre recommandée avec avis de réception en date 24 janvier 2024, une mise en demeure de régler la somme de 98,16 € dans un délai de 15 jours, sous peine de déchéance du terme.

Par acte de commissaire de justice du 15 mai 2024, la SAS SOGEFINANCEMENT, a fait assigner Mme [Z] [L] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de BORDEAUX afin d’obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, sa condamnation au paiement des sommes suivantes :
▸ la somme de 21.751,50, assortie des intérêts au taux contractuel de 1,29 %, sur la somme de 20.151,50 € à compter du 24 janvier 2024
▸ la somme de 500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
▸ les entiers dépens

A l’audience du 23 juillet 2024, la SAS SOGEFINANCEMENT a maintenu ses demandes, elle a fait valoir que son action n’était pas forclose et qu’elle n’encourait pas de déchéance du droit aux intérêts.

Mme [Z] [L], citée selon les dispositions de l’article 659 du code de procédure civile, n’a pas comparu ni été représentée.

L’affaire a été mise en délibéré au 8 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la non comparution du défendeur :

Conformément à l’article 472 du Code de Procédure Civile, lorsque la partie défenderesse ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne devant faire droit aux prétentions de la partie demanderesse que si celles-ci sont régulières, recevables et bien fondées.

Sur la recevabilité de l’action :

L’article R632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire.

• Sur la forclusion :

Aux termes de l’article R.312-35 du code de la consommation, les actions en paiement engagées devant le tribunal judiciaire à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans le délai de deux ans suivant l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

En l’espèce, le premier incident de paiement non régularisé correspond à la mensualité exigible au 15 septembre 2022 ainsi qu’il résulte de l’étude de l’historique de compte.

L’action en paiement de la SAS SOGEFINANCEMENT ayant été introduite le 15 mai 2024, date de l’assignation, soit moins de deux ans après l’événement qui lui a donné naissance, il convient de la déclarer recevable.

• Sur la déchéance du terme :

En vertu de l’article 1103 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Conformément à l’article 1225 du code civil, la clause résolutoire précise les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat.

La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire.

L’article L312-39 du code de la consommation dispose qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur est en droit d’exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus non payés et que jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard au taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut également prétendre au paiement d’une indemnité de résiliation qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application des dispositions de l’article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.

En l’espèce, par courrier recommandé en date du 24 janvier 2024, la SAS SOGEFINANCEMENT a mis en demeure Mme [Z] [L] de régler les mensualités impayées. Il n’est pas établi, ni même allégué par la défenderesse non comparante, qu’elle ait apuré les arriérés correspondants. Dès lors, la déchéance du terme a pu valablement intervenir.

Sur la demande principale en paiement :

• Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels :

L’article L312-39 du code de la consommation dispose qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur est en droit d’exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus non payés et que jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard au taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut également prétendre au paiement d’une indemnité de résiliation qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application des dispositions de l’article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.

Cependant, le prêteur doit avoir respecté des obligations mises à sa charge.

L’article R.632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d’office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application et d’écarter d’office, après avoir recueilli les observations des parties, l’application d’une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.

La créance invoquée sera donc examinée au regard des dispositions du code de la consommation qui la régissent sur lesquelles la demanderesse a été invitée à s’expliquer à l’audience.

L’article L.312-16 du même code prévoit qu’avant de conclure un crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations. Celles-ci sont fournies par l’emprunteur lui-même à la demande du prêteur et par les éléments tirés du fichier national des incidents de paiement (FICP) qui doit être consulté par l’organisme de crédit, selon les modalités prescrites par l’arrêté du 26 octobre 2010. Cet arrêté précise, en son article 2, que le FICP doit obligatoirement être consulté par l’organisme de crédit avant toute décision effective d’octroyer un crédit à la consommation.

L’article L 341-2 du code de la consommation dispose que le prêteur qui n’a pas respecté les obligations fixées aux articles L 321-14 et L312-16 est déchu du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge. L’emprunteur n’est alors tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu.

En l’espèce, le fichier a été consulté par la banque le 13 aout 2021 alors que l’offre de crédit a été émise le 11 aout 2021 et acceptée et signée par l’emprunteur le même jour. Ainsi, au moment où le fichier a été consulté, la banque avait déjà pris la décision effective d’octroyer le crédit.

L’organisme bancaire n’a donc pas respecté son obligation de vérification préalable.

Partant, la SAS SOGEFINANCEMENT sera en conséquence intégralement déchue de son droit aux intérêts contractuels à compter de la date de conclusion du contrat.

• Sur la déchéance du droit aux intérêts légaux :

Bien que déchu de son droit aux intérêts, le prêteur est fondé, en vertu de l’article 1231-7 du code civil, à réclamer à l’emprunteur le paiement des intérêts au taux légal sur le capital restant dû à compter de la mise en demeure, le taux d’intérêt légal étant majoré de plein droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l’article L.313-3 du code monétaire et financier.

Cependant, la Cour de Justice a édicté le principe selon lequel « le juge national chargé d’appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit communautaire, a l’obligation d’assurer le plein effet de ces normes, en laissant au besoin inappliquée, de sa propre initiative, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de celle-ci » (CJCE, 9 mars 1978, aff. 106/77, Simmenthal).

Or, l’article 23 de la directive 2008/48 du Parlement européen et du Conseil concernant les contrats de crédits aux consommateurs dispose que les Etats membres définissent le régime de sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à la directive, et prennent toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte qu’elles soient appliquées, et que les sanctions soient « effectives, proportionnées et dissuasives ».

Par arrêt du 27 mars 2014, la Cour de Justice de l’Union Européenne (affaire C-565/12, LCL / Fesih Kalhan) a jugé que l’article 23 de la directive 2008/48 s’oppose à l’application d’intérêts au taux légal si « les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur à la suite de l’application de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s’il avait respecté ses obligations ».

La Cour de Justice a ainsi ajouté que, « si la sanction de la déchéance du droit aux intérêts se trouvait affaiblie, voire purement et simplement annihilée, en raison du fait que l’application des intérêts au taux légal majoré est susceptible de compenser les effets d’une telle sanction, il en découlerait nécessairement que celle-ci ne présente pas un caractère véritablement dissuasif », et qu’il appartient à la juridiction saisie « de comparer, dans les circonstances de l’affaire dont elle est saisie, les montants que le prêteur aurait perçus en rémunération du prêt dans l’hypothèse où il aurait respecté son obligation avec ceux qu’il percevrait en application de la sanction de la violation de cette même obligation ».

En l’espèce, il résulte des pièces produites que les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal majoré de cinq points, nonobstant la déchéance du droit aux intérêts, ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont celui-ci aurait pu bénéficier s’il avait respecté ses obligations découlant de la directive 2008/48, de sorte que la sanction de la déchéance du droit aux intérêts ne revêt pas de caractère effectif et dissuasif.

Dès lors, afin d’assurer le respect de la directive précitée, et du caractère effectif et dissuasif de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts, il convient de ne pas faire application de l’article 1231-7 du code civil et de l’article L.313-3 du code monétaire et financier, en prévoyant que la somme restant due en capital ne portera pas intérêt, fût-ce au taux légal.

• Sur le montant de la créance principale :

Il ressort des éléments produits par la demanderesse que l’emprunteur a réglé au titre du remboursement du crédit litigieux, la somme globale de 393,90 €.

Dès lors, compte tenu du prononcé de la déchéance du droit aux intérêts conventionnels et aux intérêts légaux, il convient de condamner Mme [Z] [L] au paiement de la somme de 19.606,10 € (solde restant du au titre du capital emprunté, déduction faite des mensualités réglées).

Sur les demandes accessoires :

• Sur les dépens :

L’article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Mme [Z] [L], qui succombent à l’instance, sera condamnée aux dépens.

• Sur les frais irrépétibles :

Il résulte des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.

Compte tenu du déséquilibre des situations économiques respectives des parties, il convient de débouter la SAS SOGEFINANCEMENT de sa demande fondée sur l’application de l’article précité.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort,

DÉCLARE l’action recevable ;

CONSTATE l’acquisition de la déchéance du terme du contrat de prêt en date du 11 aout 2021, signé entre la SAS SOGEFINANCEMENT, d’une part, et Mme [Z] [L], d’autre part ;

CONDAMNE Mme [Z] [L] à payer à la SAS SOGEFINANCEMENT la somme de 19.606,10 € au titre du contrat de prêt et ce, sans intérêt, ni contractuel ni légal ;

DÉBOUTE la SAS SOGEFINANCEMENT du surplus de ses prétentions ;

CONDAMNE Mme [Z] [L] aux dépens.

Ainsi jugé et mis à disposition, les jour, mois et an susdits.

LA GREFFIERE LA JUGE


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