Introduction du litigePar requête remise en main propre le 21 décembre 2018, la SAS [5] a saisi le tribunal judiciaire de Marseille d’un recours contre la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de l’URSSAF PACA. Ce recours fait suite à un contrôle sur l’application des législations de sécurité sociale, d’assurance chômage et de garantie des salaires pour les années 2015 et 2016, ayant abouti à une mise en demeure d’un montant total de 6.565 euros. Demandes de la société [5]La société [5], représentée par son conseil, demande au tribunal d’infirmer la décision de rejet de l’URSSAF PACA, de constater sa bonne foi, d’annuler le redressement concernant les frais professionnels, ainsi que les pénalités et majorations afférentes. Elle réclame également le paiement de 2.500 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile, en plus des dépens. Contestation des frais professionnelsLa société conteste le redressement relatif aux « frais professionnels non justifiés », en particulier ceux versés à Monsieur [R] pour l’utilisation de son véhicule personnel pour des livraisons. Elle soutient que la transmission d’une note mensuelle des kilomètres parcourus est suffisante pour justifier l’indemnisation. Position de l’URSSAF PACAL’URSSAF PACA, représentée par une inspectrice juridique, demande au tribunal de reconnaître une créance de 6.565 € à l’encontre de la société [5], de confirmer le redressement contesté, et de condamner la société à payer cette somme, ainsi qu’une contribution de 800 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. Analyse des frais professionnels non justifiésLa déduction des frais professionnels est strictement encadrée par la législation. L’URSSAF a constaté que la société [5] versait des indemnités de frais kilométriques à Monsieur [R] sans fournir de justificatifs adéquats, tels que les dates, lieux et motifs des déplacements. Les notes de frais ne contenaient qu’un kilométrage global, ce qui ne permet pas de prouver que les frais étaient engagés dans le cadre professionnel. Insuffisance des justificatifsLes justificatifs fournis par la société [5] sont jugés insuffisants. L’URSSAF a relevé que les indemnités versées à Monsieur [R] incluaient des trajets à usage privé, ce qui ne peut être exonéré de cotisations sociales. De plus, l’absence de détails sur les déplacements rend impossible la justification des frais professionnels. Décision du tribunalLe tribunal a débouté la SAS [5] de son recours contre la décision de l’URSSAF PACA, confirmant le redressement relatif aux frais professionnels non justifiés. La société a été condamnée à payer la somme de 6.565 €, ainsi qu’une contribution de 800 € pour les frais non compris dans les dépens. L’exécution provisoire de la décision a également été ordonnée. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
POLE SOCIAL
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]
JUGEMENT N° 24/04023 du 05 Novembre 2024
Numéro de recours: N° RG 19/00947 – N° Portalis DBW3-W-B7D-V56B
AFFAIRE :
DEMANDERESSE
S.A.S. [5]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Florent OLIVER, avocat au barreau de MARSEILLE
c/ DEFENDERESSE
Organisme URSSAF PACA
[Adresse 7]
[Localité 4]
représentée par Mme [P] [H] (Inspecteur juridique), munie d’un pouvoir régulier
DÉBATS : À l’audience publique du 10 Septembre 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Président : PASCAL Florent, Vice-Président
Assesseurs :
DAVINO Roger
Lors des débats : ELGUER Christine, Greffier
À l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 05 Novembre 2024
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
Par requête remise en main propre le 21 décembre 2018 par son conseil au greffe de la juridiction, la SAS [5] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille d’un recours à l’encontre de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de l’Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales de Provence-Alpes-Côte d’Azur (ci-après URSSAF PACA), faisant suite au contrôle portant sur l’application des législations de sécurité sociale, d’assurance chômage et de garantie des salaires pour la période des années 2015 et 2016, et s’étant traduite par une lettre d’observations en date du 20 juin 2018 et la délivrance d’une mise en demeure n°64125150 du 17 septembre 2018 d’un montant total de 6.565 euros.
Après plusieurs renvois et mise en état, l’affaire a été retenue à l’audience du 10 septembre 2024.
La société [5], représentée par son conseil s’en rapportant à ses conclusions, demande au tribunal de :
-infirmer la décision de rejet implicite de la commission de recours amiable de l’URSSAF PACA ;
-constater la bonne foi de la société [5] ;
-annuler le redressement concernant les frais professionnels, ainsi que les pénalités et majorations afférentes ;
-condamner l’URSSAF PACA à lui payer la somme de 2.500 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.
La société [5] conteste un seul des chefs de redressement retenus par l’organisme de recouvrement au titre des “frais professionnels non justifiés” (point n°8 de la lettre d’observations). Elle reproche à l’URSSAF d’avoir maintenu le redressement au titre des frais professionnels versés à Monsieur [R], alors qu’elle justifie de l’utilisation du véhicule personnel de ce dernier pour la livraison des produits de la boulangerie, et que la transmission d’une note mensuelle comprenant un nombre global de kilomètres effectués dans le mois est suffisante pour justifier de l’indemnisation.
L’URSSAF PACA, représentée par une inspectrice juridique, demande pour sa part au tribunal de :
-dire et juger qu’elle dispose d’une créance à l’endroit de la société [5] d’un montant de 6.565 € ;
-confirmer le seul chef de redressement contesté, en son principe et son montant;
-constater que la société [5] ne s’est pas acquittée des chefs de redressement non contestés ;
-condamner en conséquence la société [5] à payer à l’URSSAF PACA la somme de 6.565 euros, dont 603 euros de majorations de retard, conformément à la mise en demeure du 17 septembre 2018 ;
-condamner la société [5] au paiement de la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées par les parties à l’audience pour un exposé plus ample de leurs moyens et prétentions.
L’affaire a été mise en délibéré au 5 novembre 2024.
Sur les frais professionnels non justifiés
La déduction des frais professionnels de l’assiette des cotisations de sécurité sociale constitue une exception à la règle d’assujettissement des sommes et avantages versés à l’occasion du travail fixée par l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale, de sorte que la qualification de remboursement de frais professionnels doit être retenue de façon limitative.
Si la démonstration n’est pas faite que le salarié est exposé à des frais supplémentaires de transport, de repas ou d’hébergement du fait d’une situation de déplacement, les indemnités doivent être réintégrées dans l’assiette des cotisations.
Selon l’article 1er de l’arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, les frais professionnels s’entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l’accomplissement de ses missions.
Selon l’article 4 de l’arrêté précité, lorsque le travailleur salarié ou assimilé est contraint d’utiliser son véhicule personnel à des fins professionnelles, l’indemnité forfaitaire kilométrique est réputée utilisée conformément à son objet dans les limites fixées par les barèmes kilométriques annuellement publiés par l’administration fiscale.
La fourniture d’un justificatif cohérent de déplacement répond à l’obligation de prouver que les frais ont été utilisés conformément à leur objet et dans le cadre de l’activité sociale de l’entreprise, afin d’établir que les conditions prévues pour bénéficier d’une exonération des cotisations sont remplies.
En vertu des règles de preuve applicables aux vérifications de l’URSSAF, il est rappelé que les constatations des agents chargés du contrôle, agréés et assermentés, font foi jusqu’à preuve contraire, et que les employeurs sont tenus de présenter tout document et de permettre l’accès à tous supports d’information qui leur sont demandés par ces agents comme nécessaires à l’exercice du contrôle.
Ainsi, l’absence de production des pièces justificatives nécessaires à la vérification de l’application des règles de déduction des frais professionnels à l’occasion des opérations de contrôle, et avant la fin de la période contradictoire, prive l’employeur contrôlé de la possibilité d’apporter ultérieurement des éléments contraires aux constatations de l’inspecteur.
Aux termes de la lettre d’observations du 20 juin 2018, l’inspecteur de recouvrement a relevé que la société [5] versait des indemnités de frais kilométriques à Monsieur [L] [R] pour des kilomètres parcourus avec son véhicule personnel lors des livraisons effectuées auprès des clients de la boulangerie situés dans les environs proches.
L’indemnisation s’effectue sous la forme d’allocations forfaitaires selon un barème de 0,42 € par kilomètre.
Les justificatifs transmis mentionnent un kilométrage mensuel global sans aucune information sur les dates, lieux et motifs de déplacement.
La société a indiqué que le total des kilomètres mentionné sur les notes de frais était relevé sur le véhicule de M. [R] à la fin de chaque mois.
Par ailleurs, l’agent de contrôle a relevé que la société possédait également un deux-roues qui n’était affecté à aucun salarié, et qui était utilisé pour les livraisons en raison des difficultés de stationnement dans le quartier.
Enfin, il a été constaté que des justificatifs de kilomètres ont été fournis pour des périodes durant lesquelles M. [R] était en congés payés.
L’employeur conteste ce chef de redressement en soutenant, d’une part, qu’il établit que le salarié a utilisé son véhicule personnel pour les livraisons de la boulangerie, en produisant deux certificats d’immatriculation de véhicules Renault Espace à son nom, et d’autre part, que la justification du nombre de kilomètres parcourus mensuellement par M. [R] se référant à son relevé de compteur est suffisante.
Il convient toutefois de relever l’insuffisance des explications et justificatifs produits par la société [5].
D’une part, comme le souligne exactement l’URSSAF, s’agissant de l’utilisation du véhicule personnel d’un employé, celui-ci est par définition également utilisé pour des trajets privés pour lesquels le remboursement d’indemnités kilométriques ne saurait être admis en exonération de cotisations sociales.
Ainsi, le relevé des kilomètres effectué mensuellement sur le compteur du véhicule comporte nécessairement des kilomètres à usage privé.
Les affirmations, non étayées, de la société indiquant que le véhicule de M. [R] aurait été transformé en utilitaire et ne serait pas utilisé à des fins privées sont incohérentes avec la notion même d’indemnité forfaitaire kilométrique, qui ne s’applique pas aux véhicules professionnels, et ne sont aucunement justifiées.
D’autre part, l’indemnisation forfaitaire des frais de déplacement, lorsque le salarié est contraint d’utiliser son véhicule personnel à des fins professionnelles, est subordonnée à la justification par l’employeur de la réalité des circonstances de fait ayant entraîné l’obligation pour le salarié d’engager des dépenses supplémentaires de transport.
En l’espèce, les notes de frais mensuelles produites comportant pour seule mention un kilométrage global parcouru, sans déterminer les dates, les lieux, les trajets et les clients livrés, sont manifestement insuffisantes pour établir l’utilisation des indemnités en cause conformément à leur objet.
Dans ces conditions, il n’est pas permis de considérer que les frais versés à Monsieur [R] en franchise de cotisations sociales correspondent à des charges exposées par celui-ci dans un cadre professionnel pour l’accomplissement de ses missions.
En l’absence d’éléments probants suffisants de la part de l’employeur, la contestation de la société [5] ne peut qu’être rejetée.
Il y a lieu en conséquence de confirmer le chef de redressement contesté relevé par l’URSSAF PACA, et de condamner la société [5] au paiement de la mise en demeure n°64125150 du 17 septembre 2018 pour son entier montant de 6.565 €.
Sur les demandes accessoires
La société [5], qui succombe à ses prétentions, sera condamnée aux dépens de l’instance conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile.
Il convient également de la condamner à payer à l’URSSAF PACA la somme de 800 euros en contribution aux frais non compris dans les dépens que l’organisme de sécurité sociale doit exposer pour la stricte application de la loi, et ce sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Compte tenu de la nature et de l’ancienneté du litige, le présent jugement sera assorti de l’exécution provisoire.
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort,
DÉBOUTE la SAS [5] de son recours à l’encontre de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de l’URSSAF PACA, consécutive au redressement opéré par lettre d’observations du 20 juin 2018 pour la période des années 2015 et 2016 ;
CONFIRME le chef de redressement n°8 contesté relatif aux frais professionnels non justifiés ;
CONDAMNE la SAS [5] à payer à l’URSSAF PACA la somme de 6.565 euros, dont 603 euros de majorations de retard, conformément à la mise en demeure n°64125150 du 17 septembre 2018 ;
CONDAMNE la SAS [5] à payer à l’URSSAF PACA la somme de 800 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE la SAS [5] aux dépens de l’instance ;
ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision ;
RAPPELLE que tout appel de la présente décision doit être formé, sous peine de forclusion, dans le délai d’un mois à compter de la réception de sa notification.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.
Notifié le :
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT