Examen des Indemnités de Repas et de leur Justification dans le Cadre des Déplacements Professionnels

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Examen des Indemnités de Repas et de leur Justification dans le Cadre des Déplacements Professionnels

Contrôle comptable par l’URSSAF

La société [6] a été soumise à un contrôle comptable d’assiette sociale par l’URSSAF du Nord-Pas-de-Calais pour la période allant du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020. Le 4 janvier 2022, l’URSSAF a envoyé une lettre d’observations à la société, à laquelle celle-ci a répondu le 28 janvier 2022. L’URSSAF a ensuite réagi le 12 avril 2022.

Mise en demeure et contestation

Le 4 mai 2022, l’URSSAF a mis en demeure la société [6] de payer 23 025 euros, comprenant 21 630 euros de rappel de cotisations et 1 395 euros de majorations de retard pour les années 2018, 2019 et 2020. En réponse, la société a saisi la commission de recours amiable le 29 juin 2022 pour contester cette mise en demeure. La commission a rejeté la demande lors de sa séance du 29 septembre 2022, décision notifiée le 12 octobre 2022.

Saisine du tribunal

Le 12 décembre 2022, la société [6] a saisi le tribunal pour contester la décision de la commission de recours amiable et demander l’infirmation des chefs de redressement. Les parties ont échangé leurs écritures, et l’affaire a été fixée à l’audience du 1er octobre 2024.

Demandes de la société [6]

À l’audience, la société [6] a demandé au tribunal de la déclarer recevable et fondée dans son recours, d’annuler la mise en demeure ramenée à 18 666 euros, de condamner l’URSSAF à lui verser 2 500 euros pour frais irrépétibles, et de prendre en charge les dépens liés à l’exécution du jugement.

Arguments de la société [6]

La société a expliqué qu’elle se spécialise dans la réparation ou le remplacement de pare-brise automobile sans disposer d’atelier. Les techniciens se déplacent avec des véhicules ateliers pour effectuer les réparations. Elle a également précisé que plusieurs de ses employés, bien que désignés par d’autres titres, exercent des fonctions de poseurs de pare-brise et justifié ses indemnités de repas par des pièces non consultées par l’URSSAF.

Position de l’URSSAF

L’URSSAF a demandé au tribunal de débouter la société [6] de ses demandes, de valider le redressement et de condamner la société à lui verser 1 000 euros pour frais irrépétibles. Elle a soutenu que les indemnités de repas versées ne pouvaient être justifiées pour certains employés qui n’effectuaient pas de déplacements.

Analyse du tribunal

Le tribunal a examiné le chef de redressement concernant les frais professionnels non justifiés, en particulier les indemnités de repas. Il a noté que l’URSSAF avait admis ces indemnités pour les poseurs de pare-brise, mais pas pour d’autres employés. Le tribunal a également pris en compte les relevés GPS et les agendas fournis par la société pour établir que les employés concernés effectuaient des déplacements réguliers.

Décision du tribunal

Le tribunal a annulé le chef n°2 du redressement concernant les indemnités de repas pour les employés concernés, a condamné l’URSSAF aux dépens et a ordonné le paiement de 1 000 euros à la société [6] pour frais irrépétibles. Le jugement a été notifié aux parties conformément à la législation en vigueur.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

15 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Lille
RG
22/02153
1/ Tribunal judiciaire de Lille N° RG 22/02153 – N° Portalis DBZS-W-B7G-WW4P
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE

PÔLE SOCIAL

-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

JUGEMENT DU 15 NOVEMBRE 2024

N° RG 22/02153 – N° Portalis DBZS-W-B7G-WW4P

DEMANDERESSE :

Société [6]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Laurence BONDOIS, avocat au barreau de LILLE

DEFENDERESSE :

URSSAF NORD PAS DE CALAIS
[Adresse 7]
[Localité 2]
représentée par Me Maxime DESEURE, avocat au barreau de BETHUNE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Anne-Sophie SIEVERS, Juge
Assesseur : Thierry BOCQUET, Assesseur du pôle social collège employeur
Assesseur : Philippe DUGAUTIER, Assesseur du pôle social collège salarié

Greffier

Christian TUY,

DÉBATS :

A l’audience publique du 01 octobre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 15 Novembre 2024.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société [6] a fait l’objet d’un contrôle comptable d’assiette sociale effectué par l’URSSAF du Nord-Pas-de-Calais sur la période du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020.

Par courrier recommandé du 4 janvier 2022, l’URSSAF a adressé une lettre d’observations à la société [6], qui a répondu par courrier du 28 janvier 2022. L’URSSAF a répondu le 12 avril 2020 à la société [6].

Par courrier recommandé du 4 mai 2022, l’URSSAF a mis en demeure la société [6] de lui payer la somme de 23 025 euros, soit – 21 630 euros de rappel de cotisations et 1 395 euros de majorations de retard – dues au titre des années 2018, 2019 et 2020.

Par courrier du 29 juin 2022, la société [6] a saisi la commission de recours amiable pour fins de contester cette mise en demeure.

Réunie en sa séance du 29 septembre 2022, notifiée le 12 octobre 2022, la commission de recours amiable a rejeté la demande de la société [6].

Par lettre recommandée avec accusé réception expédiée le 12 décembre 2022, la société [6] a saisi la présente juridiction afin de contester la décision de rejet explicite de la commission de recours amiable du 29 septembre 2022 et de voir infirmer les chefs de redressement.

Les parties ont échangé leurs écritures dans le cadre de la mise en état du dossier.

Par ordonnance du 13 juin 2024, la clôture de l’instruction a été ordonnée et l’affaire a été fixée à l’audience du 1er octobre 2024, date à laquelle elle a été plaidée en présence des parties dûment représentées.

* * *

À l’audience, la société [6] demande au tribunal de :

– déclarer la société [6] recevable et fondée en son recours ;
– annuler la mise en demeure ramenée à 18 666 euros par la commission de recours amiable dans sa décision du 12 octobre 2022 ;
– condamner l’URSSAF Nord-Pas-de-Calais à lui payer la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles ;
– condamner l’URSSAF Nord-Pas-de-Calais aux dépens qui comprendront l’intégralité des frais, émoluments et honoraires liés à une éventuelle exécution du jugement par voie d’huissier et, en particulier, tous les droits de recouvrement ou d’encaissement à la charge du créancier en application des dispositions des articles 10 à 12 du décret n°96-1080 du 12 septembre 1996, modifié par le décret 2001-212 du 8 mars 2001, portant fixation du tarif des huissiers en matière civile.

Au soutien de sa demande, la société [6] expose qu’elle assure la réparation ou le remplacement de pare-brise automobile, qu’elle ne dispose pas d’atelier et que les techniciens qui interviennent se déplacent au moyen de véhicules ateliers sur le lieu de réparation désigné par la clientèle.
1/ Tribunal judiciaire de Lille N° RG 22/02153 – N° Portalis DBZS-W-B7G-WW4P
Elle fait valoir qu’en plus des poseurs de pare-brise pour lesquels l’URSSAF a accepté le principe de l’indemnité de repas, sont concernés par ces interventions journalières quatre chargés d’antenne, un responsable technique et deux experts techniques, qui sont en réalité tous des poseurs de pare-brise qualifiés ou hautement qualifiés.
Elle expose que le chargé d’antenne effectue la préparation de la tournée en vérifiant les agendas et le chargement des camions, puis décharge et range le matériel en fin de journée, mais effectue entre-temps des missions de pose de pare-brise ; le responsable technique est un poseur de pare-brise plus expérimenté qui accompagne les poseurs de pare-brise pour assurer un complément de formation ou intervenir sur des réparations et remplacements d’un niveau de technicité supérieur (pare-brise avec capteurs de pluie ou de sortie de route) ; l’expert technique assure le tutorat des poseurs de pare-brise et prend en charge les poses de pare-brise complexes ou à très haute technicité.
Elle souligne que par conséquent, l’ensemble de ces salariés se déplace tous les jours pour assurer des poses de pare-brise et qu’elle contrôle rigoureusement leurs déplacements pour verser les indemnités de repas, ce dont elle justifie au moyen de pièces qui étaient à la disposition de l’inspecteur de l’URSSAF qui ne les a pas consultées et n’a pas constaté sur place les situations de travail des salariés : agendas, données GPS de l’année 2020 (les données GPS des années 2018 et 2019 n’étant plus disponibles compte tenu du RGPD).
Elle ajoute que l’antenne ne dispose d’aucun atelier et d’aucune salle de pause ou de restauration et produit des attestations de ses salariés.

L’URSSAF du Nord-Pas-de-Calais demande au tribunal de :

– débouter la société [6] de l’ensemble de ses demandes ;
– valider le redressement litigieux ;
– condamner la société [6] à lui payer la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles ;
– condamner la société [6] aux dépens.

L’URSSAF réplique au visa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, des articles 1 et 2 de l’arrêté du 20 décembre 2002 et de la circulaire n°2003/7 du 7 janvier 2003 que l’employeur versait une indemnité forfaitaire de repas de 10,30 euros par jour travaillé au profit de l’ensemble du personnel alors que les états fournis par la société ne permettaient pas d’identifier des situations de déplacement et que les adjoints directeurs d’exploitation, les responsables techniques et chargés d’antennes exerçaient dans les locaux de l’entreprise. Elle considère qu’il n’est pas démontré qu’ils exerceraient des fonctions de poseurs de pare-brise impliquant des déplacements.

L’affaire a été mise en délibéré au 15 novembre 2024.

MOTIFS

À titre liminaire :

Si la société [6] demande l’annulation de la mise en demeure sans se prévaloir d’une quelconque irrégularité en ce sens, il convient de considérer, dès lors que l’URSSAF demande à la présente juridiction de valider le redressement litigieux, que la juridiction est bien saisie d’une demande tendant à vérifier le bien-fondé du chef de redressement n°2 de la lettre d’observations.

Sur le chef de redressement n° 2 : frais professionnels non justifiés – indemnités de repas versées hors situation de déplacement

Dans la lettre d’observations, l’URSSAF a indiqué que si ces indemnités de repas avaient été admises pour les poseurs de pare-brise malgré l’absence de production d’un état détaillé des déplacements effectués, compte tenu de la réalité de leur activité, elle ne pouvait admettre ces indemnités pour les adjoints directeurs d’exploitation, les responsables techniques et les chargés d’antenne, leurs missions impliquant également des tâches sans déplacement.

Le cas des experts techniques n’était pas mentionné par cette lettre d’observations. La société [6] ne conteste pas le redressement s’agissant des adjoints directeurs d’exploitation.

*

Il ressort de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale que les cotisations sont dues sur toutes les sommes ainsi que les avantages et accessoires en nature ou en argent qui y sont associés, dus en contrepartie ou à l’occasion d’un travail, d’une activité ou de l’exercice d’un mandat ou d’une fonction élective, quelles qu’en soient la dénomination ainsi que la qualité de celui qui les attribue, que cette attribution soit directe ou indirecte.

En revanche, ne constituent pas un revenu d’activité les remboursements effectués au titre de frais professionnels correspondant dans les conditions et limites fixées par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget à des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi des travailleurs salariés ou assimilés que ceux-ci supportent lors de l’accomplissement de leurs missions.

L’arrêté du 20 décembre 2002 prévoit, aux termes de son article 1er, que les frais professionnels s’entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l’accomplissement de ses missions. L’article 2 du même arrêté précise que l’indemnisation des frais professionnels s’effectue soit sous la forme des dépenses réellement engagées par le travailleur salarié ou assimilé ; l’employeur est tenu de produire les justificatifs y afférents, soit sur la base d’allocations forfaitaires : l’employeur est alors autorisé à déduire leurs montants dans les limités fixées par arrêté, sous réserve de l’utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet.

Il s’ensuit que peuvent être exonérés de cotisations sociales les remboursements effectués par l’employeur à ses salariés qui correspondent à des dépenses réellement engagées par le salarié.

En l’espèce, la société [6] a versé une indemnité forfaitaire de 10,30 euros par jour travaillé à ses salariés.

Si la société s’est retrouvée dans l’impossibilité de fournis les relevés GPS de ses employés pour les années 2018 et 2019 compte tenu du RGPD, elle verse aux débats les relevés de l’année 2020 ainsi que l’intégralité des agendas des salariés sur l’ensemble de la période litigieuse.

Les relevés GPS 2020 permettent d’établir que les salariés en cause ont eu à effectuer quotidiennement des trajets, y compris lorsque l’intitulé de leur profession ne se résumait pas à celui de poseur de pare-brise : il en va notamment ainsi pour M. [V], responsable technique, pour M. [Y], expert technique, (196 heures de conduite pour l’année 2020 rien qu’avec le véhicule Ford T. Custom [Immatriculation 4]), pour M. [B], expert technique, (477 heures de conduite pour l’année 2020 rien qu’avec le véhicule Ford T. Custom [Immatriculation 5]), étant souligné que les agendas pour les trois années révèlent que les interventions se faisaient fréquemment en binômes.

Plus structurellement, le contrat de travail produit souligne que le salarié est amené à se déplacer dans la France entière pour ses missions et les attestations des salariés, M. [B], M. [V], M. [W], chargé d’antenne, M. [C], également chargé d’antenne, établissent que leur emploi implique de déjeuner dans leur camion-atelier ou à l’extérieur, qu’un créneau d’une heure est prévu en ce sens, et qu’il leur est matériellement impossible, en raison de leurs déplacements, de rejoindre leur lieu de travail pour déjeuner.

Aux termes mêmes de la lettre d’observations, le poste de chargé d’antenne comprenait les missions suivantes :  » coordinateur des équipes et encadrement technique opérationnel au quotidien, préparer les tournées (regarder son agenda du lendemain et vérifier les bons de travail, chargement du camion et de tout le matériel nécessaire, regarder les consignes techniques des véhicules, programmer le GPS, poser des vitrages à domicile sur tous types de véhicule, réparer des impacts,[…] « . Celui de responsable technique était décrit ainsi :  » préparer les tournées : vérifier les chargements du camion ; prendre des photos et donner les consignes techniques pour les modules de formation Erudeos, réaliser les poses de vitrage et réparations d’impacts […] « . La lettre d’observations n’a pas mentionné le cas des experts techniques.

Il résulte de ces éléments que nonobstant la production d’un relevé GPS pour les années 2018 et 2019, les agendas produits pour l’ensemble de la période apparaissent suffisamment probants et démontrent que chaque journée de travail impliquait pour les responsables techniques, chargés d’antennes et techniciens experts de devoir déjeuner en extérieur.

Il convient donc d’annuler le chef n°2 du redressement en ce qu’il porte sur les indemnités de repas versées hors situations de déplacements aux responsables techniques, chargés d’antenne et experts techniques, à savoir, selon la lettre d’observations, M. [X], M. [D], M. [K], M. [Y], M. [L], M. [V], M. [B], M. [Z] et M. [C].

Force est de constater qu’aucune demande de condamnation n’a été formée à l’encontre de l’URSSAF, le tribunal ne pouvant statuer que sur les demandes qui lui sont faites.

Sur les demandes accessoires

L’URSSAF, partie succombante, sera condamnée aux dépens de l’instance. Il n’apparaît pas inéquitable de la condamner à payer à la société [6] la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, par décision contradictoire rendue en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

ANNULE le chef n°2 du redressement en ce qu’elle porte sur les indemnités de repas versées à M. [X], M. [D], M. [K], M. [Y], M. [L], M. [V], M. [B], M. [Z] et M. [C] pour les années 2018 à 2020,

CONDAMNE l’URSSAF du Nord-Pas-de-Calais aux dépens,

CONDAMNE l’URSSAF du Nord-Pas-de-Calais à payer à la société [6] la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles.

DIT que le présent jugement sera notifié à chacune des parties conformément à l’article R. 142-10-7 du code de la sécurité sociale par le greffe du tribunal.

Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal le 15 novembre 2024 et signé par le président et le greffier.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
Christian TUY Anne-Sophie SIEVERS

Expédié aux parties le :

– 1 CE à Me Laurence BONDOIS
– 1 CCC à la société [6], à Me Maxime DESEURE et à l’URSSAF


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