Déclaration de l’accidentLa SA [4] a déclaré un accident du travail concernant M. [W] [C], survenu le 1er février 2021, sans émettre de réserves. Un certificat médical a été établi le même jour, indiquant une chute avec contusion à l’épaule gauche et lombalgie, entraînant un arrêt de travail jusqu’au 3 février 2021. La caisse primaire d’assurance maladie de la Somme a pris en charge l’accident le 5 mars 2021. Recours de la sociétéContestant la décision de prise en charge, la société a saisi la commission de recours amiable, qui n’a pas rendu d’avis dans le délai imparti. Par la suite, la société a porté l’affaire devant le tribunal judiciaire de Nanterre le 3 septembre 2021. Le 26 novembre 2021, la caisse a notifié le rejet du recours de la société. Audience et demandes des partiesL’affaire a été entendue le 7 octobre 2024, où les parties ont pu présenter leurs observations. La société a demandé à être dispensée de comparution, ce qui a été accordé. Dans ses conclusions, la SA [4] a demandé la déclaration d’inopposabilité de la décision de prise en charge et a sollicité le déboutement de la caisse de ses demandes. Position de la caisseLa caisse primaire d’assurance maladie de la Somme a requis le rejet des demandes de la société et a affirmé que la décision de prise en charge était opposable à l’employeur. Elle a également demandé le paiement d’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Examen du principe du contradictoireLe tribunal a examiné le respect du principe du contradictoire dans la procédure. La société a soutenu que la caisse n’avait pas respecté les délais et procédures nécessaires, ce qui aurait conduit à une instruction non contradictoire. La caisse a rétorqué qu’aucune instruction n’était requise en l’absence de réserves motivées de l’employeur. Matérialité de l’accidentLe tribunal a analysé la matérialité de l’accident, notant une discordance entre la déclaration de l’accident et le certificat médical. La société a contesté l’existence d’un fait accidentel, tandis que la caisse a affirmé que les faits se sont produits pendant le temps de travail. Le tribunal a conclu que la caisse n’avait pas prouvé la matérialité de l’accident. Décision du tribunalLe tribunal a déclaré inopposable à la SA [4] la décision de prise en charge de l’accident par la caisse. Il a également débouté la caisse de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux dépens. |
Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de déclaration d’accident du travail ?
L’employeur a des obligations précises en matière de déclaration d’accident du travail, régies par le Code de la sécurité sociale. Selon l’article R. 441-6, lorsque l’accident est déclaré par l’employeur, celui-ci doit émettre des réserves motivées auprès de la caisse primaire d’assurance maladie dans un délai de dix jours francs à compter de la déclaration.
Ce délai est crucial car il permet à la caisse d’examiner la situation et de statuer sur le caractère professionnel de l’accident. Si l’employeur ne formule pas de réserves dans ce délai, il peut être considéré comme ayant accepté la prise en charge de l’accident.
De plus, l’article R. 441-7 précise que la caisse a un délai de trente jours francs pour statuer sur le caractère professionnel de l’accident, à compter de la réception de la déclaration et du certificat médical initial.
En cas d’instruction, l’article R. 441-8 stipule que la caisse doit informer l’employeur des dates d’ouverture et de clôture de la période de consultation du dossier, ce qui garantit le respect du principe du contradictoire.
Quelles sont les conséquences d’une prise en charge d’accident du travail sans respect du contradictoire ?
La prise en charge d’un accident du travail sans respecter le principe du contradictoire peut entraîner l’inopposabilité de cette décision à l’employeur. Selon l’article R. 441-8 du Code de la sécurité sociale, si la caisse engage des investigations, elle doit respecter un certain formalisme, notamment informer l’employeur de la possibilité de consulter le dossier.
Dans le cas présent, la société a soutenu qu’elle n’avait pas été informée de la possibilité de consulter le dossier, ce qui constitue une violation des droits de la défense. En conséquence, la décision de prise en charge de l’accident a été déclarée inopposable à l’employeur, car la caisse n’a pas respecté les dispositions légales.
Cela signifie que l’employeur peut contester la décision de prise en charge et ne sera pas tenu de supporter les conséquences financières qui en découlent. La jurisprudence a souvent affirmé que le non-respect du contradictoire peut entraîner l’annulation de la décision administrative.
Comment la matérialité de l’accident est-elle prouvée dans le cadre d’un accident du travail ?
La matérialité de l’accident du travail doit être prouvée par la caisse primaire d’assurance maladie, conformément à l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale. Cet article stipule que tout accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail est considéré comme un accident du travail, et bénéficie d’une présomption d’imputabilité.
Cependant, la caisse doit établir la matérialité de l’accident, ce qui peut être fait par tous moyens. Dans le cas présent, la société a contesté la matérialité de l’accident, arguant qu’il n’existait aucun élément probant.
La caisse, de son côté, a soutenu que la matérialité était établie puisque l’accident s’était produit pendant les horaires de travail. Toutefois, le tribunal a relevé une discordance entre la déclaration de l’accident et le certificat médical, ce qui a conduit à la conclusion que la caisse n’avait pas rapporté la preuve de la matérialité de l’accident.
Ainsi, en cas de contradiction dans les éléments fournis, il appartient à la caisse de mener des investigations pour clarifier les circonstances de l’accident, ce qu’elle n’a pas fait dans cette affaire.
Quelles sont les implications de la décision du tribunal sur les demandes annexes ?
La décision du tribunal a des implications directes sur les demandes annexes formulées par la caisse primaire d’assurance maladie. En effet, le tribunal a débouté la caisse de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, qui permet à une partie de demander le remboursement de ses frais de justice.
Cette décision est fondée sur le fait que la caisse a été condamnée aux dépens, conformément à l’article 699 du Code de procédure civile, qui stipule que la partie perdante doit supporter les frais de justice.
En conséquence, la caisse ne pourra pas obtenir de compensation pour ses frais, ce qui souligne l’importance de la rigueur dans la procédure de prise en charge des accidents du travail. Cela démontre également que le tribunal a pris en compte les circonstances de l’affaire et a jugé que la caisse n’avait pas agi de manière conforme aux exigences légales.
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE NANTERRE
■
PÔLE SOCIAL
Affaires de sécurité sociale et aide sociale
JUGEMENT RENDU LE
13 Novembre 2024
N° RG 21/01486 – N° Portalis DB3R-W-B7F-W5J5
N° Minute : 24/01604
AFFAIRE
S.A. [4]
C/
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA SOMME
Copies délivrées le :
DEMANDERESSE
S.A. [4]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
dispensée de comparution, ayant pour avocat Me Gabriel RIGAL, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 1406
DEFENDERESSE
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA SOMME
Service des affaires juridiques
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Mme [I] [M], munie d’un pouvoir régulier
*
L’affaire a été débattue le 07 Octobre 2024 en audience publique devant le tribunal composé de :
Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Première vice-présidente
Gérard BEHAR, Assesseur, représentant les travailleurs salariés
Patricia TALIMI, Assesseur, représentant les travailleurs non-salariés
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats et du prononcé : Stéphane DEMARI, Greffier.
JUGEMENT
Prononcé en premier ressort, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.
La SA [4] a renseigné le 3 février 2021, une déclaration d’accident du travail concernant M. [W] [C], salarié en qualité d’apprenti ouvrier, faisant mention d’un accident survenu le 1er février 2021 à 16 heures. Elle n’a émis aucune réserve. Le certificat médical initial établi le même jour fait état d’une chute de sa hauteur avec contusion épaule gauche et lombalgie et est assorti d’un premier arrêt de travail jusqu’au 3 février 2021. Le 5 mars 2021, la caisse primaire d’assurance maladie de la Somme a pris en charge le sinistre au titre de la législation professionnelle.
Contestant l’opposabilité de cette décision, la société a saisi la commission de recours amiable de la caisse, laquelle n’a pas rendu d’avis dans le délai qui lui était imparti. Par requête enregistrée le 3 septembre 2021, la société a alors saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre. Le 26 novembre 2021, la caisse a notifié à la société l’avis de la commission de recours amiable prise en sa séance du 24 novembre 2021, rejetant le recours de la société.
L’affaire a été appelée à l’audience du 7 octobre 2024, date à laquelle les parties, régulièrement convoquées, ont pu émettre leurs observations. La société a sollicité une dispense de comparution par courrier électronique du 3 octobre 2024.
Aux termes de ses dernières conclusions, la SA [4] demande de :
– la déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et prétentions ;
– constater que la caisse a pris en charge l’accident de M. [C] en méconnaissance du principe du contradictoire et les dispositions des articles R. 441-8 et suivants du code de la sécurité sociale ;
– constater que la preuve de la matérialité de l’accident du 1er février 2021 n’est pas rapportée par la caisse ;
En conséquence,
-déclarer inopposables à la société la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l’accident du 1er février 2021 de M. [C] ainsi que les conséquences financières ;
En tout état de cause,
– débouter la caisse de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– débouter la caisse de sa demande d’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la caisse aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions, la caisse primaire d’assurance maladie de la Somme requiert de :
– rejeter l’ensemble des demandes de la société ;
– dire et juger opposable à l’employeur la décision de prise en charge de l’accident du travail dont a été victime M. [C] le 1er février 2021 ;
– condamner la société au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer aux conclusions déposées pour l’audience du 7 octobre 2024 pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 13 novembre 2024 par mise à disposition au greffe.
Sur la dispense de comparution
Aucun motif ne s’oppose à ce qu’il soit fait droit à la demande de dispense de comparution que formule la société d’être dispensée d’avoir à comparaître, ainsi que le permet l’article R142-10-4 du code de la sécurité sociale, lequel renvoie aux dispositions de l’article 446-1 du code de procédure civile.
Il sera donc statué contradictoirement.
Sur le principe du contradictoire de la procédure
Aux termes de l’article R. 441-6 du code de la sécurité sociale, lorsque la déclaration de l’accident émane de l’employeur, celui-ci dispose d’un délai de dix jours francs à compter de la date à laquelle il l’a effectuée pour émettre, par tout moyen conférant date certaine à leur réception, des réserves motivées auprès de la caisse primaire d’assurance maladie…
L’article R 441-7 du code de la sécurité sociale precise que la caisse dispose d’un délai de trente jours francs à compter de la date à laquelle elle dispose de la déclaration d’accident et du certificat médical initial prévu à l’article L. 441-6 pour soit statuer sur le caractère professionnel de l’accident, soit engager des investigations lorsqu’elle l’estime nécessaire ou lorsqu’elle a reçu des réserves motivées émises par l’employeur.
L’article R. 441-8 du même code poursuit : I.-Lorsque la caisse engage des investigations, elle dispose d’un délai de quatre-vingt-dix jours francs à compter de la date à laquelle elle dispose de la déclaration d’accident et du certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l’accident.
La caisse informe la victime ou ses représentants ainsi que l’employeur de la date d’expiration du délai prévu au premier alinéa lors de l’envoi du questionnaire ou, le cas échéant, lors de l’ouverture de l’enquête…
La caisse informe la victime ou ses représentants et l’employeur des dates d’ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle ils peuvent consulter le dossier ainsi que de celle au cours de laquelle ils peuvent formuler des observations, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information et au plus tard dix jours francs avant le début de la période de consultation.
En l’espèce, la société soutient qu’il ressort de l’avis rendu par la commission de recours amiable que cette dernière l’a rendu au regard de l’instruction du dossier, or elle indique qu’elle n’a pas été rendue destinataire ni d’un questionnaire employeur, ni d’un courrier lui offrant la possibilité de consulter le dossier, de sorte que la caisse a méconnu les dispositions de l’article R. 441-8 du code de la sécurité sociale en diligentant une instruction non contradictoire du dossier de M. [C] et sa carence devrait être sanctionnée par l’inopposabilité à l’égard de l’employeur de la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle.
En réplique, la caisse indique qu’elle n’a mené aucune instruction et rappelle qu’elle ne doit mener d’instruction préalablement à sa prise de décision concernant le caractère professionnel de l’accident que si l’employeur a émis des réserves motivées ou si elle l’estime nécessaire, c’est-à-dire si les conditions pour l’application de la présomption d’imputabilité ne sont pas réunies, conformément aux dispositions des articles R. 441-7 et R. 441-6 du code de la sécurité sociale.
Or, contrairement à ce qu’indique la société, la commission dit bien que la caisse a procédé à une prise en charge d’emblée. Si elle mentionne effectivement : A cet égard, il résulte de l’instruction du dossier…, c’est uniquement en référence à son propre travail d’analyse.
L’existence d’une instruction n’étant pas démontrée, ce moyen ne saurait prospérer.
Sur la matérialité de l’accident
Il résulte des dispositions de l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale qu’est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.
Il en ressort que toute lésion survenue au temps et sur le lieu de travail bénéficie d’une présomption d’imputabilité au travail. La caisse, subrogée dans les droits de la victime, doit établir la matérialité de l’accident. Cette preuve peut être apportée par tous moyens.
En l’espèce, la société soutient qu’il n’existe aucun élément de nature à retenir la matérialité du fait accidentel.
La caisse soutient pour sa part que la matérialité est établie, dès lors que les faits se sont produits au temps et au lieu du travail et que l’employeur ne rapporte pas la preuve d’une cause totalement étrangère au travail.
Il résulte de la déclaration de l’accident du travail établie le 3 février 2021 que M. [C] a indiqué à son employeur avoir été victime d’un accident du travail survenu le 1er février 2021 à 16 heures, soit sur les horaires de travail du salarié, à savoir : de 13h00 à 17 heures, dans les circonstances suivantes : Après avoir porté des tubes PVC, j’ai ressenti une vive douleur dans le dos et dans l’épaule – port de charges- tubes PVC – Dos et épaule.
Le certificat médical initial établi le 1er février 2021 fait état d’une chute de sa hauteur avec contusion épaule gauche et lombalgie.
Or il résulte de ce qui précède une discordance entre la déclaration de la victime et le certificat médical relatant les circonstances de l’accident : le port de charges dans un cas et la chute dans l’autre.
Devant cette contradiction, et même sans réserve de l’employeur, il appartenait à la caisse de rechercher auprès des parties les circonstances exactes de la survenance de l’accident.
En conséquence, la caisse ne rapporte pas la preuve de faits précis, graves et concordants de la survenance d’un fait accidentel aux temps et lieu de travail à l’origine de la lésion constatée. Sa décision de prendre en charge l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels ne peut qu’être déclarée inopposable à la société.
Sur les demandes annexes
Eu égard à la décision rendue et aux circonstances, il convient de rejeter la demande présentée par la caisse sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux dépens conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et mis à disposition au greffe,
DÉCLARE inopposable à la SA [4], la décision du 5 mars 2021 de prise en charge par la caisse primaire de l’assurance maladie de la Somme de l’accident déclaré par M. [W] [C] pour des faits du 1er février 2021 ;
DÉBOUTE la caisse primaire de l’assurance maladie de la Somme de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la caisse primaire de l’assurance maladie de la Somme aux dépens.
Et le présent jugement est signé par Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Première vice-présidente et par Stéphane DEMARI, Greffier, présents lors du prononcé.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,