L’office public de l’habitat d'[Localité 8] (OPH) possède un terrain de 3 200 m² avec un immeuble de neuf étages et 272 logements, loué à l’Association de gestion du foyer de [9]. L’OPH a entrepris des travaux de réhabilitation, confiés à un groupement d’architectes et bureaux d’études, avec la société Bateg comme entreprise générale. Après la réception des travaux le 2 novembre 2008, l’OPH a signalé des désordres et a demandé une expertise, qui a été réalisée en 2014. En janvier 2016, le tribunal administratif a condamné plusieurs sociétés, dont ATE, à verser des indemnités à l’OPH pour des infiltrations et nuisances, tout en rejetant d’autres demandes. En 2017, Arcade ingénierie a été liquidée, et ATE et sa mutuelle ont assigné le liquidateur et l’assureur d’Arcade pour remboursement. Le tribunal de Bobigny a déclaré irrecevables leurs demandes en mars 2019. ATE et la MAF ont interjeté appel, et la cour d’appel a infirmé certaines décisions en mai 2021, mais a confirmé d’autres. La Cour de cassation a cassé l’arrêt sur la prescription en décembre 2022. En janvier 2023, ATE et la MAF ont saisi la cour de renvoi. Les parties ont formulé leurs prétentions, ATE et la MAF demandant des remboursements, tandis que L’Auxiliaire contestait leur recevabilité. La cour a finalement infirmé certaines décisions, déclaré recevables les actions d’ATE et de la MAF contre L’Auxiliaire, mais a rejeté leurs demandes de paiement, condamnant ATE et la MAF aux dépens.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 5
ARRET DU 11 SEPTEMBRE 2024
(n° /2024, 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/02312 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHBUM
Décision déférée à la Cour : renvoi après cassation : arrêt du 14 décembre 2022 – Cour de cassation – Arrêt n°885 FS B+R
Arrêt du 28 mai 2021 – Cour d’appel de Paris – RG 19/08248
Jugement du 25 mars 2019 – Tribunal de grande instance de Bobigny – RG 18/02894
APPELANTES
S.A.R.L. ARCHITECTURE TECHNIQUE ENVIRONNEMENT prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par Me Anne-Marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653
MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS (assureur A.T.E.) prise en la personne de son Directeur Général domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Anne-Marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653
INTIMEE
Société AUXILIAIRE agissant poursuites et diligences de tous représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Ayant pour avocat plaidant à l’audience Me Guillaume CADIX, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 21 Mai 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Ludovic JARIEL, président de chambre
Mme Sylvie DELACOURT, présidente faisant fonction de conseillère
Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par M. Ludovic Jariel dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Mme Céline RICHARD
ARRET :
– contradictoire.
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Ludovic Jariel, président de chambre et par Manon Caron, greffière, présente lors de la mise à disposition.
L’office public de l’habitat d'[Localité 8] (l’OPH) est propriétaire, au [Adresse 4] à [Localité 8], d’un terrain d’environ 3 200 m² sur lequel est édifié un immeuble de neuf étages avec un sous-sol et 272 logements répartis entre un foyer de [9] et l’accueil des classes découvertes de centre de séjour.
Cet ensemble immobilier a été donné en location à l’Association de gestion du foyer de [9], devenue l’Association [10].
L’OPH a décidé de réaliser les travaux de réhabilitation et de restructuration de l’immeuble.
Les prestations de maîtrise d »uvre ont été confiées à un groupement composé de la société Atelier d’architecture BW, du bureau d’études Architecture technique environnement (la société ATE) et du bureau d’études techniques et économiste CET (la CET ingénierie).
Selon la société ATE, elle aurait, pour partie, sous-traité sa mission de maîtrise d »uvre à la société Arcade développement, devenue la société Arcade ingénierie, assurée auprès de la société L’Auxiliaire.
La mission de contrôleur technique a été confiée à la société BTP consultants.
La société Bateg est intervenue en tant qu’entreprise générale.
Le 2 novembre 2008, la réception des travaux est intervenue.
Se plaignant de divers désordres, l’OPH a, sur requête adressée au tribunal administratif le 13 septembre 2011, sollicité la désignation d’un expert. Par ordonnance du 1er décembre 2011, M. [D] a été désigné en cette qualité.
Le 30 juin 2014, l’expert a déposé son rapport.
Par requête du 28 novembre 2014, l’OPH a, en lecture du rapport, saisi le tribunal administratif de Montreuil qui, par jugement, devenu définitif, du 19 janvier 2016, a, notamment :
– condamné les sociétés Atelier BW, ATE, CET ingénierie, Bateg et BTP consultants à lui payer la somme de 218 439,11 euros au titre des infiltrations (avec une part de responsabilité de 15 % pour ATE) et la somme de 246 361,10 euros au titre des nuisances olfactives et sonores (avec une part de responsabilité de 10 % pour ATE) ;
-rejeté, pour avoir été portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, sa demande en condamnation de la MAF ;
-rejeté, pour avoir été portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, la demande en garantie de la société ATE dirigée contre la société Arcade ingénierie.
Le 4 décembre 2017, la société Arcade ingénierie a été placée en liquidation judiciaire et la société Archibald a été désignée en qualité de liquidateur.
Par acte du 6 mars 2018, la société ATE et son assureur, la MAF, ont assigné la société Archibald, en sa qualité de liquidateur de la société Arcade ingénierie, et la société L’Auxiliaire assureur de celle-ci, en condamnation de la société L’Auxiliaire à leur rembourser l’intégralité des sommes qu’elles avaient payées à l’OPH.
Par jugement du 25 mars 2019, le tribunal judiciaire de Bobigny a statué en ces termes :
Déclare irrecevable la demande en paiement de la MAF, assureur de la société ATE à l’encontre de la société L’Auxiliaire pour défaut de qualité et d’intérêt à agir,
Déclare irrecevable la demande en paiement de la société ATE à l’encontre de la société L’Auxiliaire pour défaut de qualité et d’intérêt à agir,
Condamne in solidum la MAF et la société ATE à payer à la société L’Auxiliaire la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum la société ATE et la MAF aux dépens,
Dit n’y avoir lieu au prononcé de l’exécution provisoire.
Par déclaration en date du 14 avril 2019, la société ATE et la MAF, ès qualités, ont interjeté appel du jugement.
Par arrêt en date du 28 mai 2021, la cour d’appel de Paris a statué en ces termes :
Infirme le jugement en ce que les premiers juges :
– ont déclaré irrecevable la demande en paiement de la MAF, assureur de la société ATE à l’encontre de la société L’Auxiliaire pour défaut de qualité et d’intérêt à agir,
– ont déclaré irrecevable la demande en paiement de la société ATE à l’encontre de la société L’Auxiliaire pour défaut de qualité et d’intérêt à agir,
Statuant à nouveau,
Déclare irrecevables les demandes formées par la MAF et par la société ATE pour prescription,
Confirme le jugement pour le surplus,
Y ajoutant,
Rejette la demande formée par la MAF et la société ATE en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum la MAF et la société ATE à payer à la société L’Auxiliaire la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum la MAF et la société ATE aux dépens d’appel et accorde le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile à l’avocat de la société L’Auxiliaire.
La société ATE et la MAF, ès qualités, ont formé un pourvoi.
Par un arrêt en date du 14 décembre 2022 (n° 21-21.305, publié au Bulletin et au Rapport), la troisième chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il déclare irrecevables les demandes formées par la MAF et la société ATE pour prescription, l’arrêt rendu le 28 mai 2021.
Par déclaration en date du 23 janvier 2023, la société ATE et la MAF, ès qualités, ont saisi la cour de céans en tant que cour de renvoi.
Le 7 septembre 2023, le président de la chambre a, à la demande de la société ATE et de la MAF, fait injonction à la société L’Auxiliaire de communiquer sa lettre de résiliation adressée à la société Arcade ingénierie et les conditions générales et spéciales du contrat l’ayant liée à cette société.
Le société L’Auxiliaire a procédé à la communication sollicitée.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 22 janvier 2024, la société ATE et la MAF, ès qualités, demandent à la cour de :
Dire la société ATE et la MAF recevables et fondées tant en leur déclaration de saisine qu’en leurs demandes,
Infirmer purement et simplement le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bobigny le 25 mars 2019 et statuant à nouveau,
Juger la société la société Arcade ingénierie, qui était en liquidation judiciaire, responsable des mauvaises prestations réalisées en sous-traitance aux lieu et place de la société ATE comme indiqué dans le rapport d’expertise.
Juger mal fondés les moyens développés par la société L’Auxiliaire dans ses conclusions n° 1 et n° 2.
L’en débouter intégralement.
En conséquence,
Condamner la société L’Auxiliaire, assureur en responsabilité de la société Arcade ingénierie à payer :
– à la MAF la somme de 66 672,04 euros
– à la société ATE la somme de 2 075,22 euros,
Le tout avec intérêt au taux légal à compter du règlement : 10 juin 2016 pour la MAF et 20 juin 2016 pour ATE et pour les deux sommes capitalisation des intérêts à chaque date anniversaire annuel de règlement.
Juger la société L’Auxiliaire irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes tant sur la question de la prescription que sur le fond.
Condamner la société L’Auxiliaire à payer aux concluantes une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens de première instance, d’appel de cassation et de renvoi, qui pourront être recouvrés avec le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 9 octobre 2023, la société l’Auxiliaire demande à la cour de :
Déclarer irrecevables les demandes des sociétés ATE et MAF à l’encontre de la société L’Auxiliaire.
Et donc,
Confirmer, par substitution de motifs, le jugement du tribunal de grande instance de Bobigny du 25 mars 2019 (RG N°18/02894) en ce qu’il a déclaré irrecevables et plus généralement rejeté les demandes des sociétés ATE et MAF à l’encontre de la société L’Auxiliaire et les a condamnées aux dépens et au titre des frais non compris dans les dépens.
Subsidiairement,
Juger mal fondées les demandes des sociétés ATE et MAF à l’encontre de la société L’Auxiliaire.
En donc,
Rejeter ces demandes.
Très subsidiairement,
Juger excessives les demandes des sociétés ATE et MAF à l’encontre de la société L’Auxiliaire.
Et donc,
Réduire l’indemnité éventuellement allouée aux sociétés ATE et MAF à raison notamment de la responsabilité propre de la société ATE, des intérêts et frais de poursuite liés au retard de paiement des sociétés ATE et MAF, des franchises contractuelles opposables.
Rejeter la demande des sociétés ATE et MAF relative à la majoration du montant d’une éventuelle condamnation par des intérêts au taux légal à compter du règlement invoqué.
En tout état de cause,
Condamner in solidum les sociétés ATE et MAF aux dépens d’appel, dont le montant pourra être directement recouvré par Me Teytaud, conformément à l’article 699 du code de procédure civile et à payer à la société L’Auxiliaire la somme de 6 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens d’appel.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 21 mai 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 21 mai 2024, à l’issue de laquelle elle a été mise en délibéré.
A titre liminaire, la cour observe que, considérant que l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il avait déclaré les demandes de la société ATE et de la MAF irrecevables pour défaut d’intérêt et de qualité à agir ne pouvait plus être discutée devant la cour de renvoi, la société L’Auxiliaire n’oppose plus qu’une seule fin de non-recevoir tirée de l’acquisition de la prescription.
Sur la recevabilité des actions de la société ATE et de la MAF
Moyens des parties
La société ATE et la MAF soutiennent que, par application de la nouvelle jurisprudence issue de l’arrêt de renvoi, la prescription de leurs actions en garantie n’a commencé à courir qu’à compter de la requête ayant saisi le tribunal administratif d’une demande de condamnation de la société ATE, soit le 28 novembre 2014, de sorte qu’elles n’étaient pas prescrites au jour de leur assignation.
En réponse, la société L’Auxiliaire invite la cour à résister à l’arrêt de renvoi qui, isolé, n’est pas constitutif d’une jurisprudence mais d’une décision à la fois incohérente et imprévisible, adoptée en fonction de seules considérations d’intendance alors que le Rapport annuel de 2020 défendait la logique de la jurisprudence issue de l’arrêt du 16 janvier 2020 (n° 18-25.915) faisant courir le délai de prescription à compter de l’assignation en référé-expertise.
Elle soutient que c’est en contravention à l’article 5 du code civil et en méconnaissance du principe de sécurité juridique et, plus globalement, du droit à un procès équitable que la Cour de cassation a » promulgué » que sa » jurisprudence » s’appliquerait à l’instance en cours.
Elle relève que, en tout état de cause, par application de l’article 2222 du code civil, à la date de cette règle nouvelle, la prescription était d’ores et déjà acquise, de sorte qu’elle ne peut être appliquée à la situation en cause.
Réponse de la cour
Selon l’article L. 124-3 du code des assurances, le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.
L’action directe de la victime contre l’assureur de responsabilité, qui trouve son fondement dans le droit de la victime à réparation de son préjudice, se prescrit par le même délai que son action contre le responsable (1re Civ., 10 mars 1982, pourvoi n° 80-16.679, Bull. 1982, I, n° 108 ; 3e Civ., 12 avril 2018, pourvoi n° 17-14.858).
A cet égard, aux termes de l’article 2219 du code civil, la prescription extinctive est un mode d’extinction d’un droit résultant de l’inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps.
Aux termes de l’article 2224 du même code, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Aux termes du I de l’article L. 110-4 du code de commerce, les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.
Il résulte de ces articles que les actions personnelles ou mobilières entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer (Com., 6 janvier 2021, pourvoi n° 18-24.954, publié au Bulletin).
A cet égard, il a été jugé qu’une partie ne pouvant agir en garantie avant d’avoir été elle-même assignée, la prescription de son action se trouvait suspendue, jusqu’à cette assignation par une impossibilité absolue d’agir (3e Civ., 4 novembre 1971, pourvoi n° 70-11.554, Bull., III, n° 535).
Puis, il a été jugé que le point de départ de l’action en responsabilité extracontractuelle exercée par un constructeur à l’encontre d’un autre locateur d’ouvrage était la manifestation du dommage ou son aggravation (3e Civ., 13 septembre 2006, pourvoi n° 05-12.018, Bull. 2006, III, n° 174).
Revenant à un point de départ fondé sur l’initiation d’une action, il a été jugé, retenant cette fois-ci celle exercée à titre probatoire, que l’assignation en référé-expertise délivrée par le maître de l’ouvrage à l’entrepreneur principal mettait en cause la responsabilité de ce dernier et constituait le point de départ du délai de son action récursoire à l’encontre des sous-traitants (3e Civ., 19 mai 2016, pourvoi n° 15-11.355 ; 3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi n° 18-25.915, publié au Bulletin et au Rapport).
Désormais, il est jugé que l’assignation, si elle n’est pas accompagnée d’une demande de reconnaissance d’un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l’action du constructeur tendant à être garanti de condamnations en nature ou par équivalent ou à obtenir le remboursement de sommes mises à sa charge en vertu de condamnations ultérieures (3e Civ., 14 décembre 2022, pourvoi n° 21-21.305, publié au Bulletin et au Rapport).
La Cour de cassation a, dans son arrêt, donné les raisons substantielles de ce revirement qui tiennent notamment à la préservation du droit d’accès au juge des constructeurs.
Ce revirement, dont la Cour de cassation n’a pas différé l’application dans le temps, fait désormais partie de l’ordonnancement juridique, de sorte que, afin d’assurer une égalité de traitement entre des justiciables placés dans une situation équivalente (Ass. plén., 2 avril 2021, pourvoi n° 19-18.814, publié au Bulletin et au Rapport), il est applicable aux situations juridiques n’ayant pas été tranchées par une décision irrévocable ; la société L’Auxiliaire, qui n’avait pas de droit acquis à une jurisprudence figée (1re Civ., 19 mai 2021, pourvoi n° 19-25.749, publié au Bulletin), n’ayant pas été privée d’accès au juge et ayant pu en discuter la portée, ne justifiant pas en quoi son application porterait ainsi une atteinte disproportionnée à sa sécurité juridique.
Ce revirement n’entre pas non plus dans le champ d’application de l’article 2222 du code civil qui ne régit que l’application dans le temps d’une loi nouvelle en matière de prescription.
Au cas d’espèce, la requête aux fins d’expertise, en date du 13 septembre 2011, non accompagnée d’une demande de reconnaissance d’un droit, ne serait-ce que par provision, n’a pas fait courir le délai de la prescription quinquennale des actions en remboursement de la société ATE et de la MAF.
Dès lors, le point de départ de ce délai doit être fixé au 28 novembre 2014, date de la requête de l’OPH adressée à la juridiction administrative aux fins d’indemnisation de ses préjudices qui a seule permis à la société ATE et à la MAF de connaître les faits leur permettant d’agir.
Par suite, les actions en remboursement initiées le 6 mars 2018, soit dans le délai de cinq ans, seront déclarées recevables.
Le jugement qui a déclaré irrecevables les demandes de la société ATE et de la MAF sera infirmé de ces chefs.
Sur la responsabilité de la société Arcade ingénierie
Moyens des parties
La société ATE et la MAF soutiennent que la mission de sous-traitance ayant trait aux visas, suivi et réception des travaux ainsi qu’à la levée des réserves de la société Arcade ingénierie est démontrée par la production de l’acte d’engagement et de la lettre de mission.
Elles relèvent qu’il a été versé aux débats l’intégralité du rapport de M. [D] qui a retenu l’implication de la maîtrise d »uvre dans son ensemble au titre d’une confusion dans les pièces écrites de plusieurs lots et précisent qu’elles ne demandent pas l’intégralité des sommes mises à la charge de la maîtrise d »uvre mais uniquement la quote-part qui a été mise à celle de la société ATE.
Elles ajoutent qu’aucune conséquence ne peut être tirée du fait que la juridiction administrative ne s’est pas prononcée sur l’appel en garantie dès lors que c’est au regard de sa seule incompétence pour en connaître qu’elle n’a pas statué.
En réponse, la société L’Auxiliaire fait valoir que la société ATE et la MAF se prévalent de la responsabilité de la société Arcade ingénierie sans toutefois donner le fondement juridique de leurs actions ni même démontrer la participation effective de cette société au chantier.
A cet égard, elle souligne qu’aucune des pièces produites n’émane ni n’est signée par la société Arcade ingénierie.
Elle relève, qu’en tout état de cause, la juridiction administrative a rejeté l’appel en garantie dirigée contre cette société et que l’expert, qui n’a pas retenu sa responsabilité, a constaté des manquements qui ne relevaient pas de sa prétendue mission de maîtrise d »uvre dès lors qu’ils sont relatifs à l’établissement des descriptifs et à la conception et à la réalisation de lots techniques, de sorte qu’aucune faute n’est établie.
Réponse de la cour
Aux termes de l’article 1315, devenu 1353, du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
Au cas d’espèce, il est produit aux débats l’annexe à l’acte d’engagement de la société ATE relative à la prestation de sous-traitance de la société Arcade ingénierie en date du 30 janvier 2008 revêtue de la signature et du tampon de l’OPH, la lettre de mission adressée par la société ATE à la société Arcade ingénierie en date du 2 juillet 2007 ainsi que l’attestation d’assurance pour la période considérée délivrée par la société L’Auxiliaire.
Dès lors, la société Arcade ingénierie étant à forme commerciale, la preuve du contrat de sous-traitance de maîtrise d »uvre est établie.
S’agissant du fondement juridique des actions, il est rappelé que, selon l’article L. 121-12 du code des assurances, l’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur.
Aux termes de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en l’occurrence en raison de la date du marché, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Il est établi que le maître d »uvre n’est tenu que d’une obligation de moyens dans l’exécution de ses missions (3e Civ., 3 octobre 2001, pourvoi n° 00-13.718 ; 3e Civ., 21 juin 2018, pourvoi n° 17-17.932).
Partant, il appartient à son cocontractant, qu’il s’agisse indistinctement du maître de l’ouvrage ou d’un autre maître d »uvre lui ayant sous-traité ses prestations, d’établir qu’il a commis une faute dans la réalisation de ses prestations de maîtrise d »uvre.
Au cas d’espèce, la société ATE et la MAF procèdent par référence au rapport d’expertise sans développer de moyen de fait et de droit pour établir la faute qu’aurait commise la société Arcade ingénierie.
De plus, l’extrait du rapport qui est cité indique » une confusion dans les pièces écrites qui ont conduit à une mauvaise exécution des travaux concernant les lots n° 2,9 et 13 » alors que la société ATE et la MAF ne prétendent pas que la société Arcade ingénierie aurait été chargée des descriptifs.
Par suite, aucune faute n’étant démontrée, les demandes en paiement de la MAF et de la société ATE seront rejetées.
Sur les frais du procès
Le sens de l’arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En cause d’appel, y compris lors du premier examen de l’affaire, la société ATE et la MAF, parties succombantes, seront condamnées in solidum aux dépens et à payer à la société L’Auxiliaire la somme de 6 000 euros, au titre des frais irrépétibles.
Le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.
La cour,
Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu’il condamne in solidum la Mutuelle des architectes français et la société Architecture technique environnement aux dépens et à payer à la société L’Auxiliaire la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Le confirme sur ces points et statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare recevable l’action de la société Architecture technique environnement dirigée contre la société L’Auxiliaire en remboursement des sommes qu’elle a payées à l’office public de l’habitat d'[Localité 8] ;
Déclare recevable l’action de la Mutuelle des architectes français dirigée contre la société L’Auxiliaire en remboursement des sommes qu’elle a payées à l’office public de l’habitat d'[Localité 8] ;
Rejette la demande en paiement de la société Architecture technique environnement dirigée contre la société L’Auxiliaire ;
Rejette la demande en paiement de la Mutuelle des architectes français dirigée contre la société L’Auxiliaire ;
Condamne in solidum la société Architecture technique environnement et la Mutuelle des architectes français aux dépens d’appel ;
Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Architecture technique environnement et de la Mutuelle des architectes français et les condamne in solidum à payer à la société L’Auxiliaire la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.
La greffière, Le président,