Évaluation du taux d’incapacité permanente suite à un accident du travail : enjeux et implications

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Évaluation du taux d’incapacité permanente suite à un accident du travail : enjeux et implications

Accident de travail de Monsieur [W] [Z]

Le 21 novembre 2017, Monsieur [W] [Z], employé de la société [6] en tant que ferrailleur, a subi un accident entraînant des lésions multiples à sa main gauche.

Décision de la CPAM

Le 26 juin 2018, la CPAM de [Localité 5] a notifié à la société [6] un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 16 % pour Monsieur [Z], en raison de limitations de mouvements et d’une amputation partielle de sa main gauche.

Contestation du taux d’IPP

Le 31 juillet 2018, la société [6] a saisi le tribunal du contentieux de l’incapacité pour contester ce taux d’IPP, qui a ensuite été transféré au tribunal judiciaire de Nantes.

Audiences et expertises médicales

Les parties ont été convoquées à plusieurs audiences, la première ayant eu lieu le 17 octobre 2023. Des médecins experts, le Docteur [K] et le Docteur [B], ont été désignés pour évaluer le taux d’IPP de Monsieur [Z].

Demandes de la société [6]

La société [6] a demandé au tribunal de réduire le taux d’IPP de 16 % à 8 % et de condamner la CPAM aux dépens, arguant que le taux initial était surévalué et qu’il n’y avait pas eu de préjudice professionnel.

Position de la CPAM

La CPAM du Var a demandé la confirmation du taux d’IPP de 16 %, soutenant que les conclusions des médecins experts étaient claires et justifiées.

Évaluation médicale des lésions

Les médecins experts ont évalué les lésions de Monsieur [Z] et ont confirmé que le taux d’IPP de 16 % était approprié, tenant compte des limitations fonctionnelles et de la perte de force de sa main dominante.

Décision du tribunal

Le tribunal a mis hors de cause la CPAM des Alpes-Maritimes, a confirmé le taux d’IPP de 16 % pour Monsieur [Z], et a débouté la société [6] de sa demande de réduction.

Condamnation aux dépens

La société [6] a été condamnée à payer les dépens, y compris les frais de consultation judiciaire, conformément aux dispositions légales en vigueur.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

15 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Nantes
RG
19/05685
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTES
POLE SOCIAL

Jugement du 15 Novembre 2024

N° RG 19/05685 – N° Portalis DBYS-W-B7C-KIY4
Code affaire : 89E

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Présidente : Frédérique PITEUX
Assesseur : Frédéric FLEURY
Assesseur : Alain LAVAUD
Greffière : Julie SOHIER

DEBATS
Le tribunal judiciaire de Nantes, pôle social, réuni en audience publique au palais de justice à Nantes le 18 Septembre 2024.

JUGEMENT
Prononcé par Frédérique PITEUX, par mise à disposition au Greffe le 15 Novembre 2024.

Demanderesse :
Société [6]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Maître Sabrina ROGER, avocate au barreau de NANTES

Défenderesses :
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU VAR
[Localité 5]
Dispensée de comparution à l’audience

En la cause :
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES ALPES-MARITIMES
[Adresse 3]
[Localité 4]
Non comparante

La Présidente et les assesseurs, après avoir entendu le DIX HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE la partie présente en ses observations, l’ont avisée, de la date à laquelle le jugement serait prononcé, ont délibéré conformément à la loi et ont statué le QUINZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE, dans les termes suivants :

Exposé du litige et des demandes

Le 21 novembre 2017, monsieur [W] [Z], salarié de la société [6] en qualité de ferrailleur, a été victime d’un accident lui occasionnant des lésions traumatiques multiples à la main gauche.

Ce accident a été pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels et par courrier du 26 juin 2018, la CPAM de [Localité 5] a notifié à la société [6] la décision attribuant à monsieur [Z] un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 16 %, la notification indiquant « Limitation des mouvements de l’articulation inter-phalangienne unguéale du 2ème et 3ème rayon main gauche dominante et amputation de la phalange unguéale du 4ème rayon main gauche dominante entraînant une gêne au quotidien et une perte de force de poigne ».

Le 31 juillet 2018, la société [6] a saisi le tribunal du contentieux de l’incapacité des Pays de la Loire aux fins de contester le taux d’IPP de 16 % attribué à monsieur [Z] à compter du 24 mai 2018.

En application des lois n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et n° 2019-222 du 23 mars 2019, le contentieux relevant initialement du tribunal du contentieux de l’incapacité a été transféré au tribunal de grande instance de Nantes, devenu le 1er janvier 2020, le tribunal judiciaire, spécialement désigné aux termes de l’article L.211-16 du code de l’organisation judiciaire.

Les parties ont été convoquées à l’audience qui s’est tenue le 17 octobre 2023 devant le pôle social du tribunal judiciaire de Nantes.
L’affaire a été successivement renvoyée à celles du 30 janvier 2024, puis du 14 février 2024 et enfin, du 18 septembre 2024 à laquelle elle a été retenue.

A l’audience du 17 octobre 2023, le Docteur [K] a été désigné en qualité de médecin expert pour donner son avis sur le taux d’IPP de monsieur [Z].
A celle du 14 février 2024, le Docteur [B] a été désigné aux mêmes fins.

La société [6], aux termes de conclusions du 13 février 2024 et de ses observations développées oralement à l’audience, demande au tribunal de :
– Abaisser le taux d’IPP attribué à monsieur [Z] de 16 % à 8 % ;
– Condamner la CPAM aux entiers dépens.

S’appuyant sur l’avis médico-légal de son médecin conseil, le Docteur [G], elle soutient que le taux d’IPP de 16 % est surévalué puisqu’il n’existe aucune atteinte fonctionnelle réelle dès lors que monsieur [Z] n’a subi aucun préjudice professionnel : il n’y a pas eu d’aménagement de poste, il a pu reprendre son activité deux mois après et est devenu chef de file.

Elle rappelle que le barème d’invalidité n’est qu’indicatif et qu’il convient de faire une analyse globale de la main au lieu d’additionner les taux du barème.
Elle propose en conséquence de retenir un taux de 3 % pour l’amputation et un taux de 5 % pour les deux autres doigts, soit un taux d’IPP de 8 % au total.

La caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes, appelée à la cause, indique ne pas être concernée par le recours, la notification de la décision d’attribution du taux d’IPP ayant été effectuée par la CPAM du Var, et demande à être mise hors de cause.

La caisse primaire d’assurance maladie du Var demande au tribunal, aux termes de son courriel du 24 janvier 2024, confirmé le 17 septembre 2024, de :
– Entériner le rapport d’expertise du Docteur [K] ;
– Confirmer le taux d’incapacité de 16 % attribué à monsieur [Z] pour les séquelles de son accident du travail du 21 novembre 2017.

Elle constate que les conclusions du médecin consultant sont claires, précises et dénuées d’ambiguïté. Elle sollicite en conséquence que son rapport soit entériné.

Le Docteur [K], médecin-expert désigné par le tribunal aux fins de consultation sur pièces, indique que selon lui, au regard des chapitres 1.2.1. et 1.2.2. du barème indicatif d’invalidité, les atteintes digitales constatées justifient de retenir un taux de 3 % pour l’annulaire, de 8 % pour l’index et de 5 % pour le médius, soit 16 % au total.

Le Docteur [B] est également d’avis de retenir un taux d’IPP de 16 % qui n’apparaît pas surévalué.

La décision a été mise en délibéré au 15 novembre 2024.

Motifs de la décision

Sur la mise hors de cause de la CPAM des Alpes-Maritimes

La notification de la décision attributive de rente faisait apparaître à la fois la caisse primaire de [Localité 5] et le pôle d’expertise rentes AT/MP de la CPAM de [Localité 4], ce qui pouvait prêter à confusion.

C’est ainsi que tant la CPAM du Var que celle des Alpes-Maritimes ont été convoquées à l’audience du 17 octobre 2023.

La CPAM des Alpes-Maritimes ayant fait savoir qu’elle n’était pas concernée par le recours introduit par la société demanderesse, ce que ne conteste pas la CPAM du Var, il convient de mettre hors de cause la CPAM des Alpes-Maritimes.

Sur l’évaluation et l’opposabilité du taux d’incapacité permanente partielle de monsieur [W] [Z]

Aux termes de l’article L. 434-2 1er alinéa du code de la sécurité sociale : « Le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime, ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité ».

L’article R. 434-32 du même code précise que « Au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l’existence d’une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit.
Les barèmes indicatifs d’invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d’incapacité permanente d’une part en matière d’accidents du travail et d’autre part en matière de maladies professionnelles sont annexés au présent livre. Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d’invalidité en matière d’accidents du travail. »

L’appréciation du taux d’incapacité permanente partielle relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.

Il résulte des éléments médicaux figurant au dossier qu’à la suite de l’accident dont il a été victime, monsieur [Z] a dû être amputé de la 3ème phalange de l’annulaire à la suite de la nécrose du fragment réimplanté, et qu’il a subi une plaie contuse avec perte de substance superficielle de la face dorsale du deuxième et troisième doigt de la main gauche.

Lors de l’examen clinique du 23 février 2018, il a été relevé :
– 2ème rayon main gauche : enroulement limité de moitié. Extension complète
– 3ème rayon main gauche : enroulement réussi pour 2/3. Extension complète
– 4ème rayon main gauche : enroulement limité de moitié
La longueur du doigt est de 6,5 cm contre 9 cm à droite.
Dynamométrie : droite = 40 ; gauche = 12.

Le chapitre 1.2.1. du barème d’invalidité prévoit, pour l’amputation de deux phalanges ou de la phalange unguéale de l’annulaire,

En conséquence, le taux de 3 % retenu pour l’amputation de la phalange unguéale de l’annulaire, phalange la plus importante puisque support essentiel du sens du tact et dont l’amputation entraîne la perte de la moitié de la fonction du doigt, apparaît avoir été correctement évalué.

Le chapitre 1.2.2. du même barème prévoit, pour les atteintes articulaires des autres doigts que le pouce, selon l’importance de la raideur,

Concernant l’index, si l’extension du doigt peut s’exécuter complètement, l’enroulement est diminué de moitié. Le taux de 8 % retenu, situé dans la fourchette basse du barème, n’apparaît donc pas surévalué.
Concernant le médius, si l’extension est complète, l’enroulement est réduit d’un tiers. Le taux de 5 % retenu, situé dans le milieu de la fourchette du barème, est parfaitement justifié.

Les deux médecins consultants ont d’ailleurs évalué le taux d’IPP global dont était atteint monsieur [Z] à 16 %.

Quoiqu’en dise le médecin conseil de la société [6], qui ne se réfère pas au bon barème pour les atteintes des fonctions articulaires, il existe une atteinte fonctionnelle réelle puisque monsieur [Z] éprouve des difficultés pour écrire, ouvrir les bouteilles et tout port de charge, alors qu’il s’agit de sa main dominante.
Une nette diminution de la force a par ailleurs été mise en évidence par rapport à la main droite.
L’absence de retentissement professionnel est sans lien avec l’atteinte physique qui est parfaitement objectivée.

Le taux d’IPP de 16 % attribué à monsieur [Z] sera donc confirmé, reflétant la réalité de la limitation de la fonction globale de la main de l’intéressé, et la société [6] sera déboutée de sa demande.

Sur les dépens

L’article R.144-10 du code de la sécurité sociale abrogé depuis le 1er janvier 2019 dispose que la Procédure est gratuite et sans frais. Cet article reste applicable pour les Procédures en cours jusqu’au 31 décembre 2018 et à partir du 1er janvier 2019, s’appliquent les dispositions des articles 695 et 696 du code de Procédure civile relatives à la charge des dépens.

L’article L.142-11 du code de la sécurité sociale qui prévoit que les frais résultant des consultations et expertises ordonnées par les juridictions compétentes sont pris en charge par la Caisse nationale de l’assurance maladie, n’est applicable qu’aux recours introduits à compter du 1er janvier 2020.

Par conséquent, la société [6], sera condamnée aux entiers dépens, y compris les frais de la consultation judiciaire.

Par ces motifs

Le tribunal judiciaire de Nantes, statuant publiquement, par décision contradictoire, rendue en premier ressort,

MET hors de cause la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes ;

DÉBOUTE la société [6] de sa demande ;

DÉCLARE que le taux d’incapacité permanente partielle résultant de l’accident du travail dont a été victime monsieur [W] [Z] le 21 novembre 2017, opposable à la société [6] dans ses rapports avec la caisse primaire d’assurance maladie du Var, est fixé à 16 % ;

CONDAMNE la société [6] aux dépens et au paiement des frais de la consultation judiciaire ;

RAPPELLE que conformément aux dispositions des articles 34 et 538 du code de Procédure civile et R. 211-3 du code de l’organisation judiciaire, les parties disposent d’un délai d’UN MOIS à compter de la notification de la présente décision pour en INTERJETER APPEL ;

AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ par mise à disposition du jugement au greffe du tribunal le 15 novembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de Procédure civile, la minute étant signée par Frédérique PITEUX, Présidente, et par Julie SOHIER, Greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


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