Contexte de l’accidentLe 27 novembre 2019, Mme [U] [Z], salariée intérimaire en tant que régleuse, a subi un accident de travail alors qu’elle opérait une presse. Cet incident a entraîné l’écrasement de son majeur et de son index droits, résultant en une amputation traumatique de la troisième phalange du majeur. Un certificat médical a été établi le même jour, indiquant un arrêt de travail initial jusqu’au 29 décembre 2019, prolongé jusqu’au 22 novembre 2020. Décisions de la caisse primaire d’assurance maladieLa caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 15] a reconnu l’accident au titre des risques professionnels, fixant un taux d’incapacité permanente à 18 % et attribuant une rente à Mme [Z] à partir du 23 novembre 2020. Ce taux a été contesté par la société, qui a saisi la commission médicale de recours amiable. Contestation du taux d’incapacitéLe 4 mars 2021, la société a demandé une révision du taux d’incapacité, qui a été réduit à 14 % par la commission le 17 juin 2021. La société a ensuite déposé une requête le 9 août 2021 pour contester cette décision devant le pôle social. Audiences et demandes des partiesLors de l’audience du 1er octobre 2024, la SAS [16] a demandé au tribunal de ramener le taux d’incapacité à 5 % et, à titre subsidiaire, d’ordonner une expertise médicale judiciaire. En réponse, la caisse primaire a demandé la confirmation du taux de 18 % et a sollicité que les frais d’expertise soient à la charge de l’employeur. Arguments des partiesLa société a soutenu que son médecin-conseil n’avait pas reçu les éléments nécessaires pour contester le taux d’incapacité. Elle a également présenté un avis médical indiquant que les séquelles de l’accident ne justifiaient pas un taux supérieur à 5 %. De son côté, la caisse a affirmé que la commission avait correctement appliqué le barème d’invalidité pour établir le taux de 14 %. Décision du tribunalLe tribunal a décidé d’ordonner une expertise médicale pour évaluer le taux d’incapacité permanente de Mme [Z] à la date de consolidation, le 22 novembre 2020. Il a également ordonné la communication de tous les éléments médicaux pertinents entre les parties et a prévu un délai pour le dépôt du rapport d’expertise. Conclusion et prochaines étapesLe tribunal a mis l’affaire en délibéré et a réservé les dépens, indiquant que le dossier serait rappelé à l’audience après le dépôt des conclusions d’une des parties suite au rapport de l’expert désigné. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE NANTERRE
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PÔLE SOCIAL
Affaires de sécurité sociale et aide sociale
JUGEMENT RENDU LE
30 Octobre 2024
N° RG 21/01427 – N° Portalis DB3R-W-B7F-W4Y5
N° Minute : 24/01538
AFFAIRE
Société [16]
C/
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 15]
Copies délivrées le :
DEMANDERESSE
Société [16]
[Adresse 13]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Morgane COURTOIS D’ARCOLLIERES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0503
Substituée par Me Vincent LHUISSIER, avocat au barreau de PARIS,
DEFENDERESSE
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 15]
[Adresse 17]
[Adresse 10]
[Localité 4]
Représentée par Me Annabelle HUBERT, avocat au barreau de PARIS,
***
L’affaire a été débattue le 01 Octobre 2024 en audience publique devant le tribunal composé de :
Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Première vice-présidente
François GUIDET, Assesseur, représentant les travailleurs salariés
Jean-Michel ROCTON, Assesseur, représentant les travailleurs non-salariés
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats et du prononcé : Gaëlle PUTHIER, Greffière.
JUGEMENT
Prononcé en ressort, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.
Selon la déclaration établie le 28 novembre 2019 par la SAS [16], il est fait mention d’un accident survenu le 27 novembre 2019 au préjudice de Mme [U] [Z], salariée intérimaire et mise à disposition de la société [12] en qualité de régleuse, dans les circonstances suivantes : Alors que Mme [Z] travaillait sur une presse, elle se serait fait écraser le majeur et l’index droit. Le certificat médical initial établi le 27 novembre 2019 par le [Adresse 8] [Localité 7] décrit une amputation traumatique trans P3 du majeur main droite et est assorti d’un premier arrêt de travail jusqu’au 29 décembre 2019, qui s’est prolongé jusqu’au 22 novembre 2020.
La caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 15] a pris en charge l’accident déclaré au titre de la législation relative aux risques professionnels et a notifié à la société sa décision de fixer à 18 % le taux d’incapacité permanente, et d’attribuer d’une rente à la victime à compter du 23 novembre 2020.
Contestant ce taux, la société a saisi le 4 mars 2021 la commission médicale de recours amiable, qui a, par décision du 17 juin 2021 prise en sa séance du 12 mai 2021, ramené le taux d’incapacité à 14 %. Par requête enregistrée le 9 août 2021, la société a saisi ce pôle social de la contestation.
L’affaire a été appelée le 1er octobre 2024, date à laquelle les parties représentées ont été entendues et ont pu émettre leurs observations.
Aux termes de ses conclusions, la SAS [16] demande au tribunal :
– A titre principal, de ramener le taux d’IPP de 18 % attribué à Mme [Z] à 5 % ;
– A titre subsidiaire, ordonner, avant dire droit, la mise en œuvre d’une expertise médicale judiciaire pour décrire, à la date de consolidation, les séquelles de l’accident, déterminer le taux d’incapacité permanente partielle qui en découle, préciser, afin de respecter le principe du contradictoire, que le Dr [N] devra être convoqué pour participer à ces opérations d’expertises, ordonner que le rapport établi par l’expert soit notifié au Dr [N] de façon confidentielle.
En réplique, la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 15] sollicite au tribunal :
– A titre principal, déclarer opposable à l’égard de la société le taux d’incapacité permanente de 18 %
– A titre subsidiaire, juger que le taux d’incapacité permanente ne peut être inférieur à 14 %;
– Dans l’hypothèse où le tribunal ordonnera une expertise médicale, juger que les frais d’expertise seront avancés et supportés par l’employeur ;
– Condamner l’employeur aux entiers dépens.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer aux conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience du 1er octobre 2024 pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 30 octobre 2024 par mise à disposition au greffe.
Il convient de retenir l’application des dispositions de l’article L.434-2 du code de la sécurité sociale relatif aux accidents du travail et maladies professionnelles ainsi que celle du barème indicatif d’invalidité prévu à l’article R.434-32 du même code.
Le taux de l’incapacité permanente de travail est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime, ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle.
Il résulte de la combinaison des articles R. 142-8 et R.142-8-1 du code de la sécurité sociale que les contestations formées dans les matières mentionnées au 1°, en ce qui concerne les contestations d’ordre médical, et aux 4°, 5° et 6° de l’article L. 142-1, et sous réserve des dispositions de l’article R. 711-21, le recours préalable mentionné à l’article L. 142-4 est soumis à une commission médicale de recours amiable, commission composée de deux médecins désignés par le responsable du service médical territorialement compétent, à savoir un médecin figurant sur les listes dressées en application de l’article 2 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 et spécialiste ou compétent pour le litige d’ordre médical considéré et un praticien-conseil.
En l’espèce, la société sollicite, à titre principal, la réduction du taux d’incapacité permanente partielle à 5 % compte tenu des séquelles de Mme [Z] consécutives à son accident qui le justifie et à titre subsidiaire elle demande la mise en œuvre d’une expertise médicale judiciaire.
Au soutien de ses prétentions, la société fait valoir d’une part que son médecin-conseil n’a pas été destinataire des éléments ayant permis à la caisse de se prononcer sur l’existence d’une incapacité permanente, ni même de la transmission du rapport définitif rendu par la commission, et d’autre part elle se fonde sur l’avis médical du l6 avril 2021du Dr [N], son médecin-conseil, qui relève notamment : Du fait de l’accident du travail dont elle fut victime le 27 novembre 2019, Mme [Z] a présenté une amputation de la 3° phalange du 3° doigt de la main droite dominante à l’exclusion de toute autre atteinte traumatique décrite par le certificat médical initial… Aucun élément d’examen physique ne permet de décrire rationnellement une amputation au niveau du 2ème doigt de la main droite… En conséquence et sans méconnaître ni le jeune âge de la victime, ni la reconversion professionnelle envisagée pour des raisons non précisées, le taux d’Incapacité Permanente Partielle correspondant aux séquelles de l’accident du travail du 27 novembre 2019 ne saurait excéder 5 % tous éléments médicaux pris en compte et en référence au barème indicatif d’Invalidité des Accidents du Travail.
En réplique, la caisse considère pour sa part que la commission a fait une exacte application du barème indicatif d’invalidité en fixant le taux d’incapacité permanente partielle à 14 % en prenant en compte après un examen approfondi, le courrier de contestation de l’employeur, le rapport médical d’évaluation du taux d’incapacité permanente du 26 juin 2021, et les observations du médecin-conseil de la société en date du 6 avril 2021. Elle précise en outre que son médecin-conseil a transmis au médecin-conseil de la société une note médicale détaillée comprenant l’ensemble des éléments sollicités, à savoir les mentions du rapport d’IPP et des certificats médicaux notamment le certificat médical de consolidation.
Il ressort des éléments produits aux débats que par décision du 18 février 2021, la caisse a fixé un taux d’incapacité permanente partielle attribué à Mme [Z] à 18 % retenant :Main D perte de la première phalange majeur, perte partielle de segment de doigt, perte de la fonction de préhension de la pince pouce indexe.
Cependant, la société justifie avoir adressé le 4 mars 2021 à la commission de recours amiable une lettre recommandée avec accusé de réception, dans laquelle elle indiquait qu’elle ne disposait d’aucun élément ayant permis à la caisse de se prononcer sur l’existence d’une incapacité permanente et sur le taux de celle-ci et par la même occasion elle demandait la transmission à son médecin-conseil, le Dr [N], de l’intégralité du rapport médical de la commission. Or, la caisse n’apporte aucun élément permettant de justifier de cet envoi.
En raison de cette carence dans l’absence de communication du rapport médical sollicité par la société, cette dernière était dans l’impossibilité d’apprécier le bien-fondé du taux d’incapacité retenu par la commission, de sorte qu’on ne peut se prononcer sur le taux en litige sans recourir à une consultation médicale aux frais de la CNAM, en application de l’article R. 142-16 du code de la sécurité sociale.
Il sera rappelé à cet effet que le taux recherché est celui du jour de la date de la consolidation, soit en l’espèce, le 22 novembre 2020.
Il convient d’ici au dépôt du rapport de l’expert, de surseoir à statuer sur l’ensemble des autres demandes et de réserver les dépens.
LE TRIBUNAL, statuant par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, mis à disposition au greffe,
AVANT DIRE DROIT, ordonne une consultation et commet pour y procéder :
Dr [R] [M]
[Adresse 6]
[Localité 3]
([Courriel 11])
Tél : [XXXXXXXX01],
qui pourra se faire assister de tout spécialiste de son choix, avec pour mission, de :
– consulter les pièces du dossier qui lui seront transmises par les parties et leur médecin conseil par l’intermédiaire du tribunal ;
– procéder à l’examen sur pièces du dossier de Mme [U] [Z] ;
– lire les dires et observations des parties ;
– s’entourer de tous renseignements et après avoir consulté tous les documents médicaux utiles et notamment les constats résultant de l’examen clinique de l’assuré ainsi que ceux résultant des examens consultés par le praticien-conseil justifiant sa décision ;
– émettre un avis sur le taux d’incapacité permanente présenté par Mme [U] [Z], le 22 novembre 2020 date de consolidation fixée par la caisse, résultant de l’accident professionnel survenu le 27 novembre 2019 ;
– faire toute remarque d’ordre médical qui lui paraîtrait opportune à la parfaite appréciation de la situation médicale de l’assurée.
ORDONNE au service médical de la caisse d’adresser exclusivement par courriel dans un délai maximum de 15 jours à compter de la notification de la présente, au tribunal ([Courriel 18] en précisant le n° RG et avec la mention » Dossier pour expert « ) et au médecin conseil de la société, le Dr [N] ([Courriel 14]), l’ensemble des éléments médicaux concernant Mme [U] [Z] (certificat médical initial, certificats de prolongation, certificat de nouvelle lésion éventuelle, décision de consolidation et de séquelles, rapport d’évaluation, avis rendus…);
ORDONNE également au médecin conseil de la société d’adresser au tribunal ([Courriel 18] en précisant le n° RG et avec la mention » Dossier pour expert « ) et au service médical de la caisse ([Courriel 9]) en spécifiant » Confidentiel – à l’intention du service médical » ) dans un délai maximum d’1 mois suivant le délai imparti à la caisse, toute pièce ou avis qui lui semblerait utile ;
DIT que le consultant devra adresser un rapport écrit au greffe du présent tribunal dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle il aura été avisé de sa mission par le tribunal;
DIT qu’il en adressera également directement copie aux parties et au médecin conseil de la société, de préférence par mail ;
RAPPELLE que la rémunération du médecin consultant est réglementée par l’arrêté du 29 décembre 2020 et prise en charge par la CNAM à hauteur de 80,50 € ;
ORDONNE un sursis à statuer ;
DIT que le dossier sera rappelé à l’audience dès le dépôt des conclusions d’une des parties après rapport de l’expert désigné, sauf aux parties à accepter une procédure sans audience ou à la société requérante à se désister de son action.
RÉSERVE les dépens.
Et le présent jugement est signé par Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Première vice-présidente et par Gaëlle PUTHIER, Greffière, présentes lors du prononcé.
LA GREFFIERE, LA PRÉSIDENTE,