Sommaire Contexte de la venteLa SCI Renaissance a proposé de vendre un bien immobilier à M. [Z] pour un montant de 1 250 000 euros, incluant une commission d’agence de 50 000 euros. Une déclaration d’intention d’aliéner a été soumise à la mairie de [Localité 10] le 17 juin 2022. L’EPFIF a exercé son droit de préemption en offrant un prix de 720 000 euros, proposition que la SCI a rejetée le 22 novembre 2022. Jugement initialLe juge de l’expropriation de Nanterre a statué le 21 novembre 2023, fixant le prix de vente à 1 092 896 euros, basé sur une évaluation de 9 800 euros/m². L’EPFIF a également été condamné à verser 2 500 euros à la SCI Renaissance pour les frais de justice. Appel de l’EPFIFL’EPFIF a interjeté appel le 9 janvier 2024, contestant le jugement initial. Dans ses mémoires, il a soutenu que le tribunal avait mal évalué la surface du bien et proposé de fixer le prix à 720 000 euros, tout en critiquant les références de la SCI Renaissance. Réponse de la SCI RenaissanceEn réponse, la SCI Renaissance a affirmé que le bien était en bon état et que sa composition ne justifiait pas une évaluation séparée de l’appartement et de l’atelier. Elle a également contesté les méthodes d’évaluation de l’EPFIF et a proposé un prix de 1 208 000 euros. Arguments du commissaire du gouvernementLe commissaire du gouvernement a déposé un mémoire le 26 août 2024, soutenant que la méthode d’évaluation par comparaison était appropriée et a proposé un prix de 1 145 000 euros, en tenant compte d’une surface pondérée. Décision de la CourLa Cour a déclaré irrecevable le mémoire de l’EPFIF déposé le 25 novembre 2024. Elle a ensuite fixé le prix de vente à 1 146 314 euros, en se basant sur une évaluation moyenne des références fournies. L’EPFIF a été condamné à verser 3 000 euros à la SCI Renaissance pour les frais de justice et a été débouté de sa demande. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelles sont les conditions de la préemption en matière d’expropriation ?La préemption est régie par le Code de l’urbanisme, notamment par l’article L 211-5. Cet article stipule que tout propriétaire d’un bien soumis au droit de préemption peut proposer au titulaire de ce droit l’acquisition de ce bien, en indiquant le prix qu’il en demande. Le titulaire doit se prononcer dans un délai de deux mois à compter de la proposition, dont une copie doit être transmise par le maire au directeur départemental des finances publiques. En cas de refus ou d’absence de réponse dans ce délai, le propriétaire bénéficie des dispositions de l’article L 213-8, qui lui permet de vendre son bien à un tiers. Si aucun accord amiable n’est trouvé, le prix est fixé par la juridiction compétente en matière d’expropriation, conformément à l’article L 213-4, qui précise que ce prix est exclusif de toute indemnité accessoire. Comment est fixé le prix d’acquisition d’un bien en cas de préemption ?Le prix d’acquisition d’un bien en cas de préemption est fixé par la juridiction compétente en matière d’expropriation, selon les règles mentionnées à l’article L 213-4 du Code de l’urbanisme. Cet article précise que le prix est exclusif de toute indemnité accessoire, y compris l’indemnité de réemploi. En cas de désaccord, la juridiction doit se baser sur la valeur vénale du bien, qui est déterminée par des méthodes d’évaluation appropriées. L’article L 215-17 précise également que le prix est fixé, payé ou consigné selon les règles applicables en matière d’expropriation. La date de référence pour l’évaluation est déterminée par l’article L 322-2, qui stipule que les biens sont estimés à la date de la décision de première instance. Quelles méthodes d’évaluation peuvent être utilisées pour déterminer la valeur d’un bien ?Les méthodes d’évaluation des biens immobiliers peuvent varier, mais les plus couramment utilisées sont la méthode par comparaison et la méthode par capitalisation. La méthode par comparaison consiste à évaluer un bien en le comparant à des biens similaires récemment vendus dans la même zone. Cette méthode nécessite une étude approfondie du marché immobilier local et des éléments de comparaison pertinents. La méthode par capitalisation, quant à elle, consiste à actualiser un revenu annuel, tel qu’un loyer, pour déterminer la valeur vénale du bien. Le taux à appliquer est déterminé par référence aux données réelles du marché immobilier local. L’article L 322-2 du Code de l’expropriation précise que l’usage effectif du bien à la date de la décision doit être pris en compte, et que les améliorations ou transformations postérieures ne sont pas présumées spéculatives. Quels sont les droits et obligations des parties lors d’une préemption ?Lors d’une préemption, les droits et obligations des parties sont régis par le Code de l’urbanisme et le Code de procédure civile. Le propriétaire a le droit de proposer son bien au titulaire du droit de préemption, qui doit se prononcer dans un délai de deux mois. Si le titulaire exerce son droit de préemption, il se substitue à l’acquéreur initial dans les droits et obligations liés à la vente. Cela signifie qu’il doit respecter les termes de la vente, y compris le prix convenu. En cas de litige sur le prix, la juridiction compétente est chargée de fixer le prix d’acquisition, en se basant sur les méthodes d’évaluation appropriées. Les frais d’agence, en principe, sont à la charge de l’acquéreur, mais peuvent être discutés en fonction des termes de la vente initiale. Quelles sont les conséquences d’un jugement en matière de préemption ?Un jugement en matière de préemption a des conséquences directes sur le prix d’acquisition du bien et sur les obligations des parties. Si la juridiction fixe un prix, ce dernier doit être respecté par le titulaire du droit de préemption. En cas de condamnation, le titulaire peut être tenu de payer des frais supplémentaires, tels que des frais d’agence ou des frais d’expertise, selon les circonstances. L’article 700 du Code de procédure civile permet également à la partie gagnante de demander le remboursement de ses frais irrépétibles. Le jugement peut également déclarer irrecevable un mémoire déposé tardivement, comme cela a été le cas dans l’affaire présentée, ce qui peut affecter la capacité de la partie à faire valoir ses droits. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE
VERSAILLES
Code nac : 70H
Ch civ.1-4 expropriation
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 10 DECEMBRE 2024
N° RG 24/00293 – N° Portalis DBV3-V-B7I-WJDG
AFFAIRE :
ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER ILE DE FRANCE, EPFIF
C/
S.C.I RENAISSANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Novembre 2023 par le juge de l’expropriation de NANTERRE
RG n° : 22/00060
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Stéphanie ARENA,
Me Gwenaëlle FRANCOIS,
Mme Valérie DAINOTTI (Commissaire du gouvernement)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER ILE DE FRANCE, EPFIF prise en la personne de son Directeur Général, Monsieur [J] [X]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentant : Me Stéphanie ARENA de la SELEURL ARENA AVOCAT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 637 et Me Miguel BARATA de l’AARPI BARATA CHARBONNEL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2608
APPELANT
S.C.I RENAISSANCE
[Adresse 7]
[Localité 10]
Représentant : Me Gwenaëlle FRANCOIS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 694 et Me Marianne CARBONNEL de l’AARPI LUMEL Associées, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
Les fonctions du COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT étant exercées par Mme [M] [D], direction départementale des finances publiques.
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Novembre 2024, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Raphaël TRARIEUX, Président chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Raphaël TRARIEUX, Président,
Madame Séverine ROMI, Conseillère,
Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS, Conseillère,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Kalliopi CAPO-CHICHI
Saisi par l’EPFIF selon mémoire parvenu au greffe le 7 décembre 2022, le juge de l’expropriation de Nanterre a par jugement en date du 21 novembre 2023 fixé le montant du prix à 1 092 896 euros, sur la base de 9 800 euros/m², et a condamné l’EPFIF à payer à la SCI Renaissance la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Par déclaration en date du 9 janvier 2024, l’EPFIF a relevé appel de ce jugement.
En son mémoire parvenu au greffe le 8 avril 2024, qui a été notifié en une lettre recommandée du 16 mai 2024 dont le commissaire du gouvernement a accusé réception le 21 mai 2024, lequel sera suivi d’un autre mémoire parvenu au greffe le 5 septembre 2024, l’EPFIF expose :
– qu’il s’agit d’un ensemble immobilier édifié sur une parcelle d’une superficie de 127 m² ; que la surface loi Carrez de l’appartement est de 62,73 m² et celle de l’atelier de 97,58 m² ;
– que le tribunal a suivi à tort le raisonnement du commissaire du gouvernement, en prenant en compte une surface pondérée d’habitation (soit 111,50 m²) ;
– qu’il n’y a pas lieu de prendre en compte la possible affectation du bien ;
– qu’il produit des photographies qui ont été prises lors de la visite sur place le 16 mai 2023 ;
– qu’il verse aux débats des termes de comparaison, à savoir des appartements voisins (moyenne 6 383 euros/m², à porter à 6 500 euros/m²), ainsi que des ateliers (moyenne 2 137 euros/m², à porter à 3 200 euros/m²) ;
– qu’il offre de fixer le prix à 720 000 euros ;
– que les références qui ont été visées par le commissaire du gouvernement en première instance ne sont pas adéquates, en ce qu’elles portent sur des biens à usage unique d’habitation, ou sur des pavillons et non pas des appartements ;
– que les références produites par la SCI Renaissance ne sont pas recevables faute de communiquer les actes de vente et les références de publication au service de publicité foncière, ou qui concernent des biens sis à Malakoff, ou encore des maisons ou des pavillons de construction récente ;
– que la méthode par capitalisation de la valeur locative doit être rejetée ;
– qu’il n’a pas à régler des frais d’expertise autres que judiciaires ou des frais d’agence, car la commission était au cas présent à la charge du vendeur.
L’EPFIF demande en conséquence à la Cour de :
– infirmer le jugement ;
– fixer le prix d’aliénation du bien à 720 000 euros ;
– rejeter les prétentions de la SCI Renaissance ;
– la condamner au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens d’appel.
Dans son mémoire parvenu au greffe le 3 juillet 2024, qui a été notifié en une lettre recommandée du 9 juillet 2024 dont le commissaire du gouvernement et l’EPFIF ont accusé réception respectivement les 10 et 11 juillet 2024, lequel sera suivi d’un autre mémoire parvenu au greffe le 25 octobre 2024, qui a été notifié en une lettre recommandée du 29 octobre 2024, la SCI Renaissance réplique :
– que l’appartement se trouve en bon état général, contrairement à ce que les clichés produits par la partie adverse laissent entendre ;
– que le bien dont s’agit, atypique, étant composé d’un seul lot indivisible en pleine propriété, il n’y a pas lieu d’effectuer une décomposition artificielle en un appartement et un atelier pour ensuite additionner les deux ; qu’il est pourvu d’un appartement, d’un atelier et d’un patio ;
– que toutes les agences immobilières l’ont évalué comme une maison ;
– que les références citées par l’EPFIF portent sur des biens pour lesquels des travaux de réfection importants sont à prévoir, ou des biens en copropriété ;
– que le prix au m² visé par l’EPFIF n’est pas conforme à la réalité économique ;
– que le prix proposé par le commissaire du gouvernement, bien que très supérieur à l’offre faite par l’EPFIF, ne peut être retenu comme ne tenant compte que de la partie habitable du bien à l’exclusion de l’atelier ; qu’il n’y a pas lieu de pondérer la surface de ce dernier, car ce n’est pas une annexe mais un rez-de-chaussée avec une hauteur sous plafond importante ; qu’en outre le commissaire du gouvernement s’est basé sur des termes de comparaison portant sur des biens sis à [Localité 11] et non pas à [Localité 10], la différence du prix au m² entre ces deux communes étant de 27,79 % ;
– qu’elle produit un rapport d’expertise utilisant la méthode comparative par régression statistique (c’est à dire en considérant le bien séparé de la partie habitation et de la partie atelier) et la méthode par capitalisation de la valeur locative ; que la moyenne obtenue avec ces deux méthodes est de 1 208 000 euros hors droits.
La SCI Renaissance demande en conséquence à la Cour de :
– infirmer le jugement quant au prix ;
– fixer ce prix à 1 208 000 euros hors droits en valeur libre ;
– subsidiairement, le fixer à 1 200 000 euros hors droits ;
– très subsidiairement, le fixer à 1 092 896 euros hors droits ;
– condamner l’EPFIF au paiement des frais d’agence soit 4 % du prix de vente ;
– condamner l’EPFIF au paiement des frais d’expertise soit 1 440 euros ;
– condamner l’EPFIF au paiement de la somme de 5 640 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– le condamner aux dépens.
Le 26 août 2024, le commissaire du gouvernement a déposé un mémoire qui a été notifié en une lettre recommandée du 30 octobre 2024, dans lequel il indique :
– que la méthode par comparaison terrain intégré conduira à cibler des cessions de maisons individuelles situées à proximité ; qu’il n’y a pas lieu de se référer à un appartement ou à un local d’activité ;
– que la surface du rez-de-chaussée est de 97,50 m², et la surface loi Carrez du premier étage de 62,73 m², soit un total de 160,23 m², avec un patio de 15 m² ;
– que s’agissant de l’atelier, il y a lieu d’appliquer toutefois un coefficient de pondération de 0,5 car son confort est moindre, même s’il a du cachet et est bien éclairé ;
– qu’une surface de 111,52 m² est à retenir ;
– qu’il n’y a pas lieu d’écarter les termes de comparaison portant sur des biens sis à [Localité 11] car cette commune est très proche ;
– qu’il aboutit à une moyenne de 10 274 euros/m² ; que cela donne un prix de 1 145 000 euros (111,52 m² x 10 274).
L’EPFIF a déposé un mémoire le 25 novembre 2024 et la Cour a indiqué aux parties à l’audience qu’il serait statué sur sa recevabilité dans l’arrêt.
En vertu de l’article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.
Le mémoire déposé au greffe par l’EPFIF le 25 novembre 2024, soit la veille de l’audience de plaidoirie, n’a pas pu être notifié aux parties en lettre recommandée avec avis de réception. Ce mémoire sera donc déclaré irrecevable.
En vertu de l’article L 211-5 du code de l’urbanisme, tout propriétaire d’un bien soumis au droit de préemption peut proposer au titulaire de ce droit l’acquisition de ce bien, en indiquant le prix qu’il en demande. Le titulaire doit se prononcer dans un délai de deux mois à compter de ladite proposition dont copie doit être transmise par le maire au directeur départemental des finances publiques.
A défaut d’accord amiable, le prix est fixé par la juridiction compétente en matière d’expropriation selon les règles mentionnées à l’article L 213-4.
En cas d’acquisition, l’article L 213-14 est applicable.
En cas de refus ou à défaut de réponse du titulaire du droit de préemption dans le délai de deux mois prévu à l’alinéa premier, le propriétaire bénéficie des dispositions de l’article L 213-8.
Les dispositions des articles L 213-11 et L 213-12 ne sont pas applicables à un bien acquis dans les conditions prévues par le présent article.
L’article L 213-4 alinéa 1er du code de l’urbanisme prévoit qu’à défaut d’accord amiable, le prix d’acquisition est fixé par la juridiction compétente en matière d’expropriation ; ce prix est exclusif de toute indemnité accessoire, et notamment de l’indemnité de réemploi.
Et l’article L 215-17 prévoit que :
Le prix est fixé, payé ou, le cas échéant, consigné selon les règles applicables en matière d’expropriation. Toutefois, dans ce cas :
1° La date de référence prévue à l’article L 322-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique est soit la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes approuvant, modifiant ou révisant le plan local d’urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien, soit, en l’absence d’un tel plan, cinq ans avant la déclaration par laquelle le propriétaire a manifesté son intention d’aliéner le bien ;
2° Les améliorations, transformations ou changements d’affectation opérés par le propriétaire postérieurement à la date fixée au 1° ne sont pas présumés revêtir un caractère spéculatif ;
3° A défaut de transactions amiables constituant des références suffisantes pour l’évaluation du bien dans la même zone, il peut être tenu compte des mutations et accords amiables intervenus pour des terrains de même qualification situés dans des zones comparables.
Lorsque la juridiction compétente en matière d’expropriation est appelée à fixer le prix d’un bien dont l’aliénation est envisagée sous forme de vente avec constitution de rente viagère, elle respecte les conditions de paiement proposées par le vendeur mais peut réviser le montant de cette rente et du capital éventuel.
Conformément aux dispositions de l’article L 322-2 du code de l’expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération – sous réserve de l’application des articles L 322-3 à L 322-6 dudit code – leur usage effectif à la date définie par ce texte. La date du jugement est le 21 novembre 2023.
La date de référence visée à l’article L 322-2 du code de l’expropriation, s’agissant l’usage effectif de l’immeuble, conformément à l’article L 215-18 du code de l’urbanisme, car il existe un plan local d’urbanisme, est constituée par la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes approuvant, modifiant ou révisant le plan local d’urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le terrain. Cette date se situe au 27 septembre 2016, date à laquelle la commune de [Localité 10] a approuvé le plan local d’urbanisme. Enfin il n’y a pas lieu de tenir compte de l’usage que l’EPFIF compte faire du bien.
La méthode d’évaluation par comparaison, si elle n’est pas obligatoire, est la plus communément utilisée. La méthode par le revenu consiste à capitaliser ou actualiser un revenu annuel, par exemple un loyer, afin de parvenir à la valeur vénale, le taux à appliquer étant déterminé par référence aux données réelles du marché immobilier local, lequel dépend des conditions économiques du moment, de la situation et de l’emplacement de l’immeuble, de sa nature et de son confort, de son utilisation, et aussi de son état d’entretien. Cette méthode exige une étude très approfondie du marché immobilier local, et nécessite d’avoir de nombreux éléments de comparaison.
La méthode analytique consiste à déterminer une valeur unitaire propre à chacune des différentes parties d’un bien, selon leur surface et en fonction de leur spécificité, tandis que la méthode globale consiste à valoriser globalement la surface totale de l’ensemble au regard de sa destination générale en déterminant une valeur unitaire unique appliquée à l’intégrité de la surface, chacun des usages étant considéré comme complémentaire au service d’un même usage. Le principe d’une valorisation distincte de divers éléments présente un caractère artificiel, dans la mesure où il n’est pas ici question de vendre séparément d’une part un appartement d’autre part un atelier, mais bien un ensemble, précision étant faite qu’il est obligatoire de passer par l’atelier pour accéder à l’appartement. Ainsi que le commissaire du gouvernement le propose, il y a lieu de prendre, comme termes de comparaison, des maisons ou des pavillons, et non pas d’une part des ateliers d’autre part des appartements.
Le bien litigieux est ancien, en bon état général. Il est atypique, constitué d’un bâtiment ancien, en pierre, avec une entrée indépendante, présentant un rez-de-chaussée, clos de baies vitrées, actuellement affecté à l’usage d’atelier (il s’agit d’un ancien garage ainsi que les dimensions de l’entrée le montrent), pourvu de larges baies vitrées, avec à l’étage, accessible par un escalier, un appartement. Ledit appartement, en bon état et bien entretenu, comporte, sur deux niveaux, une entrée avec petit salon, une cuisine, deux chambres, un dégagement, des toilettes et une salle d’eau. Le rez-de-chaussée, qui certes a du cachet et est lumineux, avec une double hauteur de plafond, ne présente pas le même confort que l’étage, ni les mêmes aménagements, et est plus difficile à chauffer, avec une porte d’entrée de très grande taille. Les revêtements de l’atelier sont de moins bonne qualité et les extérieurs sont en état brut.
Le bien se trouve au centre-ville de [Localité 10], dans un secteur mixte d’habitations et d’entreprises, à proximité immédiate de la [Adresse 12] qui traverse la commune.
Le coefficient de pondération retenu par le premier juge (0,5) du chef de l’atelier est adéquat et sera reconduit.
La surface à retenir sera donc de 62,73 m² (premier étage) plus 97,58 x0,5 (soit 78,06 m²) ce qui donne un total de 111,52 m².
Le commissaire du gouvernement a versé aux débats cinq références de mutation :
– celle du bien sis [Adresse 2] à [Localité 11] cédé le 25 novembre 2022 (d’une surface habitable de 119 m², avec jardin arboré) : 9 696 (et non pas 9 669 comme indiqué par erreur dans le mémoire) euros/m² ;
– celle du bien sis [Adresse 9] à [Localité 10] cédé le 23 avril 2021 (d’une surface de 180 m²) : 10 022 euros/m² ;
– celle du bien sis [Adresse 4] cédé le 26 janvier 2022 : 10 040 euros/m² ;
– celle du bien sis [Adresse 8] à [Localité 10] cédé le 30 novembre 2022 (d’une surface utile de 81 m²) : 8 901 euros/m² ;
– celle du bien sis [Adresse 3] à [Localité 10] cédé le 17 mars 2023 : 12 740 euros/m².
L’ensemble de ces références sera retenu, vu qu’il n’y a pas lieu d’écarter celles qui portent sur des biens se trouvant à [Localité 11], car [Localité 10] est tout proche et l’immeuble litigieux se trouve implanté près de la limite, et que si certaines comprennent un jardin, d’autres n’en ont pas alors que le bien litigieux dispose d’un patio. Il doit également être tenu compte de ce qu’il n’est pas soumis au régime de la copropriété.
Les termes de comparaison de l’EPFIF ne peuvent être retenus comme portant soit sur des locaux à usage exclusif d’atelier, soit sur des appartements.
Quant aux références sur lesquelles s’appuie l’appelante, et qui sont citées dans le rapport d’expertise, seules sont mentionnées les dates de cession et non pas les références de publication au service de publicité foncière si bien que les autres parties ne peuvent y accéder, alors que cela est indispensable ne serait-ce que pour vérifier la consistance, les caractéristiques et les prix des biens en question.
Dans ces conditions, le prix de vente du bien doit être fixé, en opérant une moyenne des références ci-dessus retenues, sur la base de 10 279 euros/m², à 1 146 314 euros.
S’agissant des frais d’agence, en principe l’exercice du droit de préemption ne fait pas perdre à l’intermédiaire le bénéfice de sa rémunération dès lors que la préemption, qui opère simplement substitution de l’autorité préemptrice dans les droits et obligations de l’acquéreur évincé, ne remet pas en cause le principe de la vente. Lorsqu’il exerce son droit de préemption, le titulaire au profit duquel la vente a été effectivement conclue est tenu de prendre en charge la rémunération de l’intermédiaire incombant à l’acquéreur pressenti, auquel il est substitué, dès lors que tant le montant de la commission que la partie qui en est tenue sont mentionnés dans l’engagement des parties et dans la déclaration d’intention d’aliéner (3e civ., 12 mai 2021, pourvoi n° 19-25.226). Mais au cas d’espèce, la commission (soit 50 000 euros) avait été stipulée à la charge du vendeur. Il en résulte que l’EPFIF, pas plus que l’acquéreur initial M. [Z], n’est tenu de la régler. La demande de la SCI Renaissance sur ce point sera en conséquence rejetée.
La prétention relative aux frais d’expertise [V] (1 440 euros) ne peut qu’être incluse dans les demandes en application de l’article 700 du code de procédure civile, s’agissant de frais irrépétibles, sur le sort desquels il sera statué ci-après, car il s’agit là non pas de frais d’expertise judiciaire, tels que prévus à l’article 695 du code de procédure civile, mais d’une expertise amiable dont le coût ne fait donc pas partie des dépens.
L’EPFIF sera condamné, en équité, au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
L’EPFIF, qui succombe, sera débouté de sa propre demande en application de l’article 700 du code de procédure civile et condamné aux dépens d’appel.
– DECLARE irrecevable le mémoire déposé par l’EPFIF le 25 novembre 2024;
– INFIRME le jugement en date du 21 novembre 2023 en ce qu’il a fixé à 1 092 896 euros le prix de vente du bien de la SCI Renaissance ;
et statuant à nouveau :
– FIXE à 1 146 314 euros le prix de vente du bien de la SCI Renaissance ;
– CONFIRME le jugement pour le surplus ;
– REJETTE toute autre demande ;
– CONDAMNE l’EPFIF à payer à la SCI Renaissance la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– REJETTE la demande de l’EPFIF en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– CONDAMNE l’EPFIF aux dépens d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Raphaël TRARIEUX, Président et par Madame Kalliopi CAPO-CHICHI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT