Évaluation des responsabilités et mesures d’expertise dans le cadre d’un litige relatif à des désordres de construction

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Évaluation des responsabilités et mesures d’expertise dans le cadre d’un litige relatif à des désordres de construction

Mme [T] [Z] a engagé M. [I] [C] pour des travaux de couverture et de charpente d’une maison, puis la SAS ETABLISSEMENTS MAUPIN pour des travaux d’isolation. Après un effondrement partiel de la couverture, l’assurance de Mme [T] [Z] a mandaté un expert qui a constaté des infestations d’insectes xylophages. L’assurance a ensuite refusé de garantir les dommages. Mme [T] [Z] a assigné les deux entreprises et son assureur en référé pour obtenir une expertise judiciaire sur les responsabilités et les réparations nécessaires. M. [I] [C] a demandé le rejet de la demande et une indemnité, tandis que l’assurance a demandé la consignation des frais d’expertise. La SAS ETABLISSEMENTS MAUPIN a également demandé à participer à l’expertise tout en contestant certaines missions proposées à l’expert.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

25 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Poitiers
RG
24/00254
MINUTE N° :
DOSSIER : N° RG 24/00254 – N° Portalis DB3J-W-B7I-GNFX

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE POITIERS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

ORDONNANCE DU JUGE DES RÉFÉRÉS
EN DATE DU 25 SEPTEMBRE 2024

DEMANDERESSE :

LE :

Copie simple à :
– Me GAND
– Me FROIDEFOND
– Me LOUBEYRE
– Me LACOSTE
– Expertises x3

Madame [T] [Z]
demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Philippe GAND, avocat au barreau de POITIERS

DEFENDEURS :

S.A. LES ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL
dont le siège social est sis [Adresse 6]
représentée par Me Gérald FROIDEFOND, avocat au barreau de POITIERS

S.A.S. ETABLISSEMENTS MAUPIN
dont le siège social est sis [Adresse 8]
représentée par Me Isabelle LOUBEYRE, avocat au barreau de POITIERS

Monsieur [I] [C] exerçant en entreprise individuelle sous le nom commercial “ECO CONCEPT BOIS”
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Adeline LACOSTE, avocat au barreau de POITIERS

COMPOSITION :

JUGE DES RÉFÉRÉS : Cyril BOUSSERON, Président

GREFFIER : Marie PALEZIS

Débats tenus à l’audience publique de référés du : 04 Septembre 2024.

EXPOSE DU LITIGE :
Mme [T] [Z] a confié, selon facture du 29 décembre 2023, à M.[I] [C], exerçant sous l’enseigne commerciale ECO CONCEPT BOIS, des travaux de reprise partielle de la couverture et de la charpente d’une maison d’habitation située [Adresse 3], pour la somme de 527 euros TTC.
Mme [T] [Z] a confié, selon devis du 16 mai 2024, à la SAS ETABLISSEMENTS MAUPIN des travaux d’isolation sur ladite maison d’habitation située [Adresse 3], pour la somme de 2.547,80 euros TTC.
Suite à l’effondrement partiel de la couverture de ladite maison d’habitation, l’assurance multirisques habitation de Mme [T] [Z], la SA ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD, a mandaté le cabinet UNION D’EXPERTS POITOU aux fins d’organisation d’une expertise amiable.
Aux termes du rapport rendu le 23 mai 2024, il a été révélé de nombreux indices d’infestations d’insectes xylophages à proximité de la zone de rupture.
Par courriers des 23 mai et 4 juin 2024, la SA ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD, assurance multirisques habitation, a dénié la mise en œuvre de sa garantie.
Par acte de commissaire de justice signifié à personne se disant habilitée le 6 août 2024, Mme [T] [Z] a assigné la SAS ETABLISSEMENTS MAUPIN, la SA ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD et, par acte signifié à domicile le 7 août 2024, M. [I] [C], exerçant sous l’enseigne commerciale ECO CONCEPT BOIS, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Poitiers aux fins d’obtenir la désignation d’un expert judiciaire selon mission définie dans l’assignation. Elle demande également qu’il soit statué ce que de droit sur les dépens.
Elle soutient qu’il convient qu’une expertise judiciaire soit ordonnée au contradictoire de son assureur multirisques habitation et des deux entreprises qui sont intervenues sur place très peu de temps avant le sinistre, qu’en soient chiffrées les conséquences dommageables et le coût des réparations nécessaires, et que soit donné un avis technique sur les responsabilités.
Selon ses conclusions signifiées par RPVA le 30 août 2024, M. [I] [C], exerçant sous l’enseigne commerciale ECO CONCEPT BOIS, sollicite, à titre principal, le rejet de la demande de Mme [T] [Z] et de la condamner à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire, il formule ses protestations et réserves et demande que les frais irrépétibles et les dépens soient réservés.
Il conteste tout manquement à ses obligations et plus généralement tout engagement de sa responsabilité, à quelque titre que ce soit, dès lors qu’il n’a pas constaté une telle infestation et qu’en tout état de cause il n’avait pas à inspecter l’ensemble de la charpente.
Par ses conclusions signifiées par RPVA le 27 août 2024, la SA ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD formule ses protestations et réserves Elle sollicite la condamnation de Mme [T] [Z] à l’avance de la consignation des frais d’expertise et aux entiers dépens de l’instance.
Selon ses conclusions signifiées par RPVA le 30 août 2024, la SAS ETABLISSEMENTS MAUPIN entend s’associer à la mesure d’expertise sollicitée et formule ses protestations et réserves. Elle demande un complément de la mission selon les modalités précisées dans ses écritures et la condamnation de Mme [T] [Z] aux dépens.
Elle soutient que l’expert judiciaire ne saurait se voir confier le chef de mission selon lequel il est chargé de « dire si la société MAUPIN et Monsieur [C], exerçant sous l’enseigne ECO CONCEPT BOIS, ont manqué à leur obligation de conseil en ne signalant pas à la propriétaire de l’immeuble les traces d’infestation par insectes xylophages existant sur les lieux où ils sont intervenus ». Elle explique que ce chef de mission est contraire aux dispositions de l’article 238 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la demande d’expertise :
Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile,
« S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »
Madame [T] [Z] rapporte la preuve, par la production d’un rapport d’expertise amiable (pièce de la demanderesse n°1), de l’effondrement d’une partie de la couverture de la maison d’habitation, assurée auprès de la SA ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD, et sur laquelle sont intervenues Monsieur [I] [C], exerçant sous l’enseigne commerciale ECO CONCEPT BOIS, et la SAS ETABLISSEMENTS MAUPIN.
La SA ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD et la SAS ETABLISSEMENTS MAUPIN ne s’opposent pas à l’organisation d’une mesure d’expertise judiciaire.
Si Monsieur [I] [C], exerçant sous l’enseigne commerciale ECO CONCEPT BOIS, s’y oppose, il convient de relever que la cause des désordres et son exacte portée ne sont pas entièrement connus, raison de la demande d’expertise, et que la réponse à ces questions techniques est nécessaire pour connaître l’applicabilité du régime juridique de responsabilité. Au demeurant il ne démontre pas l’absence manifeste d’action au fond à son égard.
Dès lors, il existe un motif légitime à l’organisation d’une mesure d’instruction.
Une mesure d’expertise sera ordonnée, aux frais avancés par Madame [T] [Z], selon la mission définie au dispositif, sans qu’il soit nécessaire de reprendre in extenso la formulation proposée par les parties.
Sur les dépens :
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile,
« La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. »
Madame [T] [Z] sera condamnée provisoirement aux dépens dès lors que la mesure d’expertise est ordonnée dans son intérêt avant tout établissement des responsabilités.
Sur les frais non compris dans les dépens :
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile,
« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens;
2° Et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.
La somme allouée au titre du 2° ne peut être inférieure à la part contributive de l’Etat majorée de 50%. »
Madame [T] [Z] est condamnée aux dépens. Il serait cependant inéquitable à ce stade de la procédure et avant tout établissement des responsabilités de la condamner au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Monsieur [I] [C], exerçant sous l’enseigne commerciale ECO CONCEPT BOIS, sera débouté de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS :
Nous, Juge des référés, statuant par ordonnance de référé mise à la disposition des parties, contradictoire, après débats en audience publique, en premier ressort,
Vu l’article 145 du code de procédure civile,
Ordonnons une mesure d’expertise ;
Désignons pour y procéder,
Monsieur [W] [F],
Expert près la cour d’appel de Poitiers
[Adresse 5]
[Localité 7]
Et en cas de refus ou d’empêchement,
Madame [P] [M],
Expert près la cour d’appel de Poitiers
[Adresse 1]
Avec mission de :
1. Convoquer les parties en cause ainsi que les avocats par lettre recommandée avec accusé de réception ;
2. Se faire remettre tous les documents utiles à l’accomplissement de sa mission ;
3. Se rendre sur les lieux du litige ;
4. Décrire les désordres allégués dans l’assignation et les pièces jointes ;
5. Déterminer l’origine, la date d’apparition, l’étendue et les causes des désordres ;
6. Déterminer si les traces d’infestation par insectes xylophages étaient décelables par les professionnels lors de leurs interventions  ;
7. Déterminer les travaux nécessaires pour remédier aux désordres sur la base des devis remis par les parties ;
8. Donner son avis sur les préjudices subis ;
9. Faire toute observation utile.
Ordonnons aux parties et à tout tiers détenteur de remettre sans délai à l’expert tout document qu’il estimera utile à l’accomplissement de sa mission ;
Disons que :
En cas d’empêchement ou de refus de l’expert, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du juge chargé du contrôle de l’expertise,L’expert devra accomplir sa mission conformément aux articles 232 et suivants du code de procédure civile, notamment en ce qui concerne le caractère contradictoire des opérations,L’expert devra tenir le juge chargé du contrôle de l’expertise, informé du déroulement de ses opérations et des difficultés rencontrées dans l’accomplissement de sa mission,L’expert est autorisé à s’adjoindre tout spécialiste hors de son domaine de compétence, de son choix, sous réserve d’en informer le juge chargé du contrôle de l’expertise et les parties étant précisé qu’il pourra dans ce cas solliciter une provision complémentaire destinée à couvrir les frais du recours au sapiteur,L’expert pourra, en cas de besoin, en considération de la complexité technique de la mission, remettre un pré-rapport aux parties en leur communiquant au préalable les propositions chiffrées ou devis concernant les travaux envisagés,L’expert devra déposer son rapport définitif et sa demande de rémunération au greffe du tribunal et communiquer ces deux documents aux parties.Disons que l’expert accusera réception de sa mission, nous fera connaître son acceptation éventuelle sans délai et commencera ses opérations après avis de la consignation qui lui sera adressé par le greffe.
Disons que Madame [T] [Z] devra consigner au greffe de ce Tribunal, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente ordonnance, à peine de caducité de la désignation de l’expert, la somme de deux mille cinq cents euros (2.500€) à titre provisionnel, à valoir sur les frais et honoraires de l’expert, sauf dans l’hypothèse où une demande d’aide juridictionnelle antérieurement déposée serait accueillie, auquel cas les frais seront avancés directement par le Trésorier Payeur Général.
Disons que le secrétariat du service des expertises avisera l’expert commis de ladite consignation.
Disons que la partie demanderesse communiquera ses pièces numérotées sous bordereau daté ; ces conditions étant remplies, l’expert commis organisera la première réunion.
Disons que l’expert commis convoquera les parties par lettre recommandée avec accusé de réception à toutes les réunions d’expertise avec copie par lettre simple aux défenseurs, leurs convenances ayant été préalablement prises.
Disons que l’expert commis entendra les parties, s’expliquera sur leurs dires et observations et sur toutes difficultés auxquelles ses opérations et constatations pourraient donner lieu, s’entourera de tous renseignements utiles, et consultera tous documents produits pouvant l’éclairer s’il y a lieu.
Disons que lors de la première ou au plus tard de la deuxième réunion des parties, l’expert dressera un programme de ses investigations, et évaluera d’une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours.
Disons qu’à l’issue de cette réunion l’expert fera connaître au Juge la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et de ses débours, et sollicitera le cas échéant, le versement d’une consignation complémentaire.

Disons que, sauf accord contraire des parties, l’expert commis devra adresser aux parties un pré-rapport de ses observations et constatations afin de leur permettre de lui adresser un dire récapitulant leurs arguments sous un délai d’un mois.
Disons que l’expert procédera à sa mission dès qu’il sera avisé de la consignation ci-dessus fixée, et qu’il déposera au Greffe du Tribunal un rapport définitif de ses opérations, répondant aux dires des parties, au plus tard dans le délai de six mois sauf prorogation dûment autorisée.
Précisons que le rapport définitif devra comprendre une conclusion synthétique des résultats des déductions expertales.
Disons qu’au cas où les parties viendraient à se concilier l’expert devra constater que sa mission est devenue sans objet et faire rapport au Magistrat chargé du contrôle de l’expertise en lui adressant alors un procès-verbal de conciliation.
Disons qu’en cas d’empêchement de l’expert commis, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du juge chargé de la surveillance des expertises.
Disons que le juge chargé du contrôle des expertises, désigné par ordonnance du président du tribunal judiciaire de Poitiers en vertu de l’article 155-1 du code de procédure civile, s’assurera de l’exécution de cette mesure d’instruction.
Rejetons la demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Rappelons que la présente ordonnance est exécutoire par provision de plein droit ;
Rappelons qu’il sera procédé à la signification de la présente ordonnance par la partie la plus diligente ;
Condamnons Madame [T] [Z] provisoirement aux dépens.
La présente ordonnance de référé a été mise à disposition des parties le 25 septembre 2024 par Monsieur Cyril BOUSSERON, Président du Tribunal Judiciaire, assisté de Madame Marie PALEZIS, Greffière, et signée par eux.
La Greffière Le Président


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