L’incendie a eu lieu dans les locaux des sociétés Cibevial, Corbasol et Stef, avec un départ de feu dans le tunnel G, utilisé pour le transfert de carcasses animales. Cibevial, propriétaire du bâtiment nord depuis 2001, avait mandaté la société La Sak pour des travaux de réparation sur un tuyau d’alimentation du dispositif incendie, endommagé par le gel. Les travaux, réalisés en août 2012, ont impliqué l’utilisation d’une disqueuse et d’un poste de soudure, ce qui a provoqué des projections incandescentes enflammant un isolant en polystyrène, entraînant une propagation rapide du feu vers les locaux de Corbasol et Stef.
L’expert a noté l’absence de permis de feu et de dispositifs de sécurité adéquats, ainsi que des défauts dans la configuration des lieux, favorisant la propagation de l’incendie. Les locaux de Cibevial ont été partiellement détruits, tandis que ceux de Corbasol et Stef ont été complètement ravagés. Les responsabilités ont été attribuées à M. [K], gérant de La Sak, pour négligence dans la supervision des travaux, et à Cibevial pour une insuffisante appréciation des risques d’incendie et l’absence de moyens d’extinction. La société Cibevial a été relaxée des poursuites pénales, mais sa responsabilité civile a été engagée pour des fautes liées à la sécurité. Les sociétés Corbasol et Sodely ont également été jugées responsables en raison de l’absence de dispositifs coupe-feu requis lors de la construction de leurs locaux. La répartition des responsabilités a été établie, avec M. [K] à 50%, Cibevial à 20%, et Corbasol et Sodely à 15% chacune. La société MMA Iard a été reconnue comme subrogée dans les droits de ses assurées Corbasol et Sodely pour les dommages subis. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Décision du Tribunal Judiciaire de LYON
Au fond du 16 novembre 2020
(4ème chambre)
RG : 16/01758
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET MIXTE DU 19 Septembre 2024
APPELANTE :
S.A. MMA IARD
[Adresse 2]
[Localité 11]
Représentée par la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 938
Et ayant pour avocat plaidant la SELARL CVS, avocat au barreau de LYON, toque : 215
INTIMEES :
S.A. AXA FRANCE, en qualité d’assureur de Monsieur [K] [R], gérant de la société LA SAK
[Adresse 5]
[Localité 12]
Représentée par la SAS TW & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1813
Et ayant pour avocat plaidant la SELAS CHETIVAUX-SIMON Société d’Avocats, avocat au barreau de PARIS
SA AXERIA IARD
[Adresse 4]
[Localité 9]
Représentée par la SELARL VITAL-DURAND ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : T.1574
S.A. COMPLEXE INTERNATIONAL DU BÉTAIL ET DES VIANDES DE LYON (CIBEVIAL)
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 10]
Représentée par la SELARL VITAL-DURAND ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : T.1574
SCI CORBASOL
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représentée par la SELAS CMS FRANCIS LEFEBVRE LYON AVOCATS, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 659
Et ayant pour avocat plaidant Me Anne-charlotte GOURSAUD-TREBOZ, avocat au barreau de LYON, toque : 1074
S.A.S. SODELY
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représentée par la SELAS CMS FRANCIS LEFEBVRE LYON AVOCATS, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 659
Et ayant pour avocat plaidant Me Anne-charlotte GOURSAUD-TREBOZ, avocat au barreau de LYON, toque : 1074
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 22 Février 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 22 Juin 2023
Date de mise à disposition : 9 novembre 2023 prorogée au 11 janvier 2024, 7 mars 2024, 2 mai 2024, 20 juin 2024, 4 juillet 2024 et 19 septembre 2024 les avocats dûment avisés conformément à l’article 450 dernier alinéa du code de procédure civile
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Anne WYON, président
– Julien SEITZ, conseiller
– Thierry GAUTHIER, conseiller
assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
La société Complexe international du bétail et des viandes de Lyon (société Cibevial) exploite une partie des abattoirs situés [Adresse 6] à [Localité 10] (Rhône).
Selon devis du 02 juillet 2012, la société Cibevial a confié à la société La Sak, dirigée par M. [K], des travaux de réparation du circuit incendie de ses locaux, impliquant la soudure d’une canalisation fuyarde.
Le 29 août 2012, un incendie s’est déclaré dans les locaux de la société Cibevial.
Le feu s’est propagé à l’immeuble de la société Corbasol, exploité par la société Sodely, toutes deux assurées auprès de la société MMA Iard.
Il s’est également propagé à l’immeuble de la société Stef logistique Rhône Alpes (société Stef), servant notamment d’entrepôt de marchandises à la société Délifrance, assurée auprès de la société Axa France Iard.
Selon rapport du 19 septembre 2012, les enquêteurs des services de police scientifique ont estimé que l’incendie trouvait son origine dans les travaux de soudure effectués par la société La Sak, pour le compte de la société Cibevial, en évoquant l’incidence possible d’une absence ou d’une insuffisance des mesures de protection prises en cette occasion.
Par réquisition judiciaire du 03 septembre 2012, M. [A] a été désigné en qualité d’expert, avec mission :
– de remettre un rapport détaillé sur le type de soudure réalisée sur la canalisation d’eau située sur les locaux industriels de la société Cibevial,
– de se prononcer sur le respect ou non des dispositifs de sécurité devant être mis en place en pareil cas et notamment lors de cette opération de soudure.
L’expert a déposé son rapport le 05 septembre 2012, concluant à la réalisation de soudures à l’arc sans mise en ‘uvre de dispositifs de protection incendie adéquats.
Par réquisition judiciaire du 03 septembre 2012, M. [D] a été désigné en qualité d’expert, avec mission de rechercher l’origine et les causes de l’incendie.
Cet expert a déposé son rapport le 13 septembre 2012, concluant à la survenance d’un incendie accidentel ayant pris naissance dans le tunnel dénommé « couloir G » de l’entreprise Cibevial, à la suite des travaux de soudure effectués sur le réseau RIA (réseau de lutte contre l’incendie), puis à sa propagation rapide aux locaux de la société Corbasol, par combustion d’un isolant en polystyrène expansé très facilement inflammable.
M. [D] a notamment relevé que l’absence de permis de feu, imputable aux sociétés Cibevial et La Sak, avait fait obstacle à la mise en place d’un plan de prévention efficace.
Selon procès-verbal du 04 octobre 2012, l’inspection du travail a confirmé qu’en application de l’article R.4512-7 du code du travail, un permis de feu aurait dû être établi entre la société Cibevial, donneuse d’ordre, et la société La Sak, entrepreneur de travaux.
Par ordonnance du 05 septembre 2012, le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon a commis M. [F] [P] en qualité d’expert, avec mission, pour l’essentiel, de :
– donner son avis sur les conditions d’exécution des travaux de la société La Sak, notamment sur le respect de la réglementation applicable,
– se faire remettre les dossiers ICPE (dossier installation classée pour la protection de l’environnement) des entreprises présentes sur les lieux et de dire si les conditions d’exploitation étaient respectueuses des leurs prescriptions,
– donner son avis sur le respect par les entreprises présentes sur le site de la réglementation applicable en matière de prévention des incendies, concernant notamment les dispositifs de désenfumage et de cloisonnement entre les bâtiments,
– décrire les dommages causés par l’incendie, de donner son avis sur l’origine et la ou les causes de cet incendie et de sa propagation, en cas de causes multiples, d’évaluer la part imputable à chacune, de dire notamment si les dispositions constructives des bâtiments concernés et leurs installations techniques ont pu favoriser la propagation de l’incendie,
– retracer la chronologie des événements et de l’intervention du service départemental d’incendie et de secours (SDIS),
– décrire les actions menées et les éventuelles difficultés rencontrées par le SDIS pour circonscrire l’incendie, en indiquant si les opérations ont été conduites dans les règles de l’art.
M. [P] a déposé son rapport le 23 décembre 2013.
Par jugement du 15 octobre 2015, le tribunal correctionnel de Lyon a notamment :
– déclaré MM. [K] (dirigeant de la société La Sak) et [H] (ouvrier de la société La Sak ayant effectué la soudure de la canalisation fuyarde) coupables du délit de blessures involontaires par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence ;
– déclaré MM. [K] et [H] coupables du délit de destruction par incendie provoqué par manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement;
– relaxé la société Cibevial du même délit ;
– reçu les constitutions de partie civile des sociétés Cibevial, Sodely et Corbasol et condamné MM. [H] et [K] à les indemniser de leurs préjudices matériels, à concurrence des sommes de 3.487.286 euros s’agissant de la première, 6.656.539,95 euros s’agissant de la seconde et 4.722.652,49 euros s’agissant de la dernière ;
– reçu la constitution de partie civile de M. [N], victime de blessures causées par l’incendie, et ordonné une expertise médicale à dessein d’évaluer ses préjudices ;
– déclaré la constitution de partie civile de la société Délifrance irrecevable et débouté cette société de sa demande de condamnation solidaire de MM. [H], [K] et de la société Cibevial à lui payer la somme de 4.108.777,14 euros au titre des dommages matériels et de la marchandise détruite, des frais de déblaiement / déconstruction, des marchandises détruites, des honoraires d’expert engagés et de sa perte d’exploitation ;
– déclaré son jugement opposable à la société Axa France Iard, prise en sa qualité d’assureur de M. [K].
M. [H] a relevé appel de ce jugement et la cour d’appel de Lyon l’a renvoyé des fins de la poursuite par arrêt du 25 janvier 2018.
Par jugement du 06 décembre 2018, le tribunal correctionnel de Lyon a condamné M. [K] à payer à M. [N] la somme de 20.295,95 euros, provision déduite, et déclaré sa décision opposable à la société Axa France Iard.
La société Axa France Iard a versé à son assurée Délifrance les sommes de 3.604.327 euros en remboursement des marchandises détruites et 185.493 euros au titre des pertes d’exploitation, franchises déduites.
La société AGAT RE, réassureur de la société AXA France Iard, subrogée dans les droits de la société Délifrance, a fait citer les sociétés Sodely et Cibevial ainsi que leurs assureurs MMA Iard et Axeria devant le tribunal de commerce de Lyon, afin de les entendre condamnés à lui payer la somme de 1.000.000 euros versée à la compagnie AXA France Iard, subrogée dans les droits de la société Delifrance.
La société AGAT RE a appelé en cause la société Groupama Rhône Alpes Auvergne, prise en sa qualité d’assureur de la société Sodely, aux fins de l’entendre condamnée in solidum avec les précédentes à lui payer la somme de 1.000.000 euros.
Par jugement du 18 janvier 2016, le tribunal de commerce de Lyon a ordonné la jonction des instances initiées par la société AGAT RE et s’est déclaré incompétent pour connaître des demandes, au profit du tribunal de grande instance de Lyon.
L’instance se poursuivant devant cette juridiction, la société Cibevial et son assureur Axeria ont appelé en garantie la société AXA France Iard, assureur de M. [K].
La société AGAT RE a appelé en cause la société Corbasol, en sa qualité de propriétaire des locaux exploités par la société Sodely, aux fins de l’entendre condamnée in solidum au paiement de la somme de 1.000.000 euros.
La société Délifrance est intervenue volontairement à l’instance pour réclamer indemnisation des franchises demeurées à sa charge.
Par jugement du 16 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Lyon a :
– déclaré l’action de la société AGAT RE irrecevable ;
– déclaré l’intervention volontaire et l’action de la société Délifrance recevables ;
– débouté la société Délifrance de ses demandes ;
– condamné la société Cibevial à payer à la société Sodely la somme de 146.449,34 euros;
– dit que la société Axeria est tenue in solidum avec la société Cibevial de cette condamnation dans la limite de 45.360,14 euros ;
– condamné la société Cibevial à payer à la compagnie MMA Iard la somme de 1.691.165,47 euros ;
– dit que la société Axeria est tenue in solidum avec la société Cibevial de cette condamnation dans la limite de 523.775,86 euros ;
– condamné la société AXA France à relever et garantir la société Cibevial et la compagnie Axeria, prises in solidum de cette condamnation dans la limite de 750.886,38 euros ;
– condamné la compagnie AXA France à payer à la société Axeria la somme de 996.173,62 euros;
– condamné la société AGAT RE à payer à la compagnie MMA Iard la somme de 1.200 euros et à la compagnie Groupama Rhône Alpes Auvergne celle de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rejeté les demandes des parties pour le surplus ;
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la décision ;
– fait masse des dépens et partagé ceux-ci par tiers entre la compagnie AXA France, la société AGAT RE et la société Délifrance, avec droit de recouvrement direct dans les conditions prévues à l’article 699 du code de procédure civile au profit du conseil de la compagnie MMA Iard.
Statuant sur les responsabilités encourues le tribunal a essentiellement retenu :
– qu’en l’absence d’identité entre les fautes pénales et civiles, la relaxe de la société Cibevial ne faisait pas obstacle à ce que celle-ci soit déclarée civilement responsable des conséquences de l’incendie, à raison de fautes tenant à un manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, ou de toute autre faute civile de négligence ou d’inattention,
– que le chef de dispositif du jugement pénal déclarant cette décision opposable à la société AXA France Iard n’avait autorité de la chose jugée que pour l’indemnisation des blessures endurées par M. [N], mais ne s’opposait pas à ce que cet assureur oppose des plafonds et limitations de garantie s’agissant des dommages matériels discutés devant la juridiction civile,
– que la société AGAT RE avait la qualité de réassureur et qu’elle ne disposait d’aucun recours subrogatoire pour les sommes versées à la société AXA France Iard, que ce soit sur le fondement de l’article L. 121-12 du code des assurances ou celui de la subrogation de droit commun, ni d’une quelconque action contre son assurée, sur le fondement de l’article L. 124-3 du code des assurances ou sur celui du droit commun,
– qu’au regard des éléments techniques versés au dossier, la responsabilité de la société Cibevial devait être retenue des chefs de l’insuffisance des moyens de lutte provisoire contre l’incendie, l’absence d’appréciation suffisante du risque d’incendie, l’absence d’établissement d’un permis de feu nécessitant la définition préalable d’un plan de prévention contre l’incendie et l’absence de mise en place de portes ou de murs coupe-feu aux extrémités du tunnel dans lequel l’incendie a débuté,
– que la responsabilité de M. [K] était engagée des chefs de l’action de son salarié [H] ayant conduit au départ de feu, de l’appréciation insuffisante du risque d’incendie, de l’absence d’ établissement d’un permis de feu et de l’absence de surveillance des travaux de son salarié [H],
– que la responsabilité des sociétés Sodely, Corbasol et Stef était engagée du fait de l’absence de dispositifs coupe-feu entre les trois bâtiments (Cibevial, Corbasol et Stef),
– qu’en sus de la responsabilité prépondérante de M. [K], la société Cibevial supportait une part de responsabilité de 20 %, les sociétés Corbasol et Sodely des parts de responsabilité de 15 % chacune et la société Stef une part de responsabilité de 10 %,
– que les parts de responsabilité des sociétés Cibevial, Corbasol et Sodely commandaient de réduire leur droit à indemnisation à dues proportions.
La société MMA Iard (assureur des sociétés Sodely et Corbasol) a relevé appel de ce jugement par déclaration enregistrée le 12 février 2021, en intimant les sociétés Axa France Iard (assureur de M. [K]), Axeria (assureur de la société Cibevial), Cibevial, Corbasol et Sodely.
*
Aux termes de ses conclusions récapitulatives déposées le 08 novembre 2021, la société MMA Iard demande à la cour, au visa de l’article 1134 du code civil, des articles 1315, 1382, 1383 et 1384 al.2 et suivant du même code, de l’article L.121-12 du code des assurances, et les articles 1249 et 1250 du code civil et de l’article L.111-1 du code des assurances, de:
– juger son appel recevable,
– infirmer le jugement du 16 novembre 2020 en ce qu’il a :
condamné la société Cibevial à payer à la société Sodely la somme de 146.449,34 euros,
dit que la société Axeria est tenue in solidum avec la société Cibevial de cette condamnation dans la limite de 45.360,14 euros,
condamné la société Cibevial à payer à la compagnie MMA Iard la somme de 1.691.165,47 euros,
dit que la société Axeria est tenue in solidum avec la société Cibevial de cette condamnation dans la limite de 523.775,86 euros,
condamné la compagnie AXA France à relever et garantir la société Cibevial et la compagnie Axeria, prises in solidum, de cette condamnation dans la limite de 750.886,38 euros,
condamné la compagnie AXA France à payer à la société Axeria la somme de 996.173,62 euros,
rejeté les demandes des parties pour le surplus,
– confirmer le jugement pour le surplus,
statuant à nouveau :
– condamner la société Cibevial à payer à la société MMA la somme de 4.974.016,09 euros, in solidum avec son assureur Axeria dans la limite de 523.775,86 euros,
– condamner la société AXA à payer à la société MMA la somme de 1.337.374,43 euros,
– débouter la société Cibevial et son assureur Axeria de leurs demandes, fins et prétentions concernant et dirigées contre la société MMA,
à titre subsidiaire, si la cour retenait contre les sociétés Sodely et Corbasol une réduction de leur droit à indemnisation de 15 % :
– condamner la société Cibevial à payer à la compagnie MMA la somme de 4.974.016,09 euros, in solidum avec son assureur Axeria dans la limite de 523.775,86 euros,
– condamner la société AXA à payer à la compagnie MMA la somme de 1.284.263,81 euros,
en tout état de cause :
– condamner in solidum la société Cibevial, la société Axeria et la société AXA à payer à la compagnie MMA la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens d’instance, distraits au profit de Me Laffly, avocat, sur son affirmation de droit.
La société MMA Iard rappelle à titre liminaire que la relaxe prononcée par le tribunal correctionnel au bénéfice de la société Cibevial n’a d’autorité de la chose jugée qu’en tant qu’elle écarte tout manquement de cette société à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, mais qu’elle ne fait point obstacle à ce que la responsabilité de cette société soit retenue par les juridictions civiles à raison de fautes d’une autre nature, résultant par exemple d’une maladresse, imprudence, inattention ou négligence susceptible d’engager la responsabilité du gardien de la chose dans laquelle l’incendie a pris naissance.
Elle approuve en conséquence le tribunal judiciaire d’avoir retenu que la société Cibevial avait engagé sa responsabilité à raison d’un ensemble de fautes tenant à la réalisation de travaux de soudure en l’absence de permis feu, ainsi qu’à l’absence d’appréciation du risque d’incendie et l’absence de moyens de lutte adéquats.
Elle estime cependant que ces fautes ont été sous-estimées et qu’elles justifient de porter la part de responsabilité mise à la charge de la société Cibevial de 20 à 50 %.
Elle conteste par ailleurs que les sociétés Corbasol et Sodely aient commis la moindre faute dans la survenance et la propagation de l’incendie, en lien avec l’absence de dispositif coupe-feu à l’extrémité du tunnel sud, voire entre les locaux des sociétés Stef et Sodely. Elle précise que la société Sodely n’est pas propriétaire, mais exploitante des locaux litigieux et qu’elle est entrée en possession bien après la préconisation faite au constructeur originel d’installer des portes coupe-feu. Elle ajoute que la société Corbasol est devenue propriétaire postérieurement à ces même préconisations. Elle fait observer qu’aucune des commissions ou inspections de sécurité survenues après leurs entrées en possessions respectives n’a relevé le défaut de porte coupe-feu et la méconnaissance des prescriptions administratives antérieures.
Elle relève également que le tribunal a imputé une part de responsabilité à la société Stef, alors que l’intéressée n’a pas été appelée en cause et que l’absence de dispositif coupe-feu qui lui est reprochée ne peut entretenir de relation causale avec la propagation de l’incendie aux locaux de la société Corbasol.
Elle affirme en conséquence que la responsabilité dans la survenance et la propagation de l’incendie incombe à M. [K] et la société Cibevial, à parts égales.
La société MMA Iard conclut en second lieu sur son recours subrogatoire à l’encontre de la société Cibevial, de son assureur Axeria et de l’assureur de M. [K], en faisant valoir qu’elle bénéficiait de quittances subrogatives émises par ses assurées Sodely et Corbasol, lui permettant de se prévaloir des règles de la subrogation conventionnelle pour obtenir des responsables du sinistre et de leurs assureurs paiement des sommes versées à ces assurées ensuite du sinistre.
*
Par conclusions déposées le 06 août 2021, la société Axa France Iard, prise en sa qualité d’assureur de M. [K], demande à la cour, au visa de l’article 388-1 du code de procédure pénale de :
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement prononcé par le tribunal judiciaire de Lyon en date du 16 novembre 2020,
– confirmer le jugement prononcé par le tribunal judiciaire de Lyon en date du 16 novembre 2020 en ce qu’il s’est jugé compétent pour statuer sur les limites de garanties du contrat d’assurance souscrit par M. [K] auprès de la compagnie d’assurances AXA France en limitant l’opposabilité des décisions pénales uniquement au principe de la responsabilité de son assuré, M. [K] et a condamné la compagnie AXA France à verser la somme totale de 1.747.060 euros correspondant au montant maximum de son engagement,
statuant sur l’appel interjeté par les MMA Iard en leur qualité d’assureur de la société Sodely et sur les appels incidents formés par les sociétés Sodely et Corbasol et Cibevial et Axeria sur la seule répartition de l’indemnité correspondant à la condamnation prononcée contre la compagnie AXA France soit la somme totale de 1.747.059, 98 euros au titre du plafond de ses garanties :
– juger que la compagnie AXA France s’en rapporte à justice sur le mérite de la nouvelle répartition sollicitée pour autant que le jugement soit confirmé à son égard sur le montant de la condamnation retenue,
en tout état de cause, quelle que soit l’éventuelle nouvelle répartition des responsabilités :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a limité la condamnation de la compagnie AXA France au plafond des garanties du contrat d’assurance délivré à M. [K], à savoir la somme de 1.747.059,98 euros et rejeter toutes demandes qu’elles soient formées à titre d’appel principal ou incident qui excéderaient ce montant,
– débouter toutes parties des demandes formées contre la compagnie AXA France au titre des frais irrépétibles et des dépens et condamner la compagnie d’assurances MMA Iard à verser à la compagnie AXA France Iard la somme de 5.000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens, dont le montant pourra être recouvré directement par la société Tudela & associés et la débouter de toutes ses réclamations à cet égard.
La société Axa fait valoir qu’en application des dispositions des articles 388-1 et suivants du code de procédure pénale, les décisions pénales statuant sur l’application des garanties de l’assureur de responsabilité de l’auteur d’une infraction ne sont opposables à cet assureur qu’au profit des victimes de dommages corporels.
Elle ajoute qu’à l’égard des autres victimes ou parties, les décisions répressives ne sont opposables à cet assureur qu’en ce qu’elles retiennent la responsabilité civile de son assuré, les juridictions civiles demeurant seules compétentes pour juger de l’application des garanties.
Elle approuve en conséquence le tribunal judiciaire de Lyon d’avoir jugé qu’elle était en droit de faire valoir des absences, exclusions ou limitations de garantie devant les juridictions civiles.
*
Par conclusions déposées le 20 octobre 2021, la société Cibevial et son assureur Axeria Iard demandent à la cour, au visa de l’article 1353 du code civil, des articles 6 et 9 du code de procédure civile, de l’article 1346 du code civil, des articles 1240, 1241 et 1242 alinéa 2 du code civil et de l’article L.124-3 du code des assurances, de :
– infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Lyon en date du 16 novembre 2020 en ce qu’il a :
condamné la société Cibevial à payer à la société Sodely la somme de 146.449,34 euros,
dit que la société Axeria est tenue in solidum avec la société Cibevial de cette condamnation dans la limite de 45.360,14 euros,
condamné la société Cibevial à payer à la compagnie MMA Iard la somme de 1.691.165,47 euros,
dit que la société Axeria est tenue in solidum avec la société Cibevial de cette condamnation dans la limite de 523.775,86 euros,
condamné la compagnie AXA France à relever et garantir la société Cibevial et la compagnie Axeria, prises in solidum de cette condamnation dans la limite de 750.886,38 euros,
condamné la compagnie AXA France à payer à la société Axeria la somme de 996.173,62 euros,
– confirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau :
– accueillir l’appel incident de la société Cibevial et de son assureur, la compagnie Axeria Iard,
– débouter la compagnie MMA de sa demande visant à ce que la société Cibevial et son assureur Axeria Iard soient condamnés in solidum à lui payer la somme de 4.974.016,09 euros dans la limite de 523.775,86 euros, tant à raison de l’absence de preuve de sa qualité de subrogée que de l’absence de responsabilité de la société Cibevial,
– la débouter de sa demande y compris à titre subsidiaire de la même condamnation,
– débouter les sociétés Corbasol et Sodely de l’ensemble de leurs réclamations,
– condamner la compagnie AXA France Iard à payer à la compagnie Axeria Iard au titre de son action subrogatoire en garantie de son assuré M. [K], la somme de 1.747.060 euros,
à titre subsidiaire, dans l’hypothèse d’une condamnation de la société Cibevial :
– confirmer purement et simplement le jugement rendu en première instance, limitant la part de responsabilité de la société Cibevial à 20 % dans les dommages aux tiers et la garantie de la compagnie Axeria au plafond contenu à son contrat Multirisque Industrielle au titre des dommages aux tiers s’élevant à la somme de 523.775,86 euros,
– condamner la compagnie AXA France Iard à relever et garantir la société Cibevial et son assureur, la compagnie Axeria Iard de toute condamnation prononcée à l’encontre de société Cibevial,
en tout état de cause :
– condamner la compagnie MMA Iard et les sociétés Corbasol et Sodely à payer à la société Cibevial et à la compagnie Axeria Iard en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile la somme de 15.000 euros,
– condamner l’appelante aux entiers dépens dont distraction au profit de la société Vital Durand & associés.
La société Cibevial et son assureur contestent la responsabilité de la société Cibevial dans la survenance de l’incendie, ainsi partant que le principe de leur obligation indemnitaire. Ils font valoir qu’il avait été convenu avec M. [K] la réalisation d’une soudure à froid, dans une zone n’ayant pas été répertoriée comme zone de danger dans l’arrêté autorisant l’exploitation du site. Elles considèrent en conséquence que la société Cibevial n’avait ni à demander ni à obtenir un permis feu pour la réalisation de tels travaux, se prévalant en cela du rapport d’expertise de M. [P].
Elles affirment que l’incendie a été provoqué par la décision unilatérale de M. [K] et de son employé [H] de pratiquer une soudure à chaud, en méconnaissance de l’accord antérieur portant sur la mise en ‘uvre d’un procédé de soudure à froid. Elles déclinent en conséquence toute part de responsabilité dans la survenance du sinistre.
Elles font observer que le tribunal correctionnel a reconnu la pertinence de ces arguments, dans la mesure où il a renvoyé la société Cibevial des fins de la poursuite intentée par la société Sodely par voie de citation directe, selon des dispositions revêtues de l’autorité de la chose jugée.
Elles contestent tout défaut de surveillance et de contrôle des travaux de soudure, ainsi que l’ensemble des fautes reprochées à la société Cibevial par les autres parties. Elles font valoir en particulier que les extincteurs nécessaires étaient disponibles et qu’il n’appartenait pas à la société Cibevial de surveiller les travaux d’une entreprise tierce.
Elles considèrent en revanche que dans la mesure où la responsabilité de M. [K] et la garantie de son assureur AXA France Iard ont été reconnues par le tribunal correctionnel, cet assureur doit indemniser la société Cibevial des conséquences de l’incendie et les garantir de toute condamnation prononcée à leur détriment.
Elles ajoutent que les sociétés Corbasol et Sodely portent une part de responsabilité dans la survenance de leur propre dommage, pour s’être abstenues d’installer les portes coupe-feu préconisées lors de la construction de leur bâtiment. Elles se prévalent en cela des conclusions de l’expert [P] et du sapiteur de l’expert [D], en rappelant que le respect des normes de sécurité incombe à l’exploitant, quand même n’aurait-il pas déposé la demande de permis de construire. Elles estiment notamment que la délivrance, par l’administration, d’un certificat de conformité des locaux aux normes de sécurité ne saurait exonérer les sociétés Sodely et Corbasol de leurs responsabilités en la matière.
La société Cibevial et son assureur Axeria contestent également que la société MMA Iard soit subrogée d’une quelconque manière dans les droits de ses assurées Corbasol et Sodely. Elles considèrent que la preuve de cette subrogation ne saurait résulter de la simple production de quittances subrogatives, sans production concomitante des conditions générales et particulières des polices la liant à ses assurées. Elles supposent en effet que les règlements opérés par la société MMA Iard sont intervenus à titre transactionnel, plutôt qu’en exécution de ces contrats d’assurance. Elles ajoutent qu’aucune preuve des paiements allégués n’est apportée.
Ils ajoutent que l’évaluation des dommages invoqués par ces sociétés ou leur assureur n’a pas donné lieu à évaluation contradictoire dans le cadre des procédures d’expertise judiciaire.
Elles considèrent par ailleurs que le dommage enduré par les sociétés Sodely et Corbasol à raison de l’absence d’établissement d’un permis feu relève tout au plus d’une perte de chance d’éviter le dommage, d’ampleur ‘tout à fait nulle’.
Elles concluent subsidiairement au rejet des demandes indemnitaires formées par la société Sodely des chefs de préjudices suivants :
– le remboursement des honoraires d’expert, dont elles assurent qu’il a été opéré son assureur, la société MMA Iard, à hauteur de 36.420 euros,
– l’indemnisation de pertes indirectes forfaitaires ne correspondant à aucun préjudice objectivé et ce pour un montant de 328.181 euros,
– les frais d’études réclamés pour un montant de 231.391,44 euros, comme portant sur un simple projet dont la mise à exécution n’a pas été démontrée.
*
Par conclusions déposées le 25 octobre 2021, les sociétés Sodely et Corbasol demandent à la cour, au visa des articles 6 et 9 du code de procédure civile, de l’article 1315 ancien du code civil, des articles 1382, 1383 et 1384 alinéa 2 et suivants anciens du même code, des articles 1240 et suivants nouveaux du même code, des articles L.111-1 et L.113-1 du code des assurances, de l’article 122 du code de procédure civile et de l’article 4-1 du code de procédure pénale, de :
– infirmer le jugement en ce qu’il a retenu une part de responsabilité à l’encontre de Corbasol et Sodely,
– les mettre hors de cause,
sur les condamnations prononcées au profit de la société Sodely :
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Cibevial au profit de la société Sodely et dit que la société Axeria est tenue in solidum avec la société Cibevial de cette condamnation,
– réformer le jugement sur le quantum,
– condamner in solidum les sociétés Cibevial et Axeria Iard à payer à la société Sodely la somme de 861.465,49 euros aux titres des préjudices subis du fait de l’incendie,
– condamner in solidum les sociétés Cibevial, Axeria Iard et AXA France Iard à payer aux sociétés Sodely et Corbasol la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner in solidum les sociétés Cibevial, Axeria Iard et AXA France Iard aux entiers dépens.
Les sociétés Corbasol et Sodely font valoir qu’elles n’étaient pas propriétaires et exploitantes des locaux litigieux à la date à laquelle un permis de construire a été délivré préconisant la mise en place de portes coupe-feu, si bien que leur responsabilité ne peut être retenue du chef de l’absence de suite donnée à cette préconisation.
Elles ajoutent s’être conformées à l’ensemble des préconisations de sécurité émises depuis leur prise de possession, en précisant que la commune de [Localité 10] leur a délivré un certificat de conformité en la matière. Elles estiment qu’on ne saurait en conséquence leur reprocher l’absence de portes coupe-feu, alors que cette nécessité ne leur a pas été rappelée et que l’administration municipale leur a au contraire certifié que leurs locaux étaient conformes.
Elles soutiennent également que les locaux dans lesquels les portes coupe-feu devaient être installées appartiennent à la société Cibevial ou à la société Stef et qu’on ne saurait en conséquence leur reprocher de ne pas avoir effectué les travaux afférents.
Elles font observer que les experts [D] et [P] ne leur imputent aucune faute.
Les sociétés Corbasol et Sodely concluent en conséquence à la responsabilité de M. [K] et de la société Cibevial.
Elles rappellent que le jugement correctionnel revêt un caractère définitif et considèrent que la société AXA France Iard ne peut plus contester sa garantie ou opposer quelque exclusion de garantie que ce soit, les contestations élevées étant au surplus infondées.
Elles approuvent le tribunal d’avoir retenu que la société Cibevial avait commis des fautes à raison de l’insuffisance des moyens de lutte provisoire contre l’incendie, l’absence d’établissement d’un permis de feu nécessitant la définition préalable d’un plan de prévention contre l’incendie et l’absence de mise en place de portes ou de murs coupe-feu aux extrémités du tunnel dans lequel l’incendie a débuté, en lui reprochant en sus un défaut de surveillance des travaux de la société La Sak.
Elles font valoir qu’en l’absence de faute de leur part, la société Cibevial et son assureur sont tenus d’indemniser la société Sodely à concurrence de l’intégralité de ses préjudices résiduels, qu’elles évaluent à la somme de 861.465,49 euros, déduction faite des sommes versées par leur assureur MMA Iard.
*
Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l’instruction par ordonnance du 22 février 2022 et l’affaire a été appelée à l’audience du 23 juin 2023, à laquelle elle a été mise en délibéré au 09 novembre 2023. Le délibéré a été prorogé au 19 septembre 2024.
Sur la configuration des lieux :
L’incendie a frappé les locaux des sociétés Cibevial, Corbasol et Stef, disposés ainsi qu’il suit:
Le bâtiment nord a été édifié en 1976 par la Communauté Urbaine de Lyon et donné en concession à la société Cibevial. La société Cibevial en a acquis la propriété en janvier 2001. Cet immeuble comporte au sud une passerelle aérienne dénommée tunnel G, servant depuis 1978 au transfert des carcasses animales, dans lequel le départ d’incendie a eu lieu.
Le bâtiment sud a été édifié pour partie en 1978 par la Société civile de l’industrie de la viande (SCIV). Il a été raccordé en cette occasion à la partie sud du tunnel G. En 1988, la SCIV a cédé la partie ouest de ce bâtiment à la société Frigorifique de l’union (société FU), qui a entrepris la même année de bâtir une extension de plus de 4.000 mètres carrés à l’ouest des locaux préexistants.
La SCIV a transmis la propriété de sa partie du bâtiment sud (partie est) à la société France agneau, qui l’a cédée en 2009 à la société Corbasol. Ces locaux ont été exploités en dernier lieu par la société Sodely.
En 2003, la société FU a cédé la propriété de sa partie du bâtiment sud (partie ouest) à la société Stef. Ces locaux servent d’entrepôt à la société Délifrance.
Sur l’origine de l’incendie et les causes de sa propagation :
Il résulte des éléments tirés de l’enquête de police que le gel a endommagé un tuyau d’alimentation du dispositif incendie de la société Cibevial dans le courant de l’hiver 2011-2012.
L’entreprise Cibevial a mandaté la société La Sak selon devis du 02 juillet 2012, afin de déposer le bardage extérieur recouvrant le tuyau fuyard, de découper la partie fuyarde et de poser un manchon en remplacement de la partie percée. Les travaux ont été réalisés par M. [K], gérant de la société La Sak et M. [U] [H], préposé dont l’embauche n’a pas donné lieu à déclaration préalable aux organismes de sécurité sociale.
L’expert [D] a constaté que le tuyau fuyard était situé à l’extrémité nord du tunnel aérien raccordant les locaux de la société Cibevial à l’immeuble de la société Corbasol, servant au transfert de carcasses animales accrochées à des rails aériens. Les parois extérieures de ce tunnel sont constituées d’un muret en béton, sur lequel a été posé un isolant thermique constitué de polystyrène, lui même protégé sur la face intérieure du tunnel, par un bardage métallique. Le tuyau fuyard est situé derrière ce bardage métallique, à proximité immédiate du complexe d’isolation thermique.
Il ressort des éléments recueillis par l’expert auprès des différents protagonistes des travaux que MM. [K] et [H] se sont présentés le 28 août 2012 à M. [G], responsable du service maintenance de la société Cibevial. M. [K] a proposé de modifier le mode réparatoire devisé, en supprimant la découpe de la partie percée et son remplacement par un manchon, pour leur substituer la pose d’une pièce métallique préformée venant se superposer à la zone percée. MM. [K] et [H] se sont présentés derechef le 29 août 2012 pour pratiquer la pose de la pièce métallique. Quoiqu’il ait emmené avec lui un poste de soudure à l’arc, M. [K], en accord avec M. [G], a estimé préférable de souder la pièce préformée selon le procédé TIG dit ‘soudure à l’argon’, afin de minimiser les projections d’étincelles incandescentes propres aux soudures par point chaud. M. [G] a prêté le poste de soudure à l’argon de la société Cibevial à MM. [K] et [H], puis les a laissés opérer seuls sur le tuyau fuyard. Le poste de soudure à l’argon a bien été amené jusqu’au tuyau fuyard, puisqu’il a été retrouvé au droit de celui-ci lors des opérations d’expertise.
Ensuite du départ de M. [G], MM. [K] et [H] ont débuté leurs travaux en employant une disqueuse pour découper le bardage, puis en procédant à la soudure de la pièce métallique préformée sur le tuyau percé. M. [K] s’est absenté au cours des travaux, en laissant M. [H] travailler seul. C’est en cette occasion que les projections incandescentes générées par le découpage à la disqueuse ou, plus vraisemblablement, par la soudure ont enflammé le revêtement polystyrène situé immédiatement derrière le tuyau. Ce type de matériau étant particulièrement inflammable et impossible à éteindre sans disposer, selon les experts, de ‘gros moyens d’extinction’, le feu s’est étendu rapidement, sans pouvoir être maîtrisé par l’emploi des extincteurs situés dans la partie sud du bâtiment de la société Cibevial, ni par les moyens lourds mis en ‘uvre par les sapeurs pompiers.
Le feu s’est propagé le long du tunnel jusqu’au locaux de la société Corbasol, séparés du tunnel par une simple porte coulissante. Il s’est ensuite propagé jusqu’aux locaux de la société Stef, accolés aux locaux de la société Corbasol et reliés à ceux-ci par de nombreuses ouvertures, dépourvues de dispositif coupe-feu.
Les locaux de la société Cibevial ont été partiellement détruits, alors que ceux des sociétés Corbasol et Stef l’ont été de manière complète.
L’expert [D] a fait connaître qu’il ne lui était pas possible, en l’absence d’étude plus approfondie, de déterminer si la soudure, à l’origine vraisemblable de l’incendie, avait été pratiquée au moyen du poste de soudure à l’argon fourni par la société Cibevial, ou par l’emploi du poste de soudure à l’arc amené par M. [K].
Il a relevé que les sociétés Cibevial et La Sak n’avaient pas établi de permis de feu, malgré l’emploi d’une disqueuse et d’un procédé de soudure par point chaud. M. [D] a précisé à cet égard que le procédé TIG, initialement envisagé, entrait dans la catégorie des procédés par point chaud, quoique générant des projections incandescentes moindres que le procédé à l’arc. Il a fait connaître que l’établissement d’un permis de feu aurait permis :
– de sensibiliser MM. [G], [H] et [K] à la nécessité de compenser l’extinction du système de lutte contre l’incendie durant les travaux par la mise en ‘uvre de moyens d’appoint appropriés,
– de sensibiliser MM. [G], [H] et [K] sur la nécessité de prévoir autant que possible un intervenant extérieur à l’entreprise La Sak disposant de moyens d’extinction du feu à proximité immédiate des travaux,
– de sensibiliser le soudeur [H] sur le danger accru constitué par l’emploi d’un poste de soudure à l’arc (dont il sera démontré ci-après qu’il a été effectivement employé),
– d’attirer l’attention de MM. [G], [H] et [K] sur la nécessité de déposer l’isolant en polystyrène expansé avant tout type de soudure par point chaud.
L’expert [D] a expliqué en dernier lieu que la propagation très rapide de l’incendie avait été favorisée :
– par la disposition des lieux, à raison de l’absence de fermeture des portes situées de chaque côté du tunnel, de la configuration en col de cygne de l’extrémité sud du tunnel, à proximité des locaux de la société Corbasol, qui a joué le rôle de cheminée,
– par l’absence de dispositifs d’isolement coupe-feu 2 heures à l’extrémité sud du tunnel d’une part et entre les locaux de la société Corbasol et de la société Stef d’autre part, en dépit des préconisations du SDIS émises lors de la construction des locaux appartenant aux sociétés Corbasol et Stef.
L’expert a conclu en conséquence que l’incendie s’expliquait par une série d’anomalies tenant :
– à l’absence de permis de feu, pourtant obligatoire en cas de travaux par point chaud, d’emploi d’une disqueuse ou d’un poste de soudure à l’arc,
– à l’utilisation d’une disqueuse et la réalisation de soudures à proximité d’un isolant polystyrène facilement inflammable, sans dépôt préalable de cet isolant,
– à l’absence de moyens d’extinction suffisants compte tenu des travaux effectués sur le réseau de lutte contre l’incendie et de l’extinction provisoire de celui-ci pour la durée des opérations,
– à l’absence de dispositif coupe-feu deux heures à l’extrémité sud du tunnel, dispositif pourtant demandé lors des diverses instructions des permis de construire.
L’expert [P] a fait connaître qu’il ne pouvait déterminer si la soudure réalisée l’avait été au moyen d’un procédé de soudure à l’arc ou d’un procédé TIG. Il a indiqué que l’absence d’établissement du permis de feu prévu à l’article R. 237-8, devenu R. 4512-7 du code du travail, pouvait s’entendre en cas d’emploi d’un procédé TIG mais qu’elle n’était pas compatible avec l’emploi d’une disqueuse à proximité de matériaux inflammables. Or, M. [P] a relevé que cet emploi ne faisait pas de doute au cas d’espèce, compte tenu de la présence d’une disqueuse à proximité immédiate du site des travaux et de l’aspect de la découpe du bardage.
M. [P] a également retenu qu’aucun dispositif coupe-feu deux heures n’avait été mis en place entre l’extrémité sud du tunnel et les locaux de la société Corbasol, en méconnaissance de l’avis du SDIS en date du 22 mai 1978, non plus qu’entre les locaux de la société Corbasol et ceux de la société Stef, en méconnaissance de l’avis du SDIS en date du 07 décembre 1988. Il a relevé que l’absence de dispositif coupe-feu entre les locaux des sociétés Corbasol et Stef contrevenait plus généralement aux dispositions de l’article R. 235-4 ancien du code du travail.
Il a estimé en revanche que le suivi réglementaire des moyens de sécurité, le respect des vérifications périodiques de ces équipements, la formation des personnels dans le domaine de la sécurité et la tenue du registre de sécurité avaient été globalement réalisés de façon correcte par les différentes sociétés concernées.
Ses investigations l’ont conduit à retenir un scénario de déclenchement et de propagation de l’incendie identique à celui retracé par M. [D], savoir :
– l’inflammation de l’isolant polystyrène à la suite de l’emploi d’une disqueuse ou d’un poste de soudure à l’arc lors des travaux de la société La Sak,
– la propagation de la combustion du polystyrène expansé dans le tunnel, favorisé par le col de cygne situé en partie sud, à proximité des locaux de la société Corbasol, ayant agi comme un conduit de cheminée faisant appel d’air,
– la propagation rapide à l’intérieur des locaux de la société Corbasol en l’absence d’isolation coupe-feu 2 heures entre les deux établissements, accompagnée d’une accumulation de fumées et de gaz chauds dans le plénum situé entre le faux-plafond et la toiture métallique,
– la propagation dans les locaux de la société Stef en l’absence d’isolement coupe-feu 2 heures entre les établissements des sociétés Corbasol et Stef, dont l’imbrication et les limites séparatives ont évolué à de multiples reprises et qui communiquent en de nombreux points.
Chargé de déterminer le mode de soudure employé par l’entreprise La Sak, l’expert [A] a fait connaître que l’aspect visuel du cordon de soudure révélait l’utilisation d’un procédé de soudure à l’arc par électrode enrobée, plutôt que d’un procédé TIG.
L’expert a précisé qu’un examen métallographique et une analyse chimique étaient seuls à même de confirmer ses conclusions avec certitude. M. [K] a cependant admis, en cours de procédure pénale, avoir réalisé une partie des travaux de soudure au moyen d’un poste de soudure à l’arc, quoique l’essentiel ait été réalisé au moyen du procédé TIG.
La cour retient en conséquence que la preuve est suffisamment rapportée de ce que MM. [H] et [K] ont abandonné l’emploi du procédé TIG pourtant convenu avec le représentant de la société Cibevial, pour lui substituer le procédé plus dangereux de la soudure à l’arc.
L’analyse croisée des rapports d’expertise permet en conséquence d’attribuer les causes de l’incendie :
– à l’emploi d’une disqueuse ou d’un procédé de soudure à l’arc, générant des projections incandescentes à proximité immédiate d’un isolant très inflammable,
– à l’absence d’établissement d’un permis de feu, ayant conduit à une absence de prise en compte des éléments de danger environnants , ainsi qu’à un déficit de surveillance nécessaire et de moyens d’extinction suffisants à proximité immédiate du lieu des travaux,
– à la présence d’un col de cygne à l’extrémité du tunnel, ayant agi comme une cheminée accélérant le phénomène de combustion,
– à l’absence de dispositif coupe-feu deux heures à l’extrémité sud du tunnel, en méconnaissance des prescriptions émises par le SDIS,
– à l’absence de dispositif coupe-feu deux heures entre les locaux de la société Corbasol et ceux de la société Stef, en méconnaissance des prescriptions émises par le SDIS.
Il convient en conséquence d’examiner les responsabilités encourues à l’aune des causes ainsi identifiées.
Sur la responsabilité de M. [K] dans la survenance du sinistre :
Vu l’article 1382 ancien du code civil, devenu 1240 du même code ;
C’est par de justes motifs, que la cour adopte, que le premier juge a retenu :
– qu’en matière pénale, les déclarations de culpabilité sont opposables « erga omnes », y compris à des parties n’ayant pas été appelées à l’instance pénale, à l’occasion d’autres procédures,
– que cette autorité de chose jugée s’étend aux motifs décisionnels qui sont le support nécessaire du dispositif et qui sont relatifs aux seules constatations de nature pénale,
– que le juge civil ne peut remettre en question ce qui a été définitivement jugé sur l’existence du fait qui forme la base commune de l’action publique de l’action civile, sur sa qualification et la culpabilité de celui à qui ce fait est imputé,
– qu’il en va ainsi de la condamnation prononcée à l’encontre de M. [K], du chef d’incendie provoqué par la violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, en l’espèce en procédant à des travaux de soudure en ne respectant pas notamment les dispositions du code du travail relatives à la prévention des risques notamment la rédaction d’un permis de feu,
– qu’en sus de la violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, devenue incontestable de par l’autorité attachée au jugement pénal du 19 mars 2015, la responsabilité civile de M. [K] se trouve également engagée à raison d’une négligence dans la formalisation contractuelle des besoins et d’une absence de surveillance du bon déroulement de l’intervention et des réalisations de son préposé.
Il convient en conséquence de retenir que M. [K] a engagé sa responsabilité dans l’incendie à raison de ces différentes fautes, en relation causale avec le sinistre.
Sur la responsabilité de la société Cibevial dans la survenance du sinistre :
Vu l’article 4-1 du code pénal, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 ;
Vu l’article 1382 du code civil, devenu l’article 1240 du même code ;
Vu l’article 1383 du même code, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Vu les articles R. 4216-2 et 4216-3 du code du travail, dans leur rédaction issue du décret n° 2008-744 du 07 mars 2008 ;
Vu l’article R. 235-4 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 92-332 du 31 mars 1992;
Conformément à l’article 4-1 du code pénal, dans sa rédaction applicable à l’espèce, l’absence de faute pénale non intentionnelle au sens de l’article 121-3 du même code ne fait pas obstacle à l’exercice d’une action devant les juridictions civiles afin d’obtenir la réparation d’un dommage sur le fondement de l’article 1383 du code civil, si l’existence de la faute civile prévue par cet article est établie, ou en application de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, si l’existence de la faute inexcusable prévue par cet article est établie.
En revanche, l’autorité de la chose jugée reste attachée à ce qui a été définitivement décidé par le juge pénal sur l’existence du fait qui forme la base commune de l’action civile et l’action pénale, sur sa qualification, ainsi que sur la culpabilité ou l’innocence de celui à qui le fait est imputé (Cass. Civ. 2,1er décembre 2022, n° 21-10773 opérant un revirement de jurisprudence).
Ainsi, le jugement par lequel une juridiction pénale relaxe un prévenu du chef d’une infraction non intentionnelle au sens de l’article 121-3 du code pénal a autorité de la chose jugée au civil, en tant qu’il écarte la faute articulée à l’appui de la prévention saisissant la juridiction pénale, mais ne fait point obstacle à ce que les juridictions civiles retiennent la responsabilité de la personne relaxée pour les mêmes faits, à raison de fautes de nature civile distinctes de celles ayant donné lieu à l’engagement des poursuites.
La société Cibevial a été poursuivie devant le tribunal correctionnel de Lyon pour avoir, par la violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, savoir en procédant à des travaux de soudure sans respecter les dispositions du code du travail relatives à la prévention des risques, notamment la rédaction d’un permis de feu, involontairement causé à M. [J] [N] une incapacité totale de travail inférieure ou égale à trois mois.
Par jugement correctionnel du 15 octobre 2015, le tribunal correctionnel a renvoyé la société Cibevial des fins de cette poursuite. Dès lors, aucune faute ne peut être imputée au civil à la société Cibevial, à raison de l’absence d’établissement d’un permis de feu ou de l’absence de réalisation d’un plan de prévention, prévus par le code du travail.
En sus de ces fautes qui doivent être écartées, les autres parties reprochent à la société Cibevial des fautes civiles distinctes, tenant à l’absence d’une juste appréciation du risque d’incendie, à l’insuffisance des moyens de lutte provisoire contre l’incendie, à un défaut de surveillance des travaux de la société La Sak, ainsi qu’à l’absence de mise en place d’un dispositif coupe-feu 2 heures à l’extrémité sud du tunnel.
Il est constant que la découpe à la disqueuse puis les travaux de soudure ont eu lieu à proximité immédiate d’un isolant en polystyrène expansé particulièrement inflammable, dont la société Cibevial, qui entretenait régulièrement ses locaux, ne pouvait ignorer la présence. Il est également admis que M. [K] a proposé que ces travaux s’opèrent par soudure TIG, soit un procédé générant moins d’étincelles incandescentes qu’une soudure à l’arc, mais néanmoins un procédé à point chaud, impliquant l’emploi de métal en fusion. Or, la société Cibevial, qui exploitait un site classé ICPE et disposait d’un personnel formé aux impératifs de sécurité, a laissé MM. [K] et [H] ‘uvrer dans ces conditions propices à la survenance d’un incendie, sans adopter la moindre disposition particulière pour prévenir celui-ci, fût-ce simplement l’instruction donnée de déposer l’isolant avant de procéder aux travaux de soudure.
Il est également acquis que le réseau RIA (anti-incendie) a été purgé et rendu inopérant le temps des travaux. Or, la société Cibevial ne s’est pas assurée de la présence, à proximité immédiate des travaux, de moyens d’extinction propres à pallier l’indisponibilité de ce réseau. Elle s’en est remise aux seuls extincteurs situés dans la zone adjacente dite de « dispatching », à l’extrémité nord du tunnel, d’efficacité insuffisante et situés trop loin de l’emplacement des travaux.
Le tribunal a donc retenu à bon droit que la société Cibevial avait engagé sa responsabilité à raison de l’insuffisante appréciation du risque d’incendie et de l’absence des moyens de lutte provisoire contre celui-ci.
La cour l’approuve également d’avoir écarté le défaut de surveillance imputé à la société Cibevial. L’obligation du maître de l’ouvrage exploitant un ICPE ne s’étend point en effet à la direction et la surveillance des travaux, sauf à ce qu’il s’en soit réservé la maîtrise d »uvre ou immiscé dans leur réalisation, ce qui n’est pas soutenu ni démontré en la présente espèce.
Le tribunal a jugé pour finir que les dispositions des articles R. 4216-2 et 4216-3 du code du travail issues du décret n° 2011-1461 du 07 novembre 2011 et du décret n° 2008-744 du 07 mars 2008, ainsi que leurs versions antérieures, obligeaient la société Cibevial à équiper l’extrémité sud du tunnel d’un dispositif coupe-feu 2 heures, à sa liaison avec les locaux de la société Corbasol.
Il convient à cet égard de rappeler que les locaux de la société Cibevial ont été bâtis en 1976 par la Communauté urbaine de Lyon, qui a concédé leur exploitation à la société Cibevial, avant de lui en céder la propriété selon acte de vente du 11 janvier 2001.
Les dispositions de l’article R. 4216-2 du code du travail, dans leur rédaction issue du décret du 07 mars 2008, imposent que les bâtiments et les locaux soient conçus et réalisés de manière à permettre en cas de sinistre la limitation de la propagation de l’incendie à l’intérieur et à l’extérieur des bâtiments. L’article R. 4216-3 du même code prévoit que les bâtiments et locaux sont isolés de ceux occupés par des tiers conformément aux dispositions applicables à ces derniers. Toutefois ces dispositions ne sont applicables qu’aux bâtiments construits après leur entrée en vigueur.
Le premier texte instaurant l’obligation générale de prévoir des dispositions constructives limitant la propagation des incendie s’entend de l’article R. 235-4 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 92-332 du 31 mars 1992, aux termes duquel « Les bâtiments et les locaux régis par la présente section doivent être conçus et réalisés de manière à permettre en cas de sinistre… la limitation de la propagation de l’incendie à l’intérieur et à l’extérieur des bâtiments. Ces bâtiments et locaux doivent être isolés de ceux occupés par des tiers dans les conditions fixées par la réglementation visant ces derniers ».
Le décret du 31 mars 1992 prévoit cependant que ces dispositions ne pas applicables aux opérations de construction ou d’aménagement de bâtiments pour lesquelles la demande de permis de construire est antérieure au 1er janvier 1993.
Or, les bâtiments de la société Cibevial ont été bâtis en 1976 par la communauté urbaine de Lyon (permis du 15 mars 1976) et ceux de la société Corbasol ont été élevés en 1978, soit avant l’entrée en vigueur respective des articles R. 235-4, R. 4216-2, R. 4216-3. Ces dispositions ne sauraient en conséquence fonder l’obligation faite à la société Cibevial d’installer un dispositif coupe-feu à l’extrémité sud du tunnel.
De même, il n’est pas établi que l’annexe INDEMNITÉ 769, instituant dans le département du Rhône l’obligation d’isoler les bâtiments des constructions voisines par un dispositif coupe-feu 2 heures, soit entrée en vigueur antérieurement à la délivrance du permis de construire du 15 mars 1976. Aucune disposition de ce texte ne prévoit son application aux bâtiments autorisés ou construits en amont.
En l’absence d’obligation réglementaire faite à la société Cibevial d’isoler ses locaux de ceux de la société Corbasol, nulle faute ne peut lui être imputée du chef de l’absence de dispositif coupe-feu à l’extrémité sud du tunnel.
En considération du jugement correctionnel du 15 octobre 2015, il y a lieu, dès lors, de retenir que la société Cibevial a commis des fautes civiles résultant d’une insuffisante appréciation du risque d’incendie et de l’absence de moyens de lutte provisoire contre celui-ci.
Sur la responsabilité des sociétés Corbasol et Sodely dans la survenance du sinistre :
Vu l’article 1382 ancien du code civil, devenu 1240 du même code ;
Les bâtiments appartenant à la société Corbasol ont été bâtis en 1978 par la SCIV. Ils ont été raccordés en cette occasion à l’extrémité sud du tunnel ainsi partant qu’aux locaux de la Communauté urbaine de Lyon, ultérieurement cédés à la société Cibevial.
Il résulte de l’avis du SDIS en date du 22 mai 1978 que l’immeuble à bâtir se trouvait soumis aux dispositions de l’annexe INDEMNITÉ 769 régissant la construction d’établissements classées dans le département du Rhône.
L’article premier de ce texte réglementaire dispose que les bâtiments construits doivent être séparés des constructions voisines par un dispositif coupe-feu 2 heures.
Or, les rapports d’expertise de M. [D] et [P] démontrent que cette obligation à la charge du maître de l’ouvrage n’a pas été respectée. En effet, aucun dispositif coupe-feu n’a été installé à l’extrémité sud du tunnel. Cette carence est imputable à la société SCIV.
Ensuite de la construction du bâtiment, la société SCIV en a transmis la propriété à la société France Agneau, qui l’a cédé à la société Corbasol selon acte du 24 décembre 2009.
Quoique étrangère à la construction de l’immeuble, la société Corbasol ne pouvait consentir de bail en vue de l’exploitation d’une installation classée, sans s’assurer au préalable de la conformité des locaux aux normes constructives et de sécurité en vigueur à la date de leur édification. Le fait qu’elle ne les ait pas bâtis est indifférent à cet égard et la société Corbasol a manqué à cette obligation.
Il appartenait par ailleurs à la société Sodely de s’assurer, en qualité d’exploitante, de la conformité de l’installation classée, à charge pour elle d’exiger de sa bailleresse leur mise aux normes prévues par l’instruction INDEMNITÉ 769. Les locaux ne respectant pas les dispositions de la norme INDEMNITÉ 769 en vigueur à la date de leur construction, la société Sodely a manqué à cette obligation.
S’il est vrai que le SDIS et l’autorité préfectorale se sont abstenus de relever la non-conformité des locaux lors de l’instruction de la demande d’autorisation d’exploiter déposée en 2006 par la société France Agneau, alors propriétaire et exploitante, et que les sociétés Sodely et Corbasol ont obtenu un certificat de conformité, ces circonstances sont simplement de nature à atténuer leur responsabilité à raison des manquements précédemment caractérisés, lesquels constituent autant de fautes quasi-délictuelles à l’égard des tiers, de nature à engager leur responsabilité.
Aucun élément ne permet enfin d’affirmer que les portes coupe-feu à installer à l’extrémité Sud du tunnel ne pouvaient être mises en place que sur l’emprise des bâtiments de la société Cibevial, plutôt que sur l’emprise du bâtiment appartenant à la société Corbasol, à sa jonction avec le tunnel. L’argument tiré de ce que les sociétés Sodely et Corbasol ne pouvaient mettre en place un dispositif coupe-feu sur la propriété d’autrui est donc inopérant.
En conséquence, la cour approuve le tribunal judiciaire de Lyon d’avoir retenu l’existence d’une faute engageant la responsabilité des sociétés Sodely et Corbasol en raison de l’absence de dispositif coupe-feu deux heures à l’extrémité sud du tunnel.
S’agissant en dernier lieu des locaux appartenant à la société Stef, il ressort du rapport de M. [P] et de l’avis du sapiteur de M. [D] que :
– la société SCIV, alors propriétaire et exploitante des locaux situés au sud du tunnel, a cédé la partie ouest de ces bâtiments à la société Frigorifique de l’union (société FU) en 1988,
– la société FU a déposé la même année une demande de permis de construire portant sur une extension de plus de 4.000 mètres carrés des locaux situés à l’ouest de l’immeuble existant,
– le SDIS a relevé en cette occasion que l’annexe INDEMNITÉ 823, venue se substituer à l’annexe INDEMNITÉ 769 précédemment évoquée, imposait au maître d’ouvrage la mise en place d’un dispositif coupe-feu deux heures entre les deux entités,
– la société FU n’a pas respecté cette obligation réglementaire et a bâti ses locaux sans séparations coupe-feu avec ceux de la société SCIV, avant de les céder à la société Stef en 1991.
Les dispositions de l’article R. 235-4 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 92-332 du 31 mars 1992, n’étaient pas entrées en vigueur à ces différentes dates et n’imposaient pas à la société SCIV, aux droits de laquelle sont venus la France Agneau puis les sociétés Corbasol et Sodely, de modifier ses locaux à raison de l’édification d’un bâtiment voisin.
La mise en place d’un dispositif coupe-feu entre les locaux des sociétés FU et SCIV, désormais propriétés respectives des sociétés Stef et Corbasol, incombait en conséquence à la société FU. Il s’ensuit que les sociétés Corbasol et Sodely ne portent aucune part de responsabilité dans cette carence.
Sur les parts de responsabilité des différents intervenants :
La cour observe que les développements des parties relativement aux fautes alléguées de la société Stef et du service départemental de lutte contre l’incendie se trouvent dépourvus de portée, dans la mesure où l’instance a pour objet d’opérer la répartition des conséquences indemnitaires de l’incendie entre les seuls coresponsables parties au procès et qu’une telle répartition ne saurait s’opérer en considération de la faute éventuelle de parties non appelées en l’instance.
Au regard des fautes imputables aux parties, la responsabilité finale dans la survenance de l’incendie et la répartition de la charge indemnitaire doit s’opérer comme suit :
M. [K] : 50 %
société Cibevial : 20 %
sociétés Sodely et Corbasol : 15% chacune.
Sur la subrogation de la société MMA Iard dans les droits de ses assurées Corbasol et Sodely :
Vu les articles 1249 et 1250 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 ;
En vertu de l’article 1249 ancien du code civil, la subrogation dans les droits du créancier au profit d’une tierce personne qui le paie est ou conventionnelle ou légale.
En application de l’article 1250 ancien du même code, cette subrogation est conventionnelle lorsque le créancier recevant son paiement d’une tierce personne la subroge dans ses droits, actions, privilèges ou hypothèques contre le débiteur : cette subrogation doit être expresse et faite en même temps que le paiement.
La société MMA Iard se prévaut en l’espèce d’une subrogation conventionnelle dans les droits de son assurée Sodely, en se prévalant en la matière de 6 quittances subrogatives en date des 27 décembre 2012, 19 juin 2013, 13 août 2014 s’agissant des dommages directs subis par cette assurée et des 11 octobre 2012 et 10 février 2014 s’agissant des pertes d’exploitation.
Elle se prévaut également d’une subrogation conventionnelle dans les droits de son assurée Corbasol et produit 5 quittances subrogatives en dates des 11 octobre 2012, 11 avril 2013, 17 juillet 2013, 17 octobre 2013 et 13 août 2014.
Aux termes de ces différentes quittances, les sociétés assurées reconnaissent avoir reçu les paiements y mentionnés. Cette reconnaissance expresse constitue la preuve suffisante du décaissement des fonds.
A la différence de la subrogation légale de l’article L. 121-12 du code des assurances, la subrogation conventionnelle de l’assureur ayant indemnisé son assuré ne nécessite pas que le paiement soit intervenu en exécution d’une garantie souscrite par cet assuré.
En d’autres termes, il suffit que les paiements opérés par la société MMA Iard l’aient été pour réparer les dommages endurés par les sociétés Sodely et Corbasol à raison de l’incendie litigieux, fût-ce à titre simplement commercial, pour que la subrogation conventionnelle opérée au profit de leur assureur autorise celui-ci à agir en responsabilité contre les responsables de cet incendie et leurs assureurs.
Or, les quittances subrogatives précisent bien que les règlements opérés l’ont été pour l’indemnisation du sinistre incendie survenu le 29 août 2012.
Il s’ensuit que la société MMA Iard établit suffisamment sa subrogation conventionnelle dans les droits des sociétés Sodely et Corbasol contre les responsables de l’incendie litigieux, dans la limite des montants versés, sous réserve que ceux-ci ne dépassent pas la réparation exacte des dommages endurés par les intéressées.
Sur l’opposabilité du plafond de garantie de la société AXA France Iard :
Vu les articles 388-1 et 388-3 du code de procédure pénale ;
C’est par de justes motifs, que la cour adopte, que le premier juge a retenu :
– que l’autorité de la chose jugée s’attachant aux dispositions par lesquelles le tribunal correctionnel de Lyon a déclaré les condamnations pécuniaires prononcées au détriment de M. [K] opposables à son assureur AXA France Iard présente un caractère relatif et ne porte que sur les indemnités accordées à M. [N] ensuite de la condamnation de M. [K] pour blessures involontaires,
– que la société Axa France Iard demeure fondée, en la présente cause, à se prévaloir des exclusions, limitations et plafonds de garantie prévus au contrat la liant à M. [K], les réparations débattues concernant d’autres préjudices que ceux nés de l’infraction de blessures involontaires.
Il s’ensuit que la société AXA France Iard peut valablement opposer aux différentes parties recherchant sa garantie, le plafond stipulé dans la police souscrite par M. [K], dont nul ne conteste qu’il s’élève à la somme de 1.747.060 euros.
Sur les réclamations indemnitaires de la société MMA Iard et de la société Sodely :
Vu l’article 16 du code de procédure civile ;
Il résulte de ce texte que le juge ne peut pas refuser d’examiner un rapport établi unilatéralement à la demande d’une partie, dès lors qu’il est régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties. Il lui appartient alors de rechercher s’il est corroboré par d’autres éléments de preuve. Si tel n’est pas le cas, le rapport d’expertise amiable établi unilatéralement à la demande d’une partie ne suffit à constituer à lui seul une preuve valable.
Les sociétés MMA Iard, Sodely et Corbasol entendent ramener la preuve des préjudices matériels et immatériels endurés par les sociétés Sodely et Corbasol au moyen de trois expertises privées non contradictoires. La première porte sur les dommages matériels endurés par la société Sodely, la seconde sur ses préjudices immatériels et la troisième sur les préjudices de toute nature endurés par la société Corbasol.
Les sociétés n’apportent aucun autre élément de preuve quant à l’ampleur et la valeur de leurs préjudices. Ceux-ci sont cependant acquis en leur principe, l’incendie ayant ravagé les locaux de la société Corbasol et causé de ce fait des dommages matériels et des pertes d’exploitation.
Il convient, en pareilles circonstances, d’ordonner une expertise judiciaire aux frais avancés des sociétés Sodely et MMA Iard, destinée à établir la consistance et la valeur exactes de ces préjudices.
La répartition du plafond de garantie de la société AXA France Iard découlant notamment de l’importance des préjudices subis par les sociétés Corbasol et Sodely, il convient de réserver à statuer sur les demandes des parties dans l’attente du rapport d’expertise judiciaire.
La cour, statuant publiquement, par arrêt mixte et contradictoire prononcé en dernier ressort,
– Juge que les parts de responsabilité définitives dans la survenance de l’incendie du site des abattoirs de [Localité 10] survenu le 29 août 2012 s’établissent ainsi qu’il suit :
M. [K] : 50 %
société Cibevial : 20 %
sociétés Sodely et Corbasol : 15% chacune ;
– Juge que la société MMA Iard est valablement subrogée dans les droits de ses assurées Sodely et Corbasol à concurrence des montants suivants :
1.817.874 euros au titre des dommages matériels endurés par la société Sodely,
3.901.683 euros au titre des pertes d’exploitation endurées par la société Sodely,
4.228.475,17 euros au titre des préjudices matériels et immatériels de la société Corbasol ;
– Juge que la société AXA France Iard, prise en sa qualité d’assureur de M. [K], est fondée à opposer aux parties adverses son plafond de garantie, d’un montant global de 1.747.060 euros ;
Avant dire-droit sur le surplus :
– Réserve à statuer sur les demandes des parties, en ce incluses les demandes d’infirmation ou de confirmation du jugement ;
– Ordonne une expertise judiciaire et désigne M. [O] [E], commissaire aux comptes au sein de l’étude Bruyas, Moncorgé et associés, demeurant [Adresse 1] à [Localité 13], en qualité d’expert judiciaire, avec mission de :
entendre les parties et collationner auprès d’elles l’ensemble des documents nécessaires à l’exercice de sa mission,
évaluer, sur la base de ces documents, la valeur des dommages matériels endurés par les sociétés Sodely et Corbasol en relation avec l’incendie survenu le 29 août 2012 sur le site des abattoirs de [Localité 10] (Rhône), s’agissant notamment des biens meubles et immeubles détruits ou dégradés par l’incendie et des stocks perdus,
évaluer, sur la base de ces documents, la valeur des dommages immatériels endurés par les sociétés Sodely et Corbasol en relation avec l’incendie survenu le 29 août 2012 sur le site des abattoirs de [Localité 10] (Rhône), s’agissant notamment des pertes d’exploitation, en indiquant, pour chaque poste de préjudice retenu, la méthode d’évaluation appliquée et en expliquant les motifs ayant conduit à retenir cette méthode, dans l’hypothèse où son application se trouverait contestée ;
– Dit que l’expert fera connaître sans délai son acceptation, qu’en cas de refus, de récusation ou d’empêchement légitime il sera pourvu aussitôt à son remplacement par ordonnance ;
– Dit que les sociétés MMA Iard, Sodely et Corbasol devront consigner la somme de 5.000 euros à valoir sur la rémunération de l’expert avant le 15 novembre 2024 au service de la régie des avances et recettes de la présente cour, sous peine de caducité de l’expertise ;
– Dit que l’expert commencera ses opérations dès qu’il aura été averti par le greffe du versement de la consignation ;
– Dit que l’expert commis devra accomplir sa mission contradictoirement en présence des parties ou elles dûment convoquées, les entendre en leurs observations et déposer un rapport avant le 31 mai 2025, sauf prorogation des opérations dûment autorisée par le magistrat chargé du suivi des opérations d’expertise sur demande de l’expert ;
– Dit que cette expertise sera réalisée conformément aux dispositions des articles 232 à 248 et 263 à 284 du code de procédure civile ;
– Plus spécialement rappelle à l’expert :
qu’il pourra s’entourer de tous renseignements à charge d’en indiquer la source et entendre, au besoin, tous sachants utiles, dont les identités seront précisées,
qu’il devra prendre connaissance des documents de la cause et se faire remettre par les parties ou des tiers tous documents nécessaires à l’accomplissement de sa mission,
qu’il devra annexer à son rapport ceux des documents ayant servi à son établissement, ceux qui le complètent ou contribuent à sa compréhension, et restituera les autres, contre récépissé, aux personnes les ayant fournis,
qu’il pourra s’adjoindre tout spécialiste de son choix dans une autre spécialité que la leur, à charge pour lui de solliciter une consignation complémentaire couvrant le coût de sa prestation et de joindre l’avis du sapiteur à son rapport,
qu’il devra, à l’occasion de la première réunion d’expertise, préciser la méthodologie et le calendrier prévisible de leurs opérations,
qu’il devra informer les parties du résultat de ses opérations, de l’avis qu’il entend exprimer sur tous les points de sa mission et du coût de ses opérations ; qu’à cette fin il leur remettra au cours d’une ultime réunion ou leur adressera un pré-rapport en les invitant à lui présenter dans un délai de 30 jours leurs observations et réclamations écrites rappelant sommairement le contenu de celles présentées antérieurement ; qu’il y répondra dans son rapport définitif en apportant, à chacune d’elles, la réponse appropriée en la motivant,
qu’il ne sera pas tenu de prendre en compte les observations et réclamations présentées au delà du délai de 30 jours, à moins qu’il n’existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas il en fait rapport au juge chargé du contrôle ;
– Dit que sans observations ou réclamations présentées dans ce délai, le pré-rapport vaudra rapport définitif ;
– Dit que, si le coût probable de l’expertise s’avère plus élevé que la provision fixée, l’expert, au plus tard à l’issue de la deuxième réunion, devront communiquer aux parties et au magistrat chargé du contrôle des opérations d’expertise, l’évaluation prévisible de leurs frais et honoraires en sollicitant la consignation d’une provision complémentaire ;
– Rappelle que l’article 173 du code de procédure civile fait obligation à l’expert d’adresser une copie à chacune des parties ou pour elles, à leur avocat ;
– Réserve les dépens de l’instance.
LE GREFFIER LE PRESIDENT