Évaluation des Préjudices Subis par un Salarié Victime d’Accident du Travail

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Évaluation des Préjudices Subis par un Salarié Victime d’Accident du Travail

Accident du travail de Monsieur [C] [K]

Monsieur [C] [K], employé en tant que laveur au sein de la SAS [12], a subi un accident du travail le 4 février 2016, causé par une explosion et un incendie liés à l’utilisation d’un dissolvant. Cet incident a entraîné des brûlures étendues et des lésions traumatiques, notamment à l’épaule gauche.

Reconnaissance de la faute inexcusable

La Caisse Primaire Centrale d’Assurance Maladie des Bouches-du-Rhône a reconnu le caractère professionnel de l’accident le 15 mars 2016. L’état de santé de Monsieur [C] [K] a été jugé consolidé le 21 février 2018, avec un taux d’incapacité permanente de 51 %, dont 6 % de taux professionnel, notifié le 16 avril 2018.

Demande de conciliation et action en justice

Monsieur [C] [K] a demandé une conciliation pour la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur par courrier du 23 juin 2016. Après l’échec de cette conciliation, il a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône pour obtenir cette reconnaissance.

Jugement du tribunal

Le 6 juillet 2022, le tribunal a jugé que l’accident était dû à la faute inexcusable de la société [12]. Il a ordonné une expertise pour évaluer les préjudices de Monsieur [C] [K] et a fixé une provision de 35.000 euros pour l’indemnisation de ses préjudices. La CPCAM des Bouches-du-Rhône a été autorisée à récupérer les sommes allouées à Monsieur [C] [K] auprès de la société [12].

Expertise et audience de plaidoirie

Le rapport définitif de l’expert a été notifié aux parties le 14 décembre 2023. L’affaire a été mise à l’audience de plaidoirie le 10 octobre 2024, où Monsieur [C] [K] a demandé un complément d’expertise pour évaluer son déficit fonctionnel permanent et d’autres préjudices.

Demandes de Monsieur [C] [K] et de la société [12]

Monsieur [C] [K] a sollicité des indemnités pour divers préjudices, y compris des souffrances endurées, un préjudice esthétique, et des frais d’assistance. La société [12] a contesté certaines demandes et a proposé des montants d’indemnisation inférieurs.

Décision du tribunal sur les préjudices

Le tribunal a évalué les préjudices de Monsieur [C] [K] et a alloué des sommes spécifiques pour le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées, et le besoin d’assistance par une tierce personne, tout en déboutant certaines de ses demandes, notamment celles relatives au préjudice d’agrément et au préjudice sexuel.

Complément d’expertise et exécution provisoire

Le tribunal a ordonné un complément d’expertise pour évaluer le déficit fonctionnel permanent de Monsieur [C] [K]. Il a également décidé que la décision serait assortie de l’exécution provisoire, permettant ainsi une indemnisation rapide des préjudices reconnus.

Frais d’assistance et dépens

Monsieur [C] [K] a été indemnisé pour ses frais d’assistance à expertise, et la société [12] a été condamnée à verser des sommes au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Les dépens de l’instance ont également été mis à la charge de la société [12].

Questions / Réponses juridiques :

 

Quelles sont les conséquences juridiques de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ?

La reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur a des conséquences significatives sur le droit à l’indemnisation de la victime d’un accident du travail. Selon l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.

Cette indemnisation est définie par les articles L. 452-2 et suivants. L’article L. 452-2 précise que la victime reçoit une majoration des indemnités dues, et que cette majoration est calculée de manière à ne pas dépasser la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité.

En outre, l’article L. 452-3 permet à la victime de demander réparation pour les préjudices non couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale, tels que les souffrances physiques et morales, les préjudices esthétiques, et la perte de chances de promotion professionnelle.

Ainsi, la faute inexcusable ouvre la voie à une réparation plus complète des préjudices subis par la victime, en lui permettant de réclamer des indemnités qui ne seraient pas accessibles en cas d’accident du travail ordinaire.

Comment se détermine l’indemnisation des préjudices subis par la victime ?

L’indemnisation des préjudices subis par la victime d’un accident du travail est déterminée en fonction de plusieurs critères, notamment la nature et l’ampleur des préjudices. Selon l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, la victime a droit à la réparation de ses souffrances physiques et morales, de ses préjudices esthétiques, ainsi que de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

Les préjudices sont évalués par un expert judiciaire, qui prend en compte divers éléments, tels que :

– La gravité des blessures subies,
– L’impact sur la qualité de vie de la victime,
– Les séquelles permanentes et temporaires,
– Les besoins d’assistance par une tierce personne.

Le tribunal se base sur les conclusions de l’expert pour fixer les montants d’indemnisation. Par exemple, dans le cas de Monsieur [C] [K], le tribunal a alloué des sommes spécifiques pour le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées, et les préjudices esthétiques, en tenant compte des évaluations fournies par l’expert.

Quelles sont les conditions pour obtenir une indemnisation pour préjudice sexuel ?

Pour obtenir une indemnisation pour préjudice sexuel, la victime doit démontrer l’existence d’un préjudice lié à sa vie sexuelle, qui peut se manifester sous différentes formes. Selon la jurisprudence, le préjudice sexuel peut inclure :

– Le préjudice morphologique, lié à l’atteinte aux organes sexuels,
– La perte de plaisir ou de libido,
– Les difficultés à procréer.

L’évaluation de ce préjudice se fait au cas par cas, en tenant compte des conséquences précises du dommage sur la vie intime de la victime. Dans le cas de Monsieur [C] [K], bien que celui-ci ait sollicité une indemnisation pour préjudice sexuel, l’expert n’a pas retenu l’existence d’un tel préjudice, faute de preuves médicales suffisantes.

Ainsi, pour qu’une demande d’indemnisation pour préjudice sexuel soit acceptée, il est essentiel que la victime présente des éléments tangibles et des justificatifs médicaux qui attestent de l’impact du dommage sur sa vie sexuelle.

Quels sont les critères d’évaluation du déficit fonctionnel permanent ?

L’évaluation du déficit fonctionnel permanent repose sur plusieurs critères, qui visent à déterminer l’impact durable de l’accident sur la vie de la victime. Selon la jurisprudence, notamment les arrêts de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 20 janvier 2023, le déficit fonctionnel permanent peut être indemnisé indépendamment des rentes versées par la sécurité sociale.

Les critères d’évaluation incluent :

– Le taux d’incapacité permanente, qui est déterminé par un expert,
– L’impact sur les activités quotidiennes et la qualité de vie,
– Les douleurs physiques et morales persistantes,
– Les troubles dans les conditions d’existence.

L’expert doit également prendre en compte les antécédents médicaux de la victime et évaluer si les séquelles sont directement imputables à l’accident. Dans le cas de Monsieur [C] [K], le tribunal a ordonné un complément d’expertise pour évaluer le taux de déficit fonctionnel permanent, en tenant compte des nouvelles séquelles évoquées par la victime.

Quelles sont les implications de l’exécution provisoire dans ce type de litige ?

L’exécution provisoire permet à la victime d’obtenir rapidement une partie de l’indemnisation, même si le jugement est susceptible d’appel. Selon l’article 514 du Code de procédure civile, l’exécution provisoire peut être ordonnée lorsque la nature de l’affaire le justifie.

Dans le cadre d’un litige relatif à un accident du travail, l’exécution provisoire est souvent sollicitée pour garantir que la victime puisse bénéficier d’une indemnisation immédiate, surtout en cas de préjudices graves et durables. Dans le jugement rendu dans l’affaire de Monsieur [C] [K], le tribunal a décidé d’assortir sa décision d’exécution provisoire, compte tenu de la nature et de l’ancienneté du litige.

Cela signifie que la société [12] devra verser les sommes allouées à Monsieur [C] [K] sans attendre l’issue d’un éventuel appel, ce qui est crucial pour la victime afin de couvrir ses besoins immédiats liés à son état de santé.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 décembre 2024
Tribunal judiciaire de Marseille
RG
18/05052
REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 2]

JUGEMENT N°24/04779 du 10 Décembre 2024

Numéro de recours: N° RG 18/05052 – N° Portalis DBW3-W-B7C-VNV6

AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [C] [K]
né le 25 Novembre 1986 à [Localité 10] (BOUCHES-DU-RHONE)
[Adresse 5]
[Localité 1]
comparant en personne assisté de Me Fabien PEREZ, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE
E.U.R.L. [13]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentée par Me Ahmed-Chérif HAMDI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Elisabeth BEDROSSIAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Appelée en la cause:
Organisme CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE
[Localité 4]
dispensée de comparaître

DÉBATS : À l’audience publique du 10 Octobre 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : PASCAL Florent, Vice-Président

Assesseurs : MAUPAS René
MITIC Sonia

L’agent du greffe lors des débats : MULLERI Cindy

À l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 10 Décembre 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [C] [K], laveur au sein de la SAS [12], a été victime d’un accident du travail le 4 février 2016 à la suite d’une explosion et d’un incendie provoqués par l’utilisation d’un dissolvant, lui occasionnant des brulures étendues et des lésions traumatiques touchant notamment l’épaule gauche.

Le 15 mars 2016, la Caisse Primaire Centrale d’Assurance Maladie des Bouches-du-Rhône (ci-après la CPCAM des Bouches-du-Rhône) a reconnu le caractère professionnel de l’accident dont Monsieur [C] [K] a été victime le 4 février 2016.

L’état de santé de Monsieur [C] [K] a été considéré comme consolidé à la date du 21 février 2018 et a donné lieu à l’attribution d’un taux d’incapacité permanente de 51 % dont 6 % de taux professionnel par notification du 16 avril 2018.

Par courrier daté du 23 juin 2016, Monsieur [C] [K] a saisi la CPCAM des Bouches- du-Rhône d’une demande de conciliation aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.

Après l’échec de la tentative de conciliation, Monsieur [C] [K] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône, devenu pôle social du tribunal judiciaire de Marseille, d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de son accident du travail du 4 février 2016.

Par un jugement du 06 juillet 2022 auquel il convient de se référer pour un exposé plus ample du litige, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a :
Dit que l’accident du travail dont Monsieur [C] [K] a été victime le 4 février 2016 était dû à la faute inexcusable de son employeur, la société [12] ;Ordonné avant-dire droit une expertise aux fins de déterminer les préjudices personnels de Monsieur [C] [K] et a désigné pour y procéder le Docteur [F] [G] ;Fixé à la somme de 35.000 euros la provision à faire valoir sur l’indemnisation de ses préjudices ;Dit que la CPCAM des Bouches-du-Rhône récupérera auprès de la société [12] les sommes qui seront alloués à Monsieur [C] [K] en réparation de son préjudice, en ce comprise la provision précitée ;Condamné la société [12] à payer la somme de 2 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’au paiement des dépens de l’instance.
Le rapport définitif du Docteur [F] [G] a été régulièrement notifié aux parties par courrier du greffe en date du 14 décembre 2023.

Après mise en état, l’affaire a été rappelée à l’audience de plaidoirie du 10 octobre 2024.

Monsieur [C] [K], représentée par son conseil soutenant oralement ses conclusions, demande au tribunal de :
Ordonner un complément d’expertise confié au même expert précédemment désigné afin de fixer le déficit fonctionnel permanent de Monsieur [K] et la nécessité pour lui de changer de logement et de véhicule ;Fixer, dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise complémentaire, l’indemnisation des autres postes de préjudice subis par Monsieur [K] comme suit :Au titre du DFTT : 2.700 euros (90 jours x 30) ;Au titre du DFTP à hauteur de 60 % : 5.292 euros (294 jours x 30 x 60 %) ;Au titre du DFTP à hauteur de 55 % : 5.973 euros (362 jours x 30 x 55 %) ;À titre de provision sur le DFP à 51 % : 224.910 euros ;Au titre des souffrances endurées : 150.000 euros ;Au titre du préjudice esthétique temporaire : 18.000 euros ;Au titre du préjudice esthétique permanent : 65.000 euros ;Au titre du préjudice d’agrément : 20.000 euros ;Au titre de l’assistance à tiers personne : 10.120 euros (506 H x 20 euros/H) ;Au titre du préjudice sexuel : 25.000 euros ;Au titre des frais de remplacement du véhicule : 60.115 euros ;Au titre des frais d’assistance à expertise : 600 euros ;Ordonner l’exécution provisoire ;Condamner la société [12] au paiement de la somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La société [12], représentée par son conseil reprenant oralement ses écritures, sollicite du tribunal de :
Fixer les postes de préjudices comme suit :Déficit fonctionnel temporaire total : 2.400 euros ;Déficit fonctionnels temporaires partiels :Déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 60 % : 4.704 euros ;Déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 55 % : 5.353,33 euros ;Souffrances endurées : 26.500 euros ;Préjudice esthétique temporaire : 6.000 euros ;Préjudice esthétique définitif : 19.500 euros ;Assistance à tierce personne : 8.032 euros ;Frais d’assistance à expertise : 600 euros ;Débouter Monsieur [K] de ses demandes au titre de :D’un préjudice d’agrément ;D’un préjudice sexuel ;D’un préjudice au titre de l’aménagement du logement et de véhicule adapté ;D’un préjudice résultant d’une perte d’emploi et d’une impossibilité de reclassement ;Juger que l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ne prévoit que la seule indemnisation de la perte de chance de promotion professionnelle et juger ce préjudice aucunement établi ni constitué en l’espèce ;Juger, s’agissant de la demande au titre de la demande se rapportant au DFT formée à hauteur de 224.910 euros, que la caisse ne s’est pas prononcée sur l’imputabilité des nouvelles séquelles à l’accident du 4 février 2016 ;Juger que l’expert judiciaire ne s’est pas prononcé sur ce point ;En conséquence, juger que cette demande doit être rejetée ou, subsidiairement, juger qu’il convient d’ordonner un complément de mission et désigner à nouveau le Docteur [G] ;Juger, en ce dernier cas, que le Docteur [G] aura mission de déterminer uniquement le déficit fonctionnel permanent concernant les séquelles retenues par la CPAM en lien avec l’accident litigieux ;Juger que l’expert judiciaire ne saurait avoir pour mission de se prononcer sur les nouvelles séquelles évoquées par le demandeur, incombant à la caisse de se positionner sur l’imputabilité à l’accident litigieux ;Juger qu’il ne saurait être alloué à Monsieur [K] la somme de 224.910 euros, pas davantage une provision à ce titre, et surseoir à statuer dans l’attente du rapport complémentaire de l’expert judiciaire, lequel devra soumettre au débat contradictoire ses pré-conclusions avant dépôt de son rapport ;En tout état de cause :
Juger, en l’état que l’ensemble des préjudices de Monsieur [K] seront indemnisés par la somme totale de 73.089 euros, dont il conviendra de déduire la somme de 35.000 euros déjà versée à titre de provision ;Juger que toute indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ne saurait excéder la somme de 1.800 euros.
Dispensée de comparaître, la CPCAM des Bouches-du-Rhône s’en rapporte à droit aux termes de ses écritures sur l’évaluation des préjudices subis par Monsieur [C] [K]. Elle demande cependant que Monsieur [C] [K] soit débouté de sa demande d’indemnisation au titre du préjudice sexuel et de sa demande de complément d’expertise portant sur l’aménagement de son logement et sur la nécessité d’un véhicule adapté. Elle s’en rapporte à la sagesse du tribunal concernant la demande de Monsieur [C] [K] d’un complément d’expertise afin de fixer le déficit fonctionnel permanent mais s’oppose toutefois à l’attribution d’une nouvelle provision.

Il convient de se reporter aux conclusions respectives déposées par les parties à l’audience pour un exposé plus ample de leurs moyens et prétentions, en application de l’article 455 du code de procédure civile.

L’affaire a été mise en délibéré au 10 décembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’étendue de la réparation des préjudices de Monsieur [C] [K]

L’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale dispose que lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles L. 452-2 et suivants du même code.

Aux termes de l’article L. 452-2 du même code,  » Dans le cas mentionné à l’article précédent, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre.
[…]
Lorsqu’une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d’incapacité totale. […]
Le salaire annuel et la majoration visée au troisième et au quatrième alinéa du présent article sont soumis à la revalorisation prévue pour les rentes par l’article L. 434-17.
La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l’employeur dans des conditions déterminées par décret. « .

Aux termes de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale,  » Indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d’un taux d’incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation. […]
La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur. « .

Selon la décision du Conseil constitutionnel en date du 14 septembre 2010, en cas de faute inexcusable de l’employeur, la victime peut demander à celui-ci réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

En outre, par quatre arrêts rendus le 4 avril 2012, la Cour de cassation a précisé l’étendue de la réparation des préjudices due à la victime d’un accident du travail en cas de faute inexcusable de son employeur et a ainsi opéré une distinction entre les préjudices indemnisables car non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale et ceux qui ne le sont pas car déjà réparés au titre du livre IV.

Elle a ensuite, par deux arrêts d’Assemblée plénière du 20 janvier 2023, jugé que le déficit fonctionnel permanent pouvait être indemnisé, celui-ci n’étant pas couvert par les sommes allouées au titre du livre IV du code de la sécurité sociale.

Il s’ensuit que le salarié ne saurait prétendre à la réparation intégrale de ses préjudices selon les règles de droit commun, la réparation de la faute inexcusable de l’employeur continuant à relever du régime spécifique prévu par les articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de sécurité sociale, et seuls les chefs de préjudice qui ne sont pas déjà couverts par le livre IV du code de sécurité sociale peuvent faire l’objet d’une indemnisation dans les conditions du droit commun.

Sur les chefs de préjudice visés à l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale

Dans la mesure où le rapport d’expertise judiciaire repose sur un examen complet des blessures subies par Monsieur [C] [K], de leurs causes et de leurs conséquences, il convient d’en retenir les conclusions pour évaluer ses préjudices comme suit :

Sur les souffrances physiques et morales endurées

Ce poste de préjudice a pour objet de réparer toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que les troubles associés que doit endurer la victime pendant la maladie traumatique jusqu’à la date de consolidation, du fait des blessures subies et des traitements institués par suite de l’atteinte à son intégrité physique, dans la seule mesure où elles ne sont pas réparées après consolidation par la rente majorée.

Monsieur [C] [K] sollicite la somme de 150.000 euros en réparation de ses souffrances endurées.

La société [12] demande au tribunal de ramener à de plus justes proportions la demande indemnitaire de Monsieur [C] [K]. Elle estime que le versement d’une somme de 26.500 euros permettrait une juste indemnisation de ce préjudice.

Le Docteur [G] a relevé que l’accident du travail survenu à Monsieur [C] [K] a entraîné des brulures sur 65 % de son corps et une fracture luxation de la tête humérale gauche. Le médecin-expert fait également état de l’hospitalisation de Monsieur [C] [K] durant deux mois au centre des grands brulés du CHU de La Conception à [Localité 11] puis au centre de rééducation fonctionnelle [Localité 9] Bérard, des nombreuses interventions chirurgicales dont celui-ci a fait l’objet, ainsi que du retentissement psychologique de l’accident du travail ayant nécessité une prise en charge psychiatrique.

Sur la base de ces constatations, l’expert a chiffré les souffrances endurées de Monsieur [C] [K] à 5 sur une échelle de 7.

Au regard des éléments précédemment exposés, il convient d’allouer à Monsieur [C] [K] la somme de 35.000 euros en réparation des souffrances endurées.

Sur le préjudice esthétique

Ce poste de préjudice a pour objet de réparer l’altération de l’apparence physique de la victime avant puis après la consolidation. Le préjudice esthétique temporaire est en effet un préjudice distinct du préjudice esthétique permanent et doit être évalué en considération de son existence avant consolidation de l’état de la victime.

Il consiste à réparer le préjudice esthétique lié aux cicatrices et aux mutilations mais aussi la boiterie ou le fait pour une victime d’être obligée de se présenter en fauteuil roulant ou d’être alitée et tous éléments de nature à altérer l’apparence ou l’expression. Le préjudice esthétique est réparé en fonction du degré retenu par l’expert sur l’échelle de 1 à 7.

Ce préjudice est modulé en fonction de la localisation des cicatrices, de l’âge de la victime lors de la survenance du dommage, de sa profession et de sa situation personnelle.

Sur le préjudice esthétique temporaire (du 4 février 2016 au 29 avril 2016)

Monsieur [C] [K] sollicite le versement d’une somme de 18.000 euros en réparation de ce préjudice.

La société [12] estime que ce préjudice sera justement indemnisé par l’allocation d’une somme de 6.000 euros.

L’indemnisation de ce préjudice a été évaluée à 5,5 sur 7 par l’expert.

Il convient pour la liquidation de ce préjudice de tenir compte de sa durée et de la nature des atteintes subies par la victime.

En conséquence, l’indemnisation de ce préjudice sera fixée à 10.000 euros.

Sur le préjudice esthétique permanent

Monsieur [C] [K] demande le versement d’une somme de 65.000 euros en réparation de ce préjudice.

La société [12] estime pour sa part que le versement d’une somme de 19.500 euros serait satisfactoire.

L’expert retient au titre du préjudice esthétique permanent, un préjudice de 4,5 sur 7.

Il ressort du rapport de l’expert que  » Monsieur [K] présente actuellement des séquelles cicatricielles cutanées étendues « .

Ce préjudice sera justement indemnisé par l’allocation d’une somme de 20.000 euros.

Sur le préjudice d’agrément

Ce poste de préjudice répare l’impossibilité ou les difficultés pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs.

La victime doit prouver la pratique antérieure de l’activité. L’appréciation se fait in concreto en fonction notamment des justificatifs communiqués, de l’âge et du niveau sportif.

Monsieur [C] [K] sollicite le versement d’une somme de 20.000 euros en réparation d’un préjudice agrément au motif qu’il éprouve une gêne dans la pratique du ski et du football.

La société [12] demande au tribunal de débouter Monsieur [C] [K] de sa demande au titre d’un préjudice d’agrément au motif qu’un tel préjudice n’est pas caractérisé dans le présent cas d’espèce.

L’expert a constaté l’existence d’un préjudice d’agrément causé par une gêne dans la pratique du ski et du football du fait de l’enraidissement douloureux de l’épaule gauche.

Cependant, Monsieur [C] [K] ne verse pas aux débats de justificatifs attestant qu’il pratiquait à titre de loisir le football et le ski avant son accident du travail.

Il convient donc de débouter Monsieur [C] [K] de sa demande au titre du préjudice d’agrément.

Sur l’incidence professionnelle

L’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale permet la réparation du préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle. Toutefois, la réparation de ce préjudice suppose que la victime démontre que de telles possibilités préexistaient à l’accident.

Par ailleurs, il convient de rappeler que la rente majorée servie à la victime d’un accident du travail présente un caractère viager et répare notamment les pertes de gains professionnels, y compris la perte des droits à la retraite, et l’incidence professionnelle résultant de l’incapacité permanente partielle subsistant au jour de la consolidation.

L’incidence professionnelle (définie comme un dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle, ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu’elle exerçait avant le dommage au profit d’une autre qu’elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap) est donc un préjudice distinct de celui résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle.

En l’espèce, l’expert a retenu l’existence d’une incidence professionnelle qu’il explicite en ces termes :  » La perte d’emploi est imputable aux faits. Il existe une incapacité séquellaire à l’exercice de sa profession de laveur de citerne chimique ».

Monsieur [C] [K] sollicite une indemnisation à hauteur de 150.000 euros au titre de l’incidence professionnelle au motif qu’il ne pourra à l’avenir « exercer aucun poste relatif à ses compétences professionnelles compte tenu des séquelles actuelles « .

La société [12] soutient qu’il n’y a pas lieu à indemniser la perte d’emploi dans la mesure où ce préjudice est déjà indemnisé dans le cadre de la majoration de la rente.

Le tribunal rappelle que la rente majorée versée par la caisse répare les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité, de sorte que la demande n’est pas fondée.

Par conséquent, Monsieur [C] [K] sera débouté de ce chef de demande.

Sur les chefs de préjudice non visés à l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale

Sur le déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice a pour objet d’indemniser l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique c’est-à-dire jusqu’à sa consolidation. Cette invalidité par nature temporaire est dégagée de toute incidence sur la rémunération professionnelle de la victime. Elle correspond aux périodes d’hospitalisation de la victime mais aussi à la perte de qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante que rencontre la victime durant la maladie traumatique (séparation de la victime de son environnement familial et amical durant les hospitalisations, privation temporaire des activités privées ou des agréments auxquels se livre habituellement ou spécifiquement la victime, préjudice sexuel pendant la maladie traumatique).

L’évaluation des troubles dans les conditions d’existence tient compte de la durée de l’incapacité, du taux de cette incapacité, et des conditions de vie de la victime.

Monsieur [C] [K] a été victime d’un accident du travail le 4 février 2016, lui occasionnant des brûlures étendues et des lésions traumatiques.

L’état de santé de Monsieur [C] [K] a été considéré comme consolidé à la date du 21 février 2018 et a donné lieu à l’attribution d’un taux d’incapacité permanente de 51 % dont 6 % de taux professionnel par notification du 16 avril 2018.

Il ressort de la lecture du rapport d’expertise que Monsieur [C] [K] a subi plusieurs périodes de déficit fonctionnel temporaire, détaillées comme suit:
une période de déficit fonctionnel temporaire total pendant les périodes d’hospitalisations, soit du 4 février 2016 au 29 avril 2016, du 03 juin 2016 au 05 juin 2016, le 19 juillet 2016 ;une période de déficit fonctionnel temporaire partiel de 60 % du 30 avril 2016 au 02 juin 2016, du 06 juin 2016 au 18 juillet 2016, 20 juillet 2016 au 21 février 2017 ;une période de déficit fonctionnel temporaire partiel de 55 % du 22 février 2017 jusqu’à la date de consolidation.
Les parties sont en désaccord sur le montant de l’indemnisation. Monsieur [C] [K] sollicite une indemnisation à hauteur de 30 euros par jour pour la période de déficit fonctionnel temporaire total ayant duré 90 jours, soit la somme de 2.700 euros.

La société [12] considère que la réparation doit se faire sur la base d’une somme forfaitaire mensuelle de 800 euros, soit une somme de 26,66 euros par jour. La société [12] estime ainsi que la période de déficit fonctionnel temporaire total sera justement indemnisée par le versement d’une somme de 2.400 euros.

L’évaluation des troubles dans les conditions d’existence tient compte de la durée de l’incapacité temporaire, du taux de cette incapacité (totale ou partielle), des conditions plus ou moins pénibles de cette incapacité. Selon que la victime est plus ou moins handicapée, une indemnisation comprise entre 750 euros et 1.000 euros/mois ou entre 25 et 33 euros/jour est habituellement accordée.

Compte-tenu de la gravité des lésions initiales et de la lourdeur des soins nécessaires, Monsieur [C] [K] a incontestablement subi une gêne dans l’accomplissement des actes de la vie courante et une perte temporaire de qualité de vie qui seront indemnisées sur la base d’un revenu forfaitaire de 30 euros par jour.

En conséquence, il convient de fixer l’indemnisation du déficit fonctionnel temporaire aux montants suivants :
S’agissant du déficit fonctionnel temporaire total, soit 90 jours : 2.700 euros (30 euros x 90 jours) ;S’agissant du déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 60 % : 5.292 euros (294 jours x 30 euros x 60 %) ;S’agissant du déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 55 % : 5.973 euros (362 jours x 30 euros x 55 %) ;Soit un total de 13.965 euros.

Sur le préjudice sexuel

Il est d’usage de distinguer trois types de préjudices de nature sexuelle :
Le préjudice morphologique lié à l’atteinte aux organes sexuels résultant du dommage subi ;Le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l’accomplissement de l’acte sexuel (perte de l’envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l’acte sexuel, perte de la capacité à accéder au plaisir) ; Le préjudice lié à une impossibilité ou difficulté à procréer (ce préjudice pouvant notamment chez la femme se traduire sous diverses formes comme le préjudice obstétrical, etc.).
Il n’existe pas de taux et l’évaluation se fait au cas par cas en fonction des conséquences précises du dommage décrites par l’expert et de l’âge et de la situation de la victime.

En l’espèce, Monsieur [C] [K] sollicite l’octroi d’une somme de 25.000 euros en réparation d’un préjudice sexuel lequel résulterait, selon ses déclarations faites à l’expert, de ses difficultés dans les rapports intimes du fait des séquelles cicatricielles et psychologiques.

La société [12] et la caisse contestent l’existence d’un préjudice sexuel.

L’expert n’a pas retenu de préjudice sexuel. Monsieur [C] [K] ne verse pas aux débats de pièces médicales contredisant l’appréciation de l’expert et qui permettraient d’objectiver l’existence d’un tel préjudice.

En conséquence, Monsieur [C] [K] sera débouté de cette demande.

Sur le préjudice relatif à l’aménagement du logement et aux frais de véhicule adapté

Le préjudice lié aux frais de logement aménagé, correspond aux dépenses que la victime handicapée doit exposer pour bénéficier d’un habitat en adéquation avec son handicap.

Le préjudice relatif aux frais de véhicule adapté tend à indemniser les dépenses nécessaires pour procéder à l’adaptation d’un véhicule aux besoins de la victime, ce qui inclut le surcoût lié au renouvellement du véhicule et à son entretien.

Monsieur [C] [K] demande au tribunal d’ordonner un complément d’expertise relatif à ces deux préjudices.

Au soutien de cette demande, Monsieur [C] [K] fait état de séquelles nouvelles à ses deux genoux et de ses difficultés pour monter les escaliers de son logement lui permettant d’accéder aux chambres et à la salle de bains comportant une baignoire. Monsieur [C] [K] produit à l’appui de cette demande un certificat médical en date du 15 avril 2024 établi par le Docteur [B] [O].

Monsieur [C] [K] expose également qu’il a besoin de procéder au changement de son véhicule et d’acquérir un véhicule doté d’une boite automatique dont le devis s’élève à 60.115 euros.

La société [12] et la CPCAM des Bouches-du-Rhône s’opposent à ce que le tribunal ordonne un complément d’expertise relatif aux frais de logement adapté et aux frais de véhicule adapté.

L’expert a considéré que l’appréciation de ces préjudices était sans objet.

Le tribunal relève que le certificat médical établi par le Docteur [B] [O] est rédigé en termes fort généraux. Ce médecin se borne en effet à indiquer que l’état de santé de Monsieur [C] [K]  » nécessite l’aménagement de l’accès à son logement et un aménagement de son logement lui-même, notamment de la salle de bain « , mais ne fait état d’aucune constatation médicale pour étayer une telle affirmation.

Le tribunal note également que Monsieur [C] [K] n’a pas fait part de la moindre observation concernant ces deux chefs de préjudice évoqués à réception du pré-rapport que lui a adressé l’expert.

En conséquence, faute de justificatif suffisant, Monsieur [C] [K] sera débouté de sa demande aux fins de complément d’expertise portant sur les frais de logement aménagé et de véhicule adapté.

Sur le préjudice relatif au besoin d’assistance par une tierce personne

L’indemnisation de la tierce personne est liée à l’assistance nécessaire de la victime par une aide humaine dans les actes de la vie quotidienne, afin de préserver sa sécurité, ou contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d’autonomie.

Monsieur [C] [K] sollicite une indemnisation de ce préjudice à hauteur de 10.120 euros sur la base d’un taux horaire de 20 euros/heure.

La société [12] retient pour sa part un taux horaire 16 euros/heure et demande au tribunal de juger que ce préjudice sera justement indemnisé par le versement d’une somme de 8.032 euros.

L’expert a retenu l’existence d’un besoin d’assistance d’une tierce personne à raison d’1 heure/jour pendant la période de [8] à 60 % puis de 4 heures par semaine pendant la période de [8] à 55 %.

La jurisprudence se fonde pour la tierce personne active sur un taux horaire moyen de 16 euros à 25 euros, en fonction du besoin, de la gravité du handicap et de la spécialisation de la tierce personne, étant précisé que ce préjudice doit être indemnisé même en cas d’entraide familiale.

Le taux horaire de 20 euros/heure retenu par Monsieur [C] [K] n’apparaît pas excessif au regard de l’évaluation jurisprudentielle.

En conséquence, il sera alloué la somme de 10.120 euros à Monsieur [C] [K] au titre du besoin d’assistance par une tierce personne.

Sur le déficit fonctionnel permanent

Par deux arrêts du 20 janvier 2023, la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, a opéré un revirement de jurisprudence en décidant non seulement que les souffrances physiques et morales endurées après consolidation pourront dorénavant faire l’objet d’une réparation complémentaire, mais également que la rente versée par la caisse de sécurité sociale aux victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle n’indemnise pas leur déficit fonctionnel permanent.

Dès lors que le déficit fonctionnel permanent n’est plus susceptible d’être couvert en tout ou partie par la rente et donc par le livre IV du code de sécurité sociale, il peut faire l’objet d’une indemnisation, compte-tenu de la réserve d’interprétation posée par le Conseil constitutionnel et rappelée ci-dessus, selon les conditions de droit commun.

Eu égard à sa finalité de réparation d’une incapacité permanente de travail (IPP), qui lui est assignée à l’article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, et à son mode de calcul, appliquant au salaire de référence de la victime le taux d’incapacité permanente défini à l’article L. 434-2 du même code, la rente d’accident du travail doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l’accident c’est-à-dire ses pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité, et non le poste de préjudice personnel.

Par conséquent, le taux d’IPP fixé par la caisse sert pour la majoration de la rente en application de l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, et le déficit fonctionnel permanent ainsi que le taux retenu pour l’évaluer relèvent désormais de l’application du droit commun, étant rappelé que ce poste de préjudice répare les incidences du dommage qui touchent exclusivement la sphère personnelle de la victime.

Monsieur [C] [K] sollicite le bénéfice d’une expertise complémentaire portant sur le déficit fonctionnel permanent et invoque, au soutien de sa demande, les deux arrêts précités de l’assemblée plénière de la Cour de cassation ainsi que l’apparition de nouvelles séquelles.

La société [12] ne s’oppose pas à un complément d’expertise portant sur le déficit fonctionnel permanent mais précise que l’expert judiciaire ne saurait avoir pour mission de se prononcer sur les nouvelles séquelles évoquées par Monsieur [C] [K].

La CPCAM des Bouches-du-Rhône indique, concernant cette demande de complément d’expertise, s’en rapporter à la sagesse du tribunal mais s’oppose comme la société [12] à l’attribution d’une nouvelle provision.

Compte-tenu de l’évolution de la jurisprudence et de l’absence d’élément pertinent concernant la détermination du déficit fonctionnel permanent, dont l’indemnisation est réclamée et qui n’a pas été soumise en son temps à l’expert, il convient d’ordonner avant-dire droit le retour du dossier à l’expert avec pour mission d’évaluer le taux de déficit fonctionnel permanent.

Ce poste de préjudice permet d’indemniser non seulement le déficit fonctionnel au sens strict c’est-à-dire la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel définitive après consolidation, mais également les douleurs physiques et psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence.

Il convient donc d’ordonner un complément d’expertise aux fins d’évaluation par l’expert du déficit fonctionnel permanent de Monsieur [C] [K] et d’en fixer le taux. Il appartiendra à l’expert désigné par le tribunal de déterminer si les séquelles afférentes au rachis lombaire et aux deux genoux invoquées par Monsieur [C] [K] sont imputables à l’accident du travail.

Dans l’attente de ce nouveau rapport, il n’y a pas lieu d’octroyer une provision supplémentaire à Monsieur [C] [K] qui ne justifie pas de la nécessité du versement de sommes supplémentaires à la première provision de 35.000 euros allouée par jugement du 06 juillet 2022, et à la réparation des préjudices indemnisés par la présente décision.

Sur les frais d’assistance à expertise et une nouvelle provision

Monsieur [C] [K] justifie en versant aux débats une facture acquittée d’un montant de 600 euros avoir sollicité un médecin pour bénéficier d’une assistance devant l’expert.

En conséquence, il convient d’allouer à Monsieur [C] [K] la somme de 600 euros au titre des frais d’assistance à expertise.

Sur l’action récursoire de la CPCAM des Bouches-du-Rhône

Il résulte du dernier alinéa de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale que la réparation des préjudices alloués à la victime d’un accident du travail dû à la faute inexcusable de l’employeur, indépendamment de la majoration de la rente, est versée directement au bénéficiaire par la caisse qui en récupérera le montant auprès de l’employeur.

Par un jugement du 06 juillet 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a condamné la société [12] à rembourser à la CPCAM des Bouches-du-Rhône la totalité des sommes dont elle est ou sera tenue de faire l’avance.

Sur l’exécution provisoire

Compte-tenu de la nature et de l’ancienneté du litige, la présente décision sera assortie de l’exécution provisoire.

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

L’équité commande de condamner la société [12] à verser à Monsieur [C] [K] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, la société [12], succombant à l’instance, sera tenue aux dépens de l’instance.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort :

RAPPELLE que le jugement du 06 juillet 2022 rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a déjà statué sur la majoration à son maximum de la rente versée à Monsieur [C] [K] en application de l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, l’action récursoire de la CPCAM des Bouches-du-Rhône à l’encontre de la SAS [12] en application de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, a alloué à Monsieur [C] [K] la somme de 35.000 euros à titre de provision sur les indemnisations à venir au titre de la faute inexcusable de son employeur ;

FIXE ainsi qu’il suit les sommes accordées à Monsieur [C] [K] en réparation de ses préjudices :
2.700 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total ;5.292 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 60 % ;5.973 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 55 % ;35.000 euros au titre des souffrances endurées de 5/7 ;10.000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire de 5,5/7 ;20.000 euros au titre du préjudice esthétique permanent de 4,5/7 ;10.120 euros au titre du besoin d’assistance par une tierce personne ;soit un total de 89.085 euros, duquel il conviendra de déduire la provision allouée d’un montant de 35.000 euros par le jugement du 06 juillet 2022 rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille ;

DÉBOUTE Monsieur [C] [K] du surplus de ses demandes ;

CONDAMNE la SAS [12] à payer à Monsieur [C] [K] la somme de 600 euros au titre des frais d’assistance à expertise ;

AVANT-DIRE DROIT sur l’évaluation du déficit fonctionnel permanent :

ORDONNE le retour du dossier à l’expert, le Docteur [F] [G], pour mission complémentaire de :

se faire communiquer par les parties tous documents médicaux relatifs aux lésions subies, en particulier le certificat médical initial ;
indiquer si, après la consolidation, la victime subit un déficit fonctionnel permanent :dans l’affirmative chiffrer, par référence au  » Barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun  » le taux éventuel de déficit fonctionnel permanent (état antérieur inclus) imputable à l’accident, résultant de l’atteinte permanente d’une ou plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation, le taux de déficit fonctionnel devant prendre en compte, non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes qu’elle ressent, la perte de qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au quotidien après consolidation ;dans l’hypothèse d’un état antérieur, préciser en quoi l’accident a eu une incidence sur celui-ci et décrire les conséquences de cette situation ;dire si les séquelles afférentes au rachis lombaire et aux deux genoux invoquées par Monsieur [C] [K] sont imputables à l’accident du travail ;dire si des douleurs permanentes existent et comment elles ont été prises en compte dans le taux retenu ;décrire les conséquences de ces altérations permanentes et de ces douleurs sur la qualité de vie de la victime ;
RAPPELLE que la consolidation de l’état de santé de Monsieur [C] [K] a été fixée à la date du 21 février 2018 par la CPCAM des Bouches-du-Rhône et qu’il n’appartient pas à l’expert de se prononcer sur ce point ;

RAPPELLE que la CPCAM des Bouches-du-Rhône devra faire l’avance des frais d’expertise ;

DIT que l’expert devra établir un rapport écrit et l’adresser au greffe sous pli fermé avec la mention  » confidentiel  » apposée sur l’enveloppe ;

CONDAMNE la SAS [12] à payer à Monsieur [C] [K] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE les demandes plus amples ou contraires ;

CONDAMNE la SAS [12] aux dépens de l’instance ;

ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision ;

DIT que tout appel de la présente décision doit être formé dans le délai d’un mois à compter de la réception de sa notification.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2024.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


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