Évaluation des Préjudices Liés à des Travaux de Ravalement et de Rénovation dans un Immeuble Commercial

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Évaluation des Préjudices Liés à des Travaux de Ravalement et de Rénovation dans un Immeuble Commercial
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Contexte de l’affaire

Monsieur [Z] est le propriétaire d’un restaurant situé à [Adresse 7] à [Localité 2], connu sous le nom de “Les Caves [Adresse 5]”. En 2012, le syndicat des copropriétaires a décidé d’effectuer des travaux de ravalement et de rénovation, supervisés par [C] [D]. En 2015, des fissures et déformations des murs ont conduit à des investigations par la SAS BET FUFROCK et la SAS EGSA BTP.

Découverte de la cavité et évacuation

En novembre 2017, des travaux sur la voirie ont révélé une cavité importante, menaçant l’intégrité de l’immeuble. Le 24 novembre 2017, le Maire a ordonné l’évacuation de l’immeuble, suivie d’un arrêté de péril imminent le 11 décembre 2017, entraînant la fermeture du restaurant et des pertes d’exploitation pour Monsieur [Z].

Expertise et responsabilités

Une expertise a été ordonnée le 11 décembre 2017, et les travaux de renforcement recommandés ont été réalisés. L’expert a conclu à la responsabilité de la société Sobeca dans la survenance des dommages. En octobre 2020, Monsieur [Z] et son assureur, Axa France Iard, ont assigné la société Sobeca pour obtenir l’homologation du rapport d’expertise et une indemnisation de 42 912,41 € pour pertes d’exploitation.

Procédure judiciaire et exceptions soulevées

La société Sobeca a soulevé une exception d’incompétence, qui a été rejetée par le juge de la mise en état en juillet 2022. Les demandes de Monsieur [Z] et de la société Axa ont été déclarées recevables. Sobeca a ensuite contesté la responsabilité et l’évaluation des pertes d’exploitation, arguant de l’absence de lien contractuel et de causalité.

Évaluation des pertes d’exploitation

Monsieur [Z] a présenté un rapport d’expertise évaluant sa perte d’exploitation à 42 912,41 €, mais la société Sobeca a contesté cette évaluation. L’expert a finalement déterminé que la perte d’exploitation réelle s’élevait à 26 668 €, tenant compte de la période de fermeture et des charges engagées.

Décision du tribunal

Le tribunal a rejeté la demande d’homologation du rapport d’expertise, a déclaré la société Sobeca responsable des dommages, et a fixé le préjudice de perte d’exploitation à 26 668 €. Sobeca a été condamnée à verser 20 073 € à Axa France Iard en raison de la subrogation, et 6 595 € à Monsieur [Z]. La société Sobeca a également été condamnée aux dépens et à verser 1 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

7 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Montpellier
RG n°
20/04670
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

TOTAL COPIES 4
COPIE REVÊTUE formule exécutoire AVOCAT demandeur
1
COPIE CERTIFIÉE CONFORME AVOCAT
2
COPIE EXPERT

COPIE DOSSIER + A.J.
1

N° : N° RG 20/04670 – N° Portalis DBYB-W-B7E-M3F3
Pôle Civil section 1

Date : 07 Novembre 2024
LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONTPELLIER

CHAMBRE : Pôle Civil section 1

a rendu le jugement dont la teneur suit :

DEMANDEURS

S.A. AXA FRANCE IARD, dont le siège social est sis [Adresse 1] – [Localité 4] prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège,

Monsieur [K]-[N] [Z], demeurant [Adresse 7] – [Localité 2]

représentés par Maître Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocats au barreau de MONTPELLIER

DEFENDERESSE

S.A.S. SOBECA, RCS de BEZIERS N° 703.780.247, dont le siège social est sis [Adresse 6] – [Localité 3]
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Christophe BEAUREGARD de la SCP CALAUDI-BEAUREGARD-CALAUDI-BENE, avocats au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : Christine CASTAING

Assesseurs : Emmanuelle VEY

Romain LABERNEDE

assistés de Christine CALMELS greffier, lors des débats et du prononcé.

DEBATS : en audience publique du 02 Septembre 2024

MIS EN DELIBERE au 07 Novembre 2024

JUGEMENT : rédigé par Emmanuelle VEY vice-présidente et signé par Christine CASTAING premiere vice-présidente et le greffier et mis à disposition le 07 Novembre 2024

EXPOSE DU LITIGE:

Monsieur [Z] est exploitant du restaurant situé [Adresse 7] à [Localité 2], connu sous l’enseigne “Les Caves [Adresse 5]”.

En 2012, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 7] à [Localité 2] a décidé la réalisation d’importants travaux de ravalement et de rénovation sous la maîtrise d’œuvre de [C] [D].

En 2015, à la suite de l’apparition de fissures et d’un phénomène de déformation des murs, il a été confié diverses missions d’investigation et de diagnostic à la SAS BET FUFROCK ainsi qu’à la SAS EGSA BTP.

Au mois de novembre 2017, des travaux ont été entrepris sur la voirie de la [Adresse 7] et ont révélé la présence d’une énorme cavité créant un risque d’effondrement de l’immeuble.

Le 24 novembre 2017, le Maire de [Localité 2] a pris un arrêté d’évacuation de l’immeuble avec interdiction d’habiter. Cet arrêté de police a été remplacé par un arrêté de péril imminent promulgué par la métropole de [Localité 2] en date du 11 décembre 2017.

Le restaurant a dû fermer, ce qui a entraîné une perte d’exploitation.

Par décision en date du 11 décembre 2017, une expertise a été ordonnée, dont les opérations ont été rendues communes et opposables à Monsieur [Z] et son assureur, la société Axa France Iard par ordonnance du 5 juillet 2018. Les travaux de renforcement préconisés par l’expert ont été réalisés et l’arrêté de péril a été levé le 27 novembre 2018.

L’expert a retenu la responsabilité de la société Sobeca dans la survenance du sinistre.

Par exploit introductif d’instance en date du 28 octobre 2020, Monsieur [Z] et son assureur, la société Axa France Iard, ont assigné la SASU Sobeca devant le présent tribunal aux fins d’homologation du rapport d’expertise [M] et ainsi de voir déclarer la société Sobeca responsable du sinistre et la voir condamnée à l’indemniser de leur préjudice, représentant la somme de 42 912,41 € correspondant au préjudice d’exploitation réel.

Saisi d’une exception d’incompétence soulevée par la société Sobeca, suivant ordonnance en date du 21 juillet 2022, le juge de la mise en état a :
déclaré irrecevable l’exception d’incompétence soulevée par la société Sobeca,débouté Monsieur [K] [N] [Z] et la société Axa France Iard de leur demande de provision, débouté Monsieur [K] [N] [Z] et la société Axa France Iard de leur demande formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, débouté la société Sobeca de sa demande formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,dit que les dépens de l’incident suivront le sort de ceux de l’instance principale,

Suivant conclusions signifiées par voie électronique le 4 janvier 2022, M. [Z] et son assureur la société Axa France Iard demandent au tribunal de :
Homologuer le rapport d’expertise de Monsieur [M], Dire et juger la société Sobeca responsable du sinistre et partant de la perte d’exploitation subie par Monsieur [Z] Condamner Sobeca à réparer son préjudice Condamner Sobeca à leur payer la somme de 42 912, 41 euros, correspondant au préjudice d’exploitation réel.Subsidiairement,
Homologuer le rapport [M] Condamner Sobeca à leur payer la somme de 26 668 euros.Dire et juger que les condamnations pécuniaires porteront intérêts au taux légal à compter de l’assignation, Dire et juger que sur ces condamnations, la société Axa conservera la somme de 20 073 euros, le surplus étant au bénéfice direct de Monsieur [Z] Dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit. Condamner la société Sobeca au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens en ce compris les frais d’expertise.
Monsieur [Z] et la société AXA soutiennent principalement que :
Le rapport d’expertise retient la responsabilité délictuelle de la société Sobeca, ils demandent l’homologation du rapport.
L’expert a retenu une perte d’exploitation déterminée à compter de la fermeture forcée du restaurant soit le 24/11/17 jusqu’au 01/01/2019 pour tenir compte du réaménagement des lieux par l’occupant. Il a retenu un chiffre d’affaires moyen de 69350 € pour déduire ensuite les charges. Ils contestent ce mode de détermination qui ne tient pas compte de l’évolution de l’activité alors que l’expert privé a utilisé la méthode par différence qui se réfère à la perte de marge en multipliant le taux de marge au jour du sinistre par le chiffre d’affaires qui aurait été réalisé au cours de la période d’indemnisation en l’absence de sinistre de sorte que la perte d’exploitation doit être fixée à 42 165 € outre le coût des marchandises non conservées et les frais de constat d’huissier, soit un total de 42 912,41 €.
Dans la mesure où M [Z] a perçu 20 073 € de son assureur, Axa est subrogée dans ses droits à hauteur de cette somme et pour le surplus la société Sobeca en devra paiement à M. [Z].

Suivant ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 15 février 2022, la société Sobeca demande au tribunal sur le fondement des articles L 241-1 et 242-1 du code des assurances, des articles 1134 et 1147 du Code Civil et des dispositions de l’article 1792 et 1231-1 du Code Civil, de l’article 803 du code de procédure civile :
Révoquer l’ordonnance de clôture, A titre principal,
Considérant les dommages comme relevant de l’exécution de travaux publics,
Se déclarer incompétent au profit du tribunal Administratif de Montpellier, A titre subsidiaire,
Déclarer l’action et les demandes des requérants irrecevables, faute de preuve d’un quelconque lien contractuel entre M. [Z] et la société concluante. Les débouter de l’intégralité de leurs réclamations A titre infiniment subsidiaire,
Considérant les manquements du rapport d’expertise judiciaire et le caractère erroné des conclusions visant à considérer que la société Sobeca est entièrement responsable des désordres litigieux.
Considérant l’absence de démonstration d’une faute de la société concluante.
Considérant l’absence de démonstration d’un lien de causalité entre les désordres affectant l’immeuble litigieux et l’intervention de la société concluante.
Considérant l’absence de démonstration d’un lien de causalité entre les préjudices subis par le requérant et l’intervention de la société concluante.
L’en débouter. Débouter également la compagnie AXA demanderesse de ses demandes formées contre la concluante. A défaut
Débouter les requérants de leur demandes indemnitaires à hauteur de la somme de 42 912,41 €. Limiter ce chiffrage à la somme de 26 668 € qui ressorte de l’analyse contradictoire de l’expertise judiciaire. Débouter également la compagnie AXA demanderesse de ses demandes formées contre la concluante. En tout état de cause
Débouter les requérants de leurs demandes fins et moyens et les condamner aux entiers dépens ainsi qu’au paiement d’une somme de 2 500 € au titre des dispositions de l’article 700 du CPC.
Pour s’opposer aux demandes, la société Sobeca soutient que :
Les demandes de M. [Z] et de son assureur relèvent de la compétence administrative puisqu’elle a agi dans le cadre de travaux publics à savoir le remplacement de canalisations de gaz à Montpellier dont seul le tribunal administratif peut connaitre.
A titre subsidiaire, les demandeurs ne peuvent se prévaloir de la responsabilité contractuelle à son encontre et de la responsabilité du fait des constructeurs en vertu du principe de non cumul des responsabilités.
En outre, les demandeurs ne peuvent se prévaloir d’un quelconque lien contractuel puisqu’elle est intervenue en qualité de sous-traitante de la société GRDF intervenant auprès de la commune de [Localité 2], maître d’ouvrage et maître d’œuvre.
Elle ne peut non plus être retenue au titre de sa garantie décennale des éventuels désordres en l’absence de contrat de louage d’ouvrage.
Dès lors les demandes seront déclarées irrecevables.
A titre infiniment subsidiaire, rien ne permet de retenir un quelconque lien de causalité entre son intervention et les désordres dont les demandeurs se prévalent. L’expert n’a pas réellement pu déterminer les causes et origines de ces désordres mais retient que leur survenance est contemporaine avec son intervention. La commune de [Localité 2] n’a pas répondu aux demandes de communication de l’expert. Or, par définition il incombe à la commune de reboucher les tranchées de sorte que les conclusions de l’expert sont fausses lorsqu’il retient que Sobeca a effectué les travaux de revêtement. La commune n’a pas procédé à ces travaux dans les délais de sorte que l’eau de ruissellement a pénétré dans le sol.
L’expert avait relevé la préexistence des fissurations en façade et le basculement du pilier gauche aux travaux qu’elle a exécutés, seule une aggravation est apparue en 2014. Il en résulte que le lien de causalité ne peut être établi entre ses travaux et l’apparition des fissures en façade. L’expert a éludé les travaux antérieurs réalisés dès 2012 et ce d’autant qu’elle n’a pas réalisé les travaux de circulation du trottoir. Ces travaux ont aggravé les fissurations mais également le développement de la cavité.
Enfin, le préjudice de M. [Z] a été déterminé par l’expert et il ne peut se prévaloir d’une étude réalisée par son propre expert pour prétendre à une somme nettement supérieure en soutenant une augmentation de sa clientèle avec une plus grande terrasse alors même qu’au regard des travaux entrepris, cette démonstration ne peut être retenue.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 26 août 2024.
A l’issue des débats en audience collégiale du 2 septembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 7 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION:

A titre liminaire, la demande la société Sobeca tendant à la révocation de l’ordonnance de clôture n’a plus vocation à être tranchée tenant la date à laquelle elle a été formée, soit le 15 février 2022 alors que l’ordonnance de clôture est intervenue le 26 août 2024 sans que les parties ne signifient de nouvelles conclusions post clôture.
Sur la recevabilité des demandes de M. [Z] et la société Axa pour incompétence du tribunal
Selon l’article 794 du code de procédure civile, les ordonnances du juge de la mise en état n’ont pas, au principal, l’autorité de chose jugée à l’exception de celles statuant sur les exceptions de procédure, sur les fins de non-recevoir, sur les incidents mettant fin à l’instance et sur la question de fond tranchée en application des dispositions du 6° de l’article 789.
La société Sobeca a vu son exception de compétence rejetée par le juge de la mise en état suivant ordonnance en date du 21 juillet 2022.
Par voie de conséquence, les demandes de M. [Z] et de la société Axa sont recevables.

Au fond
Sur la demande d’homologation du rapport d’expertise judiciaire
La demande d’homologation du rapport d’expertise judiciaire ne saurait être accueillie en ce que ce rapport n’est ni un accord ni une transaction susceptibles d’être homologués par le tribunal, mais un outil technique contenant des éléments lui permettant de statuer sur les demandes qui lui sont présentées par les parties.

L’analyse du rapport d’expertise, réalisé au contradictoire des parties, démontre que l’expert a accompli l’ensemble de sa mission de manière sérieuse, objective, circonstanciée et étayée par des constats et des mesures techniques, et qu’il a répondu de manière précise et détaillée aux questions posées et aux dires des parties.

Ainsi, ce rapport servira de support sur le plan technique à la présente décision. 

Sur la nature des désordres
La responsabilité de la Sas Sobeca est recherchée par M. [Z] et son assureur sur le fondement de l’article 1240 du code civil qui exige la démonstration d’une faute en relation de causalité avec le préjudice subi.
Il résulte du rapport d’expertise de Monsieur [M] que « Les désordres proviennent de l’absence de transfert de charges de la façade sur ses fondations depuis la création de la cavité. L’immeuble était alors en équilibre très instable. Ceci n’est pas consécutif aux travaux de l’entreprise Colas Midi Méditerranée puisque les déformations excessives en façade existent depuis 2014. Elles sont consécutives aux travaux intervenus sur trottoir entre 2012 et 2014.
Les travaux de remplacement de réseau gaz ont été effectués sur le trottoir.
Le support trottoir est constitué de remblais de cailloux de petits calibres. Ce type de remblais, n’a aucune tenue s’il est terrassé verticalement et sert de drainage aux eaux de ruissellement en cas d’événement pluvieux durant les travaux. Lors des travaux, [Localité 2] a subi 8 jours de pluies d’intensité normale et 2 jours de pluies d’intensité violente. Les matériaux sous ce trottoir se sont logiquement gorgés d’eau lors de ces événements. Les eaux emprisonnées dans ces remblais, suite aux intempéries ne pouvaient s’évacuer lentement que par les joints de pierre donnant sur les caves.
Après les travaux de pose des canalisations, les tranchées sont remplies de matériaux et compactées fortement afin d’obtenir les modules de compacité exigée. Ce compactage a alors comprimé les eaux de ruissellement encore emprisonnées qui pour s’évacuer, ont alors déchaussé les joints de pierre et provoqué la lente déstabilisation du soubassement de la façade. Les mouvements de pierre ont ensuite entraîné la décompression des remblais exécutés lors de travaux antérieurs.
Cela a ensuite permis l’accumulation d’eaux de ruissellement devant l’entrée du bâtiment. Ces eaux de ruissellement ont continué et alors créé une poussée sur le soubassement jusqu’à sa destruction.
La réalisation des travaux dans la [Adresse 7] en novembre 2017 a transmis des vibrations à l’immeuble qui ne pouvaient pas y résister compte tenu de l’état de ses structures. Ces travaux ont donc été le révélateur de l’état structurel de l’immeuble. Il est à noter que toute nature de vibrations qui auraient été déclenchées depuis la [Adresse 7] auraient déstabilisé la structure de cet immeuble.
Responsabilité : en l’état des documents reçus à ce jour et de nos constats, nous proposerons au tribunal de retenir les imputabilités suivantes :
A la société Sobeca pour une imputabilité de 100 %
Les désordres sont consécutifs à des travaux effectués sur le trottoir entre 2012 et 2014
Selon les documents reçus, seule la société GRDF a fait effectuer des travaux du 13 mai 2013 au 16 juillet 2013.
En l’état des documents reçus, aucune autre intervention n’a donc eu lieu dans la rue à part celle de la société Sobeca en 2013. 
Sur la responsabilité de la société Sobeca
Sur le fondement des articles 1240 et suivants du code civil, le tiers à un contrat peut invoquer un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage, et engager la responsabilité délictuelle. Ainsi, le locataire titulaire d’un bail commercial peut engager une action en responsabilité délictuelle contre l’intervenant à l’acte de construction qui est à l’origine des désordres sur l’immeuble donné à bail.
De sorte que les dernières conclusions de Monsieur [Z] et la société Axa sont recevables en ce que leur action à l’encontre de la société Sobeca se fonde sur les dispositions de l’article 1240 du code civil.
La société Sobeca fait valoir l’absence de lien de causalité entre son intervention et les désordres invoqués par M. [Z] et son assureur et critique les conclusions du rapport d’expertise en indiquant que l’expert a déclaré qu’elle était responsable du désordre alors même que la commune n’avait pas communiqué de pièces à l’expert sur d’éventuels intervenants qu’elle aurait mandatés sur cette même période.

Toutefois, il sera relevé que l’expert en page 35 de son rapport indique expressément : « MMM (Métropole [Localité 2] Méditerranée) a indiqué qu’il n’y avait eu aucune intervention dans la [Adresse 7] en 2013 sur l’adduction d’eau. La Régie des eaux de [Localité 2] Méditerranée a précisé que les remplacements des anciens branchements en plomb ont été exécutés dans la [Adresse 7] en 1990-1991.

Selon MMM, des interventions ont été exécutées par GRDF. GRDF a indiqué que la Commune de [Localité 2] ou d’autres concessionnaires sont peut-être aussi intervenus, MMM a indiqué par son dire du 8 juin 2018 qu’aucune intervention entre 2010 et 2018 n’est intervenue en voirie et réseaux AEP, et EU, sauf sur les réseaux d’eaux usées entre les numéros 51 et 58 de la [Adresse 7]. »
Or, le désordre provient des remblais nécessaires pour supporter la voirie. Ces remblais ont, selon le rapport d’expertise, été effectués par la société Sobeca en application du guide SETRA. L’expert avait invité la société Sobeca, pendant les opérations d’expertise, à produire ses factures et devis pour vérifier les travaux effectués, ce dont elle s’est abstenue de sorte qu’il a conclu que les travaux de revêtement après son intervention de pose des nouvelles canalisations gaz, avaient bien été réalisés par ses soins.
Par voie de conséquence, la société Sobeca ne peut valablement affirmer que la Commune de [Localité 2] se serait abstenue de répondre et de fournir toutes explications relatives aux différentes interventions.
La société Sobeca poursuit en indiquant que les fissurations en façade et le basculement du pilier gauche étaient déjà présents en 2008, ce que note l’expert sans en tirer toutes les conséquences.
Toutefois, l’expert a bien analysé le désordre relatif à la présence de la cavité, cavité qui est à l’origine du dommage causé à Monsieur [Z] et par voie de conséquence de son préjudice.
En effet, suite à la découverte de cette cavité, l’immeuble a fait l’objet d’un arrêté de péril et Monsieur [Z] a vu son fonds de commerce fermé pendant toute la durée des travaux.
La responsabilité de la société Sobeca est donc engagée tenant la matérialité du désordre dont il est démontré qu’il lui est imputable.

Sur les préjudices de Monsieur [Z] et de son assureur
– Sur le préjudice de perte d’exploitation
Il n’est pas contesté que la perte d’exploitation imputable à la fermeture du commerce de M. [Z] en raison de l’arrêté municipal de péril s’étend du 24 novembre 2017 au 1er janvier 219.
En application de l’article 1353 du Code civil, il appartient à M. [Z] de rapporter la preuve de la valeur du dommage qu’il a subi.
Au soutien de sa prétention, à titre principal, M. [Z] verse aux débats une évaluation de sa perte d’exploitation réalisée par un expert mandaté par sa compagnie d’assurance, la société Axa. Ce rapport, non contradictoire, évalue la perte d’exploitation en tenant compte de projections notamment sur un droit de terrasse élargi pour retenir le montant de la perte à 42 912,41 €.

La société Sobeca conteste cette évaluation au motif que le rapport est un rapport d’expertise non contradictoire retenant des critères tels que l’augmentation de clientèle du fait d’une terrasse élargie.
Si le rapport d’expertise produit par M [Z] et la société Axa est certes non contradictoire il ne peut être rejeté dès lors qu’il a été soumis à la discussion des parties.
Ainsi, ce rapport servira de support sur le plan technique à la présente décision
En revanche, pour être indemnisé, le préjudice de Monsieur [Z] doit être réel certain et direct. Or, le fait de réaliser des projections quant à l’élargissement d’une clientèle et donc une augmentation de chiffre d’affaires tenant compte de cette évolution favorable des facteurs de commercialité relève de la perte d’une chance d’avoir pu réaliser ce chiffre d’affaires et non un préjudice en lien avec le dommage.
Par voie de conséquence, cette méthode d’évaluation sera rejetée.
L’expert retient que M. [Z] ne pouvait plus occuper les lieux à partir du 24 novembre 2017 et ce jusqu’au 27 novembre 2018 mais qu’il convient de tenir compte de la remise en route et donc retenir pour date de réouverture le 1er janvier 2019, ce qui représente une période d’inactivité de 13,2 mois. Il retient un chiffre d’affaires moyen de 69 350 € alors que les achats représentent la somme de 62 318 €, soit un résultat de 7 032 €, représentant 7 735 € sur 1,1 an.. Il applique des correctifs notamment du fait que sur cette période aucun achat n’a été effectué, que seuls les loyers ont été versés sur 1,2 mois puisqu’il y a eu une suspension des échéances à compter du 1er janvier 2018 de sorte que les charges justifiées ne représentaient que 878,62 €. Il retient la moyenne des frais de personnel et charges après prise en charge de la DIRRECTE, soit 15 040 € sur une période de 1,1 an, soit 16 544€.
A cela l’expert retient des frais engagés pour 500 € rejetant des frais de constat d’huissier non produit dont il n’est pas plus justifié dans le cadre de la procédure.
Il en résulte un préjudice de perte d’exploitation de 26 668 €.
Les conclusions de l’expert judiciaire seront entérinées s’agissant des modalités de détermination du préjudice de perte d’exploitation de Monsieur [Z] et la société Sobeca sera condamnée au paiement de la somme de 26 668 euros.
Sur le recours subrogatoire exercé par la société Axa France Iard
La société Axa produit une quittance subrogative par laquelle M. [Z] reconnait avoir reçu paiement de la somme de 20 073 € au titre de la garantie perte d’exploitation en réparation des conséquences du sinistre survenu le 24/11/2017 et déclare la société Axa France Iard subrogée dans ses droits et actions contre tiers responsable.
En conséquence, la société Sobeca sera condamnée à verser à la société Axa France Iard la somme de 20 073 euros.
Sur les sommes revenant à M. [Z]
Compte tenu du recours subrogatoire exercé par la société Axa, il y a lieu de condamner la société Sobeca à payer à M. [Z] la somme de 6 595 € (26 668 € – 20 073 €).

Sur les dépens et les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
La société Sobeca, partie succombante, sera condamnée aux dépens de la présente instance.
S’agissant des frais d’expertise, il résulte de l’ordonnance en date du 5 juillet 2018 ayant déclaré communes et opposables à M. [Z] et son assureur les opérations d’expertise que le juge des référés a ordonné la consignation de 1 500 € à la charge de [K]-[N] [Z] et de la SA Axa France Iard et a laissé provisoirement à la charge de chacune des parties les dépens par elle exposés.
Par voie de conséquence, la société Sobeca sera condamnée également aux dépens de la procédure enregistrée sous le numéro de répertoire général 18/30975 (référé expertise) exposés par Monsieur [K] [Z] et son assureur.
Il apparait équitable de condamner la société Sobeca au versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,
Dit n’y avoir lieu à révocation de l’ordonnance de clôture,
Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la société Sobeca,
Dit n’y avoir lieu à homologation du rapport d’expertise,
Déclare la société Sobeca responsable des dommages causés à l’immeuble occupé par Monsieur [K]-[N] [Z] situé [Adresse 7] à [Localité 2] (34) ;
Fixe le préjudice au titre de la perte d’exploitation subi par Monsieur [K] [Z] à la somme de 26 668 euros ;
Condamne la société Sobeca à payer à Monsieur [K]-[N] [Z] la somme de 6 595 euros
Condamne la société Sobeca à payer à la société Axa France Iard la somme de 20 073 € au titre de son recours subrogatoire ;
Condamne la société Sobeca aux entiers dépens de l’instance en ceux compris les frais d’expertise mis à la charge de Monsieur [K]-[N] [Z] et la société Axa France Iard et de la procédure de référé (RG 18/30975) ;
Condamne la société Sobeca à payer à Monsieur [K]-[N] [Z] et à la société Axa France Iard, ensemble, la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Rappelle que la présente décision est exécutoire par provision.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


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