Évaluation des préjudices liés à des malfaçons dans un contrat de rénovation

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Évaluation des préjudices liés à des malfaçons dans un contrat de rénovation

M. [E] [N] a acquis une maison en juin 2013 pour 56 200 euros et a confié des travaux de rénovation à M. [I] [Y] en septembre 2017, pour un montant de 79 423,85 euros TTC. M. [N] affirme avoir payé 84 230,95 euros pour ces travaux. Suite à des malfaçons et un chantier inachevé, il a fait établir un procès-verbal et un rapport d’expertise. En août 2018, il a assigné M. [Y] en référé pour demander une expertise judiciaire. Le juge a désigné un expert, mais M. [N] n’a pas payé la provision complémentaire, ce qui a conduit l’expert à déposer son rapport en avril 2019. En septembre 2019, M. [N] a assigné M. [Y] en responsabilité contractuelle pour obtenir réparation. Le tribunal a condamné M. [Y] à verser des indemnités pour préjudice de jouissance et préjudice financier, tout en déboutant M. [N] du surplus de ses demandes. M. [N] a fait appel de ce jugement en juin 2020, demandant la confirmation des condamnations et l’infirmation du débouté. Il a également réclamé des sommes supplémentaires pour préjudice matériel et perte locative. M. [Y] n’a pas constitué avocat, et l’instruction a été clôturée en mai 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

26 septembre 2024
Cour d’appel de Montpellier
RG
20/02379
ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 26 SEPTEMBRE 2024

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 20/02379 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OTFI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 06 FEVRIER 2020

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE PERPIGNAN

N° RG 19/02873

APPELANT :

Monsieur [E] [N]

né le 24 Février 1984 à [Localité 8] (77)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représenté par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Andie FULACHIER, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIME :

Monsieur [I] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Assigné à étude le 21/8/2020

Ordonnance de clôture du 22 Mai 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 juin 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Gilles SAINATI, président de chambre

M. Thierry CARLIER, conseiller

M. Fabrice DURAND, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Hélène ALBESA

ARRET :

– rendu par défaut

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par  M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Hélène ALBESA, greffier.

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* *

EXPOSE DU LITIGE

Par acte notarié du 21 juin 2013, M. [E] [N] a acquis une maison à usage d’habitation sise [Adresse 1] cadastrée AH n°[Cadastre 3] sur la commune de [Localité 7] (Pyrénées-Orientales) au prix de 56 200 euros.

M. [N] a confié des travaux de rénovation de cette maison à M. [I] [Y] aux termes d’un devis accepté du 1er septembre 2017 d’un montant de 79 423,85 euros TTC.

M. [N] soutient avoir payé ces travaux à hauteur de 84 230,95 euros TTC.

Se plaignant de malfaçons et d’un défaut d’achèvement du chantier, M. [N] a fait établir un procès-verbal par huissier le 16 mai 2018 et un rapport d’expertise privé par M. [S] le 22 juin 2018.

Par acte d’huissier du 29 août 2018, M. [N] a assigné M. [Y] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Perpignan aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire.

Par ordonnance du 7 novembre 2018, le juge des référés a désigné M. [F] [G] en qualité d’expert et a fixé une provision de 2 000 euros à verser par le demandeur.

A défaut de paiement par M. [N] de la provision complémentaire de 4 860 euros, l’expert judiciaire a déposé son rapport en l’état le 17 avril 2019.

Par acte d’huissier du 5 septembre 2019, M. [N] a assigné M. [Y] devant le tribunal de grande instance de Perpignan en responsabilité contractuelle aux fins de se faire indemniser de ses différents préjudices. 

Par jugement réputé contradictoire du 6 février 2020, le tribunal judiciaire de Perpignan a :

‘ condamné M. [Y] à payer à M. [N] les sommes de 14 133,93 euros en réparation du préjudice de jouissance et 26 885,10 euros en réparation du préjudice financier ;

‘ débouté M. [N] du surplus de ses demandes ;

‘ condamné M. [Y] au paiement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ prononcé l’exécution provisoire ;

‘ condamné M. [Y] aux dépens, en ce compris les dépens de référé et les frais d’expertise judiciaire.

Par déclaration déposée au greffe du 16 juin 2020, M. [N] a relevé appel de ce jugement.

La déclaration d’appel a été régulièrement signifiée à M. [Y] par acte d’huissier du 21 août 2020.

Vu les dernières conclusions de M. [N] déposées au greffe le 5 août 2020 aux termes desquelles il demande à la cour d’appel sur le fondement des articles 1217 et 1231 et suivants du code civil :

‘ de confirmer le jugement déféré en ses dispositions ayant condamné M. [N] à lui payer les sommes de 14 133,93 euros en réparation du préjudice de jouissance, 26 885,10 euros en réparation du préjudice financier, 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens ;

‘ d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté du surplus de ses demandes ;

Statuant à nouveau,

‘ de condamner M. [Y] à lui payer la somme de 53 397,85 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel subi ;

‘ de condamner M. [Y] à lui payer la somme mensuelle de 883,37 euros correspondant à la perte locative subie depuis le mois d’août 2020 et jusqu’à parfait paiement des sommes mises à sa charge permettant la reprise du chantier et des malfaçons ;

Y ajoutant,

‘ de condamner M. [Y] à lui verser la somme de 9 717,08 euros en réparation du préjudice de jouissance subi entre septembre 2019 et juillet 2020 ;

‘ de condamner M. [Y] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ de condamner M. [Y] aux entiers dépens de l’instance dont distraction conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

M. [Y] n’a pas constitué avocat.

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 22 mai 2024.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Sur le préjudice matériel,

Au soutien de sa demande de 53 397,85 euros, M. [N] produit un tableau récapitulatif (pièce n°18) des ouvrages non réalisés et des travaux mal exécutés par M. [Y].

Les éléments figurant dans ce tableau sont conformes aux constatations de l’expert judiciaire qui, bien que n’ayant pas chiffré les travaux de réparation, a confirmé l’existence de graves malfaçons et les absences d’ouvrages imputables à l’entreprise au regard de son devis accepté du 1er septembre 2017.

M. [Y] a refusé tout échange avec M. [N] en ne répondant pas à ses mises en demeure et en ne constituant avocat ni en première instance ni en appel, y compris en refusant de participer à l’expertise judiciaire aux opérations de laquelle M. [G] l’a pourtant régulièrement convoqué.

Contrairement à l’appréciation des premiers juges, la cour retient donc que l’évaluation des travaux de réparation à réaliser, produite par l’appelant et confortée par les autres éléments du dossier, est suffisamment probante pour faire droit à sa demande.

Le jugement déféré est donc infirmé en sa disposition ayant rejeté la demande de dommages-intérêts de 53 397,85 euros de M. [N] contre M. [Y] en réparation de son préjudice matériel.

Sur le préjudice de jouissance,

Les pièces communiquées par M. [N] établissent que l’immeuble litigieux était destiné à la location dans le cadre d’une convention avec l’ANAH prévoyant un loyer de niveau social ou très social.

Il résulte du projet de conventionnement avec l’ANAH que le loyer de l’immeuble de M. [N] était fixé à 7,49 euros/m² pour 117,94 m², soit un loyer mensuel de 883,37 euros.

Le préjudice de jouissance dont M. [N] sollicite réparation s’analyse en une perte de chance de percevoir ces revenus locatifs.

Le devis contractuel du 1er septembre 2017 ne précise aucun délai d’exécution des travaux mais le courrier de l’ANAH daté du 21 décembre 2017 imposait un délai maximal d’un an. M. [Y] était informé de ce délai pour avoir lui-même signé une attestation d’exclusivité le 24 janvier 2018. Il s’en déduit donc que ces travaux devaient être achevés au plus tard le 20 décembre 2018.

L’assiette de calcul de ce préjudice de perte de chance doit donc être calculée sur la période écoulée du 20 décembre 2018 à la date du présent arrêt, soit une durée de 69 mois.

S’agissant de locaux destinés à la location de niveau social ou très social, dans un village où il n’est pas démontré que le marché locatif soit particulièrement tendu, la probabilité de percevoir la totalité des loyers attendus l’immeuble sur la période considérée est évaluée à 40 %.

Le préjudice de perte de chance subi par M. [N] est donc égal à :

40 % x 69 mois x 883,37 euros = 24 381 euros.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce sens.

Sur le préjudice financier,

M. [N] ne démontre pas avoir payé le coût des mesures conservatoires ayant fait l’objet des devis du 1er et du 13 février 2019 établis par la société Sudtech à hauteur de 1 881 euros et 684 euros.

Ces demandes doivent donc être rejetées, ce en quoi le jugement déféré sera infirmé.

M. [N] verse aux débats un courrier de l’ANAH daté du 21 décembre 2017 l’informant qu’une subvention de 18 013 euros était réservée pour son projet de rénovation sous réserve de l’exécution des travaux dans le délai d’un an et d’un calcul définitif à réaliser au vu des documents justificatifs à adresser avant le 20 décembre 2020 au comptable de la communauté urbaine [Localité 9] Méditerranée Métropole.

Le versement de cette subvention ANAH imposait le respect de critères techniques et administratifs dont il n’est pas établi en l’espèce qu’ils auraient été réunis. Le courrier de l’ANAH du 21 décembre 2017 a donné un accord de principe mais n’a pas créé de droit acquis pour M. [N] à percevoir cette subvention.

Le jugement déféré est donc infirmé en sa disposition ayant fait droit à cette demande de paiement de la somme de 18 013 euros.

La cour constate que M. [Y] a facturé à M. [N] les sommes suivantes :

‘ facture n°43 du 19 octobre 2017 : 20 000 euros ;

‘ facture n°44 du 3 novembre 2017 : 11 769,54 euros ;

‘ facture n°52 du 12 décembre 2017 : 3 807,10 euros ;

‘ facture n°53 du 12 décembre 2017 : 27 654,31 euros ;

‘ facture n°56 du 18 janvier 2018 : 15 000 euros ;

soit un montant total de travaux facturés égal à 78 230,95 euros.

M. [N] justifie avoir payé cette somme de 78 230,95 euros qui n’est pas supérieure au montant de 79 423,85 TTC mentionné sur le devis accepté du 1er septembre 2017.

Mais M. [N] ne démontre pas que la somme complémentaire de 6 000 euros débitée sur son compte le 6 mars 2018 aurait été versée à M. [Y] en paiement des travaux ayant fait l’objet du devis précité.

En conséquence, M. [N] doit être débouté de sa demande de remboursement de la somme de 4 807,10 euros, ce en quoi le jugement déféré est donc infirmé.

Sur les demandes accessoires,

Le jugement déféré est confirmé en ses dispositions ayant statué sur les dépens et sur la demande d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

M. [Y] succombe intégralement en appel et doit donc en supporter les entiers dépens.

L’équité commande en outre de condamner M. [Y] à payer à M. [N] une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Par ailleurs, il est fait application de l’article R. 631-4 du code de la consommation qui dispose que lors du prononcé d’une condamnation, le juge peut, même d’office, pour des raisons tirées de l’équité ou de la situation économique du professionnel condamné, mettre à sa charge l’intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d’encaissement prévus à l’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution, et notamment les droits proportionnels de recouvrement et d’encaissement mis à la charge du créancier par l’article A. 444-32 du code de commerce et le tableau 3-1 annexé à l’article R. 444-3 auquel renvoie l’article A. 444-55 du même code.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré en ses seules dispositions ayant condamné M. [I] [Y] aux dépens et à payer à M. [E] [N] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

L’infirme sur le surplus des dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant,

Condamne M. [I] [Y] à payer à M. [E] [N] les sommes suivantes :

‘ 53 397,85 euros en réparation de son préjudice matériel ;

‘ 24 381 euros en réparation de son préjudice de jouissance ;

‘ 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

‘ les entiers dépens d’appel ;

Déboute M. [E] [N] de ses plus amples demandes ;

Dit que la SARL Salvignol et Associés est autorisée à recouvrer directement les dépens dont elle a fait l’avance en première instance et en appel conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Dit qu’en cas de recouvrement forcé par M. [E] [N] et conformément à l’article R. 631-4 du code de la consommation, l’intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d’encaissement mis à la charge du créancier par l’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution sera supportée par M. [I] [Y].

le greffier le président


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