Évaluation des préjudices liés à des désordres de construction et leurs conséquences économiques sur l’exploitation d’un établissement.

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Évaluation des préjudices liés à des désordres de construction et leurs conséquences économiques sur l’exploitation d’un établissement.

Le CHATEAU DE VILLIERS LE MAHIEU, exploité par la S.A.S. CHATEAU DE VILLIERS LE MAHIEU, a entrepris en 2006 des travaux d’extension pour construire un bâtiment de 1 200 m² avec quinze chambres et un SPA. Ces travaux, réalisés par la société BETIF et le lot CVC par la S.A.S. MCI, ont été réceptionnés en août 2007. Cependant, des désordres tels que des remontées d’humidité, des infiltrations et un mauvais dimensionnement du déshumidificateur ont été constatés. Les sinistres ont été évalués à plusieurs montants, entraînant des travaux de reprise en 2014.

La S.A.S. CHATEAU DE VILLIERS LE MAHIEU a mis en demeure les assureurs SMABTP et MCI pour des préjudices immatériels et a assigné ces sociétés devant le Tribunal de Commerce, qui a ensuite transféré l’affaire au Tribunal judiciaire de Paris. Une expertise a été ordonnée pour évaluer le préjudice d’exploitation lié à la fermeture de l’hôtel et du SPA pendant les travaux.

Le tribunal a ordonné un complément d’expertise, et l’expert a déposé son rapport en décembre 2022. La S.A.S. CHATEAU DE VILLIERS LE MAHIEU a demandé des indemnités pour perte d’exploitation et préjudice d’image, tandis que MCI et SMABTP ont contesté ces demandes, arguant que les rapports d’expertise étaient insuffisants et que les préjudices n’étaient pas justifiés.

Le jugement du 6 septembre 2024 a condamné MCI et SMABTP à verser des indemnités pour le préjudice d’exploitation, tout en déboutant la demande de préjudice d’image et en condamnant les défendeurs aux dépens.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

6 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG
17/03586
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

6ème chambre 2ème section

N° RG 17/03586 – N° Portalis 352J-W-B7B-CKAE3

N° MINUTE :

Contradictoire

Assignation du :
01 Février 2017

JUGEMENT
rendu le 06 Septembre 2024
DEMANDERESSE

Société CHATEAU DE VILLIERS LE MAHIEU
[Adresse 9]
[Localité 7]

représentée par Maître Hervé LEHMAN de la SCP AVENS, avocats au barreau De PARIS, vestiaire #P0286

DÉFENDERESSES

Société SMABTP
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentée par Maître Bruno PHILIPPON de la SCP BOUSSAGEON GUITARD PHILIPPON, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0055

S.A.S. Société MCI venants aux droits de la société JOHNSON CONTROLS SERVICE ET SOLUTIONS FRANCE
[Adresse 3]
[Localité 8]

représentée par Maître Christophe GAGNANT de la SELARL MIELLET & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #L0281

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Nadja GRENARD, Vice-présidente
Madame Marion BORDEAU, Juge
Madame Stéphanie VIAUD, Juge

assistée de Audrey BABA, Greffier

DEBATS

A l’audience du 16 mai 2024 tenue en audience publique devant Madame Marion BORDEAU juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

– Contradictoire
– En premier ressort
– Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– Signé par Madame Nadja Grenard , Présidente de formation et par Madame Audrey BABA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le CHATEAU DE VILLIERS LE MAHIEU accueille séminaires, réceptions, mariages et hôtes de passage.

La S.A.S. CHATEAU DE VILLIERS LE MAHIEU exploite un hôtel du même nom.

En 2006, elle a fait procéder à des travaux d’extension ayant pour objet la construction d’un bâtiment d’une surface de 1 200m² comprenant quinze chambres et un SPA de 700m².

Elle a souscrit une police d’assurance dommages-ouvrage auprès de la SA AXA FRANCE IARD.

La maîtrise d’œuvre a été confiée à la société BETIF, assurée par la société SMABTP.

Le lot CVC (climatisation, ventilation, chauffage) a été confié à la S.A.S. MCI (anciennement JOHNSON CONTROLS SERVICE ET SOLUTIONS FRANCE).

Les travaux ont commencé en avril 2006 et ont été réceptionnés le 1er août 2007.

Des désordres ont été constatés après la livraison des travaux, à savoir :

– des remontées d’humidité sur les parois de la piscine et des vestiaires,

– des infiltrations dans le local technique de la piscine,

– un mauvais dimensionnement du déshumidificateur du SPA.

Les sinistres identifiés ont fait l’objet d’une instruction dommages-ouvrages :

– concernant les remontées d’humidité : le coût total du dommage a été arrêté à la somme de 247.680 €,

– concernant le défaut de calorifugeage : le coût total du dommage a été arrêté à la somme de 62.159,11 €,

– concernant le défaut de déshumidificateur du SPA : le coût total du dommage a été arrêté à la somme de 126.825 €.

Les reprises des divers désordres ont nécessité deux tranches de travaux :

– du 16 février au 25 avril 2014 pour réparer les désordres liés aux remontées d’humidité (dommage n° 1) et au défaut de calorifugeage des réseaux d’eau glacée (dommage n° 2) ainsi que pour préparer l’installation du nouveau déshumidificateur du SPA,

– du 12 mai au 17 mai 2014 pour l’installation et la mise en œuvre d’un nouveau déshumidificateur du SPA.

Une seconde expertise, non contradictoire, a été organisée le 30 septembre 2015 pour chiffrer les préjudices immatériels.

Par lettre recommandée AR en date du 11 mars 2016, le conseil de la SAS CHATEAU DE VILLIERS LE MAHIEU a mis en demeure la société SMABTP ès qualités d’assureur de la société BETIF de lui payer la somme de 43.217 €, en réparation du préjudice immatériel.

Par lettre recommandée AR en date du 11 mars 2016, le conseil de la SAS CHATEAU DE VILLIERS LE MAHIEU a mis en demeure la société SMABTP ès qualités d’assureur de la société MCI de lui payer la somme de 53.774 €, en réparation du préjudice immatériel.

Par acte introductif d’instance en date des 02 et 03 août 2016, la SAS CHATEAU DE VILLIERS LE MAHIEU a assigné la SMABTP et la société MCI devant le Tribunal de Commerce de NANTERRE aux fins de les voir condamner à réparer son préjudice d’exploitation et son préjudice d’image.

Par jugement du 1er février 2017, le Tribunal de Commerce de NANTERRE s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de Grande Instance de PARIS.

Par jugement du 29 mars 2019, le Tribunal judiciaire de Paris a désigné Monsieur [G] [C] en qualité d’expert judiciaire chargé de donner son avis sur l’existence d’un préjudice d’exploitation subi par la S.A.S. CHATEAU DE VILLIERS LE MAHIEU lié à la fermeture de l’hôtel et du SPA pendant les travaux de reprise des désordres.

Le tribunal judiciaire de Paris a également ordonné le sursis à statuer sur toutes les demandes des parties dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise.

L’expert a déposé son rapport le 23 décembre 2019.

Par jugement, avant dire droit rendu le 13 mai 2023, le tribunal judiciaire de Paris :

« ORDONNE un complément d’expertise dans les conditions prévues par l’article 177 du code de procédure civile ;

DÉSIGNE en qualité d’expert :

Monsieur [G] [C]
[Adresse 4]
[Localité 6]
Tél. : [XXXXXXXX01]

avec mission de :

– fixer aux parties un délai pour présenter leurs dires et observations;

– rappeler aux parties, au visa de l’article 276 alinéa 2 du Code de procédure civile, qu’il n’est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au delà de ce délai ;

– compléter son rapport d’expertise du 23 décembre 2019 en prenant en compte les dires et observations des parties présentées dans le délai prévu dans les conditions prévues par l’article 276 alinéa 2 du Code de procédure civile ;

– rapporter toutes autres constatations utiles à l’examen des prétentions des parties ;

– au terme du délai prévu par l’article 276 alinéa 2 du Code de procédure civile adresser aux parties un nouveau rapport en répondant aux dires des parties ;

FIXE à la somme de 1.500 € la provision concernant les frais de complément d’expertise qui devra être consignée par la S.A.S. CHATEAU DE VILLIERS LE MAHIEU à la RÉGIE DU TRIBUNAL – atrium sud, 1er étage, à droite en sortant de l’ascenseur ou de l’escalier le 1er juillet 2022 au plus tard ;

DIT que faute de consignation de la provision dans ce délai impératif, ou de demande de prorogation sollicitée en temps utile, la désignation de l’expert sera caduque ;

DIT que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248 et 263 à 284-1 du Code de procédure civile et qu’il déposera l’original de son rapport au greffe du Tribunal judiciaire de Paris avant le 30 novembre 2022 sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile de manière motivée auprès du juge du contrôle ;

DIT que l’exécution de la mesure d’instruction sera suivie par le juge de la mise en état ;

DIT que le dossier sera évoqué à l’audience de mise en état du 07 juillet 2022 9H30 (vérification du versement de la provision à valoir sur la rémunération de l’expert) ;

ORDONNE l’exécution provisoire du jugement ;

SURSOIT À STATUER sur toutes les demandes des parties jusqu’au dépôt du rapport d’expertise;

RÉSERVE les dépens. »

L’expert a déposé son rapport complémentaire le 20 décembre 2022.

POSITION DES PARTIES

Suivant conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 1er juin 2023, la S.A.S. CHATEAU DE VILLIERS LE MAHIEU sollicite du tribunal de :

– CONDAMNER la SMABTP à payer à la SAS CHATEAU DE VILLIERS LE MAHIEU la somme de 42.849 € pour la perte d’exploitation du Château de Villiers le Mahieu, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 11 mars 2016,

– CONDAMNER la MCI SAS à payer à la SAS CHATEAU DE VILLIERS LE MAHIEU la somme de 53.844 € pour la perte d’exploitation du Château de Villiers le Mahieu, avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 11 mars 2016,

– CONDAMNER la SMABTP et la MCI SAS à payer chacune à la SAS CHATEAU DE VILLIERS LE MAHIEU la somme de 4.000 € au titre du préjudice d’image,

– CONDAMNER la SMABTP et la MCI SAS à payer chacune à la SAS CHATEAU DE VILLIERS LE MAHIEU la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– CONDAMNER les sociétés SMABTP et la MCI SAS aux entiers dépens,

– ORDONNER l’exécution provisoire.

Au soutien de ses prétentions, la S.A.S. CHATEAU DE VILLIERS LE MAHIEU fait notamment valoir que :

– elle sollicite de voir entériner les conclusions de l’expert concernant les demandes indemnitaires contenues dans son rapport d’expertise du 23 décembre 2019 et confirmées dans un rapport complémentaire du 20 décembre 2022 ;

– elle rappelle que le jugement du 29 mars 2019 a retenu que la société MCI et la société BETIF, assurée par la SMABTP, ont engagé leur responsabilité sur le fondement de la garantie décennale au titre des désordres ;

– le rapport d’expertise privé présenté par la société MCI dans son dire ne présente ni la fiabilité technique ni l’impartialité de l’expertise judiciaire ;

– les travaux ayant entraîné la fermeture du SPA et de l’hôtel ont eu des conséquences néfastes sur l’image du Château de Villiers le Mahieu donnant une image négative aux clients ce qui a obligé le château de Villiers le Mahieu à fournir des efforts supplémentaires pour rassurer ses clients, notamment en leur offrant des soins et des réductions.

Suivant conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 14 avril 2023, la S.A.S. MCI sollicite du tribunal de :

A TITRE PRINCIPAL,

– DEBOUTER la société SAS CHATEAU DE VILLIERS LE MAHIEU de la totalité des demandes
formulées à l’encontre de la société MCI SAS

SUBSIDIAIREMENT,

– DIRE que le préjudice hypothétique au titre d’une perte d’exploitation globale pourrait être évalué à la somme de 100 986 € TTC ;

– CONSTATER que cette somme est inférieure à celle d’ores et déjà réglée ;

– DEBOUTER la société demanderesse de l’intégralité de ses demandes ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

– LA CONDAMNER au paiement de la somme de 15 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’en tous les dépens, y compris des frais d’expertise.

Au soutien de ses prétentions, la S.A.S. MCI fait notamment valoir que :

– le rapport d’expertise est inexploitable faute d’explications suffisantes et à défaut d’éléments précis et concordants permettant d’établir avec certitude la confirmation des montants de chiffre d’affaires mensuels par secteur ;

– l’ensemble des pièces complémentaires que l’expert avait sollicité n’ont pas été communiqué ;

– dans son dire n° 3 en date du 29 novembre 2019 et dans son dire n°1 du 29 novembre 2022 la société MCI SAS a communiqué une analyse financière du cabinet SEDEC non reprise par l’expert judiciaire ;

– aucun préjudice d’image ne peut se justifier.

Suivant conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 13 juin 2023, la SMABTP sollicite du tribunal de :

DECLARER irrecevable et mal fondé le demandeur en toutes ses prétentions

Plus subsidiairement, LIMITER le solde indemnitaire au titre de la perte d’exploitation pour le dommage n° 1 à 41.648 euros.

REJETER toute demande complémentaire.

DEBOUTER la société CHATEAU DE VILLIERS LE MAHIEU de sa demande au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’au titre des dépens, les frais d’expertise devront être à sa charge.

CONDAMNER la société CHATEAU DE VILLIERS LE MAHIEU à verser à la SMABTP une somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Au soutien de ses prétentions, la SMABTP fait notamment valoir que :

– l’expert s’est contenté d’entériner la demande en reprenant à son compte l’avis de l’expert désigné par l’assureur du demandeur ;

– il appartient au demandeur de justifier comment et pourquoi, au titre du dommage n° 1 le maître d’œuvre serait tenu pour responsable à hauteur de 26%;

– le demandeur a déjà perçu amiablement la somme de 109.841 euros de la société VALLEE ainsi que la somme de 13.314 euros du Bureau VERITAS ;

– le préjudice d’image n’est justifié ni dans son principe, ni dans sa réalité.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 octobre 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 16 mai 2024.

MOTIFS

I.Sur les demandes principales

A) Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice d’exploitation

A titre liminaire, il convient de rappeler qu’à la suite des travaux de construction d’un SPA en 2006, des désordres sont apparus après la réception consistant en des remontées d’humidité sur des parois, des infiltrations dans le local technique et un mauvais dimensionnement du déshumidificateur du Spa.

Il n’est pas contesté que les travaux de remise en état ont été pris en charge par l’assureur dommages-ouvrage.

Au cas présent, dans le cadre de la réalisation des travaux de remise en état, la S.A.S. Château DE VILIERS LE MAHIEU, en qualité de maître de l’ouvrage, dit avoir subi une perte d’exploitation correspondant à la fermeture du SPA durant les travaux soit pendant la période du 16 février au 25 avril 2014 (première tranche de travaux) et du 12 mai au 17 mai 2014 (deuxième tranche de travaux).

Il convient de relever que la matérialité, la nature des travaux de reprise ainsi que leur durée ne font pas l’objet de contestation par les parties. Il n’est pas davantage contesté que la fermeture du SPA a été nécessaire durant la période litigieuse afin de réaliser les travaux de remise en état.

1.Sur l’évaluation du préjudice subi

L’article 9 du code de procédure civile dispose qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

L’article 1353 du code civil dispose : “celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le payement ou le fait qui a produit l’extinction de l’obligation”.

En application du principe de réparation intégrale du préjudice, le maître de l’ouvrage doit être replacé dans une situation aussi proche que possible de la situation qui aurait été la sienne si le fait dommageable ne s’était pas produit. Les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu’il résulte pour elle ni perte, ni profit.

Il est constant que le dommage, pour être indemnisé, doit être personnel, certain et direct.

La perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu’est constatée la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable. Dans ce cas, la réparation du dommage ne peut être totale, elle se mesure à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.

En l’espèce, la société demanderesse fait valoir une perte d’exploitation due à l’impossibilité d’ouvrir au public le spa sur la période du 16 février au 25 avril 2014 (première tranche de travaux) et du 12 mai au 17 mai 2014 (deuxième tranche de travaux).

En page 28 de son rapport, l’expert évalue la perte d’exploitation subie par la société Château de Villiers le Mahieu en raison des désordres objets de l’expertise à 218 648 euros décomposée comme suit (avant application du taux de marge) :

– 11.521 euros au titre de la perte de chiffre d’affaire pour l’activité «séminaires »

– 125 028 euros au titre de la perte de chiffre d’affaires du SPA

– 95.520 euros au titre de la perte de chiffre d’affaire des activités dites «individuels »

– 55.496 euros au titre de la perte de chiffre d’affaires pour l’activité « Lounge bar ».

sur l’activité séminaire

La société demanderesse verse aux débats des courriers d’annulation de séminaires justifiés par la fermeture du SPA :

– un courrier du 12 février 2014 de la société Hôtels & Préférence annulant le séminaire Banks Sadler/ Roche devant se dérouler du 11 au 12 avril 2014 d’un montant de 6.464 € T.T.C au motif suivant «malheureusement en raison de la fermeture de votre spa, ce groupe n’a pas retenu votre offre. Le décisionnaire a privilégié un lieu disposant d’un spa » ;

– un courrier du 21 février 2014 de la société Hôtels & Préférence annulant le séminaire de la société 3M devant se dérouler du 31 mars au 1er avril 2014 d’un montant de 3.546 € T.T.C en raison «de la fermeture du spa », précisant que «le groupe avait en effet présélectionné l’hôtel en raison de la présence d’un spa ».

– un courrier du 15 octobre 2013 de l’agence CHAIKANA indiquant «nous avons le regret de vous informer que nous n’allons pas pouvoir donner suite au séminaire du 17 au 21 mars 2024 en raison de la fermeture du spa du château » , toutefois l’expert relève qu’en dépit de sa demande de pièces complémentaires, le montant facturé pour ce séminaire n’est pas indiqué sur le courrier d’annulation et n’est pas justifié par la production d’un devis par la société Château de Villiers le Mahieu.

Les autres pièces produites ne permettent pas de caractériser un préjudice d’exploitation lié à l’activité « séminaire » en lien avec la fermeture du spa, l’expert relevant notamment que le chiffre d’affaires « en dent de scie observé en avril 2014 » concernant l’activité séminaire s’observe également lorsque le spa est ouvert de sorte qu’il ne peut être établi que la baisse de chiffre d’affairesen avril 2014 de l’activité séminaire soit totalement liée à la fermeture du Spa.

L’expert relève en outre que si le SPA avait été ouvert, il aurait été proposé un forfait SPA pour 20 euros, sans que cette information ne soit corroborée par aucune pièce, s’agissant seulement d’une allégation de la demanderesse.

Enfin, si la demanderesse justifie avoir offert des «bons cadeaux » à quelques clients de séminaires pour que ces derniers puissent venir profiter du SPA une fois celui-ci réouvert, elle admet que ces bons n’ont jamais été utilisés de sorte que leur délivrance ne saurait justifier un préjudice d’exploitation.

Par conséquent, le préjudice d’exploitation au titre de l’activité «séminaire » sera fixé à la somme de 10.010 euros T.T.C, soit 9.100 euros H.T.

sur l’activité du SPA

L’expert constate après examen de l’ensemble des pièces comptables produites que le chiffre d’affaires était en progression avant le début des travaux. Il observe que (en page 18 de son rapport) sur la période de trois mois de février à mars, le chiffre d’affaires était en forte hausse de 2011 à 2013, plus particulièrement dans une dynamique haussière sensible entre 2012 et 2013, pour chuter fortement en 2014 et reprendre une progression en 2015 et en 2016.

En tenant compte de l’écart entre le chiffre d’affaires réel et le chiffre d’affaires attendu, l’expert fixe à 125.028 euros H.T. le préjudice d’exploitation pour les deux phases de travaux.

Il convient de retenir ce montant qui a été évalué par l’expert spécialisé en matière financière, après discussion avec l’ensemble des parties et prise en considération des nombreux dires des défendeurs.

sur le poste relatif aux «individuels »

Il est précisé que ce poste concerne les particuliers se rendant au domaine (hors séminaire, banquet, mariage, etc…). Près de 92% de l’activité du Spa est générée par l’activité « individuels » selon la S.A.S. Château de Villiers le Mahieu.

L’expert constate que s’agissant des trois mois affectés par les travaux et la fermeture du Spa, le chiffre d’affaires qui était globalement en hausse linéaire de 2011 à 2013 inclus, a marqué une chute sensible en 2014, pour de nouveau progresser sensiblement en 2015-2016.

En page 14 de son rapport, l’expert relève que «sur une aussi courte période de 3 mois, il apparaît difficile de considérer que la baisse du chiffre d’affaires ne soit pas liée aux désordres, l’effet de facteurs exogènes se mesurant sur des périodes plus longues d’analyse. »

L’expert propose après analyse des documents comptables de retenir une perte de chiffre d’affaires de 97 520 euros H.T. En l’absence d’éléments sérieux de nature à contredire les conclusions du rapport d’expertise judiciaire, il convient dès lors d’entériner son avis à ce titre.

sur l’activité « lounge bar »

Il est de principe que le juge n’est lié ni par les constatations d’un expert judiciaire ni par ses conclusions. Or, au regard des pièces versées aux débats et nonobstant l’avis de l’expert lequel ne repose sur aucune pièce, au plan de la distinction des différentes activités exercées au sein de l’établissement, aucun lien ne peut être opéré entre le chiffre d’affaires de l’activité Spa et celui de l’activité « Lounge Bar », étant précisé qu’il n’est pas contesté que le Bar ne se trouve pas dans les mêmes locaux que le SPA. Les demandes formées à ce titre seront rejetées.

*

Au regard de l’ensemble de ces éléments, la perte de chiffre d’affaires sera évaluée à la somme de 231.648 euros H.T, étant relevé qu’en page 24 de son rapport l’expert précise qu’il convient d’appliquer, au regard des différentes pièces comptables produites, un taux de 75,26% afin d’évaluer la perte de marge brute, correspondant au préjudice d’exploitation, lequel sera donc fixé à la somme de 174.338,28 euros H.T.

Il n’est pas contesté et il ressort des pièces versées aux débats (notamment de la pièce n°12 du demandeur intitulée «justificatif de solde général ») que la S.A.S. Château de Villiers le Mahieu a perçu la somme de 109.841 euros par la société Vallée, intervenant au titre du lot « carrelage » dans les travaux litigieux, ainsi que la somme de 13.314 euros par la société BUREAU VERITAS, intervenue en qualité de bureau de contrôle, au titre de son préjudice lié à la perte d’exploitation.

Par conséquent, la demanderesse ayant été pour partie indemnisée de son préjudice, le préjudice d’exploitation restant à indemniser sera fixé à la somme de 51.183,30 euros H.T.

2.Sur les responsabilités encourues

Il convient de rappeler que suivant un jugement rendu le 29 mars 2019, le tribunal judiciaire de Paris a jugé que «la SAS CHATEAU DE VILLIERS LE MAHIEU peut se prévaloir des dispositions des articles 1792 et suivants du Code civil (…) concernant les remontées d’humidité, le défaut de calorifugeage des réseaux d’eaux glacée et le défaut de déshumidification du SPA). Les responsabilités ont été déterminées. Au vu de ces éléments, il y a lieu de retenir que la société MCI (anciennement JOHNSON CONTROLS SERVICE ET SOLUTIONS FRANCE) et la société BETIF, assurée par la SMABTP ont engagé leur responsabilité sur le fondement de la garantie décennale. »

Il sera rappelé que la société BETIF, assurée auprès de la SMABTP est intervenue en qualité de maître d’œuvre de l’opération et que la société MCI S.A.S. (anciennement JONHSON CONTROLS) avait en charge le lot CVC.

Il convient de relever que la société demanderesse a fait le choix de diviser ses recours et ne sollicite pas de condamnation in solidum des responsables.

L’expert judiciaire ne s’est pas prononcé sur le partage de responsabilité dès lors qu’il ressort de la page 29 du rapport d’expertise qu’il indique que «les pièces versées aux débats ne permettent pas de procéder à une répartition du quantum de la perte d’exploitation en fonction des parties concernées ».

Pour diviser ses recours, la demanderesse soutient que la part de responsabilité de la société BETIF, assurée par la SMABTP a été évaluée à 26% s’agissant du dommage n°1 (relatif aux remontées d’humidité) par le cabinet B2M aux termes d’une expertise contradictoire et que la part de responsabilité de la société MCI a été évaluée à 100% s’agissant du dommage n°2 (relatif au défaut de calorifugeage des réseaux d’eau glacée ).

Le cabinet B2M a procédé à une ventilation du préjudice par rapport aux masses financières de travaux (page 4 de son rapport) dont il ressort qu’environ 20% du préjudice global (toutes tranches de travaux comprises) peut être attribué à la société MCI pour 20% et 20% à la société BETIF (et 60% aux sociétés Vallée et Bureau Véritas), soit une part de responsabilité équivalente pour les deux sociétés.

Ainsi, au regard des pièces versées aux débats il convient de condamner la S.A.S. MCI et la SMABTP en qualité d’assureur de la société BETIF, à verser chacune la somme de 25.591,65 euros H.T. au titre du préjudice d’exploitation subi par la S.A.S. Château de Villiers le Mahieu.

Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du jour du jugement (date de la fixation par la voie judiciaire de la créance indemnitaire).

B) Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice d’image

La société Château de Villiers le Mahieu sollicite la condamnation de la SMABTP en qualité d’assureur de la société BETIF et de la MCI SAS au versement de la somme de 4.000 € chacune au titre du préjudice d’image.

En l’espèce, la société demanderesse soutient que les travaux, ayant occasionné la fermeture du SPA, ont eu des conséquences néfastes sur l’image du Château de Villiers le Mahieu.

À l’appui de sa demande, la S.A.S. Château de Villiers le Mahieu se contente de produire les courriers d’annulation de séminaires déjà versés au titre de l’indemnisation de son préjudice d’exploitation. En outre, aucun courrier de mécontentement, ou avis négatifs laissés sur le site internet ne sont produits au soutien de ses prétentions.

Ainsi, la demande n’étant étayée par aucune pièce, la S.A.S. Château de Villiers le Mahieu sera déboutée de ce chef.

II.Sur les demandes accessoires

En application de l’article 696 du code de procédure civile, la S.A.S. MCI et la SMABTP en qualité d’assureur de la société BETIF, succombant, seront condamnées in solidum aux dépens, ainsi qu’à verser à la S.A.S. Château de Villiers le Mahieu la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ancienneté du litige commande le prononcé de l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Statuant par jugement contradictoire rendu par voie de mise à disposition au greffe et en premier ressort :

CONDAMNE la S.A.S. MCI et la SMABTP en qualité d’assureur de la société BETIF à verser chacune à la S.A.S. CHÂTEAU DE VILLIERS LE MAHIEU la somme de 25.591,65 euros au titre du préjudice d’exploitation subi par les travaux de reprise du SPA pendant la période du 16 février au 25 avril 2014 et du 12 mai au 17 mai 2014 ;

DIT que cette somme portera intérêt au taux légal à compter du jour du jugement ;

DÉBOUTE la S.A.S. CHÂTEAU DE VILLIERS LE MAHIEU de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice d’image ;

CONDAMNE in solidum la S.A.S. MCI et la SMABTP en qualité d’assureur de la société BETIF à verser à la S.A.S. CHÂTEAU DE VILLIERS LE MAHIEU une somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum la S.A.S. MCI et la SMABTP en qualité d’assureur de la société BETIF aux entiers dépens ;

DIT que les dépens seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

ORDONNE l’exécution provisoire du jugement ;

Fait et jugé à Paris le 06 Septembre 2024

Le Greffier Le Président


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